Apologue
L'apologue est un court récit narratif démonstratif et fictif, à visée argumentative et rédigé principalement en vers dont on tire une morale pratique.
Ne doit pas être confondu avec Apologie.
Histoire de l'apologue
C'est le grec Ésope qui est considéré comme le fondateur du genre. Cet ancien esclave, qui aurait vécu au VIe siècle av. J.-C., a laissé quelques centaines de fables mettant en scène des animaux et développant une morale facile à comprendre. L'apprentissage des fables d'Ésope faisait partie de l'enseignement de base des jeunes Grecs de l'Antiquité[réf. souhaitée], et La Fontaine considère l'auteur comme « l'oracle de la Grèce » (Fables, II, 20). La tradition ésopique nous est aussi parvenue grâce à La Fontaine, par le truchement du fabuliste latin Phèdre au Ier siècle, et par l'humanisme au XVIe siècle qui ont donné des traductions et des imitations des fables antiques. Mais si La Fontaine reconnaît ce modèle, puisqu'il en reprend la trame narrative, il s'approprie le genre de la fable pour lui donner des caractéristiques particulières.
Fables et paraboles antiques
L'Antiquité a connu deux formes essentielles d'apologue : les fables en prose du grec Ésope (VIe siècle av. J.-C.), en vers du latin Phèdre (Ier siècle ap. J.-C.) et les paraboles de l'Évangile. Les premières utilisent très souvent des animaux comme personnages. Les secondes mettent en scène des êtres humains à qui se trouve délivré un enseignement moral issu des paroles du Christ. À l'époque médiévale, le prosateur et secrétaire omeyyade puis abbasside Ibn al-Muqaffa' (m. en 756) composa également un recueil de fables intitulé Kalila wa Dimna, traduit en castillan en 1251 : Calila y Dimna.
Les fables à l'époque médiévale
Entre le Ve et le XVe siècle, le genre de la fable connait une production stable et une réception active. En latin, en plus du recueil de Phèdre, le recueil d'Avianus (composé vers l'an 400) collectionne des fables en distiques élégiaques et le recueil de « Romulus » (composé au Ve siècle) regroupe une centaine de fables en prose latine. Le recueil de « Romulus » est le point de départ de plusieurs recueils au Moyen Âge central, dont la très célèbre adaptation en distique élégiaque dite « de l'Anonyme de Nevelet » (fin du XIIe siècle av. J.-C.). En français, vers 1190, Marie de France signe un recueil de cent quatre fables en vers, qui sont, selon Jeanne-Marie Boivin, plus célèbres que ses Lais. Elles ont été traduites par Françoise Morvan en respectant leur forme rimée[1]. Deux Isopets en vers réécrivent l’Ésope médiéval : l'Isopet de Chartres et l'Isopet II de Paris, tandis que deux Isopets en vers réécrivent le Romulus : l'Isopet de Lyon et l'Isopet I. Du côté de la prose, un traducteur anonyme du XIIIe siècle donne en version française les Parabolæ d'Eudes de Cheriton. Enfin, Julien Macho traduit l’Ésope médiéval latin vers 1480[2].
Les fables à l'époque classique
Jean de La Fontaine puise à toutes les sources antiques et à des sources orientales plus récentes — le fabuliste indien Pilpay — pour composer des textes dont la vocation éducative est clairement définie dans la préface. Au siècle suivant, Jean-Pierre Claris de Florian compose lui aussi des fables, mais ce genre semble avoir atteint son sommet avec Jean de La Fontaine dont il faut signaler que les fables les plus connues sont une réécriture des textes dont Ésope est l'auteur originel (exemple Le Corbeau et le Renard, Le Loup et l'Agneau, Le Roseau et l'Olivier devenu Le Chêne et le Roseau) ; et après le XVIIIe siècle, seuls quelques écrivains s'en inspirent, pour en faire des pastiches ou des parodies, comme Victor Hugo, Tristan Corbière et, au XXe siècle, Jean Anouilh et Raymond Queneau.
Caractéristiques de l'apologue
Le transfert d'une idée dans un récit fictif à valeur symbolique permet de la rendre attrayante, l'apologue donne chair à des situations parfois lointaines ce qui permet une identification aux personnages : l'apologue séduit avant de faire réfléchir (voir l'expression latine « placere et docere », « plaire et instruire »). De plus, la brièveté du récit évite l'ennui. Le schéma narratif est élaboré pour mettre en évidence une idée, le récit est orienté selon l'axe à démontrer.
Formes et auteurs célèbres
Quelques apologues célèbres
- Ésope, L'aigle et la renarde, Le corbeau et le renard, Le loup et l'agneau, Le roseau et l'olivier, VIe siècle av. J.-C.
- Don Juan Manuel, Le Comte Lucanor, 1330-1335
- François Rabelais, L'Abbaye de Thélème, L'Éducation, dans Gargantua, 1534
- Savinien Cyrano de Bergerac, Histoire comique des États et Empires de la Lune, 1657
- Pascal, Apologue du roi naufragé, 1660
- La Fontaine, la plupart de ses Fables, 1662
- Charles Perrault, Le Petit Chaperon rouge, 1697
- Fénelon, Les Aventures de Télémaque, 1699
- Voltaire, Candide, 1759
- Voltaire, L'Ingénu, 1767
- Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître, personnage de Madame de la Pommeraye, 1796
- Jacob et Wilhelm Grimm, Blanche-Neige, 1812
- Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un condamné, 1832
- Alfred de Vigny, La Mort du loup, 1843
- Prodicos de Céos, Héraclès à la croisée des chemins, dans Les Saisons, Ve siècle av. J.C.
- Anatole France, Le Procurateur de Judée, 1892
- Alphonse Daudet, La Légende de l'homme à la cervelle d'or, 1869
- Charles Baudelaire, Le Joujou du pauvre, 1869
- Émile Zola, Le Forgeron, dans Nouveaux Contes à Ninon, 1874
- Franz Kafka, La Métamorphose, 1915
- George Orwell, La Ferme des animaux et 1984, 1945 et 1948
- Dino Buzzati, Les Souris, 1954
- Italo Calvino, Le Baron perché, 1957
- Georges Perec, W ou le Souvenir d'enfance, 1975
- Bernard Le Bouyer de Fontenelle, La dent d'or, dans Histoire des oracles , 1687
- Franck Pavloff, Matin brun, 1998
- Victor Hugo, Le crapaud, 1859
Références
- « Lais et Fables de Marie de France (traduction de Françoise Morvan) - remue.net », sur remue.net (consulté le )
- Jeanne-Marie Boivin, Naissance de la fable en français. L'Isopet de Lyon et l'Isopet I-Avionnet, Paris, Honoré champion, , 499 p., p. 17-18.
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