Agouni Hamiche

Agouni Hamiche est un village de Grande Kabylie situé dans la commune de Makouda,wilaya de Tizi Ouzou en Algérie.

Pour les articles homonymes, voir Hamiche.

Agouni Hamiche
Noms
Nom arabe algérien أقوني حميش
Nom amazigh ⴰⴳⵓⵏⵉ ⵀⴰⵎⵉⵛ
Administration
Pays Algérie
Région Kabylie
Wilaya Tizi Ouzou
Daïra Makouda
Chef-lieu Makouda
Code postal 15145 Tala Bouzrou
Démographie
Population 900 hab. (2019)
Densité 750 hab./km2
Géographie
Coordonnées 36° 47′ 08″ nord, 4° 03′ 46″ est
Superficie 1,20 km2
Localisation
Géolocalisation sur la carte : Algérie
Agouni Hamiche
Géolocalisation sur la carte : Algérie
Agouni Hamiche
Géolocalisation sur la carte : Algérie (nord)
Agouni Hamiche
    Villages limitrophes de Agouni Hamiche
    Remblai Thala Bouzrou Ibakoukène
    Ichikar Tarihant
    Ichikar Isthithen Tamiest

    Adewwar n Makuda fait partie de Lɛarc n Ayt Wagennun qui est délimité à l’est par Ait Jenad, au nord par Iflisen et Ait Umadaɣ, à l’ouest par Ait Selgem, au sud par Ait Amrawa, Ayt Ɛeysi, Ayt Yiraten et au sud-est, de façon lointaine, par Ayt meqlaɛ d w’ Ayt yeǧǧer.

    Toutes ces régions sont situées dans ce que l’administration coloniale, dans un objectif de division, a nommé « Grande Kabylie », qui a comme capitale Tizi-Ouzou (le « Mont des genets » en Algérie). La Petite Kabylie s’étend, elle, vers l’est au-delà de Ayt Jennad et de Ayt yeǧǧer.

    En réalité, le village d'Agouni Hamiche est une extension du village Istiten qui est une grande localité multimillénaire, comme en témoignent de nombreuses stèles retrouvées durant des travaux de terrassement et d’autres mises à jour par des agriculteurs labourant les plaines n w’asif n Yestiten. Parmi elles, des stèles sur lesquelles figurent des représentations picturales mais aussi des pierres écrites en Tifinagh comme celle retrouvée lors de travaux de labeur à Taqerrabt au lieu-dit Lmerǧa n Laḥwaḍ (voir les vidéos YouTube « La Kabylie profonde »).

    À partir du village d'Istiten (« Stita », nom arabisé par l’administration post-coloniale de l’armée des Frontières) sont issus plusieurs villages :

    • Agouni Hammiche - « Agwni N Hammic »
    • Ichikar – Iciqer
    • Akaouj - Aqawej
    • Ifuzar

    Ces deux derniers se situent tous les deux sur Là Ait Aissa Mimoun « Ayt Ɛisa Mimun ».

    Histoire

    Fondation

    Le village d'Agwni N Hemmic fut fondé par deux hommes (Mess Hammic et Mess Larbi) venus du village Istiten. Ils se sont installés sur un terrain plat qui appartenait à Hammic d’où le nom du village qui demeure jusqu’à nos jours, Agouni Hamiche, qui signifie : le terrain ou le stade de Hammic. Ils y ont élu domicile avec leurs familles.

    À l'époque, les relations avec les autres villages étaient tendues, à cause notamment des frontières avec les villages de Tala Bouzrou (Tala N wezrou). La frontière entre Agouni Hamiche et Tala Bouzrou est en effet limitée par le cimetière de Sidi Elḥadj Umbarek. La légende rapporte que Sidi Elḥadj Umbarek était un Saint Homme très pieux ; il aurait accompli 7 fois le rite du pèlerinage à la Mecque. Respecté par les deux parties, il a pu ramener la paix entre les deux populations.

    Le village était, durant cette longue période de confit, protégé par les habitants du village Istiten. On ne connaît pas exactement la date à laquelle ces deux fondateurs, Mess Hammic et Mess Larbi, se sont installés à cet endroit mais une estimation peut être faite assez facilement : ils ont dû s’y installer avant l'arrivée des Turcs en Afrique du Nord.

    À titre de comparaison, le village Aqawej fut fondé par UqtƐan avec ses sept enfants en raison des expéditions punitives de l’armée turque à propos du prélèvement des impôts. Il se situe sur le sommet de la montagne des Ayt Ɛisa Mimun. Le sommet de Aqawej fait face à un autre sommet, celui de Rgawna. Tous deux font partie de la même montagne ; ils sont séparés par le canyon (abrid ger iwjayen ou assif ger iwjayen) creusé par le fleuve (Oued Sibaou ou « Asif n Amrawa »).

    UqtƐan en s’installant au village Aqawej a occupé ce sommet, à l’origine très boisé, et s’en est servi comme place forte pour observer et anticiper les attaques des armées turques.

    Arrivée de renfort

    Mess Hammic et Mess Larbi ont assez rapidement été rejoints par Mess Ali, Mess M'Hand et Mess Akli qui venaient de la Petite Kabylie, plus exactement du village Elkser près de Bejaia. Eux cherchaient refuge pour des raisons que personne - y compris les descendants de ces derniers - ne connaît. En tout cas, ils ont constitué un renfort appréciable et ont contribué à l’agrandissement du village. Celui-ci s'est élargi, formé par Ihemmicen, Ayt Larbi, Ayt Ali, Ayt Mhend et Ayt w Akli.

    Combats pendant la colonisation

    Lors de la colonisation de l’Algérie par la France, trois batailles, restées dans la mémoire populaire, ont signé la défaite de la basse Kabylie. La tradition orale les rapporte ainsi :

    • La bataille de Tawerga situé sur les terres de Ait Selgem dans la daïra de Delys actuellement, où le premier Martyr « Mes Ali U Mhand ou Ider Ali » est tombé. Celui-ci est originaire du village Tigwnatin ou Ayt Ali. Néanmoins l’armée coloniale a aussi subi des pertes, les volontaires Kabyles avaient fait des prisonniers Français (Imuraz) qui furent ramenés à Agwni n’Attouc « le village Attouche ».
    • La bataille de Tizi n Tlata à la frontière entre Tala Bouzrou, Tifra (Iflisen) et Boujimaɛ. Ce fut une déroute des volontaires Kabyles en raison d’une trahison. L’armée coloniale avait été informée du lieu de l’embuscade, par Saïd n’Ait Abdellah originaire de Iflissen. Il reste encore de nos jours des vestiges du muret construit par les volontaires Kabyles pour s’y abriter au cours de l’embuscade. C’est de là qu’est né le proverbe Kabyle « Lukan Lmaɛna yer lqedd, Ayt abdela d isulas ».
    • La bataille de Tamda à laquelle les Ait Kaci et leurs alliés notamment Iceɛuten (Tifra) auraient participé très activement. De Icaɛuten ont participé les trois frères Elḥadj Lunnas, Elḥadj Muhand et Elḥadj Omar. L’un est décédé, l’autre blessé et l’un est revenu indemne. À partir de cette bataille l’armée coloniale a progressé difficilement durant des années avant que le denier bastion ne tombe c’est-à-dire Ayt Yiraten en 1871. Cette défaire fut aussi l’œuvre d’un traitre Hsen N y’ Aṭṭaren le jour de la fête de l’Aid (fête du Mouton) où ils fêtaient et leur vigilance est relachée.

    Renommage et division des familles

    À la suite de la colonisation de la Kabylie, l'administration coloniale a devisé la quasi-totalité des familles en plusieurs branches en procédant à la modification de leurs noms d’origine, dans un objectif de division mais aussi de création de conflits comme on l’a noté dans l’histoire par la suite. C’était une règle appliquée à toute l’Algérie comme ce fut le cas pour le village d'Agouni Hamiche

    • Les Ihemmicen sont divisés en Hamouche et Hammiche,
    • Les Ayt ALI sont renommés Kasmi,
    • Les Ayt Mhend renommés Belhamidi,
    • Les Ayt W Akli nommés Djilali ; il ne reste personne de la famille Djilali (Akli a eu deux filles).

    Quant aux Ayt Larbi, ils ont été divisés en cinq branches familiales : Chafai, Chabni, Chabli, Arbouz et Arbouche.

    Tamyist, un village voisin et allié

    Les habitants du village d'Agouni Hamiche ont accepté la venue d’une importante population constituant un village allié ; le village Tamyist. Les habitants de Tamyist se sont installés au sud du village d'Agouni Hamiche sur le chemin de Azaɣr qui conduit aux terres agricoles fertiles de la vallée de Asif n Istiten.

    Les habitants de Tamyist sont originaires de Ayt Ddwala, plus exactement de la région de Akal Aberkan et du village Ayt Bu Yaḥya, un village constitué essentiellement de Imrabḍen. Ils ont quitté Ayt Bu Yaḥya à la suite d'un conflit dont on ne connaît pas les raisons exactes.

    Tamyist est devenu un village allié du village d'Agouni Hamiche.

    Aujourd’hui encore, les habitants de ce village font mine de rappeler aux citoyens d'Agouni Hamiche qu’ils doivent les respecter car ils sont leurs Imrabḍen (hommes de foi et de religion, c’est-à-dire ceux qui étaient censés perpétuer les rites et us de la religion musulmane).

    Mais essentiellement, à leur arrivée, les deux villages avaient le devoir de se protéger mutuellement. L’alliance entre les deux villages demeure et de nombreuses actions communes sont régulièrement menées, telles que les volontariats ou Tiwiziwin ainsi que Timchret ou LuwziƐa (lors des fêtes religieuses, le village tue un bœuf ou des moutons et la viande est partagée entre tous les habitants des deux villages de façon équitable et surtout gratuitement pour les nécessiteux).

    Villages de martyrs

    Les deux villages Agouni Hamiche et Tamyist ont joué un rôle important dans la région et dans toute la Kabylie dans la préparation de l’insurrection armée durant la Révolution Algérienne. Avec Istiten, ce sont les trois villages qui ont donné un très grand nombre de martyrs durant la Guerre d’Algérie. Le village d'Agouni Hamiche a donné 24 martyrs sur une population de 83 âmes recensées à l’indépendance en 1962.

    Parmi les martyrs, il y a eu plusieurs cadres parmi les plus gradés de la région :

    • Le Capitaine Amar n Lbas (Amar Bessalah) ;
    • Son frère Saïd Bessalah qui fut le responsable de l’OS (organisation secrète) et qui fut emprisonné durant les 7 ans qu’avait duré la guerre d’Algérie. Après son emprisonnement, il fut remplacé par Kasmi Mohammed Saïd dit Moustache.
    • Le Capitaine Ahmed Chafai dit Roger cadre de la Wilaya 4.
    • Le Lieutenant Mohammed Saïd Kasmi dit Moustache cadre de la Wilaya 4.

    Ces deux derniers ont été les premiers cadres de la Wilaya 3 envoyés pour former la Wilaya 4 par Krim Belkacem, chacun avec une compagnie de plus 124 hommes pour étendre la guerre aux zones pacifiées par l’armée française telles que TABLAT et ses environs.

    • Le lieutenant Amar Kasmi ou Amar n Lunis et son oncle
    • Le Lieutenant Saïd Kasmi ou Saïd w Amar dit Lmarruk ce dernier est encore en vie en 2021 et est alors âgé de 94 ans (il est né en 1927).

    Il y a également eu des exilés à Agouni Hamiche en 1948-1849 (Hammouche Mohammed Saïd ou Muhsaɛid Muhand Ihemmicen) à la suite d'une bataille qui a eu lieu entre les pro-Français et les révolutionnaires (bataille entre les Hammiches et le reste du village dont les Hamouches comme expliqué plus haut). Il a été forcé de quitter le village et l’Algérie avec son épouse et ses enfants pour s’établir en France où il a continué la lutte dans le cadre de la fédération de France et par la suite comme membre de l’académie Berbère de Vincennes à Paris.

    N’ont survécu que très peu d’hommes et de femmes parmi ceux qui ont participé directement à la guerre de libération.

    Il est important aussi de rappeler la lutte sur le plan culturel. Dès l’installation de l’armée coloniale à Boujimaɛ, le plus haut gradé de l’époque et ses goumiers ont convoqué le poète Muh n’Amar Umeziane connu dans toute la Kabylie sous le nom de Muh n Hand Awagnun. Ils lui ont proposé Rebɛa Duru, soit 40 sous de l’époque ou « Rebɛin Sourdi , juste pour qu’il déclame ses poèmes. Il a immédiatement compris que le militaire voulait à travers ses poèmes connaitre le fonctionnement de la société kabyle et des Ayt Wagnun en particulier. En guise de réponse il leur a composé un poème instantanément et leur a répondu :

    « Ay-d fka lwerd tmurti-w Fiḥel ma megra taɛfart
    Am win yeţţagem-n aman
    Ɣer lḥila mebla Tacert
    Ma skn-ɣ-as Nnbi u Rumi
    Awer Icafaɛ deg-i laxart »


    « Dans mon pays, poussent de nombreuses variétés de roses
    Ai-je besoin de moissonner (cueillir) des épines
    L’ennemi ressemble à un seau troué à remplir d’eau
    Rien ne peut rassasier son avidité
    S’ils croient que je donnerai les miens et ma religion
    Que le Prophète n’intercède pas pour moi le jour du Jugement dernier »

    Durant la révolution plusieurs poèmes ont jalonné les exploits des hommes des deux villages. En voici un exemple :

    « Ɛahdem-t a tuzma ţeryis
    Mi t-ţewwet t-Myist
    Ewwet-n-ţ ulin-d W’aman

    Wissen anwi i-zenzen lasel-is
    Idda du Frensis
    Labḍna tenza s-leqlam

    D tarbaɛt-ik Amar n Lunis
    Bu znad Iţiɣwis
    Ay ten-igezmen ţileqam

    Laskar ɣli-n ɣef idis
    França t ḥeţţeb arraw-is
    Imjuhad refden lalam »

    « Vous les belles femmes renoncez à vos parures.
    Après ce qui est arrivée à Tamyist ;
    Des bombardements, des sources ont jaillis.

    Quelqu’un a trahi les siens :
    Il s’est rallié à la France
    Avec un rapport manuscrit.

    C’est ton groupe oh Amr Lunis
    À la gâchette chantante
    Qui en a terrassé paquet.

    Les soldats furent étalés.
    La France compte ses enfants morts
    Pendant que les moudjahidin ont hissé le drapeau. »

    La relève

    En dépit de l’éloignement et de l’interdiction indirecte de retourner au pays imposée par les Généraux au pouvoir (conditions de retour dignes du rideau de fer), la diaspora algérienne, notamment kabyle, reste mobilisée à travers les continents et restent fidèles à leurs aïeuls Imaziɣen (les hommes libres ou, plus exactement, les hommes qui n’ont d’autre chef qu’eux-mêmes).

    Leur dernière action remonte au 6 août 2021 avec l’envoi de concentrateurs d’oxygène et autres matériel de soins pour la population largement atteinte par la pandémie (30 personnes sont décédées). Cet élan de solidarité s’explique par la faillite totale du pouvoir en place et son incapacité à assurer les soins dont a besoin la population. Ils déplorent l’absence d’oxygène, de médicaments et de lits d’hôpitaux disponibles pour répondre à la catastrophe.

    Par ailleurs la Kabylie a été totalement incendiée en 2021 avec la disparition quasi-totale de milliers de km² de faune et de la flore. Le pouvoir est allé jusqu’à refuser l’aide des pays voisins qui proposaient des canadairs pour éteindre les incendies. Ils ont laissé les Algériens et particulièrement la Kabylie et les Kabyles brûler. Le bilan s’élève à 129 morts d’après les données fournies par la population et des milliards d’euros de dégâts humains, animaux, matériels, agricoles et écologiques…

    Population

    De nos jours, le village d’Agouni Hamiche est peuplé de 1500 habitants environ. En raison des problèmes politiques, culturels et économiques résultant d’un pouvoir corrompu constitué essentiellement d’héritiers de l’armée des frontières, une partie de sa jeunesse constitue la diaspora algérienne éparpillée à travers les différents continents.

    Références

      • Portail de l’Algérie
      Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.