Énergie à La Réunion

L'énergie à la Réunion est pétrodépendante et contrainte par l’insularité qui rend impératif une production électrique locale et une importation d'énergie fossile. Face à une demande toujours croissante et aux exigences environnementales, l'énergie produite sur l'île tend à exploiter de plus en plus son grand potentiel en énergie renouvelable par le développement de barrages hydroélectrique, de parcs éoliens, de fermes solaires, ainsi que d'autres projets expérimentaux. Bien qu'en 2013, 35 % de l'électricité réunionnaise soit issue de sources renouvelables, le taux de dépendance énergétique du département dépasse les 85 %. L'économie d'électricité et l'optimisation de l'efficacité énergétique sont deux axes de travail majeurs pour les autorités chargées des questions énergétiques.

La zone portuaire où arrive et se transforme l'intégralité du pétrole importé sur l'île, dont l'apport est vital pour les transports, mais aussi à la production électrique reposant pour partie sur des centrales thermiques au fioul et au charbon.

Historique

Les premières automobiles débarquent sur l'île peu après 1900, et se développent notamment à partir des années 1930.

Dans la foulée de la départementalisation, le , la société Énergie électrique de la Réunion (EER) a été fondée avec la participation du département de la Réunion (25 millions CFR), la Caisse centrale de la France d'outre-mer (devenue par la suite Caisse Centrale de Coopération Économique, Caisse Française de Développement, puis Agence Française de Développement) à hauteur de trente millions CFA, EDF (25 millions CFA) et des investisseurs privés (20 millions CFA). Pourtant, c'est dans les années 1960 avec la mise en service des usines hydroélectriques de Langevin et Takamaka que l'électrification de la Réunion a commencé. Le véritable tournant fut la nationalisation[1] des réseaux électriques des DOM en 1975 qui visait un double objectif : répondre à l’incapacité des structures locales à financer les besoins d’investissement des réseaux ; arrêter les hausses très sensibles des tarifs, beaucoup plus élevés qu’en métropole, allant souvent du simple au double en adoptant le principe fondamental de la péréquation tarifaire alignant les tarifs d’électricité des DOM sur ceux de la métropole.

L'article 50 de la loi d'orientation outre mer (LOOM)[2] a transféré aux régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion les compétences en matière de politique énergétique. Le SIDELEC a été créé par l'arrêté préfectoral no 680 du . Il a pour objet la gestion et la planification du service public de l'électricité.

Dans les années 1980, la Réunion a été presque autosuffisante en électricité uniquement grâce à son potentiel hydroélectrique[3].

Les premières éoliennes sont construites en 2005[4].

Mix énergétique

Production électrique

La Programmation pluriannuelle de l'énergie a été révisée fin . Elle se donne pour objectif un mix électrique à près de 100 % d'origine renouvelable fin 2023 grâce à la conversion à la biomasse (en remplacement du charbon) des trois principales centrales de l'île, au parc photovoltaïque en constante progression, à quelques éoliennes et à un futur incinérateur à déchets.

Albioma a reçu en l'autorisation de la Commission de régulation de l'énergie de modifier et prolonger jusqu'en 2043 son contrat de revente de l'électricité de la centrale de Bois-Rouge à EDF. Cette centrale devrait être fin 2023 la première centrale réunionnaise à fonctionner uniquement à la biomasse, en ajoutant à la Bagasse des Granulés de bois, les « pellets », importés des États-Unis dans un premier temps ; ils constitueront 70 % du combustible utilisé ; Albioma compte étudier des importations d'Afrique du Sud et donner la priorité à la biomasse locale : la bagasse, mais aussi potentiellement les pailles de canne, les broyats de palettes, la fraction ligneuse des déchets verts et la biomasse forestière. Le groupe prépare en parallèle la conversion de sa deuxième centrale thermique réunionnaise, la centrale du Gol (122 MW), qui fonctionne en cogénération avec l'autre sucrerie de l'île. Production Électrique Insulaire, filiale d'EDF pour les départements d'outre-mer et la Corse, devrait convertir à la biomasse liquide d'ici à 2023 sa centrale au fioul lourd (212 MW), inaugurée en 2012 sur les quais du port de commerce. Fabriqué en France à partir de colza produit en Europe, le combustible sera conforme à la directive communautaire sur les énergies renouvelables, RED II[5].

Produits pétroliers

Comme toute société occidentale, la Réunion vit sous le régime d'une économie carbonée pétrodépendante, et importe ses hydrocarbures par voie maritime. Les 731 000 tonnes de pétrole brut importées transitent par le Grand port, puis sont raffinées par la Société réunionnaise des produits pétroliers, entreprise détenant le monopole légal de cette opération sur l'île.

Sur l'île plus encore qu'en métropole, les hydrocarbures sont hautement stratégiques, car entièrement importés et sur un seul site. Les grèves touchant le secteur sont particulièrement inquiétantes pour la population qui n'a aucune solution de substitution aux carburants.

Ventilation des importations d'énergie fossile[6]
Import net d'énergie fossile 2012
Tonnes ktep Part en pour cent
Produit pétrolier hors butane 731 660 741,7
- Essence 99 850 104,6
- Gazoil 76 647 73
- Carburéacteur 185 296 194,2
Gaz butane 23 217 25,4
Charbon (houille) 686 474 424,9
Total 1 441 351 1 192

Bagasse

La forte production de canne à sucre, occupant une part importante de la surface agricole utile réunionnaise, induit la production conjointe de bagasse. Ce produit secondaire est revalorisé par sa combustion, permettant de vaporiser de l'eau dans des turbines, à l'origine d'une production électrique. Lorsque les cultures ne sont pas en période de production, le charbon remplace la bagasse, qui ne représente finalement que 17 % de l’énergie produite par les deux centrales charbon - bagasse[7]. La Centrale de Bois-Rouge à Saint-André produit 108 MW, tandis que celle du Gol (CTG) à Saint-Louis, 122 MW[8]. La valorisation de la bagasse fournit annuellement plus de 240 GW, soit la consommation de 91 000 Réunionnais[9].

Bien qu'émetteur de carbone, ce mode de production est souvent considéré comme écoresponsable en raison du caractère renouvelable de la production (quoique dépendante d'intrants phytosanitaires) et de l'effet puits de carbone du couvert végétal. Cette production énergétique dépend donc de la production agricole primaire, qui fluctue au gré des années en fonction des variations du climat local.


Hydroélectricité

En raison des volumes pluviométriques très importants, l'écoulement d'eau de surface permet la mise en place d'infrastructures hydroélectriques, d'autant plus que l’érosion a creusé des ravines étroites et très profondes. La centrale Sainte-Rose (80 MW) et celle de Takamaka I et II (43,4 MW) sont les deux plus importantes. Au total, les six infrastructures hydroélectriques de l'île ont une puissance de 133 MW[10].

Énergie solaire

Située à proximité du Tropique du Capricorne, la Réunion bénéficie d'un ensoleillement au forçage radiatif positif, permettant une exploitation de l’énergie solaire facile et rentable. Cependant, il existe encore peu de centrales solaires photovoltaïques, (Pierrefonds : 2,1 MW)[11]. À la Réunion comme ailleurs, l'exploitation de l'énergie solaire pose le problème de son rendement aléatoire dans le temps, qu'on essaye de réguler au moyen de grandes batteries[3]. Mais certains ont aussi évoqué la possibilité de développer des micro-step urbaines intégrées (voir Nature and People First) qui seraient complémentaires des batteries pour des intermittences de plus grosses ampleurs (au-delà de la demi-heure, contrairement aux batteries qui seraient plutôt adaptées à des micro-intermittences)[12].

À côté du domaine de la production électrique, l'usage de l'énergie solaire a rencontré plus de succès, sur l'île, dans le domaine de la production d'eau chaude. L'article R. 162-2 du code de la construction et de l'habitation rend d'ailleurs obligatoire l'installation de chauffe-eaux solaires dans les logements neufs construit en outre-mer[13]. Début 2018, environ 160 000 foyers sont équipés de chauffe-eaux solaires, ce qui permet une économie considérable d'électricité et de combustibles[14],[3],[15].

  • Horaires de production du solaire
Exemple d'une journée de production photoélectrique
Source: RTE La Réunion [16] Source: RTE Guyane [17]

Énergie éolienne

L'île étant balayée en permanence par les alizés, il existe un potentiel éolien qui n'est exploité aujourd'hui que très marginalement, mais en cours de développement. En 2014, il n'existe que deux parcs éoliens, celui de La Perrière (10 MW) et celui de Sainte-Rose (MW), pour un total de 60 éoliennes[4].

Recherche et développement

Forces marines

La houle est une source d'énergie exploitable au moyen de ferme à vagues. Par ailleurs, le différentiel de chaleur de l'Océan Indien laisse envisager un jour l’exploitation du différentiel d'énergie thermique. EDF a annoncé en étudier les opportunités de développement sur le long terme[3].

Le projet Seawatt ambitionnait la création d'un parc marin de serpents houlomoteurs Pelamis au large de Saint-Pierre[15], pour une puissance de 30 MW aux horizons de 2015[18]. Il a depuis été abandonné[19].


Géothermie

Le contexte géologique semble favorable en raison du caractère volcanique de l'île, située sur le Point chaud de La Réunion. Depuis les années 1980, des études du BRGM ont été réalisées, et ont mené à de nombreux forages prospectifs. Un projet d'exploitation à Plaine des sables avait été monté, mais n'a pas pu être concrétisé, car il se situait dans le périmètre du Parc national de La Réunion, inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO.

Agrocarburants

Consommation et marché

En 2011, la production électrique réunionnaise s'élevait à 711 MW, fournie par douze centrales électriques, deux parcs éoliens et une ferme photovoltaïque. Les deux-tiers de cette électricité est issue de production carbonée, à savoir trois centrales thermiques au fioul, et deux centrales charbon-bagasse[7].

La consommation d'énergie finale est en continuelle croissance, à un rythme supérieur à celui de la production. En 2010, elle correspondait à près de 1,4 million de tonnes équivalent pétrole. La ventilation de celle-ci nous apprend qu'elle était principalement induite par les carburants (64 %). Les particuliers sont responsables à hauteur de 44 % de la consommation de l’énergie disponible[21].


Acteurs

EDF

À La Réunion, plus de la moitié de la production d'électricité est issue du domaine privé, principalement Albioma. EDF assure donc la production d'environ 40 % de l'électricité de l'île. Au-delà de son rôle producteur, elle est responsable de la gestion du réseau et de la commercialisation, et emploie 700 personnes pour mener à bien sa mission[3].

EDF gère et entretient un réseau électrique de 5 545 km de lignes à haute tension A (15 kv) et B (63 kv) et à basse tension, dont les lignes sont terrestres, souterraines ou même sous-marines[6].

EDF a développé le programme "Agir Plus” en lien avec la région, l’Ademe, la SPL (société publique locale), et l’ADIL (l’Agence départementale d’information sur le logement)[22], qui prévoit plusieurs mécanismes d’incitation à une meilleure gestion de la consommation d’électricité, voire à l’autoconsommation, par le biais de subventions à l’installation de chauffe-eaux solaires[23]. À Mafate, dans l’ilet de la Nouvelle, EDF, la start-up Powidian, ainsi que les parties prenantes au projet, inaugurent en un nouveau dispositif électrique dit « microgrid ». Ce réseau de production d'énergie électrique, permet, grâce à des batteries d'hydrogène, de conserver l'énergie produite via les installations photovoltaïques pendant plusieurs jours[24].

Sidelec

Le Syndicat intercommunal d'électricité du département de la Réunion (SIDELEC) est l'autorité organisatrice de la distribution d'électricité de l'île de la Réunion. Il est propriétaire des réseaux électriques concédés à EDF.

Le syndicat est administré conformément à la loi par un comité composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes associées, à raison d'un délégué par commune. Le comité désigne, parmi les délégués, un bureau composé d'un président, sept vice-présidents et cinq membres. En 2006, la chambre régionale des comptes a pointé dans son rapport une activité faible et inappropriée[25].

Références

  1. Loi no 75-622 du 11 juillet 1975 relative à la nationalisation de l'électricité dans les D.O.M.
  2. Loi:2000-1207. Dans le respect de la programmation nationale pluriannuelle des investissements de production d'électricité et du schéma de services collectifs de l'énergie, chaque région de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de la Réunion élabore, adopte et met en œuvre, après concertation avec les autres collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les producteurs intéressés de son territoire, un plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d'exploitation des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie.
  3. [PDF]EDF, « Les systèmes énergétiques insulaires (SEI), laboratoire pour l'innovation et les énergies renouvelables - L'exemple de La Réunion », sur medias.edf.com, (consulté le )
  4. « Eolien, Biogaz, Photovoltaïque », sur cndp.fr (consulté le )
  5. « La Réunion : les centrales électriques passent à la biomasse », sur Les Échos,
  6. [PDF]ARER, « Bilan énergétique 2012 : île de La Réunion », sur temenergie.com, (consulté le )
  7. INSEE, Tableau économique de La Réunion : Edition 2011, Saint-Denis de La Réunion, Assemblée nationale, , 178 p. (ISBN 978-2-11-128182-0, lire en ligne) p. 28
  8. Frédéric DOUARD, « Bagasse et électricité à La Réunion », sur bioenergie-promotion.fr, (consulté le )
  9. « Bagasse », sur cndp.fr (consulté le )
  10. Dossier de presse : TAKAMAKA, Au service des Réunionnais depuis 50 ans, EDF, juin 2019.
  11. « Energie à La Réunion », sur Habiter La Réunion (consulté le )
  12. « Sommet des start-up: Le "miracle" des énergies renouvelables "a eu lieu" » [archive du ], sur Challenges (consulté le )
  13. France. « [[Code de la construction et de l'habitation|]] », art. R-162-2
  14. « Chauffe-eau solaire : 160 000 foyers réunionnais équipés - réunion la 1ère », sur réunion la 1ère (consulté le )
  15. « Laboratoire de Physique et Ingénierie Mathématique pour l'Energie et l'environnemeNt et le bâtimenT », sur Laboratoire de Physique et Ingénierie Mathématique pour l'Energie et l'environnemeNt et le bâtimenT
  16. https://opendata-reunion.edf.fr/explore/dataset/courbe-de-charge-de-la-production-delectricite-par-filiere
  17. https://opendata-guyane.edf.fr/explore/dataset/courbe-de-charge-de-la-production-delectricite-par-filiere/
  18. « Un projet réunionnais », sur seawatt.re (consulté le )
  19. Anne-Claire POIRIER, « [Dossier EMR] L'énergie houlomotrice délaissée par les grands acteurs français [3/3] », sur GreenUnivers, (consulté le )
  20. Greentech : Bioalgostral et son algocarburant valorisant des déchets.
  21. INSEE, Tableau économique de La Réunion : Edition 2011, Saint-Denis de La Réunion, Assemblée nationale, , 178 p. (ISBN 978-2-11-128182-0, lire en ligne) p. 26-27
  22. « Rénovation énergétique », sur adil974.com (consulté le )
  23. « Une aide de 1200 euros octroyée par EDF : Le chauffe-eau solaire devient plus accessible », Imaz Press Réunion : l'actualité de la Réunion en photos, (lire en ligne, consulté le )
  24. « Mafate - Micro réseau d'énergie solaire transformée en hydrogène (actualisé) : La Nouvelle : la lumière au bout du Microgrid », Imaz Press Réunion : l'actualité de la Réunion en photos, (lire en ligne, consulté le )
  25. RAPPORT D'OBSERVATIONS DÉFINITIVES SUR LA GESTION DU SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ÉLECTRICITÉ DU DÉPARTEMENT DE LA RÉUNION- Mars 2006, exercices 2000 et suivants.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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