Accords de Lucques

Pacte conclu vers le 56 a. C. n. entre les triumvirs Crassus, Pompée, César. Ils se répartissent géographiquement l'empire. Cet accord signe de facto la défaite du parti aristocratique (les Optimates). Cet accord durera jusqu'à ce que César déclenche la guerre civile en janvier 49 (passage du Rubicon).

Origine et situation politique en 56

Le premier triumvirat, accord privé, est conclu en 60. César obtient le consulat pour 59 puis le proconsulat sur les Gaules, ce qui lui permettra de conquérir la Gaule chevelue.

Cet accord n’empêche pas les rivalités. Rome est secouée de nombreux troubles fomentés par les hommes de paille de Pompée et César, respectivement Milon et Clodius.

Le parti aristocratique (les Optimates) en profite pour se redresser. Au début de 56, certaines de ses manœuvres deviennent dangereuses pour les deux triumvirs:

  • Pompée voulait être chargé de rétablir le roi Ptolémée XII Aulètes chassé du trône d'Égypte par sa sœur. Les Optimates parviennent à l'écarter[1];
  • des manœuvres se déroulent au Sénat pour décharger César de son commandement en Gaule[2];
  • en décembre 57, on remet en question la loi de César de 59 lotissant ses vétérans en Campanie. La proposition revient à la séance du 56[3] et mise aux votes pour le , sous l'impulsion de Cicéron.

De plus, la pression que mettent Clodius et ses bandes sur Pompée et ses partisans rendent ce dernier de plus en plus impopulaire et l'obligent à rester sur ses gardes.

L'accord

Devant la menace, les triumvirs se réunissent à Lucques, en Gaule Cisalpine[4]. Ils se mettent d'accord sur une ferme reprise en main de l'État.

César verra son proconsulat prolongé de 5 ans. Crassus et Pompée se voient attribuer le consulat pour l'année 55[5] avec pour mission de mettre au pas le Sénat. À la suite de leur charge, ils se verront chargés de proconsulats prestigieux à forte composante militaire: à Crassus la Syrie et une expédition contre les Parthes, à Pompée l'Espagne et sa pacification.

Les suites

Le parti des Optimates éclate devant ce coup de force. Nombre de magistrats et de sénateurs[6] se rendent à Lucques pour faire allégeance à l'un ou l'autre des triumvirs.

À Rome, Clodius voit son pouvoir renforcé (il devient le porte-parole des triumvirs) mais en même temps rogné: les triumvirs le contrôlent de près et, en particulier, ses attaques violentes contre le parti de Pompée sont désormais hors de propos. Cicéron doit se taire[7].

La disparition de Crassus en 53 lors de sa campagne contre les Parthes, ne remet pas en cause l'accord qui subsiste tant bien que mal entre César et Pompée. À mesure que l'on approche de la date de la fin de leur proconsulat (50 pour César, 49 pour Pompée), les tensions redeviennent vives et déboucheront sur la guerre civile lorsque César envahira l'Italie, en janvier 49.

Notes et références

  1. Cela suscitait beaucoup de convoitise dans les hautes sphères de l'état, tant l'affaire promettait d'être financièrement juteuse pour celui qui obtiendrait cette mission. La correspondance de Cicéron de cette période montre qu'il s'y intéressait de près au profit de son candidat, le consul de 57, Publius Cornelius Lentulus Spinther, s'installant dans son proconsulat de Cilicie-Chypre. Plusieurs lettres lui sont adressées, faisant rapport des manœuvres en cours et de la difficulté du dossier.
  2. Lucius Domitius Ahenobarbus, ennemi juré de César, se déclare candidat au consulat de 55, promettant de faire abolir le commandement de César.
  3. Lucius Domitius Ahenobarbus et le consul Cnaeus Lentulus Marcellinus pressent le tribun P. Rutilius Lupus de présenter au sénat un projet de révision de la lex Iulia de 59 sur le territoire campanien.
  4. Proconsul de Gaule Cisalpine, Gaule Narbonaise et Illyrie, César ne pouvait fouler le sol italien, sous peine de poursuite.
  5. Ce qui écarte la menace d'un Lucius Domitius Ahenobarbus consul.
  6. Plus de 200 aux dires de Plutarque, Vie de César, XXI: « il [César] donnait rendez-vous, à Lucques, à tout ce qu il y avait dans Rome de plus grands et de plus illustres personnages, tels que Pompée, Crassus, Appius, gouverneur de la Sardaigne, et Népos, proconsul d'Espagne; en sorte qu'il s'y trouvait jusqu'à cent vingt licteurs qui portaient les faisceaux et plus de deux cents sénateurs. ». Les licteurs étaient des appariteurs accompagnant les magistrats. Leur nombre variait en fonction de l'importance de la charge, au maximum 12 pour un consul en 56. Le chiffre donné par Plutarque souligne le nombre important de magistrats en fonction présents à Lucques.
  7. Pompée lui en intime l'ordre. Voir Correspondance de 56: Ad Atticum, IV, 3; Ad Quintum Fratrem, II, 2, 3.

Bibliographie

  • Marcel Le Glay, Jean-Louis Voisin, Yann Le BohecHistoire romaine, Puf, 1991, p.137-139  
  • Pierre Wuilleumier, Introduction à Cicéron, Sur la réponse des haruspices ; 1966 texte établi et traduit par Pierre Wuilleumier, CUF, 1966, p.10-14.
  • Pierre Grimal, « Le contenu historique du Contre Pison », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, no  1, 1966, p.  95-107 (lire en ligne)
  • Pierre Grimal, Cicéron, Paris 1986, Fayard.
  • Pierre Grimal, "A la recherche du "vrai" Cicéron", Vita Latina, 127, 1992 p. 5-10 lire en ligne
  • Cicéron, Correspondance, CUF : Tome II : Lettres LVI-CXXI. (58-56 av. J.-C). Texte établi, traduit et commenté par L.-A. Constans, (1935) 7e tirage 2014.


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