Annexions de l'Alsace-Lorraine

L'Alsace et la Lorraine, territoires du Saint-Empire romain germanique situés entre la Meuse et le Rhin, ont été annexés par le royaume de France entre les XVIe et XVIIIe siècles. Une partie de ces mêmes territoires (appelé confusément « Alsace-Lorraine » dans son ensemble), a fait l'objet d'un rattachement à l'Empire allemand au XIXe siècle, puis au Troisième Reich au XXe siècle, avant de redevenir français à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Contexte historique

Les territoires du Saint-Empire romain germanique, correspondant aujourd'hui aux régions historiques de Lorraine et d'Alsace étant très fragmentés, il fut relativement facile, pour le royaume de France, d'y appliquer une politique annexionniste en fonction d'une frontière « naturelle », le Rhin. Ainsi, furent annexés à la France les territoires des Trois-Évêchés, ceux de Strasbourg et des villes de la décapole, et ceux du Duché de Lorraine. Au XIXe siècle, une partie de ces territoires, considérés comme germaniques, fut annexée par le nouvellement créé Empire allemand, de 1871 à 1918, puis par le Troisième Reich, de 1940 à 1945.

Annexions françaises (XVIe – XVIIIe siècles)

La Marche d'Austrasie

Les territoires du Saint-Empire romain germanique, correspondant aujourd'hui aux régions Lorraine et Alsace, étant très fragmentés jusqu'au XVIIIe siècle, il fut tentant pour le royaume de France d'y appliquer une politique annexionniste, basée sur une frontière « naturelle », le Rhin. Ainsi furent annexés par la France les territoires des Trois-Évêchés, ceux de Strasbourg, des villes de la décapole, puis ceux du Duché de Bar et du Duché de Lorraine.

Annexion de l'Alsace (1648-1697)

Le , la rivalité entre la Maison d'Autriche et les Bourbons aboutit aux Traités de Westphalie, mettant un terme à la guerre de Trente Ans. La France, grande gagnante de ce long conflit, étend son territoire à l'Est : Metz , Toul et Verdun sont reconnues Françaises de jure après un siècle de protectorat de facto. La France annexe une partie de l'Alsace, en particulier le landgraviat de Haute-Alsace (ancien comté de Sundgau) et les villes de la Décapole alsacienne.

En 1675, la bataille de Turckheim, perdue par les Impériaux, permet à la France d'annexer de nouveaux territoires en Alsace.

Document relatant la création de la médaille commémorant la « Réduction des dix villes d'Alsace en 1680 », extrait de Médailles sur les principaux évènements du règne entier de Louis le Grand, avec des explications historiques par l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1723.

La mise en place de « Chambres de réunion » à Metz, à Besançon et à Brisach, permet à Louis XIV d'annexer de nouveaux territoires sans combattre : c'est la Politique des Réunions. Ainsi, par un arrêt du , le conseil d'Alsace réunit au royaume de France les bailliages de Kutzenhausen, Bergzabern, Annweiler, Guttemberg, Gossersweiler, Vogelbourg, Otbourg, Cleebourg, Falkenbourg, les villages de Rechtenbach, la moitié du village de Dambach, ainsi que le château et village de Riedseltz. Par un arrêt du , le conseil d'Alsace réunit au royaume les comtés de Hanau-Lichtenberg et d'Oberbrunn, la baronnie de Fleckenstein, les bailliages de Gressenstein, Wafslen, Barr, Illkirch, Marlem, Bischwiller et Reichshoffen, les bailliages de Sulz, Guebwiller, Rouffach, Marckolsheim et Marmoutier, le comté de Dagsbourg (Linange-Dabo), la principauté de La Petite-Pierre, et Murbach, le comté d'Horbourg, la seigneurie de Riquewihr, le Ban de la Roche, les terres et seigneuries de l'évêché de Strasbourg et Saint-Hippolyte. En , avec la signature du traité de Ryswick, Louis XIV annexe définitivement à la France les quatre cinquièmes de l'Alsace, notamment Strasbourg et les villes de la Décapole.

Annexion de la Lorraine (1552-1766)

Dès 1301, pour s'être opposé au roi de France, le comte de Bar doit prêter hommage au souverain français pour la partie de son comté située en rive gauche de la Meuse, dès lors dénommée Barrois mouvant. La partie orientale du comté de Bar de même que le duché de Lorraine demeurent dans le Saint-Empire romain germanique. Partie intégrante du Saint-Empire, les villes libres de Metz, Toul et Verdun et les principautés épiscopales attenantes sont, en , au terme de la chevauchée d'Austrasie, annexées à la France de facto par le roi de France Henri II, alors allié aux protestants allemands. Henri II impose par ailleurs un régent francophile au jeune duc de Lorraine et de Bar, Charles III, qui de ce fait sera élevé à la cour de France. En 1633, malgré l'engagement antérieur de respecter les coutumes particulières des Messins, Toulois et Verdunois, le royaume de France installe un parlement à Metz dont la juridiction s'étend sur les Trois-Evêchés. En 1648, par les traités de Westphalie, évêchés et villes impériales sont annexés de jure.

En , avec le Traité de Vincennes, le roi de France restitue au duc de Lorraine le duché de Bar en échange de plusieurs villages lorrains, afin de créer un corridor lui permettant de rejoindre directement l'Alsace sans passer par une terre étrangère. La capitale et le duché sont de nouveau occupés en 1670 jusqu'en 1697.

La politique annexionniste des Réunions se poursuit en Lorraine. La chambre de Metz réunit successivement au royaume de France :

  • par un arrêt du , le château et comté de Veldenz ;
  • par un premier arrêt du , les terres et châtellenies de Condé-sur-Moselle et de Conflans-en-Jarnisy ;
  • par un second arrêt du , la ville, château et terre de Commercy ;
  • par un arrêt du , le comté de Vaudémont, celui de Chaligny et la châtellenie de Turquestein-Blancrupt ;
  • par un premier arrêt du , la ville et château d'Épinal ;
  • par un second arrêt du , la ville et châtellenie de Sarrebourg ;
  • par un arrêt du , le château, ville et seigneurie de Nomeny et la terre et ban de Delme ;
  • par un premier arrêt du , le château et ville de Hombourg et la ville de Saint-Avold ;
  • par un second arrêt du , la ville, château, châtellenie et seigneurie d'Albe (Sarralbe) ;
  • par un arrêt du , la ville, terres et seigneurie de Marsal ;
  • par un premier arrêt du , le château et seigneurie de Sampigny ;
  • par un second arrêt du , les château, ville, châtellenie et prévôté d'Hattonchâtel ;
  • par un arrêt du , les terres et seigneuries de Salm et Pierre-Percée ;
  • par un arrêt du , la ville, château et baronnie d'Apremont ;
  • par un arrêt du , la terre et seigneurie de Mars-la-Tour ;
  • par un arrêt du , la ville de Blâmont et les terres et seigneuries de Mandres-aux-Quatre-Tours, Deneuvre et Amermont ;
  • par un arrêt du , le château de Lutzelbourg ;
  • par un arrêt du , la terre et seigneurie de Briey ;
  • par un premier arrêt du , le comté de Deux-Ponts ;
  • par un second arrêt du , le château, comté et seigneurie de Castres ;
  • par un arrêt du , la ville et seigneurie de Dieuze ;
  • par un arrêt du , le château, bourg et comté de Sarrebruck ;
  • par un premier arrêt du , le comté de Sarrewerden et Bouquenom ;
  • par un second arrêt du , la ville, terre et seigneurie d'Ottwiller ;
  • par un premier arrêt du , la terre et seigneurie de Bousseviller ;
  • par un deuxième arrêt du , les terres et seigneuries de la Marck, Marmonstier et Ochsenstein ;
  • par un troisième arrêt du , le château et seigneurie de Trognon ;
  • par un arrêt du , la seigneurie de Sierck et la ville de Port (Saint-Nicolas) ;
  • par un arrêt du , le château, terre et seigneurie de Créhange ;
  • par un premier arrêt du , la ville, terre et seigneurie de Virton ;
  • par un second arrêt du , le château, terre et seigneurie de Bitche ;
  • par un premier arrêt du , le château, terre et seigneurie d'Oberstein ;
  • par un second arrêt du , le château, terre et seigneurie de Rembercourt-aux-Pots ;
  • par un arrêt du , le château et bourg de Mussey ;
  • par un arrêt du , le château, terre et seigneurie de Réchicourt ;
  • par un arrêt du , la ville d'Étain ;
  • par un arrêt du , le comté de Morhange ;
  • par un arrêt du , la terre et seigneurie de Domèvre ;
  • par un arrêt du , la ville et seigneurie de Gondreville ;
  • par un arrêt du , la ville et seigneurie de Neufchâteau ;
  • par un arrêt du , les villes et seigneuries d'Arrancy et de Pierrevillers ;
  • par un arrêt du , le comté de Chiny ;
  • par un arrêt du , le comté de Vaudémont ;
  • par un arrêt du , les seigneuries, prévôtés et châtellenies de Pont-à-Mousson, Saint-Mihiel et autres.

Le traité de Ryswick rend au Barrois et à la Lorraine leur indépendance et leur souverain légitime, Léopold Ier. Neveu de l'empereur, le jeune duc épouse une nièce de Louis XIV, Élisabeth-Charlotte d'Orléans, qui paradoxalement deviendra l'âme de la résistance à la politique annexionniste de la France.

En 1702, la guerre de Succession d'Espagne est prétexte à une quatrième occupation française des duchés de Bar et de Lorraine.

En 1733, la guerre de Succession de Pologne produit les mêmes effets.

Pour faciliter son mariage et son élection à la tête du Saint-Empire, le duc François III de Lorraine, consent, malgré les objurgations de sa mère, à échanger ses duchés patrimoniaux contre la Toscane. Le Duché de Bar et le Duché de Lorraine sont donnés à titre viager à Stanislas Leszczynski, beau-père de Louis XV, roi détrôné de Pologne. Il est convenu qu'à la mort du souverain, Barrois et Lorraine deviendront Français. Stanislas abandonne l'administration du duché à son gendre. Il meurt en 1766.

Annexions allemandes (XIXe – XXe siècles)

Traités de Paris de 1814 et 1815

En Lorraine, par le traité de Paris (1814), la Moselle perd au profit de la Prusse plusieurs communes et hameaux, dont le Canton de Tholey ainsi que sept communes du Canton de Sierck-les-Bains[1].

En 1815, une partie des cantons mosellans de Relling et Sarrelouis, ainsi que la totalité de ceux de Sarrebruck et Saint-Jean, deviennent Prussiens. Certaines communes et hameaux de ces cantons redeviennent plus tard français par la convention de délimitation du 23 octobre 1829[2].

En Alsace, le Bas-Rhin perd en 1815 tous les territoires au nord de la Lauter[alpha 1], dont certains avaient été gagnés via le premier traité de Paris de 1814. Soit les 4 cantons de Bergzabern, de Candel, de Dahn et de Landau[3].

Annexion par l'Allemagne de l'Alsace-Moselle (1871-1919)

Le territoire cédé à l'Allemagne en 1871 et ses anciennes entités administratives d'avant 1790.

En 1871, après la guerre franco-allemande de 1870, une partie de ces territoires, correspondant aux actuels départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, intègre l'Empire allemand. Ces territoires, considérés par les Allemands comme stratégiques, car éloignant la frontière au-delà du Rhin, et intégrant les places fortes de Metz et Strasbourg, sont cédés en deux temps.

Dans une lettre justifiant la volonté de réunion de ces territoires à l'Allemagne unifiée, l'empereur Guillaume expose à l'Impératrice Eugénie que la réelle motivation est strictement militaire, utilisant les territoires rattachés comme glacis militaire et éloignant ainsi la frontière française au-delà du Rhin et de la Meuse[4]. Ainsi, ne suivant pas la frontière linguistique, les vallées welches de l'Alsace, et la région de Metz se retrouvent « terre d'Empire » sous le nom officiel d'"Alsace-Lorraine" et sous l'administration directe de l'empereur Guillaume.

Le traité préliminaire de paix du 26 février 1871 met fin aux combats entre la France et l'Allemagne. Le traité de Francfort du fixe les conditions de la paix[5]. Outre une forte indemnité, la France doit céder au Reich une partie de son territoire. En Alsace, deviennent allemands les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, à l'exception de l'arrondissement de Belfort. En Lorraine, l'ancien département de la Moselle, à l'exception de Briey, les arrondissements de Château-Salins et de Sarrebourg appartenant à l'ancien département de la Meurthe, ainsi que les cantons de Saales et de Schirmeck[alpha 2].

Jusqu'en 1911, date de l'avènement de la constitution, l'Alsace-Moselle est gouvernée directement par l'Empereur, et de nombreuses tensions verront le jour, dont la plus célèbre l'incident de Saverne lèvera le voile sur les tensions entre les habitants et le pouvoir central. À partir de et jusqu'à la signature du traité de Versailles, le , la région est occupée par la France, en application des dispositions de l’armistice du 11 novembre 1918, avant de faire de nouveau partie intégrante de la nation française, conformément à l'article 27 du traité de paix.

Annexion de facto de l'Alsace-Moselle (1940-1945)

Après la défaite des armées françaises et le départ des troupes britanniques, la signature de l'armistice du 22 juin 1940 prévoyait l'occupation du nord de la France par les armées du Troisième Reich. Le régime nazi saisit cette occasion pour s'emparer de l'Alsace[alpha 3] et de la Moselle[alpha 4], et ce malgré l'intangibilité des frontières de la France spécifiée dans les conditions de l'armistice. L’Allemagne expulse donc les citoyens français qui démontrent de manière trop démonstrative leur refus, et les étrangers, considérant les autres comme des citoyens allemands. Il procéderont à l'incorporation de force des jeunes Alsaciens-Mosellans sous le drapeau nazi, conduisant à la tragédie des Malgré-nous. La victoire des Alliés et la Libération de la France, de fin 1944 à début 1945, mit fin à cette dernière annexion.

Notes et références

Notes

  1. Traité de paix signé, à Paris, le 20 novembre 1815
  2. Saales et Schirmeck appartenaient au département des Vosges, mais furent rattachés en 1871 au district de Basse-Alsace, actuel Bas-Rhin.
  3. Région qui devient alors le CdZ-Gebiet Elsass, rattaché au Gau Baden-Elsaß.
  4. Département qui devient alors le CdZ-Gebiet Lothringen, rattaché au Gau Westmark.

Références

  1. Claude Philippe de Viville, Dictionnaire du département de la Moselle : contenant une histoire abrégée, 1817.
  2. Ernest de Bouteiller : Dictionnaire topographique de l'ancien département de la Moselle :..., Société d'archéologie et d'histoire de la Moselle, Imprimerie nationale, Paris, 1868.
  3. Jean-Frédéric Aufschlager, L'Alsace : nouvelle description historique et topographique des deux départements du Rhin, tome second, Strasbourg, 1826
  4. G. Lacour-Gayet, L'Impératrice Eugénie, Paris, Albert Morancé, (BNF 34032257, lire en ligne), p. 85-87
  5. Texte intégral du traité préliminaire de paix et du traité de Francfort

Annexes

Bibliographie

  • Robert Parisot : Histoire de Lorraine : duché de Lorraine, duché de Bar, trois Evêchés, de 1552 à 1789, Tome 2, Auguste Picard, Paris, 1922.
  • Guy Cabourdin, Histoire de la Lorraine : Les temps modernes, de la Renaissance à la guerre de Trente ans, t. 1,, Nancy, Presses universitaires de Nancy, coll. « Encyclopédie illustrée de la Lorraine », .
  • Guy Cabourdin, Histoire de la Lorraine : Les temps modernes, de la paix de Westphalie à la fin de l'ancien régime, t. 2, Nancy, Presses universitaires de Nancy, coll. « Encyclopédie illustrée de la Lorraine », 1991b.
  • François Roth : Histoire de la Lorraine: L'époque contemporaine, de la Révolution à la Grande Guerre, Tome 1 , Encyclopédie illustrée de la Lorraine, Presses universitaires de Nancy, Nancy 1992.
  • Marion Poole, Les problèmes de l'Alsace-Lorraine après l'annexion chez quelques romanciers contemporains, 1917

Articles connexes

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