Andorra (Frisch)
Andorra autopsie d'une haine ordinaire, est une pièce de théâtre écrite en 1961 par le dramaturge suisse Max Frisch. La pièce ne se passe pas en Andorre, mais dans un pays fictif qui porte le même nom, comme l'indique l'auteur au début de la pièce[1],[alpha 1]. Elle a été représentée pour la première fois au Schauspielhaus (Zurich) en .
Andorra Autopsie d'une haine ordinaire | |
Affiche de la mise en scène d'Urs Odermatt en 1993 au Neues Theater de Halle (de). | |
Auteur | Max Frisch |
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Nb. d'actes | douze tableaux |
Dates d'écriture | 1958-1961 |
Version originale | |
Langue originale | Allemand (Suisse) |
Pays d'origine | Suisse |
Date de création | 2 novembre 1961 |
Lieu de création | Schauspielhaus (Zurich) |
En France, Andorra a été mise en scène par Gabriel Garran et jouée à l'occasion de l'inauguration de son théâtre, le Théâtre de la Commune d'Aubervilliers en [2].
Personnages
- Andri
- Barbeline
- Le Maître d'école
- La Mère
- La Señora
- Le Prêtre
- Le Soldat
- L'Aubergiste
- Le Menuisier
- Le Docteur
- Le Compagnon
- Le Boulanger
Argument
Cette pièce parle de l'antisémitisme, des préjugés et de la vision propre de l'individu. Le personnage principal est Andri, un jeune juif adopté par un professeur. Andri évolue dans un pays plein de préjugés, menacé d'invasion. Le pays voisin est en effet sous une dictature qui extermine les juifs. Alors qu'Andorra se dit tolérante et ouverte, on remarque que les préjugés sont bien trop présents et qu'Andri va rapidement être perçu comme l'étranger du pays. Ce statut l'amène à subir des discriminations de la part des habitants. Il se sentira vraiment rejeté au moment où son père adoptif lui refusera la main de Barbeline, qu'il croit n'être que sa sœur adoptive. On apprend que l'identité d'Andri est basée sur un mensonge de son père, qui ne l'a pas adopté, mais qui est son vrai père après une aventure avec une femme du pays voisin. Son père tente alors de tout révéler à tout le monde mais Andri ne croit plus son père, qui a pris l'habitude de boire, et il décide de s'assumer pleinement juif dans son pays. Les préjugés étant de plus en plus présents, Andri est dénoncé par les habitants lorsque le pays voisin les envahit. Trahi par ceux qui l'ont vu grandir, il est abattu par un soldat ennemi. Tout au long de la pièce, on assiste au procès des habitants qui l'ont côtoyé : aucun ne veut se dire coupable et chacun expose qu'il ne pensait pas que ça irait aussi loin et qu'ils ne pouvaient pas savoir qu'il n'était pas juif.
Résumé par tableau
Tableau 1
Tandis que Barbeline repeint sa maison en blanc pour le jour de la Saint-Georges, le soldat Peider essaie de la convaincre de passer la nuit avec lui, mais elle le repousse, car elle est déjà fiancée. Le prêtre entre en la félicitant de repeindre sa maison. Une fois le soldat parti, Barbeline confie ses craintes au prêtre : elle a peur que le pays voisin, peuplé de casaques noires qui tuent les Juifs, les attaque. Le prêtre la rassure en lui disant qu'aucun pays ne chercherait à conquérir Andorra, car c'est un pays pauvre. Avant de partir, il recommande à Barbeline de surveiller son père, le maître d'école, pour qu'il ne boive pas trop lors de la Saint-Georges. Sur la place du village, le maître d'école marchande avec le menuisier le prix pour que son fils adoptif juif, Andri, puisse faire des études chez lui. Puis, l'aubergiste, discutant avec le maître d'école, fait allusion à l'avarice des Juifs. Elle tente ensuite de se rattraper en disant qu'Andri est une exception. Pendant que la procession de la Saint-Georges passe, Andri dit à Barbeline qu'il pourront se marier, puisqu'il va avoir un métier. Le soldat Peider qui passe par là reproche à Andri d'être lâche, car il est juif.
À l'avant scène, l'aubergiste dit au public que ce n'est pas de sa faute si « les choses ont tourné de cette façon » pour Andri, elle l'aimait bien.
Tableau 2
Andri discute avec Barbeline, sur le seuil de la chambre de celle-ci. Il a peur que ce que disent les gens sur les Juifs soit vrai. Il dit à Barbeline qu'il est effectivement lâche, puisqu'il ne demande pas sa main à son père. Barbeline le prie de cesser de penser aux autres quand ils sont seuls.
À l'avant scène, le menuisier dit au public qu'il ne voulait pas d'Andri dans son atelier, car il pensait qu'il serait mieux comme vendeur. Puis il dit que « ce n'est pas de [sa] faute si plus tard les choses ont tourné de cette façon ».
Tableau 3
En entrant dans son atelier, le menuisier sent une odeur de cigarette et reproche à Andri d'avoir fumé. Il y a deux chaises dans l'atelier. Le menuisier reproche la faiblesse d'une chaise à Andri en prenant comme exemple la seconde qui est très solide. Andri a beau dire au menuisier que c'est sa chaise qu'il cite comme modèle, le menuisier ne l'écoute pas et l'assigne à la vente des chaises plutôt qu'à la construction de celles-ci.
À l'avant scène, le compagnon qui est en apprentissage comme Andri, avoue que c'est lui qui avait fumé et fait la chaise que le menuisier reproche à Andri. Il conclut qu'Andri l'a « un peu cherché, sans quoi ça n'aurait pas tourné de la façon que ça a tourné ».
Tableau 4
Le nouveau docteur du canton fait une consultation à domicile pour Andri. Sans savoir que celui-ci est juif, il lui explique que les Juifs volent le travail des Andorriens. Andri part sans un mot. Ses parents expliquent au médecin qu'Andri est juif. Il rétorque qu'il faisait une plaisanterie et que les Juifs ne comprennent jamais les plaisanteries puis reproche à Andri d'être parti d'une manière impolie et s'en va. Après avoir rappelé Andri et Barbeline, le maître d'école dit à Andri qu'il ne veut plus jamais voir ce médecin. Andri déclare ensuite que Barbeline et lui souhaiteraient se marier. Le père refuse sans donner d'explication. La mère est d'accord avec eux et ne comprend pas le refus de son mari. Andri lui dit que c'est parce qu'il est juif qu'il refuse. Le maître rétorque que non et part boire.
Tableau 5
Buvant devant l'auberge, le maître d'école se reproche d'avoir menti si longtemps, car maintenant Andri veut « se marier avec sa sœur ». L'aubergiste veut savoir ce qu'il se passe et lui dit que le pays voisin menace Andorra, mais le maître s'en va pour avoir du calme.
Tableau 6
La nuit, le soldat rentre dans la chambre de Barbeline tandis qu'Andri dort devant sa porte pour prouver à son père qu'il l'aime. Le soldat fait taire Barbeline qui veut crier et ferme la porte. Andri se réveille, sans s'apercevoir de la situation. Il raconte ses craintes, ses espoirs. Le maître d'école passe. Il veut lui dire la vérité, avouer qu'il lui a menti, mais Andri refuse de l'écouter. Une fois le père parti, Andri toque à la port de Barbeline. Le soldat, torse nu, ouvre la porte et lui demande violemment de partir.
Tableau 7
Le prêtre tente de convaincre Andri de s'accepter lui-même et de cesser d'écouter ce que disent les autres. Andri s'y refuse, il veut être comme les autres.
À l'avant scène, le prêtre dit qu'il était aussi un peu coupable dans la mort d'Andri.
Tableau 8
Le docteur, l'aubergiste et le soldat discutent de la guerre qui arrivera peut-être. Le soldat déclare qu'il se battra jusqu'à la mort. Ils reprochent à l'aubergiste d'avoir accueilli chez elle une étrangère (la señora), qu'ils pensent être une espionne. La señora entre et commande un verre à l'aubergiste tandis qu'Andri cherche à provoquer le soldat, qui le frappe ensuite. Andri est fier de ne pas avoir été lâche malgré ses blessures. L'étrangère tente de le soigner pendant que l'aubergiste dit que c'est de sa faute à lui. Andri conduit l'étrangère chez lui. Seule avec le maître d'école, elle lui reproche d'avoir dit qu'Andri est un orphelin juif adopté alors que c'est leur fils à tous les deux. Il décide de tout avouer aux gens du village.
À l'avant scène, le médecin dit que « ce n'est point de [sa] faute si les choses ont ainsi tourné ».
Tableau 9
La señora dit à Andri qu'elle l'aime mais qu'elle doit partir, car on ne veut pas d'elle à Andorra. Elle reproche au maître d'école de les avoir trahis en n'avouant pas la vérité dès l'arrivée d'Andri. Le prêtre, envoyé pour expliquer les réelles origines d'Andri aux villageois, revient en disant que personne n'accepte de croire qu'il n'est pas juif. Puis, comme Andri rentre, le prêtre lui explique ce qu'il s'est réellement passé à sa naissance. Mais Andri répond qu'il ne le croit pas. Le maître d'école vient en disant que la señora vient d'être tuée et que l'aubergiste accuse Andri, alors que celui-ci était en train de discuter avec le prêtre.
Tableau 10
Andorra a été envahie par les casaques noires. Andri, seul sur la place, dit qu'il n'a pas peur d'être arrêté car il n'a pas tué la señora. Le maître d'école, armé d'un fusil pour le protéger, tente de le convaincre de se cacher et lui répète la vérité. Les gens du village entrent, le soldat confisque au maître son fusil : les casaques noires ont interdit le port d'armes. Andri part pendant l'altercation.
Tableau 11
Andri est avec Barbeline chez eux. Elle veut le cacher, car elle sait qu'il risque la mort. Mais il n'a pas peur et veut qu'elle lui dise qu'elle l'aime lui et non pas le soldat. Il part sur le toit en entendant la foule approcher, car il ne veut pas qu'ils tuent Barbeline avec lui. Entrent les gens du village. Ils cherchent Andri en l'accusant d'avoir tué la señora et d'être juif. Il ne croient pas le maître d'école qui leur répète qu'il n'est pas juif. Le soldat Peider tue Andri.
Tableau 12
Un mois plus tard, Barbeline, devenue folle, repeint sa maison en blanc. Elle accuse tous les gens du village d'être responsables de la mort d'Andri et de celle du maître d'école, qui s'est pendu dans sa salle de classe.
À l'avant scène, le boulanger admet qu'ils n'avaient pas de preuves qu'Andri avait tué l'étrangère. Il conclut en disant que « un jour ou l'autre, il faut savoir oublier ».
Contexte historique
La pièce est écrite en 1961. Deux ans plus tard débute le procès de Francfort, série de jugements rendus par la justice ouest-allemande. Il devait déterminer le rôle de 22 prévenus dans le cadre de la Shoah et, en particulier, de leur implication dans le fonctionnement du camp de concentration d'Auschwitz. C'était la première fois depuis la fin de la guerre que des Allemands jugent des Allemands. En effet, le procès de Nuremberg, intenté entre 1945 et 1946 contre 24 des principaux responsables du Troisième Reich, fut mené par les puissances alliées[3].
Adaptations françaises
- 1965 : mise en scène Jean Dasté et Michel Dubois, Salle des Mutilés du travail[4]
- 1965 : mise en scène Gabriel Garran, Théâtre de la commune d'Aubervilliers[5]
- 1968 : mise en scène Raymond Paquet, Théâtre Barbey[6]
- 1971 : mise en scène Jacques Ducrot, Salle Valhubert[7]
- 2012 : mise en scène Christophe Rouxel, Théâtre Icare[8]
- 2016 : mise en scène Sarkis Tcheumlekdjian, Théâtre des Célestins[9]
- 2016 : mise en scène Fabian Chappuis, Théâtre 13/Seine[10]
Notes et références
Références
- Alexandre Léger, « Andorra, Max Frisch », sur Lettres et Arts,
- « Andorra », sur La Régie Théâtrale
- Alexandre Léger, « Andorra, Max Frisch »
- « Spectacle : Andorra », sur Data BnF
- « Archives du théâtre de la commune d'Aubervilliers », sur Gabriel Garran
- « Spectacle : Andorra », sur Data BnF
- « Spectacle : Andorra », sur Data BnF
- « Ce soir, première d'« Andorra » par le théâtre Icare de Saint-Nazaire », Ouest France, (lire en ligne)
- « Andorra / 2016-2017 », sur Mémoire des Célestins
- « Andorra », sur Les Archives du Spectacle
Notes
- L'auteur précise en début de pièce, au-dessus de la liste des personnages "L'Andorra dont il est question dans cette pièce n'a rien de commun avec le petit état qui porte ce nom dans la réalité ; aucune allusion non plus à d'autres petits états réellement existants. Le nom d'Andorra désigne une maquette expérimentale."
Bibliographie
- Hadrien Buclin, "Surmonter le passé?": les intellectuels de gauche et le débat des années soixante sur la deuxième guerre mondiale", in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, 2013/2, S. 233-249.
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