Écriture (philosophie)
L'écriture est un objet de réflexion philosophique depuis les premiers temps de la philosophie grecque, aux côtés du langage.
Concept
Platon et l'écriture qui décharge la pensée
Platon, quoiqu'auteur, met dans la bouche de son maître Socrate une critique incisive de l'écriture. Dans le Phèdre, Socrate critique l'écriture, qui ne favorise pas la mémoire mais au contraire la décharge, et fige la pensée dans des formules. L'apprentissage par l'écriture serait vain en ce qu'il ne fournirait qu'une apparence de savoir, et dispenserait l'apprenant de compréhension propre. L'écriture ne devrait ainsi jamais être qu'un aide-mémoire pour s'aider à retrouver un mouvement de pensée à oraliser[1].
Ainsi, en 275d-e, il écrit qu'un texte est limité par sa nature même (« si on les interroge, parce qu'on souhaite comprendre ce qu'ils disent, c'est une seule chose qu'ils se contentent de signifier, toujours la même »). Il ne peut être adapté aux lecteurs, car « quand, une fois pour toutes, il a été écrit, chaque discours va rouler de droite et de gauche et passe indifféremment auprès de ceux qui s'y connaissent, comme auprès de ceux dont ce n'est point l'affaire ». Enfin, il ne peut se défendre face aux critiques, car il est inerte : « que par ailleurs s'élèvent à son sujet des voix discordantes et qu'il soit injustement injurié, il a toujours besoin du secours de son père ; car il n'est capable ni de se défendre ni de se tirer d'affaire tout seul »[2].
Hobbes et l'écriture assurant la permanence de la pensée
Thomas Hobbes commence le Léviathan par une réflexion sur l'écriture et le langage. Il tient l'écriture en haute estime, car il considère qu'elle permet de diffuser des pensées. L'écriture est « une invention très utile à la perpétuation du souvenir du temps passé et au rapprochement des hommes dispersés en des régions si nombreuses et si éloignées ». Ainsi, « l’invention de l’imprimerie, quoique ingénieuse, n’est pas grand-chose en comparaison de celle de l’écriture »[3].
Rousseau et l'écriture comme supplément à la parole
Jean-Jacques Rousseau, dans le fragment « Prononciation », se montre également critique envers l'écriture. Il soutient que « les langues sont faites pour être parlées, l’écriture ne sert que de supplément à la parole ». L'écriture serait deuxième après la parole, car « la parole représente la pensée par des signes conventionnels », et l'écriture elle-même représente la parole par d'autres signes : il ne s'agit donc que d'une « représentation médiate de la pensée »[4].
Notes et références
- Jacques Derrida, De la grammatologie, Minuit, (ISBN 978-2-7073-3136-6, lire en ligne)
- Encyclopædia Universalis, « PHÈDRE, Platon », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
- Thomas Hobbes, Léviathan: traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile, Dalloz, (ISBN 978-2-247-03762-9, lire en ligne)
- Giovanni Dotoli, La voix de Montaigne: langue, corps et parole dans les Essais, Fernand Lanore, (ISBN 978-2-85157-313-1, lire en ligne)
- Portail de la philosophie
- Portail de la linguistique