Antoine Gérin-Lajoie

Antoine Gérin-Lajoie, né à Yamachiche, le et mort à Ottawa, le , est un poète, avocat, journaliste et romancier canadien français. Il est l'auteur du roman Jean Rivard, de l'étude Dix ans d'histoire du Canada et de la chanson populaire Un Canadien errant. Il occupera la fonction de conservateur de la bibliothèque du Parlement du Canada à la fin de sa vie.

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Antoine Gérin-Lajoie
Illustration par Edmond-Joseph Massicotte
Naissance
Yamachiche,  Bas-Canada
Décès
Ottawa, Canada
Activité principale
Descendants
Henri Gérin-Lajoie, Léon Gérin, Jean-Baptiste Gérin-Lajoie
Auteur
Langue d’écriture Français

Œuvres principales

Biographie

Famille

La famille Gérin-Lajoie était originaire de la Savoie, en France. Son premier représentant au Canada, Jean Gérin, était sergent dans les troupes de Montcalm (1755-1760). « Il avait toujours tant belle humeur, a-t-il été raconté, que ses camarades de régiment l'avaient surnommé La joie. » Ce surnom est l'origine du nom composé de Gérin-Lajoie qui s'est perpétué dans la famille et que l'auteur de Jean Rivard a immortalisé. À ce sujet, Antoine écrivait le à son jeune frère Denis, plus tard Mgr Denis Gérin, curé de Saint-Justin : « Notre vrai nom de famille n'est pas Lajoie mais Gérin. Nos ancêtres en France n'ont jamais été connus sous ce nom de Lajoie. C'est notre bisaïeul, Jean Gérin, qu'on a le premier appelé Lajoie, parce qu'il était toujours gai et content. Dans mes dernières années au Séminaire de Nicolet nommé aujourd’hui le collège de Nicolet, notre directeur, M. l'abbé Ferland (l'auteur de l'Histoire du Canada qui porte son nom), écrivait toujours mon nom Antoine Gérin-Lajoie, et j'ai continué à l'écrire ainsi. Mais, si je recommençais ma vie, je signerais Antoine Gérin tout simplement... » De fait, Mgr Gérin, son frère, et Léon Gérin, son fils, devenu président de la Société Royale, ont signé Gérin tout court. Par contre, un autre de ses fils, l'avocat Henri Gérin-Lajoie, de Montréal, a continué, et sa famille après lui, à porter les deux noms accouplés l'un à l'autre.

Après la cession, l'ancêtre Jean Gérin dit Lajoie se maria, à l'automne de 1760, à Yamachiche, et il s'y établit sur une terre au bord du fleuve Saint-Laurent. Treize enfants virent le jour sous son toit. Le septième, André, fut à son tour le père de onze enfants. Le sixième de ceux-ci, Antoine, épousa Marie-Amable Gélinas, le , toujours à Yamachiche, et devint le père d'une famille de dix-sept enfants, dont dix survécurent jusqu'à l'âge adulte. C'est l'aîné de ces rejetons, Antoine, né en 1824, qui est devenu avocat, écrivain et bibliothécaire. Il continuait une lignée qui, de père en fils, avait toujours résidé sur le même bien depuis 1760, habitant la même maison et conservant les mêmes traditions.

Jeunesse

Antoine Gérin-Lajoie fit ses études classiques au Séminaire de Nicolet[1]. Heureusement doué, il remporta dans ses classes de beaux succès. Il s'y distingua spécialement par son goût et ses aptitudes pour les lettres. À 18 ans, il écrivit une intéressante tragédie, en trois actes et en vers, Le jeune Latour, qui fut représentée sur la scène du collège et qui a été jugée digne, dans la suite, de figurer au Répertoire national de Huston, édité en 1848-1850, et réédité, en quatre volumes in-octavo, en 1893. Gérin-Lajoie composait aussi, étant encore écolier, de petits poèmes de circonstance et des chansonnettes.

En mémoire de la Rébellion des Patriotes, sa verve poétique fut excitée par le triste sort des vaincus et il composa la chanson Un Canadien errant.

Carrière

À l'été de 1844, après un court voyage aux États-Unis, Gérin-Lajoie se fixa à Montréal pour étudier le droit. Mais il était pauvre et il fallait vivre. Il entra au journal La Minerve, en qualité de correcteur et de traducteur. Il y fit bientôt de la rédaction. En 1845, il devint le secrétaire de la société Saint-Jean-Baptiste, qui se réorganisait, et, en 1847, Augustin-Norbert Morin en faisait son secrétaire.

Entre-temps, il étudiait son code. Le , Gérin-Lajoie était admis au Barreau du Bas-Canada. Cependant, comme les chicanes du palais ne le tentaient pas plus que celles de la politique, il ne tarda pas à accepter une situation de fonctionnaire. En 1849, il fut employé au ministère des Travaux publics. En 1850, il passa au bureau des arbitres provinciaux. En 1856 enfin, il fut nommé à la bibliothèque du Parlement, qui siégeait alors, alternativement, à Québec et à Toronto[1]. C'est à Toronto qu'il épousa, le , à 34 ans, l'une des filles d'Étienne Parent, le célèbre journaliste, en ce temps sous-secrétaire d'État, et dont, pour cette raison, la famille se trouvait dans le Haut-Canada, où siégeait le gouvernement.

L'année suivante, le gouvernement étant revenu à Québec, Gérin-Lajoie l'y suivit avec sa jeune femme. C'est alors, en 1860, qu'il fut, avec Larue et Taché, l'un des fondateurs des Soirées canadiennes, et que, deux ou trois ans plus tard, avec d'autres amis, il lança le Foyer canadien. Son roman, Jean Rivard, parut dans ces deux publications, la première partie, Jean Rivard défricheur, dans les Soirées canadiennes en 1862, et la deuxième partie, Jean Rivard économiste, dans le Foyer canadien en 1864.

En 1867, le gouvernement s'étant fixé à Ottawa, Gérin-Lajoie vint y habiter avec sa famille. Toujours attaché à la bibliothèque fédérale, il en organisa les services et en dressa la bibliographie pour la partie française. C'est vers ce temps, entre 1867 et 1870, qu'il écrivit son important ouvrage sur l'établissement du gouvernement responsable Dix ans d'histoire du Canada (1840-1850), qui a été publié, après sa mort, en 1888, par les soins de l'abbé Casgrain. Frappé d'une attaque de paralysie en 1880, Gérin-Lajoie languit quelques mois, et il mourut à Ottawa le . Il avait 58 ans.

Analyse

Avec Les Anciens Canadiens de Philippe Aubert de Gaspé, le Jean Rivard de Gérin-Lajoie a été le livre qui cherchait le plus clairement à ériger la vie et les mœurs des Canadiens d'autrefois en modèle. « La lecture de ce livre, écrivit Mgr Camille Roy, replacera sous vos yeux toute une série de coutumes et d'habitudes qui s'en vont. Elle vous le fera aimer, non seulement parce qu'il est un excellent manuel d'économie sociale, mais aussi parce qu'il est comme le reliquaire de vieilles choses disparues. Et, si vous tenez compte de la grandeur du dessein qui l'a inspiré, de la bonhomie et de la simplicité de l'exécution, de l'influence salutaire aussi qu'il peut avoir sur l'esprit du peuple, vous estimerez que ce roman, malgré ses défauts de composition et de style, est presque l'égal de celui que vers le même temps publiait M. de Gaspé, et, dans votre bibliothèque, vous placerez sans doute Jean Rivard à côté des Anciens Canadiens. »

On a plus d'une fois rapproché Jean Rivard et Maria Chapdelaine de Louis Hémon. « Pour nous, écrivait à ce sujet M. Pierre-Georges Roy en 1924, le vrai roman canadien, c'est le Jean-Rivard de Gérin-Lajoie. Au triple point de vue du style, de l'action et de la facture générale, Jean Rivard est sans doute inférieur à Maria Chapdelaine. Mais dans tout le livre de Gérin-Lajoie règne un souffle de patriotisme qui est remplacé dans le roman de Louis Hémon par une espèce de fatalisme qui n'est certainement pas canadien, ni chrétien. »

Depuis les parutions en revue en 1862 et 1864, le diptyque a connu plusieurs éditions et suscité plusieurs études, dont l'ouvrage de Robert Major, Jean Rivard ou l'art de réussir et les thèses de Vida M. Bruce (MA., McMaster, 1972) et de Rosanna Furgiuele (Ph.D., Toronto, 1983)[2]. Major soutient que le roman « véhicule un contenu idéologique et utopique plus complexe qu'il ne paraît à première vue » puisque l'auteur s'en sert pour rendre l'agriculture attirante en faisant d'un entrepreneur et producteur agricole une figure prospère, le tout sous le couvert de l'orthodoxie catholique et conservatrice dominante de son époque[3].

Dix ans d'histoire du Canada est un ouvrage qui dénote un sens aigu de l'observation, beaucoup de réflexion et un patriotisme du meilleur aloi. L'étude, sérieuse et documentée, porte sur l'une des périodes les plus mouvementées de notre histoire politique, celle qui va de 1840 à 1850.

Les couplets d'Un Canadien errant n'ont guère d'envolée poétique, et, sur leurs six pieds aux rimes uniformément masculines, ces pauvres vers n'ont rien de bien extraordinaire. Leur mérite, c'est d'avoir traduit, à un moment donné, le sentiment profond de tous les Canadiens patriotes. Et c'est là, sans doute, ce qui les a rendus si populaires. Ils ont valu à Gérin-Lajoie, en tout cas, de délicates jouissances d'auteur.

Un jour, raconte une chronique de L'Opinion publique (), que l'auteur d'Un Canadien errant passait dans une rue pauvre et déserte d'un faubourg de Toronto, il entendit chanter sa ballade par une douce voix de jeune fille, qui tombait de la fenêtre ouverte d'un haut étage d'une assez modeste maison de pension. Il en fut touché jusqu'aux larmes. Une autre fois, à Ottawa, comme il cheminait avec Benjamin Sulte sur la colline du Parlement, c'est la voix puissante d'un « homme de cage », une belle voix de ténor, qui lui apporta, de la baie de l'Outaouais, qui se trouve au bas, les strophes vibrantes de sa complainte. Cette fois encore, affirme Sulte, il en pleura.

En 1979, l'auteur-compositeur-interprète Leonard Cohen enregistra une version de la chanson Un Canadien errant. En 2004, il reprit la mélodie pour y ajouter des paroles anglaises, formant ainsi la chanson intitulée The Faith.

Commémoration

Le dimanche , avait lieu, à Yamachiche, une jolie fête religieuse et littéraire, par laquelle on avait voulu célébrer le centenaire de la naissance de Gérin-Lajoie en . Il y eut une messe solennelle à l'église paroissiale, chantée par son neveu, le regretté abbé Gélinas, du séminaire de Trois-Rivières, avec sermon de circonstance, par l'abbé Camirand, du séminaire de Nicolet, dont Mgr Camirand était vicaire général.

Dans l'après-midi, on se réunit, sous la présidence du vieux curé de la paroisse, Mgr Caron, à la maison natale de Gérin-Lajoie, qui compte deux siècles d'existence, dans le rang des Petites Terres, au bord du Saint-Laurent, sur le chemin de Montréal-Québec. La vénérable veuve de l'écrivain patriote, mort depuis quarante ans, était là, encore alerte en dépit de ses 84 ans sonnés, entourée de toute sa famille et d'une belle assistance d'amis ou d'admirateurs de celui dont on célébrait la mémoire. Des discours furent prononcés par M. Pierre-Georges Roy, par Mgr Camille Roy, par M. Édouard Montpetit et par M. C.-J. Magnan. Ce fut un moment de gloire. Il marquait, comme dans une auréole posthume, le souvenir d'un Canadien éminent qui a bien mérité de sa patrie et de ses compatriotes.

Œuvres

Catéchisme politique ou Elémens du droit public et constitutionnel du Canada (texte complet), 1851.
  • Le Jeune Latour (1844)
  • Catéchisme politique ou Elémens du droit public et constitutionnel du Canada (1851)
  • Jean Rivard, le défricheur (1874)
  • Jean Rivard, économiste (1876)
  • Jean Rivard. Scènes de la vie réelle (1877)
  • Dix ans au Canada de 1840 à 1850. Histoire de l'établissement du gouvernement responsable (1888)
  • Le Centenaire de Gérin-Lajoie (1924), publication posthume
  • Les Lettres canadiennes d'autrefois (1939), publication posthume.

Revues et journaux

Références

  1. Réginald Hamel et Paul Wyczynski, Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord, Fidès, (ISBN 2-7621-1475-6 et 978-2-7621-1475-1, OCLC 21163604, lire en ligne)
  2. David M. Hayne, « Jean Rivard ou l'art de réussir, de Robert Major », Voix et Images, , p. 324 (ISSN 0318-9201, lire en ligne)
  3. Hayne, pp. 321-322.

Voir aussi

Articles connexes

Sources

  • Elie-J. Auclair Figures canadiennes, Montréal, 1933.
  • Jean-Charles Falardeau, « GÉRIN-LAJOIE, ANTOINE », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003 lien externe.
  • David M. Hayne, « Jean Rivard ou l'art de réussir, de Robert Major », Voix et Images, vol. 17, no 2 (hiver 1992), p. 320-324 lien externe.
  • Robert Major, Jean Rivard ou l'art de réussir: idéologies et utopie dans l'œuvre d'Antoine Gérin-Lajoie, Sainte-Foy, Les Presses de l'Université Laval, coll. «Vie des lettres québécoises •, no 30, 1991, 338 p

Archives

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