Éducation aux médias
L’éducation aux médias vise à développer les connaissances et les compétences des individus pour leur permettre d’utiliser avec discernement les médias de manière critique et créative tant dans la vie quotidienne que professionnelle.
Par le terme «médias», on entend tous les moyens d’information, de communication, de divertissement, d’influence, de réseautage, d’enseignement et d’apprentissage, d’organisation du quotidien, etc., autrement dit, non seulement les médias de masse traditionnels (livres, journaux, cinéma, radio, télévision), mais aussi les médias numériques (Internet, réseaux sociaux, applications de communication, agents conversationnels, dispositifs de réalité virtuelle ou augmentée, jeux informatiques, etc.)[1].
L'éducation aux médias est une démarche formative qui vise à apprendre au citoyen à « être un spectateur actif, un explorateur autonome et un acteur de la communication médiatique »[2].
Cette démarche l'invite également à « utiliser l'image audiovisuelle comme une technologie de l'intelligence »[3].
Introduction et contexte
Selon la logique de Partington, l'éducation aux médias s'explique au travers d'une analogie avec l’apprentissage d’une langue. L'auteur explique que la pratique de la lecture ne se limite pas simplement à la capacité de comprendre le sens des mots écrits. Il s’agit aussi d'avoir d’une capacité à savoir juger la qualité d’un écrit ou le style et l'origine d'un auteur. Cette pratique possède aussi une fonction identitaire, qui permet de s'inscrire dans un contexte culturel et ainsi, de dépasser l’aspect purement communicatif d’un écrit. La compétence "savoir lire", signifie donc être capable de contextualiser et d'évaluer la valeur du texte et les émotions qu’il peut procurer. La pratique de l’écriture ne se limite pas à la capacité de transposer son discours à l’écrit. Il faut aussi être capable de produire du texte avec un certain style d’écriture ou une certaine sensibilité. Ceci demande donc de savoir combiner diverses productions culturelles et de produire soi-même un autre texte. Ainsi, à l’instar de l’alphabétisation, il faut être capable de comprendre un métalangage, c'est-à-dire tout ce qu’un texte ne dit pas[4]:
"It involves analysis, evaluation and critical reflection. It entails the acquisition of a “metalanguage”– that is, a means of describing the forms and structures of different modes of communication; and it involves a broader understanding of the social, economic and institutional contexts of communication, and how these affect people’s experiences and practices".[5] (Buckingham, D. 2003)
Une fois l'analogie faite, il est possible de faire le parallèle avec l'éducation aux médias pour apprendre ceux-ci. En effet, il faut être capable d‘en souscrire un sous-texte et un contexte pour sa bonne compréhension et utilisation. Un média n'est réellement compris que lorsque l'on comprend le texte et connait son auteur et son audience. Ainsi, pour éduquer à un média, il faut être en mesure de lire et écrire un média[4].
Concept et mise en œuvre
En Belgique
C'est en 1995, que le Gouvernement de la Communauté française de Belgique met en place un dispositif à destination du monde scolaire comprenant:
- un Conseil de l'éducation aux médias, devenu en 2010, le Conseil supérieur de l'éducation aux médias (CSEM[6]) qui rassemble des représentants du monde de l'éducation et des médias.
- Trois centres de ressources qui œuvrent chacun dans le réseau d'enseignement pour lequel ils ont été désignés et collaborent aux projets qui trouvent place dans la synergie établie en inter-réseaux, notamment en ce qui concerne l'organisation des formations des enseignants en cours de carrière.
Le CSEM a pour mission de donner des avis au gouvernement sur toute question relative à l’éducation aux médias, et en particulier sur :
- les priorités en matière d’éducation aux médias ;
- l’intégration de l’éducation aux médias dans les programmes d’enseignement. Son rôle est de stimuler, notamment par le biais des centres de ressources, des actions, des recherches, des expériences pédagogiques, susceptibles de promouvoir et d’évaluer l’éducation aux médias et de favoriser la coopération entre les centres de ressources, les centres de distribution, les médias et les associations concernées par l’éducation aux médias ;
- l’intégration de l’éducation aux médias dans le monde extra-scolaire.
Pour énoncer la place de l'éducation aux médias dans l'enseignement, un rapport de synthèse intitulé L'éducation à l'audiovisuel et aux médias (1996) précise trois finalités :
- le développement de la personne,
- la construction du savoir,
- et la citoyenneté responsable.
En cela, les objectifs de l'éducation aux médias vont à la rencontre des objectifs généraux de l'enseignement, tels que formulés par le Conseil de l’Éducation et de la Formation (CEF).
Le choix a été fait d'inscrire l'éducation aux médias dans la liste des compétences transversales à atteindre tout au long de la scolarité et non de la placer dans la grille des disciplines spécifiques qui seraient à la charge de maîtres spéciaux, mais réservés dès lors aux seuls étudiants qui en feraient le choix. L'idée est bien que, quatrième langue nationale en Belgique, l'éducation aux médias soit pratiquée par le plus grand nombre.
Au sein du paysage européen
Juridiquement, les modalités d'intégration de l'éducation aux médias dans les programmes scolaires sont de la responsabilité première des États membres de l'Union Européenne De même, le rôle joué par les autorités locales est très important, car elles sont proches de la population et soutiennent des initiatives dans le secteur de l'enseignement non institutionnel. Cependant, la société civile doit aussi contribuer activement à promouvoir l'éducation aux médias dans une approche ascendante, y compris avec l’industrie, et ce malgré de sérieuses résistances[7].
D’abord, les activités développées par les autorités gouvernementales et institutionnelles visent à promouvoir l'éducation aux médias à travers des subventions, le soutien, les décisions, le contrôle ou la vigilance. Le gouvernement peut décider des activités politiques concernant la famille, la participation civile, l'enseignement ou la formation. Aujourd'hui, presque tous les pays européens ont une certaine forme d'autorité chargée de superviser la mise en œuvre de la législation sur la radiodiffusion ou de télécommunication.
Ainsi, en France, le Centre de Ressources d’Études des Médias offre aux enseignants, aux élèves du milieu de l'éducation et au grand public, des outils permettant, en milieu scolaire ou dans la vie quotidienne, d'exploiter de manière critique tous les genres de productions diffusées par les médias. Il offre des moyens pour enrichir ses apprentissages et ses expériences personnelles, mais aussi des moyens permettant de s'assurer de la diversité et de la qualité des programmes. L'expression « Moi, je sais lire entre les lignes » signifie pouvoir interpréter les écrits, les images, les sons médiatisés, ce qui est favorable à la bonne compréhension des projets artistiques dans les médias.
Le Centre pour l'Éducation aux Médias et l'Information (CLEMI), chargé de l’éducation aux médias dans l’ensemble du système éducatif français depuis 1983, a pour mission d’apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias. Cet objectif s’appuie sur des partenariats dynamiques entre enseignants et professionnels de l’information.
Dans le champ de l'éducation populaire, l'association APTE, créée en 1986 et qui a pris le nom de MEDIAPTE en 2013, propose des outils et des dispositifs pédagogiques originaux pour développer une éducation aux médias pour tous. Dans le cursus irlandais, l'éducation aux médias est même incluse dans l'éducation sociale, personnelle et sanitaire (SPHE). En complément, la société civile joue un rôle pivot, car des acteurs privés proposent des initiatives concrètes.
Par exemple, au Royaume-Uni, le site web Kidsmart apprend aux jeunes à utiliser les sites de réseautage social en toute sécurité, et le site MediaEd propose des outils pédagogiques à destination des enseignants. Enfin, certaines activités public-privé favorisant les liens entre le film et l'éducation sont associées à des festivals, des foires, des ateliers, des séminaires ou des activités dans les centres d'éducation. Malgré le réseau existant de coopération, des soutiens financiers pour des réunions ou des projets de recherche organisés par les réseaux existants aideraient à s'adapter au changement. Ceci suppose un cadre commun avec un objectif stratégique global, éventuellement définis lors de dialogues et de coopérations entre les différents acteurs concernant la réglementation, l'autorégulation et la co-régulation dans le secteur des médias. Malheureusement, l'inertie institutionnelle et la routine conduisent souvent à ralentir le développement de l'innovation et de la créativité que les politiques d'éducation aux médias favorisent pourtant.
Enfin, la coparticipation de l'industrie, du système d'éducation et d'autres acteurs dans le développement des activités d'apprentissage pourrait être encouragée via des mécanismes de soutien européen à la production. La télévision publique en particulier tend à lancer des initiatives liées aux programmes de télévision, l'analyse de la publicité ou le contenu des programmes de télévision. Par ailleurs, des accords ont été conclus entre les autorités éducatives et les éditeurs de presse. Des liens peuvent aussi être promus entre l'industrie et la recherche sur l’éducation aux médias. Par exemple, la BBC propose au grand public de nombreuses ressources en ligne pour s'impliquer dans l'éducation aux médias et sur la production médiatique. De même, Décrypt'ACTU, dédié au décryptage des médias et de l'actualité et destiné à la communauté éducative, poursuit un double objectif : fournir aux enseignants, documentalistes et élèves des ressources multimédias brutes, et permettre d'appréhender avec les élèves la manière dont les médias traitent un sujet d'actualité, qui traite de l’art notamment.
L'industrie des médias serait aussi largement favorable à une politique efficace sur cette question, car cela peut augmenter la demande de consommation des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) ou du commerce en ligne et des outils de communication. Cela stimulerait la demande de qualité via le renforcement de la concurrence. Par ailleurs la promotion de l'éducation aux médias permettrait d'améliorer les cycles de mise en œuvre et l'extension des processus d’innovation. En effet, elle représente une possibilité de mieux tirer parti des opportunités dans l'amélioration et l'accélération de la fin du cycle d'investissement, la recherche-développement et de l'amortissement.
Un certain protectionnisme idéologique nuit au modèle actuel émergent de co-responsabilité, ce qui explique l’absence de traduction en actions concrètes. La possibilité du développement d'une citoyenneté active affectant l'économie et vice-versa n'est pas encore bien comprise. S’opposent une orientation technique quant à l'alphabétisation numérique et une vision humaniste ou culturelle quant à l'éducation aux médias. Ceci est principalement dû à un manque de communication entre les systèmes éducatifs et le monde du travail, ainsi qu’à un manque de considération en termes d’employabilité ou d’amélioration de la production. La dispersion et le manque de coordination entre les intervenants mènent à l'échec de la coopération et l'échange d'informations entre les différents acteurs. De plus, les initiatives nationales, régionales et locales ne parviennent pas à garantir une bonne visibilité européenne des médias. Il existe un réseau de coopération, mais qui nécessite un soutien financier pour des réunions ou des projets de recherche.
L'éducation aux médias doit donc être associée à l'acquisition de compétences de production créative pour les citoyens et les enseignants dans les programmes scolaires officiels. La création de supports pédagogiques à une échelle européenne permettrait de renforcer la diversité et les activités des communautés locales.
La coparticipation de l'industrie, le système d'éducation et d'autres acteurs dans le développement des activités de formation continue pourrait être encouragée par des mécanismes de soutien européen pour la production, l'attribution et la promotion des productions. Les initiatives d'éducation aux médias, la valorisation du patrimoine audiovisuel et des médias de l'Europe devraient être coordonnées au travers de programmes et matériaux favorisant la diversité culturelle et la défense de l'identité. Enfin, l'éducation aux médias doit rechercher l'équité en matière d'innovations technologiques et culturels afin de garantir une meilleure utilisation tout en contribuant à la croissance économique. De nouveaux usages et la création d’un marché complémentaire accessible aux enseignants et aux étudiants pourraient être réalisés en collaboration avec des associations de spectateurs.
Divers facteurs doivent donc être améliorés, en premier lieu un cadre partagé de travail commun comprenant des objectifs stratégiques, des concepts, des méthodes, des ressources, et des résultats d'évaluation. En effet, souvent la dispersion et le manque de coordination entre les intervenants conduit à l'échec de la coopération et de l'échange d'informations entre les différents acteurs. Ceci nuit à la création d’un consensus de travail européen. Les normes de qualité européennes - impliquant les industries des médias, les professionnels, les citoyens et les autorités des services de communication - pourraient remédier à ce problème, car le dialogue et la coopération entre les différents acteurs seraient renforcés en ce qui concerne la régulation des médias, l'autorégulation et la co-régulation comme moyen de promouvoir l'éducation aux médias. L'éducation aux médias devrait être associée à l'acquisition des compétences de production créative pour les citoyens et les enseignants.
En Autriche, un département spécialisé dans les médias, l'éducation aux médias et les services éducatifs des médias au sein du Ministère de l’Éducation, la Science et l'Art, apporte des conseils, un soutien matériel, et des informations sur l'éducation aux médias. La création de supports pédagogiques sur une échelle européenne devrait être encouragée afin de renforcer la diversité et les activités des communautés locales. Ceci permettrait d’encourager la citoyenneté.
En Russie, l'éducation aux médias et les médias et les services éducatifs des médias existe comme une formation supplémentaire et facultatif dans les écoles et les institutions culturelles. Le pays compte plusieurs leaders éducateurs de médias : Alexander Fedorov, Alexander Sharikov, Irina Chelyseva, Irina Fateeva ou encore Oleg Baranov.
Référents
Progressivement, les acteurs de l'éducation aux médias ont établi leurs référents et produit leurs outils. Parmi ceux-ci, il y a lieu de noter la place spécifique des six thématiques ou facettes de l'éducation aux médias, véritable grille de systématisation dans l'approche d'une question médiatique. Celle-ci trouve son inspiration dans la grille d'analyse établie par Cary Bazalgette[8] et ses collègues dans un rapport du British Film Institute (BFI). Les six sommets de l'hexagone qui la campe constituent six angles d'approche de toute situation d'observation et d'analyse concernant un média:
- Le langage est une structuration spécifique de la communication, quand elle se fait médiatique. La presse écrite, la radio, la télévision, internet ne parlent pas de la même façon et n'usent pas des mêmes termes langagiers, ce qui peut s'observer méthodiquement.
- La technologie est un paramètre qui influence fortement la communication s'établissant entre les intervenants. Deux illustrations empiriques : le poids des mots n'est pas le choc des photos. La couleur l'emporte de loin, en termes de modernité, sur le noir et blanc... faisant croire systématiquement à certains à sa supériorité sémantique. Une approche systématique de ces aspects aide à se faire une idée plus juste de la chose.
- Les représentations sont le cœur du message véhiculé, le fond se détachant de la forme qui, pourtant, le structure et le porte. Rappelant l'expression de Mac Luhan, l'éducation aux médias pose la question de cette simultanéité confondue entre le média et le message. Le spécialiste attirait en effet l'attention sur le fait que, très souvent, le média est le message. Alors qu'une dissociation réfléchie pourrait mettre en lumière l'un et l'autre dans leur assemblage. Mais cela demande du temps, et pour l'accompagnateur-enseignant, peut être une formation qu'il n'a pas toujours acquise dans sa formation initiale.
- Le public est le destinataire de la communication. Quand celle-ci se fait médiatique, elle se choisit particulièrement finement la technologie pour faire mouche et les formes de langage que cette dernière permet pour créer les affects. Lire un document de façon critique, c'est aussi se demander pour qui il a été écrit. C'est un questionnement de niveau deux qui n'est pas inné, mais qui s'apprend.
- Le producteur est l'émetteur du message. Sans lui, pas de communication. Mais l'identification de celui qui s'exprime requiert aussi parfois de se demander qui le fait parler, qui le met en projet, qui le paie -parfois même- pour s'exécuter. La question « À qui profite le crime ? » connaît ici sa déclinaison propre : « À qui le message émis apporte-t-il son bénéfice ? ». En d'autres mots :« Pour qui parle le locuteur, quand il s'adresse à son public-cible ? » Et il n'y a pas que la publicité qui offre cette occasion d'analyse, même si elle est un genre particulièrement prisé pour ce faire.
- La typologie : parmi toutes les expressions médiatiques, la situation analysée est un cas de figure. Elle a été choisie par quelqu'un qui avait un message à faire entendre... Il aurait pu le décliner par d'autres voies ou utiliser des variantes dans le genre médiatique pour lequel il a opté. Ainsi, comment décrire le choix qui a été fait de s'exprimer, par exemple dans la presse écrite plutôt que sur l'Internet, en radio ou en télévision. Comment apprécier qu'en presse écrite, le choix se soit porté sur de la presse féminine, par exemple, plutôt que de la presse gratuite, toute-boîte, grand public... ce qui est un genre différent. C'est une question qui montre qu'une pluralité de communication est possible et que celle qui a été retenue (à tort ou à raison) a son explication, sa motivation.
Les six thématiques constituant des angles d'approche et d'analyse d'une situation médiatique, elles ne sont toutefois pas des passages obligés pour toute activité d'éducation aux médias. En effet, les enseignants construisent la plupart du temps leur scénario d'éducation aux médias, au détour d'activités pédagogiques recourant à l'éducation par les médias quand, se servant de supports médiatiques, ils illustrent de la sorte les contenus que leurs programmes disciplinaires les invitent à évoquer. C'est donc dans le cumul de ces deux préoccupations que l'éducation aux médias trouve à s'exploiter.
Méthodologie
À la suite d'une série d'expériences réalisées, une méthodologie de l'éducation aux médias est mise en place dont le but premier est d’apprendre à des élèves "comment penser un média". Pour ce faire, les élèves se mettent par groupes et créent un jeu. Les différents groupes jouent aux jeux des autres et repèrent les erreurs, qu’elles soient de gameplay, de narration, ou de difficulté. Les élèves se réunissent alors entre eux pour discuter de ce qu’ils ont appris du développement de leur jeu et des jeux des autres. Lors de l’expérience, les participants ont remarqué un développement de leurs connaissances des jeux vidéo et de comment les modifier. Leurs compétences d’expressions orales et d’écoutes en groupe se sont également améliorées. En définitive, les élèves ont développé de nombreuses compétences et leur capacité d’analyse[9]. Pour Partington, être game litterate consiste à savoir comment sont produits les jeux et comment on les pratique, à comprendre comment ce média se développe en rapport aux autres et à savoir ce qu’est un jeu. Il montre que la narration d'une même histoire peut varier d'un média à l'autre. La pratique et la compréhension des mécaniques au sein d’un jeu ne sont donc pas suffisantes pour apprendre ce média. A l’instar de la connaissance d’une langue, connaitre sa grammaire n’est pas suffisant pour être littéré. Néanmoins, les jeux vidéo étant des médias complexes demandant des connaissances poussées dans de nombreux domaines, il n’est pas possible d’en connaitre tous les codes qui permettent aux jeux d’exister. Mais, la création réflexive de jeu à l’aide de «créateur de jeu» tel que mission maker, permet d’approcher d’une connaissance de la création du jeu[4].
Deux voies d'excellence autorisent de nombreuses pistes :
- L'apprentissage d'une lecture critique de supports médiatiques existants. C'est dans cette optique qu'une opération comme Ouvrir mon quotidien[10], par exemple, permet une approche de la presse écrite dans les classes de l'enseignement obligatoire, primaire et secondaire.
- La construction de supports médiatiques. C'est quand on passe derrière le micro ou la caméra que l'on expérimente les choix qui s'imposent aux journalistes, aux cadreurs ou aux réalisateurs. Fort de cette expérience concrète, on ne regarde plus la télévision, on n'écoute plus la radio ou on ne lit plus le journal comme avant.
François Heinderyckx propose des solutions pour lutter contre le phénomène de "malinformation"[11]. Pour lui, il faut éduquer les enfants à la critique de l'appareil médiatique, "encourager l'information par une promotion du plaisir de savoir, mais surtout de comprendre", redéfinir le rôle, les méthodes et tâches des journalistes semblent des alternatives envisageables.
Éducation aux jeux
L'éducation aux médias demande également de s'intéresser à l'éducation aux jeux. Les jeux vidéo sont un important support pour l'éducation aux médias en tant qu’outil de vulgarisation de la connaissance efficace et populaire. Dans ce rôle de support pédagogique, il présente aussi plusieurs difficultés dont l’outillage informatique, nécessaire à sa mise en place et sa dépendance au gameplay, et au design des jeux utilisés[12].
Ludolittératie
Selon Daniel Aranda, la ludolittératie est l'éducation aux médias par et avec les jeux vidéo. Elle nécessite de comprendre les jeux vidéo comme des objets d'études. La ludolittératie, vise une réflexion rigoureuse et une analyse critique de la question des contextes technologiques, culturels, sociologiques et économiques des jeux vidéo comme médias[13]. Cette discipline peut être définie comme la capacité à jouer aux jeux, à comprendre le sens des jeux et à créer des jeux. Lorsque l'on joue, on met en pratique d’autres littératies comme la capacité à s’intégrer dans l’espace social et communicationnel créé par le jeu. Pour ce qui est de « comprendre le sens » des jeux, en se basant sur les sciences humaines, Zagal explique que la capacité à « comprendre » un jeu est la capacité d’une personne à expliquer, discuter, décrire, élaborer, situer, interpréter, et/ou positionner le jeu dans[14]:
- Le contexte culturel (en tant qu’objet culturel) : être capable d’aller puiser dans le contexte culturel dans lequel le jeu existe pour le comprendre.
- Le contexte des autres jeux (pouvoir comparer à d’autres genres, …): certains jeux étant des suites ou s'inspirant d’autres jeux (spinoffs), la connaissance préalable de ce qui a été produit auparavant est alors nécessaire pour une meilleure compréhension du jeu.
- Le contexte de leurs environnements technologiques: les jeux sont influencés par les limites technologiques des plateformes sur lesquelles ils se trouvent.
- La déconstruction des composantes du jeu: acquérir les codes des jeux pour en comprendre ses différents composants, comment ils interagissent, etc.[14]
L'éducation aux jeux vidéo est nécessaire à l'éducation par ces derniers. Bien que certains auteurs, comme Eskelinen, ne considèrent que l'un de ces deux aspects, il est nécessaire de voir le jeu vidéo comme un ensemble de règles mais également comme un média composé d'une trame, d'un côté narratif. Pour analyser un jeu vidéo, il est donc nécessaire de prendre en compte ces deux aspects du média, mais il est également important de prendre en compte la dimension sociale de celui-ci, la façon dont il est créé, distribué, etc. . Les évolutions techniques et technologiques, par exemple, ont fortement influencé la création et distribution du jeu vidéo.
Pour Buckingham (en) et Burn (en), les jeux constituent un rôle important du capital culturel des enfants et une forme d'expression qu'ils peuvent développer en classe. A partir d’un jeu conçu par des jeunes élèves d’un collège de Cambridge (Jimmy DeMora And The Dying World), Buckingham et Burn tentent d’établir la structure d’un jeu vidéo prototypique. Il faut tout d’abord considérer le récit central, c’est-à-dire l’histoire selon laquelle les niveaux s’organisent. Ensuite, ils mettent en avant différents éléments qui structurent le jeu tel que les niveaux, les obstacles, les récompenses, et des états gagnant-perdant clairement définis. Au niveau des personnages, il y a 3 types de personnages proppiens (protagoniste, antagoniste et princesse). Le jeu propose également des personnages secondaires. Dans la conception du jeu proprement dit, Buckingham et Burn parlent de conception à la fois figurative et ludique. Une conception figurative d’abord, car ces niveaux s’inscrivent parmi les événements narratifs, dans le cadre de conflits non résolus et une trajectoire épisodique. Ensuite, un impératif ludique, que constitue le défi pour le niveau en question. En ce qui concerne la conception des règles, elles se conçoivent en trois étapes.
- Un évènement : un moment à partir duquel la règle entre en vigueur,
- Un élément déclencheur : par exemple une zone de déclenchement activée par le joueur,
- Une action provoquée par cet élément déclencheur : l'apparition d’un ennemi, par exemple.
Ces règles constituent l'essentiel du jeu vidéo et il est nécessaire de bien les comprendre et les assimiler avant de pouvoir utiliser un jeu vidéo ou éduquer au travers de ceux-ci[15].
Apprentissage aux jeux vidéo
Un système a été mis en place par Zagal pour aider les étudiants à avoir des connaissances plus profondes à partir de leurs expériences personnelles avec les jeux. Le Game Ontology Project (GOP) identifie les éléments importants du jeu et établit les relations entre eux et les organise de manière hiérarchique. C’est un site open-source où tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice. Chaque entrée de la GOP est constituée d’un nom, d’une description et d’exemples. Il y a des exemples «forts» et évidents et des exemples «faibles», subjectifs et implicites. Le GOP analyse « l'espace » design des jeux. Contrairement à une classification traditionnelle, il peut y avoir des liens « binaires » entre deux catégories. C’est pourquoi les exemples sont importants car ils permettent de visualiser au mieux le sens de cette catégorie. Cette hiérarchie donne plusieurs portes d’entrée et permet une meilleure compréhension pour les lecteurs. Ces derniers peuvent également rajouter des exemples. Cela contribue à une construction collective du savoir grâce à ces interactions[16].
Perspectives
Avec l’intensification de la numérisation de toutes les sphères de la société et des nouveaux modes de diffusion et de consommation de produits culturels et d’information, le champ de l’éducation aux médias et à l’information doit être étendu à de nouveaux domaines (culture informatique, identité numérique, sécurité et défense, cyberdépendance) et à toute la population adulte. Par ailleurs, les parents et les éducateurs doivent être sensibilisés aux risques spécifiques liés à l’usage intense des appareils numériques pour les enfants. En effet, la surexposition des très jeunes enfants aux écrans de toute nature (télévision, smartphone, tablette, etc.) est susceptible d’être la cause de troubles sévères de l’attention, du langage, de la motricité et du comportement. En outre, la diffusion d’images et de données personnelles sur internet par leurs parents (sharenting) représente une menace pour l’identité numérique d’enfants qui n’ont pas la capacité de discernement et ne sont pas en mesure de faire valoir leur droit à l’image[1].
Articles connexes
Notes et références
- Jean-Claude Domenjoz, « Présentation », Education aux médias et à l'information, (lire en ligne)
- Michel Erlich, « L’éducation à l’audiovisuel et aux médias. », Agora débats/jeunesses, vol. 10, no 1, , p. 135–136 (lire en ligne, consulté le )
- L'éducation aux médias en communauté française
- Partington, A. (2010). Game Literacy, Gaming Cultures and Media Education. English Teaching: Practice and Critique, 9(1), 73-86.
- Buckingham, D, (2003). Chapter Three of Media Education : Literacy, Learning and Contemporary Culture, Institute of Education, University of London
- CSEM - Conseil éducation médias (CEM) - Frame set
- Violaine Hacker, The EU media policy and the EU2020 Strategy: New roles and actions for players of the Creative Europe, European Union at the crossroads: The European perspectives after the global crisis, Attila Ágh (ed.), Budapest College of Communication, Business and Arts 2011 ; (ISBN 978-963-88943-2-8), (ISSN 1589-6781), p. 123-152.
- (en) Cary Bazalgette, Primary Media Education: a Curriculum Statement, British Film Institute, , 106 p. (ISBN 978-0851702476)
- Sauve, L., Renaud, L., Gauvin, M., (2007). Une analyse des écrits sur les impacts du jeu dans l'apprentissage, Revue des Sciences de l'Education.
- Ouvrir mon quotidien
- Emilie Moreau, « François Heinderyckx, La Malinformation », Études de communication [En ligne], 26 | 2003, mis en ligne le 13 octobre 2008, consulté le 29 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/edc/138 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edc.138
- Bonvoisin, D., Culot, M. (2015), Éducation aux médias et jeux vidéo. Des ressorts ludiques à l’approche critique, Bruxelles, Média Animation.
- Aranda, D., (2016). Ludoliteracy - The Unfinished Business of Media literacy, Universitat Oberta de Catalunya.
- Zagal, (2010). Ludoliteracy - defining, understanding and supporting game education, ETC Press.
- Buckingham, D. and Burn, A. (2007). Game Literacy in Theory and Practice, in Journal of Educational Multimedia and Hypermedia 16
- Zagal, J. P. (2010). Ludoliteracy: defining understanding and supporting games education. ETC Press.
Liens externes
Centres de ressources en Belgique
- Pour la Communauté française de Belgique : Le Centre de formation et d'autoformation de Huy-Tihange
- Pour l'enseignement des Villes et Province (CEPEONS) : Le Centre audiovisuel Liège ASBL
- Pour l'enseignement Libre : Média Animation ASBL
Centres de ressources en France
Centres de ressources en Suisse
- Site de la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) : e-media
- Éducation aux médias et à l’information : educationauxmedias.ch
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