Anti-navire léger
Le missile anti-navire léger (ANL), appelé aussi Sea Venom, et anciennement Future Anti-Surface Guided Weapon (heavy) (FASGW(H)) est un armement franco-britannique anti-navire en cours de développement par MBDA. Ce programme, défini dans le cadre de l’accord de coopération franco-britannique en matière de défense et de sécurité de Lancaster House, s’inscrit dans le cadre de l’initiative « One complex weapons » qui vise à consolider la base industrielle française et britannique dans les missiles au travers d’une interdépendance accrue[3].
Pour les articles homonymes, voir ANL.
Anti-navire léger | |
Maquette du missile Sea Venom-ANL au stand de la société MBDA au salon du Bourget 2013. | |
Présentation | |
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Type de missile | Missile antinavire |
Constructeur | MBDA |
Caractéristiques | |
Masse au lancement | 110 kg[1] |
Longueur | 2,5 m[1] |
Diamètre | 200 mm[1] |
Portée | 20km[2] |
Guidage | Infrarouge[1] |
Plateforme de lancement | Hélicoptères[1] |
Historique
L’ANL est conçu comme le successeur de deux missiles historiquement concurrents sur les marchés mondiaux, le missile français AS15TT, entré en service en 1985 sur hélicoptère Panther, et le missile britannique Sea Skua équipant les hélicoptères Lynx depuis 1982.
Le projet ANL/Sea Venom annoncé lors du sommet franco-britannique du a fait l’objet d’une lettre d’intention signée par les deux gouvernements en . La signature d’un contrat unique par le Royaume-Uni et la France en a permis de lancer la phase d’études d’évaluation du missile en [4],[5].
Après une période d’incertitude[6], le lancement du programme a été confirmé par le ministre français de la défense en [7]. Son financement est définitivement entériné lors du sommet franco-britannique de Brize-Norton[8] du par François Hollande et David Cameron[9]. Son coût s'élève à 412 millions d'euros pour la part française, aux conditions économiques de 2017[10]. En , le ministère de la défense britannique, agissant pour le compte des deux nations, notifie à MBDA le contrat de développement et de production du missile anti-navire léger[11].
En , Safran (anciennement Sagem DS) annonce la signature d’un contrat avec MBDA[12] pour la conception et la production de l’autodirecteur infrarouge par imagerie de l’ANL. La société britannique Selex ES Ltd participera au développement et à la production en tant que participant subordonné[12].
Le AgustaWestland (Helicopter Division de Leonardo depuis 2016), signe un contrat de 113 millions d’euros avec le ministère britannique de la Défense pour intégrer, et tester la compatibilité des systèmes de missiles ANL/ Sea Venom sur les hélicoptères AW159 Wildcat de la Royal Navy[13].
En , des essais d’embarquement et de largage du missile sur un hélicoptère Westland Lynx de la Royal Navy[14] qui ont validé que l’ANL puisse être intégré sur cet hélicoptère qui reste en première ligne avec de nombreux client dans le monde. Le , le premier tir est effectué depuis un hélicoptère banc d’essai Dauphin de la direction générale de l'Armement[15] au centre d’essai des missiles de l’Île du Levant en France[16]. En 2018, MBDA indique travailler sur une version terrestre de l’ANL[17] qui pourrait intervenir dans une défense côtière multicouche en réseau[18].
Après un nouveau tir d’essai en , MBDA annonce avoir réalisé le dernier tir de développement du missile avant le démarrage des essais de qualification[13]. Le premier tir de qualification a eu lieu en février 2018 depuis un Dauphin de la DGA Essais en vol au Centre d'essais de la Méditerranée sur l'île du Levant. Le dernier a été effectué le [19]
Missile
Compact et léger l’ANL mesure 2,5 m de long pour une masse de 110 kilos[20] (contre 150 pour son prédécesseur britannique le Sea Skua)[16]. Il est conçu pour neutraliser les bateaux d’attaque rapides et autres embarcations légères, très rapides et très maniables comme celles qu’utilisent souvent pirates ou narcotrafiquants) et pour pouvoir intervenir près des côtes en présence de circulation maritime civile, soit des circonstances où l’intervention d’un missile était auparavant très délicate. Ainsi d’après le manager missile anti-navire de la Direction Générale de l’armement : « L’opérateur en charge du tir reçoit sur son écran de contrôle le retour image de ce que voit le missile. Il peut ainsi, pendant le vol, désigner une nouvelle cible ou choisir de frapper sur zone particulière du navire, comme le gouvernail par exemple, afin de le neutraliser sans le détruire totalement. Il peut également annuler le tir si nécessaire, le missile tombera alors à l’eau »[21].
Grâce à son guidage très précis, l’ANL peut également infliger des dommages à des cibles plus importantes de type corvette (environ 500 tonnes), en ciblant leurs points névralgiques (mâts, capteurs, etc.)[16]
Il est équipé d’un guidage infrarouge et d’une capacité « homme dans la boucle » (« Man in the loop »)[22]. Cette capacité donnera à l’opérateur la possibilité de déterminer s’il souhaite choisir le mode « tire et oublie » ou bien s’il préfère garder le contrôle du missile jusqu’au point d’impact. Le guidage infrarouge avec renvoi d’images par voie radio vers l’opérateur permet en effet à l'opérateur de voir les images prises par le missile en temps réel afin de confirmer la possibilité de frapper la cible ou de détruire le missile en vol. L'utilisation de ce missile doit permettre de respecter les règles d’engagement les plus sévères afin d'éviter les dommages collatéraux[23]. Le missile Sea Venom / ANL s'appuie sur la navigation par inertie et guidage infrarouge par imagerie (IIR), créant ainsi une arme qui n’alerte pas ses cibles en émettant un signal radar. Un altimètre radar regarde vers le bas, afin que le missile reste au ras des vagues et qu’il soit plus difficile à détecter pour les radars défensifs. Contrairement à l’AS-15 TT et au Sea Skua, l’hélicoptère porteur n’a pas besoin d’illuminer l’objectif pour guider le missile[16].
La charge explosive de classe 30 kg permet de neutraliser les cibles de type :
- navire d'attaque rapide,
- corvette,
- cible terrestre côtière,
- navires de plus grande taille pouvant être immobilisés[1].
Enjeux bilatéraux
En 2008, les gouvernements français et britannique annoncent leur projet d’élaborer conjointement une « stratégie industrielle pour les armes complexes » (« One Complex Weapons » en anglais)[24]. Le premier contrat commun depuis le lancement de cette initiative a été signé en et concerne le missile antinavire ANL / Sea Venom (anciennement FASGW). Entre-temps, le traité de Lancaster House a été signé. Ce dernier donne à la relation franco-britannique de défense un nouveau cadre et prévoit un renforcement des liens bilatéraux dans tous les domaines de la politique de défense.
Dans les années 1980, Margaret Thatcher lance une politique : la “best value for money”, c’est-à-dire de choix d’acquisition guidés par les offres de la libre concurrence plutôt que par un protectionnisme industriel, y compris dans le domaine de la défense. Cette politique est critiquée à partir du milieu des années 1990 au sein de la communauté de défense britannique : la concurrence entraîne les entreprises à faire des promesses irréalistes, et la concurrence internationale met en danger leur survie et la sécurité d’approvisionnement de l’État[25]. Pourtant, les publications successives post-Thatcher, telles que la Defence Industrial Policy en 2002, la Defence Industrial Strategy en 2005[26] et la National Security Through Technology en 2012[27] reprennent le mot d’ordre de la “best value for money”. C’est dans ce contexte que se développe en Grande-Bretagne une approche contractuelle dans le secteur des armes complexes visant à pérenniser la base industrielle nationale tout en réduisant les coûts d’acquisition et de soutien pour les forces armées. Une approche similaire menée en France à partir de 2011 et connue sous le nom de « Filière Missiles » a permis par la suite le développement d’une approche coopérative bilatérale avec la France[28] dont le principal objet est de rationaliser le secteur missilier européen, en créant des structures dénommées « centres d’excellence » au sein des filiales française et britannique du groupe MBDA. D’après le député M. Philippe Nauche : « le programme ANL a constitué une sorte de préfiguration au modèle des centres d’excellence prévu par l’accord. »
Ces centres techniques permettent de consolider l’expertise commune de MBDA-France et MBDA-UK dans des domaines technologiques et des sous-systèmes déterminés. Ils regroupent l’ensemble des compétences relevant d’un domaine, sous la responsabilité d’une autorité unique reconnue. Ils sont chargés d’élaborer des solutions innovantes et compétitives dans leurs domaines d’activité respectifs, ils permettent un développement de l’expertise et des meilleures pratiques au service des solutions qu’ils seront chargés d’élaborer et enfin ils assurent la préparation de l’avenir grâce au maintien d’un niveau technologique optimale.
Il existe deux types de « centres d’excellence », les Centres d’excellence fédérés qui ont pour domaine de compétence les charges militaires complexes, le système de navigation inertielle, les algorithmes et les logiciels, et les centres d’excellence prédominants spécialisés qui regroupe les domaines des calculateurs de missiles, les équipements de test, les liaisons de données et les actionneurs de missiles. Il est prévu que 1 000 employés de MBDA travaillent dans ces centres dont 600 en France et 400 au Royaume-Uni.
Systèmes d'arme et pays utilisateurs
Au Royaume-Uni, le missile Sea Venom équipera le Wildcat qui sera également armés du Lightweight Multi-role Missile. Ces deux missiles étaient appelés Future Anti-Surface Guided Weapon, respectivement Heavy et Light[29].
En France, le missile, appelé anti-navire léger, équipera les hélicoptères HIL (hélicoptère interarmées léger) H160M Guépard de la Marine nationale française (le futur hélicoptère interarmées léger devant être l'unique vecteur selon une décision du [10] bien que le NH90 puisse théoriquement en emporter), 100 missiles ont été commandés[30]. La France n’avait plus de capacité anti-navire sur ses hélicoptères depuis les années 1990 et le retrait des AS-12 sur les hélicoptères Lynx. Il est également possible de le monter sur l'avion de surveillance maritime Falcon 2000 MRA proposé à la Marine[31].
Enfin, le missile Sea Venom-ANL est amené à remplacer les Sea Skua et AS 15 TT utilisés par plusieurs pays dans le monde.
Missiles comparables
Références
- (en)« SEA VENOM-ANL datasheet », sur www.mbda-systems.com (consulté le )
- « Succès du second tir d’essai du missile anti-navire léger »
- (en) « UK–France Summit 2010 Declaration on Defence and Security Co-operation »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur www.number10.gov.uk
- « La France et le Royaume-Uni lancent des études sur un nouveau missile anti-navire léger », sur www.defense.gouv.fr,
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- Michel Cabirol, « Défense : les paris industriels de MBDA dans les mains du gouvernement », sur www.latribune.fr,
- Loïc Picard, « Industrie de défense : le ministre de la Défense s'engage », sur www.defense.gouv.fr, (consulté le )
- Laurent Lagneau, « Le contrat du missile anti-navire léger notifié à MBDA pour 600 millions d'euros », sur Zone Militaire, (consulté le )
- « GB et France signent un accord sur un missile anti-navire léger (Hollande) », sur www.techniques-ingenieur.fr/,
- « Projet de loi de finances pour 2018 : Défense : Équipement des forces », sur Sénat (consulté le ).
- « Missiles : la France et la Grande-Bretagne se marient pour le meilleur... », sur La Tribune (consulté le )
- « Sagem fournira l’autodirecteur du futur missile antinavire léger de MBDA », sur Safran Electronics & Defense, (consulté le )
- « Sea Venom-ANL missile marks further trials milestone », sur MBDA (consulté le )
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- (en) « MBDA studies Sea Venom for surfacce launched coastal defence role »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur janes.com
- Vincent Groizeleau, « Missiles antinavire : Vers un retour des batteries côtières ? », sur Mer et Marine, (consulté le )
- « Missile MBDA Sea Venom : les tirs de qualif. sont achevés », Air et Cosmos, (consulté le )
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- « FASGW-ANL background »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur www.mbda-systems.com,
- Jane's Missiles & Rockets du 5 juillet 2010 : "MBDA Reveals FASGW/ANL Configuration"
- « La France et le Royaume-Uni renforcent leur coopération », sur France in the United Kingdom - La France au Royaume-Uni (consulté le )
- Claude Sergeant, « La politique de défense britannique à l'heure des mutations », sur Observatoire de la société britannique (consulté le )
- (en) « The Defence Industrial Strategy » [PDF], sur House of Commons Defence Comitte, (consulté le )
- (en) « National security through technology », sur GOV.UK, (consulté le )
- (en-US) « UK Complex (Guided) Weapons - Reference », sur Think Defence (consulté le )
- (en) Nicholas de Larrinaga, « Farnborough 2014 : UK awards FASGW integration contract for Wildcat »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), IHS Jane's 360, (consulté le )
- « Projet de loi de finances 2015, Mission Défense, Programme Équipement des forces, projet annuel de performances, justification au premier euro », sur performance-publique.budget.gouv.fr
- Vincent Groizeleau, « Surveillance maritime : Le Falcon 2000 MRA sort de chez Dassault Aviation », sur Mer et Marine, (consulté le ).
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