Alliage à haute entropie

Les alliages à haute entropie (ou les alliages à forte entropie, alliages multi-élémentaires ou encore alliages à composition complexe[1]; high-entropy alloys (HEA) en anglais) sont des alliages constitués d'au moins cinq métaux en proportion proche d'équimolaire (en général entre 5 et 35 %). Les alliages à haute entropie forment des solutions solides au lieu de composés intermétalliques. Ces alliages font actuellement l’objet d’une attention particulière en science des matériaux et en ingénierie, car ils présentent des propriétés exceptionnelles; surtout propriétés mécaniques prometteuses à basse et à haute température (surtout dureté et ténacité)[2].

Pour les articles homonymes, voir HEA et Alliage (homonymie).

Modèle de la structure de l'alliage à haute entropie CoCrFeMnNi.

Le terme « alliages à haute entropie » provient du fait que l'entropie de mélange d'un grand nombre d'atomes différents, particulièrement en proportion proche d'équimolaire, est considérablement plus élevée. De plus, c'est cette entropie de mélange plus élevée qui stabilise la solution solide[3].

Il existe de nombreux types de HEA. Les plus connus sont les HEA constitués de métaux de transition provenant de la quatrième ligne du tableau périodique (du Ti au Cu par exemple). Ils ont généralement une structure cubique à face centrée et ont des propriétés mécaniques relativement faibles et une ductilité élevée. Une autre famille de HEA notable et celle composée d'éléments réfractaire (Ti-V-Nb-W-Ta-Mo) qui possède une structure cubique centrée et des résistances mécaniques élevées à haute température.

Particularités

Les alliages métalliques classiques comprennent un ou deux composants principaux avec de plus petites quantités d'autres éléments[3]. Par exemple, des éléments supplémentaires peuvent être ajoutés au fer pour améliorer ses propriétés, créant ainsi un alliage à base de fer. L'acier en est un exemple notable où le fer compose généralement plus de 90 % de l'alliage.

Contrairement aux alliages classiques, les alliages à haute entropie sont constitués d'au moins cinq métaux en proportion proche d'équimolaire[3]. En outre, des recherches ont montré que certains HEA présentaient un rapport résistance / poids considérablement supérieur, avec un degré de résistance à la rupture, une résistance à la traction et une résistance à la corrosion et à l'oxydation supérieurs à ceux des alliages classiques. Bien que les HEA existent déjà avant 2004, la recherche s’est considérablement accélérée au cours des années 2010.

Typiquement, lorsque l'on ajoute un élément à un alliage quelconque, il en résulte une complexification du solide formé dû au plus grand nombre de phases disponibles. Il est alors attendu que plusieurs de ces phases soient des microstructures qui seraient souvent assez fragiles. Or, la haute entropie de mélange des alliages à haute entropie permet la formation de structures simples et donc réduit grandement le nombre de phases disponibles[3]. Cette caractéristique est capitale afin d'obtenir de larges domaines et de développer des applications intéressantes pour l'industrie.

Définition

La définition exacte reste encore aujourd'hui assez floue malgré la forte augmentation du nombre de recherche sur le sujet.

Historiquement, la première définition est basée sur la composition chimique. L’alliage doit être constitué de cinq métaux ou plus en proportion proche d’équimolaire, c'est-à-dire entre 5 et 35%[4].

Une deuxième définition, se basant sur l'entropie configurationnelle, est également considérée. L'entropie de mélange se calculant grâce à la formule de Boltzman :

avec R la Constante universelle des gaz parfaits, N le nombre de constituants et ci la concentration molaire du constituant i.

Ainsi, on distinguera trois niveaux d'entropie[5] :

  • Basse entropie lorsque .
  • Moyenne entropie lorsque .
  • Haute entropie lorsque .

Cependant, ces deux définitions ne sont pas compatibles. Un alliage non équimolaire constitué de 5 éléments entre 5 et 35% sera considéré comme étant à haute entropie selon la première définition et à moyenne entropie selon la deuxième puisque son entropie de mélange sera inférieure à 1.61R[6]

Alliage de Cantor

L'alliage de Cantor est l'alliage à haute entropie le plus connu et le plus étudié tirant son nom de l'auteur de la publication qui y fait référence[7]. Il possède la composition suivante : Fe20Co20Cr20Mn20Ni20

Il s'agit d'un alliage monophasé, comportant la structure cubique à faces centrées lui donnant une résistance mécanique plutôt faible et une plasticité élevée. Une caractéristique notable de cet alliage est son comportement aux températures cryogéniques. Une fois refroidi à 77K, des essai de tractions montrent qu'une augmentation simultanée de la limité élastique et de la ductilité sont observées.[8] Ce comportement est lié à l'activation d'un nouveau mécanisme de déformation appelé TWIP (twinning induced plasticity en anglais) qui entraîne l'apparition de macles. Ces macles permettent de réduire la taille effective des grains en les scindant en plusieurs morceaux ce qui augmente l'écrouissage et retarde l'apparition de la striction[9].

Notes et références

  1. « Propriétés mécaniques d’alliages réfractaires à haute entropie de mélange », Journées annuelles 2015 SF2M, (lire en ligne)
  2. Mathilde Laurent-Brocq et Jean-Philippe Couzinié, « Alliages multi-composants à haute entropie- Concepts, microstructures et propriétés mécaniques », Techniques de l'ingénieur, (lire en ligne).
  3. (en) « High-Entropy Alloys: A Critical Review », Materials Research Letters, (ISSN 2166-3831, lire en ligne).
  4. (en) Michael C. Gao, Jien-Wei Yeh, Peter K. Liaw, Yong Zhang, High-Entropy Alloys : fundamentals and applications, Cham, Springer, , 516 p. (ISBN 978-3-319-27011-1), p. 10
  5. Jien-Wei Yeh, « Recent progress in high-entropy alloys », Annales de Chimie Science des Matériaux, vol. 31, no 6, , p. 633–648 (DOI 10.3166/acsm.31.633-648, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) D.B. Miracle et O.N. Senkov, « A critical review of high entropy alloys and related concepts », Acta Materialia, vol. 122, , p. 448–511 (DOI 10.1016/j.actamat.2016.08.081, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) B. Cantor, « Microstructural development in equiatomic multicomponent alloys », Materials Science and Engineering A, , p. 213–218 (DOI 10.1016/j.msea.2003.10.257)
  8. (en) F. Otto, A. Dlouhý, Ch. Somsen et H. Bei, « The influences of temperature and microstructure on the tensile properties of a CoCrFeMnNi high-entropy alloy », Acta Materialia, vol. 61, no 15, , p. 5743–5755 (ISSN 1359-6454, DOI 10.1016/j.actamat.2013.06.018, lire en ligne, consulté le )
  9. Stéphane Gorsse, Jean-Philippe Couzinié et Daniel B. Miracle, « From high-entropy alloys to complex concentrated alloys », Comptes Rendus Physique, vol. 19, no 8, , p. 721–736 (ISSN 1631-0705, DOI 10.1016/j.crhy.2018.09.004, lire en ligne, consulté le )
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