Liste des rois de Sparte

À partir de la réforme de Lycurgue au VIIe siècle av. J.-C., Sparte possède deux rois (ἀρχαγέται / arkhagétai, de ἀρχή / archế, « le commandement ») représentant l'un la famille des Agiades, l’autre celle des Eurypontides. Ils exercent conjointement des pouvoirs essentiellement militaires et religieux.

Sauf précision contraire, les dates de cette page sont sous-entendues « avant Jésus-Christ ».

Buste d'un hoplite casqué, dit « Léonidas », début du Ve siècle av. J.-C., Musée archéologique de Sparte

Une double monarchie, une oligarchie

L’un fait partie de la famille des Agiades (Ἀγιάδαι / Agiádai), l’autre celle des Eurypontides (Εὐρυποντίδαι / Eurupontídai), deux familles issues, selon la légende, de jumeaux descendants d'Héraclès, Eurysthénès, père d’Agis Ier et Proclès, père d’Eurypon. C’est d’après eux que les Spartiates se nomment, dans leur ensemble, Héraclides[1]. Les familles doivent rester distinctes, ce qui implique qu'elles ne puissent porter les mêmes noms – Agis, fondateur des Agiades, est l'exception, puisque le nom ne se retrouve ensuite que chez les Eurypontides ; Agésilas est porté d'abord par les Agiades, puis par les Eurypontides[2]. Les intermariages sont interdits[2]. Leurs tombeaux se trouvent en des endroits différents : Pitana, l'un des quatre villages qui forment la ville, est le berceau des Agiades, alors que les Eurypontides sont basés à Limnai[3]. Les deux rois sont supposés égaux, même si Eurysthénès est supposé l’aîné des jumeaux, et donc donner une préséance théorique aux Agiades[4].

On s’est interrogé sur l'existence de ces deux dynasties. Certains pensent qu’il y avait au début trois rois, chacun commandant l'une des trois tribus attestées au début de la première guerre de Messénie. L’un des trois rois aurait ensuite disparu. D’autres font des Agiades les rois des anciens Achéens (Cléomène Ier se déclare achéen et non dorien à Athènes), et des Eurypontides ceux des envahisseurs doriens. Enfin, en se fondant sur la localisation de leurs tombeaux, on peut faire des Agiades les représentants d’une partie de la Laconie, Pitana et Mésoa, et les Eurypontides, ceux d'une autre, Limai et Konooura. Cette double monarchie fut peut-être mise en place par les réformes de Lycurgue, au VIIe siècle av. J.-C.

Il n'existe guère d'autres exemple de double royauté. Cependant, dès l'Antiquité, on rapproche les deux rois spartiates des deux consuls romains[5]. Avoir deux rois permet d’en garder un à la cité pendant que l’autre guerroie, ou minimiser les problèmes de vacance du pouvoir en cas de décès ou de régence d'un roi.

Enfin, Sparte voue un culte aux Dioscures, jumeaux modèles de l’amitié fraternelle. La double royauté spartiate a des parallèles dans le monde celtique et germanique. Ceux-ci sont prêtres autant que chefs de guerre. C’est dans cette deuxième fonction que des désaccords peuvent apparaître et c’est la raison pour laquelle un seul roi part en expédition[6]. Cette dualité des rois présente un véritable avantage pour les éphores qui peuvent jouer l'un contre l'autre.

Dévolution du pouvoir

L'accès au trône est héréditaire, et non fondé sur le mérite[7]. Le pouvoir royal se transmet au « plus proche descendant du plus proche détenteur du pouvoir le plus royal »[8], c’est-à-dire que le fils passe avant le frère[9], qu’il y a droit d'aînesse mais que le fils né quand le père est déjà roi prime sur ceux pour lesquels ce n’est pas le cas[10]. Il ne s'agit donc pas d'une primogéniture stricte, mais de ce que les Byzantins appelleront la porphyrogénèse[7]. Néanmoins, il semble que les Spartiates interprètent de manière libérale cette règle de succession. La succession d'un roi se fait donc obligatoirement dans la même famille que celui-ci. À son entrée en fonction, le roi prête serment de défendre la politeia de la cité.

Plutarque note que « ceux qui sont élevés en vue de la royauté » sont exemptés de l'éducation spartiate[11], particularité dont on ignore la raison exacte. Le cursus commençant à sept ans, la précision implique que le prince héritier est identifié comme tel dès son enfance[12].

Rôle des rois

Les pouvoirs des rois sont essentiellement militaires et religieux. Xénophon écrit ainsi : « le roi n'a pas d'autre tâche en campagne que d'être un prêtre pour les dieux et un stratège pour les hommes[13]. » Au début, les rois peuvent mener la guerre contre le pays de leur choix[14] et leur pouvoir est collégial. Au fur et à mesure, leurs prérogatives se restreignent. En 506, c’est le « divorce d’Éleusis » : le roi Démarate abandonne l'expédition menée par Cléomène et lui contre Athènes ; par la suite, indique Hérodote, « [il] fut établi comme loi à Sparte qu'il ne soit pas permis aux rois d'accompagner tous les deux une armée en campagne[15]. » Au Ve siècle, c’est l’Assemblée qui vote la guerre[16], et, au moins depuis le IVe siècle, les éphores et les gérontes qui décident de la mobilisation[17]. Agis II peut encore décider d'envoyer une expédition où bon lui semble pendant la guerre du Péloponnèse[18] mais par la suite, le roi est soumis sur ce point au pouvoir des éphores[19].

Il arrive aussi que les rois soient en discorde avec les autres institutions.

Les prérogatives royales sont beaucoup plus étendues en campagne, au point qu'Aristote qualifie la royauté spartiate de « généralat héréditaire »[20]. Le roi en campagne est commandant en chef (ἡγεμών / hêgemốn)[21]. Il prime sur les autres généraux, peut conclure les trêves, et combat au premier rang à l’aile droite, protégé par sa garde d'honneur — pour Hérodote, celle-ci est formée de cent hommes[14] ; Thucydide de son côté montre le roi entouré des trois cents Hippeis à Mantinée[22]. Il a droit de vie et de mort sur ses soldats, y compris les citoyens[23]. Il reste néanmoins soumis à la surveillance des éphores[24] et peut être jugé à son retour de campagne.

Les rois ont aussi le sacerdoce de Zeus Lakedaimonios et Zeus Ouranios[14], et président aux sacrifices publics. Ils nomment les Pythioi, magistrats chargés de questionner la Pythie, et recueillent leur rapport[25]. Ils sont membres de la gérousie et peuvent juger les affaires de droit familial. Les rois sont constamment surveillés par l'État.

Privilèges des rois

Les rois de Sparte sont associés à des privilèges, appelés timai en grec. Ces privilèges se résument à la primauté dans la société. Ainsi, lors des banquets quotidiens, les rois sont surélevés par une estrade afin d'être visibles par tous. Ils bénéficient également d'une double ration afin d'inviter une personne de leur choix, généralement un ambassadeur étranger. L'État octroie aussi aux rois une terre, le théménos, qui correspond au double en rendement des autres citoyens. Enfin, lors des campagnes militaires, ils reçoivent une double part du butin confisqué aux ennemis.

Liste des rois

Les premiers Spartiates historiques connus sont les rois Polydore et Théopompe, qui règnent au premier quart du VIIe siècle[26]. Les rois précédents sont connus par Hérodote, qui mentionne dans son enquête deux listes de personnages royaux, présentés respectivement comme les ascendants de Léonidas Ier[27] et de Léotychidas II[28]. Ces généalogies remontent à Héraclès et sont largement mythiques.

Premiers rois

Les premiers rois cités sont légendaires.

Dynastie des Agiades

Voici la liste des rois de Sparte de la dynastie des Agiades :

Après la déposition d'Agésipolis III, la dynastie des Agiades cessa officiellement de régner sur Sparte. La dyarchie fut transformée en monarchie, avec un seul souverain issu de la dynastie des Eurypontides.

Ci-dessous figure l'arbre généalogique des rois de Sparte issus de la dynastie des Agiades :

(les rois ayant effectivement régné sont indiqués en gras)

Dynastie des Eurypontides

Voici la liste des rois de Sparte de la dynastie des Eurypontides :

Avec lui s'éteint la dynastie des Eurypontides.

Fin de la monarchie

Il semble probable que la monarchie fut abolie à la mort de Nabis.

Toutefois, Flavius Josèphe cite une lettre qu'aurait écrite au juif Onias un nommé Arias qui se présente comme roi de Lacédémone et place l'événement sous le règne de Séleucos IV Philopator (187-175 av. J.-C.), donc après celui de Nabis[30]. Mais un peu plus loin[31], il donne copie d'une autre lettre datant du premier règne de Démétrios II Nicator (145-139 av. J.-C.) transmise par les ambassadeurs juifs envoyés à Rome « aux éphores, au sénat et au peuple de Lacédémone », cette fois donc sans mention des rois.

Toujours est-il que, quelques années plus tard, en 146 av. J.-C., Sparte entra dans la sphère d'influence romaine comme l'ensemble de la Grèce. Elle devînt une cité libre au sein de la province romaine d'Achaïe.

Notes et références

  1. Tyrtée, frag. 8, 1.
  2. Lévy, p. 162.
  3. Cartledge (2001a), p. 90.
  4. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], VI, 51-52.
  5. Pour Denys d'Halicarnasse, Brutus s'inspire de Sparte pour établir les deux consuls. Antiquités romaines [lire en ligne], II, 13-27.
  6. Nicolas Richer, Sparte : Cité des arts, des armes et des lois, Paris, Perrin, 2018, p. 212
  7. Carlier (2005), p. 21.
  8. Carlier (1984), p. 247.
  9. Xénophon, Helléniques [lire en ligne], III, 3, 2.
  10. Hérodote, VII, 3.
  11. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Agésilas, 1.
  12. Carlier (2005), p. 22.
  13. Xénophon, République des Lacédémoniens (lire en ligne), XIII, 11.
  14. Hérodote, VI, 56.
  15. Hérodote, V, 75.
  16. Thucydide, La Guerre du Péloponnèse [détail des éditions] [lire en ligne], I, 87.
  17. Lévy, p. 153.
  18. Thucydide, VIII, 5, 3.
  19. Lévy, p. 169.
  20. Aristote, Politique (lire en ligne) 1285 a.
  21. Aristote, Politique, 1285 a5-8 et b26-28.
  22. Thucydide, V, 72, 4.
  23. Aristote, Politique, III, 14, 1285a 8-10.
  24. Thucydide, II, 4, 36.
  25. Lévy, p. 172-173.
  26. Cartledge (2001a), p. 115.
  27. Hérodote, VII, 204.
  28. Hérodote, VIII, 131, 2.
  29. Nicolas Richer, Histoire de Sparte
  30. Antiquités juives, XII, V.
  31. Antiquités juives, XII, 9.

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Carlier :
    • Carlier (1984) : La royauté en Grèce avant Alexandre, Association pour l’étude de la civilisation romaine (AECR), Strasbourg, 1984,
    • Carlier (2005à : « Le prince héritier à Sparte », Gerión, vol. 23, no9 (2005), p. 21-28 [lire en ligne].
  • Paul Cartledge :
    • Cartledge (1987) : (en) Agesilaos and the Crisis of Sparta, Duckworth, Londres, 1987,
    • Cartledge (2001a) : (en) Sparta and Lakonia: A Regional History 1300-362 BC, Routledge, New York et Londres, 2001 (ISBN 0-415-26276-3),
    • Cartledge (2001b) : (en) « Spartan Kingship: Doubly Odd? » dans Spartan Reflections, University of California, Berkeley, 2001 (ISBN 0-520-23124-4), p. 55-67.
  • Edmond Lévy, Sparte : histoire politique et sociale jusqu’à la conquête romaine, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-032453-9).
  • Bernard Sergent, « La représentation spartiate de la royauté » dans Revue de l'histoire des religions no189 (1976), p. 3–52.
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