Acousmonium
Un acousmonium est un "orchestre" de haut-parleurs destiné à l'interprétation en concert des musiques composées dans un studio électroacoustique et fixées sur un support audio (œuvres dites acousmatiques). On peut parler d'acousmonium lorsque le dispositif est constitué d'au moins seize haut-parleurs de différentes caractéristiques.
L'acousmonium est un instrument dont le son est travaillé par un choix et un positionnement précis d'enceintes acoustiques. Il se distingue clairement du matériel de sonorisation classique en mettant en avant la spatialisation et le jeu sur le grain du son, et non une unique restitution fidèle et répartie du son.
Autour du cœur du dispositif, constitué d’une assise d’enceintes de référence (en neutralité et en puissance), est déployée toute une gamme de haut-parleurs aux caractéristiques précises, capables de restituer chacun une palette de “couleurs” distincte : du suraigu à l’infra basse, chaque projecteur de son a été sélectionné pour ses qualités propres, lui donnant un rôle spécifique intégré à l’ensemble. On trouvera ainsi des projecteurs dont le rôle est de soutenir les crescendos ou les effets de masse, quand d’autres seront sollicités pour donner du contour, de la présence à une “écriture” détaillée, ou encore discrètement soutenir et arrondir des basses, faire étinceler des aigus, rendre un son creux, renforcer un effet d’éloignement ou de proximité… C’est ce choix d’une grande diversité de types d’enceintes (dont certaines sont fabriquées sur mesure) qui caractérise chaque acousmonium. Le dispositif peut être "accordé" au moment de chaque nouvelle installation dans un nouvel espace (les bandes de fréquences des voies de diffusion sont corrigées à l'aide de filtres (égaliseurs) pour équilibrer l'ensemble).
Un acousmonium est usuellement composé de quarante à cent haut-parleurs reliés à une console de projection, analogique ou numérique, allant de vingt-quatre à soixante-douze voies de diffusion.
Comme un film de cinéma, l’œuvre acousmatique, nécessite d’être projetée pour être appréciée dans toute sa dimension spatiale et imaginaire. L’immersion dans l’espace de projection plonge l'auditeur au cœur de l'expressivité de l’œuvre, la détaille, la révèle, et enrichit la perception du public d’une dimension plus vaste, par les choix d’implantation, les parcours du son dans l’espace, l’étagement des plans, le jeu sur les filtrages et les intensités définis par l'interprète.
À la console, le régisseur a un véritable rôle d’interprète de l’œuvre en public. Tout comme le chef d’orchestre, il se charge de préciser les nuances, les contrastes et les couleurs, les effets de masse et les soli, le relief et bien sûr la mise en espace, avec ses effets cinétiques, ses mouvements proche/lointain, gauche/droite, etc. Cela nécessite des répétitions, une grande concentration, une connaissance parfaite de l’œuvre acousmatique qui acquiert une véritable seconde vie au concert, impossible à restituer par la seule écoute sur disque.
Historique
D'après François Bayle, qui définit le terme et le concept d'acousmonium en 1974 au sein de l'INA-GRM, c’est l’instrument de la mise en scène de l’audible. Il désigne ainsi un dispositif constitué d'un ensemble de “projecteurs sonores” orchestrant l’image acoustique, délaissant alors l'idée de sonorisation.
François Bayle conçoit son dispositif comme une série d’“écrans sonores” multiphoniques, variés en calibres, distances, directions, l'aidant à « organiser l’espace acoustique selon les données de la salle, et l’espace psychologique selon les données de l’œuvre. Aménageant tutti et soli, nuances et contrastes, reliefs et mouvements, le musicien au pupitre devient le concepteur d’une orchestration et d’une interprétation vivante »[1].
Interprétation acousmatique (Jonathan Prager, Motus, 1995)[2]
Voilà maintenant plusieurs décennies que la musique concrète/acousmatique est née. Et avec elle le concert de haut-parleurs. Au regard de la dimension sans cesse grandissante du répertoire acousmatique mondial depuis 1948, et de la nécessité de faire vivre ces œuvres en public, s’est imposé le besoin de faire appel à des interprètes professionnels.
Ce musicien-spatialisateur, aux commandes de la console de projection de l’acousmonium, structure et guide l’écoute des auditeurs à l’aide de mouvements dynamiques, spectraux et géographiques, qu’il anime en direct. Cette pratique vivante de ce qu’on nomme couramment la projection du son s’est maintenant largement répandu, d'abord principalement dans les pays francophones depuis la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt, puis en Europe ainsi que dans plusieurs pays d'Amérique latine, au Japon… Afin d’assurer une diffusion vivante des œuvres acousmatiques auprès du public, la formation et l’existence d’artistes-interprètes, praticiens à part entière de cette discipline, est indispensable. C’est dans ce but que Jonathan Prager, formé par Denis Dufour, a décidé de s’y consacrer à part entière depuis 1995[3]. En 1997, il est nommé titulaire de l'acousmonium Motus[4] et, en 2004, responsable de la formation des interprètes de l'acousmonium M.ar.e à Bari (Italie du sud).
Notes et références
- Musique concrète|musique acousmatique, propositions… …positions, François Bayle, Paris, 1993, Bibliothèque de recherches musicales, Ina-GRM-Buchet/Chastel.
- / Introduction à l'interprétation acousmatique, Jonathan Prager, Lyon, 2002, brochure éditée pour les stages qu'il anime en France, Italie et Japon depuis 2002 et sur le site de l'Ina-GRM.
- « Archives des Jonathan Prager », sur ResMusica (consulté le )
- La Lettre du Musicien n°253, 2e quinzaine de mai 2001, page 28
Articles connexes
Liens externes
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