Écriture libyque

L'écriture libyque désigne un ensemble d'alphabets ayant existé durant l'Antiquité dans la Libye antique (Libye, Tunisie, Algérie et Maroc actuels), ce qui lui vaut son nom. Cette écriture n'étant pas unifiée, on parle plutôt d'« alphabets libyques ».

Libyque

Une inscription libyque de type occidental
Caractéristiques
Type Abjad
Langue(s) Libyque
Historique
Époque Du IIe millénaire av. J.-C. [1] au Ve siècle

Il existe plus de mille inscriptions en libyque[2]. Presque la totalité de ces inscriptions sont funéraires ; elles sont brèves et comportent principalement des anthroponymes[3].

Il est largement admis que les alphabets libyques ont servi à noter une forme ancienne de berbère, dite langue libyque, quoique des spécialistes remettent en question ce lien[4].

Variantes et caractéristiques

On distingue trois formes très similaires de l'écriture libyque :

  • Le libyque occidental, qui a plutôt été utilisé le long de la côte méditerranéenne du centre du Maghreb jusqu'au Maroc actuel ; elle comporte 13 lettres supplémentaires et serait, selon Février (1964-65), la forme la plus primitive mais aussi la plus ancienne [1]. Les inscriptions les plus anciennes connues à ce jour, les plus connues sont celles d’Azib n’Ikkis [1],[5], situées au Maroc dans la province d’Al Haouz.
  • Le libyque oriental, également qualifié d'« écriture numidique »[6], a plutôt été utilisé en Kabylie (Algérie), dans les Aurès (Algérie), en Tunisie et en Libye ; Seule cette forme a été déchiffrée grâce notamment à l'existence d'importantes inscriptions bilingues punico-libyque. Ce déchiffrement a permis de déterminer la valeur de 22 signes sur 24. Seuls les textes en libyque dit « oriental » ont pu être précisément datés comme RIL 2 daté en 138 avant J.C.[6].
  • Le libyque saharien, utilisé par les populations berbères du Sahara, dont descend le tifinagh. Il est la variante la mieux déchiffrée du libyque, grâce notamment aux travaux de Charles de Foucauld.
  • Le libyque guanche, aux îles Canaries.

D'autres caractéristiques :

  • La gémination n'était pas notée ;
  • Les inscriptions sont souvent des dédicaces ou épitaphes. La plupart sont brèves ;
  • Le sens de l'écriture n'est pas fixé, mais c'est plus souvent verticalement de bas en haut et de droite à gauche[7]. Chaque ligne constitue un mot phonétique ou un sens complet ;
  • Une minorité de lettres permettaient de déterminer le début de la ligne. Ces lettres sont appelées lettres directrices ou signes directeurs ;
  • Une hypothèse a été avancée que certaines lettres seraient secondaires par rapport à d'autres.

Déchiffrement

Texte bilingue de Dougga, à droite le libyque, à gauche le punique qui a fourni la clé pour déchiffrer le texte

Le déchiffrement de l'écriture libyque, au moins pour sa variante orientale, a été réalisé grâce à la partie punique d'une inscription bilingue libyco-punique découverte au site de Dougga en Tunisie. Cette inscription est d'ailleurs la seule à avoir une datation assez exacte (139 av. J.-C.)[8]. Elle faisait autrefois partie du Mausolée d'Ateban, avant d'être retirée au milieu du XIXe siècle et emmenée à Londres, où elle se trouve maintenant dans l'ancienne collection du British Museum sur le Moyen-Orient.

Origine

La position classique des experts est que le libyque serait un dérivé de l'alphabet phénicien ayant subit une forte influence sémitique[9],[10]. Selon Gabriel Camps, le libyque dérive du punique, mais les circonstances de son introduction et développement restent un sujet débattu[9], d'autant plus que la datation des inscriptions reste incertaine[11]. L'archéologue français Claude Sintès relève quant à lui des similitudes avec les écritures sudarabiques et l'alphabet turdetan[12].

Cependant, certaines inscriptions remonteraient au IIe millénaire av. J.-C., soit un millénaire avant l’établissement de la civilisation carthaginoise, ce qui suggère une origine autochtone de cet alphabet[13]. Néanmoins ces datations ne sont pas partagées par les experts qui datent le plus vieux vestige libyque à -500 avant J.C. comme Gabriel Camps[14] ou antérieur au 6ème/5ème siècles avant J.C.[12].

Diversité

Alphabet libyque oriental (tifinagh vertical) stèle funéraire de Sidi Ali Bahoul, région de Jedilane-Rouhia en Tunisie (musée de Sbeitla)

On distingue généralement deux grandes variantes : le libyque oriental et le libyque occidental. Une troisième variante dont la datation demeure incertaine, mais qui appartiendrait en partie à l'Antiquité, est dite alphabet saharien[15]. Celui-ci est l'ancêtre de l’alphabet tifinagh.

Alphabet de Dougga

Il s'agit de l'alphabet libyque le mieux connu, comportant 24 lettres. Contrairement à d'autres inscriptions libyques, les textes rédigés en alphabet dit de Dougga s'écrivent de droite à gauche (probablement sous l'influence du punique qui s'écrit lui aussi de droite à gauche)[16].

Références

  1. « Rock Art Studies - News of the World Volume 3 »
  2. Galand 1973, p. 361.
  3. Chaker 2008, § 27.
  4. Chaker 2008, § 24.
  5. https://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/344
  6. Salem Chaker, « Variétés des usages libyques : variations chronologiques, géographiques et sociales », Antiquités africaines, vol. 38, no 1, , p. 267–273 (DOI 10.3406/antaf.2002.1360, lire en ligne, consulté le )
  7. Ancient Scripts: Berber
  8. Casajus 2013, § 1.
  9. S. Chaker, « Libyque : écriture et langue », Encyclopédie berbère, nos 28-29, , p. 4395–4409 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.344, lire en ligne, consulté le )
  10. Jean Servier, Les Berbères: « Que sais-je ? » n° 718, Que sais-je, (ISBN 978-2-13-079523-0, lire en ligne)
  11. G. Camps, « Écriture libyque », Encyclopédie berbère, (lire en ligne)
  12. Claude Sintès et Ymouna Rebahi, Algérie antique, Musée de l'Arles et de la Provence antiques, (ISBN 978-2-9516385-4-9, lire en ligne)
  13. « Rock Art Studies - News of the World Volume 3 »
  14. Karl-G. Prasse, Etudes berbères et chamito-sémitiques: mélanges offerts à Karl-G. Prasse, Peeters Publishers, (ISBN 978-90-429-0826-0, lire en ligne)
  15. Chaker 2008, § 8.
  16. Galand Lionel, « L'alphabet libyque de Dougga », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, , vol 13-14, p.361-368 (lire en ligne )

Bibliographie

Annexes

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