Arlette Lévy-Andersen

Arlette Lévy-Andersen (née Lévy, épouse Andersen), née en 1924 à Paris, d'une famille juive originaire d'Alsace[1], était le grand témoin de la Shoah au Danemark. Elle s'est éteinte à son domicile de Fredericia, dans le Danemark-du-Sud, le 23 août 2022[2].

Arlette Lévy-Andersen
Remise du grade d'officier de la Légion d'honneur à Arlette Lévy-Andersen
Biographie
Naissance
Décès
(à 98 ans)
Fredericia
Nom de naissance
Arlette Lévy
Nationalités
Activités
Enseignante du second degré, conférencière
Autres informations
A travaillé pour
Fredericia Gymnasium (d) (-)
Lieu de détention
Distinctions

Famille et jeunesse

Elle grandit dans le quartier du Marais, à Paris, dans une famille de la classe moyenne, entre un père ancien combattant et fier de l’avoir été et une mère attentionnée. Elle prépara son baccalauréat au lycée Victor-Hugo (Paris)[3].

La Seconde Guerre mondiale et Auschwitz

La Seconde Guerre mondiale fut l’occasion sinistre de redécouvrir pour Arlette Lévy sa judéité. La culture juive n'occupait, en effet, qu'une infime partie de la vie de famille. Rejoignant un père parti se réfugier en zone libre, la jeune fille de 18 ans, titulaire du baccalauréat, obtint de s’inscrire à l’université de Clermont-Ferrand, pour y suivre des études d’anglais. Clermont-Ferrand était devenue une ville agitée, à l’occasion de l’établissement de Pétain et de son gouvernement non loin de là, à Vichy. Elle abritait l’université repliée de Strasbourg et les mouvements de résistance y étaient actifs. L’invasion de la zone libre par les nazis en novembre 1942 allait être le prélude à une série de persécutions dont fut directement victime Arlette Lévy.

La plus grande rafle de l’histoire des universités françaises

Le 25 novembre 1943, l’occupant lança une rafle dans l’ensemble des bâtiments universitaires : les soldats ramenèrent étudiants, professeurs et personnels des universités de Strasbourg et de Clermont-Ferrand dans la cour intérieure de la faculté située avenue Carnot. Un tri long et malheureusement efficace, conduit par un ancien résistant retourné par la Gestapo, Georges Mathieu, devait déboucher sur une série d’arrestations parmi les Alsaciens réfractaires au service dans la Wehrmacht, parmi les résistants et parmi les Juifs. Arlette Lévy, arrêtée, fut internée dans une caserne avant d’être envoyée à Drancy, puis de là, à Auschwitz[4].

N’être plus que le matricule 74 853

Arlette Lévy arriva dans le camp d’extermination le 23 janvier 1944. Sélectionnée pour effectuer des travaux à l’extérieur du camp, elle s’étiola rapidement et ne dut sa survie qu’à l’intervention inespérée d’un Juif de Salonique, Jacques Stroumsa, ingénieur enrôlé de force dans la machine de guerre nazie. La protection de son responsable allemand, ulcéré par le meurtre de masse qui se déroulait sous ses yeux, avait valu, en effet, à Jacques Stroumsa une place particulière qui lui laissait la latitude de faire venir dans l’usine d’armement où il travaillait des prisonniers choisis. C’est ainsi qu’Arlette Lévy fut ouvrière servile en atelier, tâche moins pénible physiquement que les travaux extérieurs. Devant l’avancée de l’Armée rouge, les SS évacuèrent une partie du camp le 18 janvier 1945, dans des conditions effroyables. Arlette Lévy en était. Cette marche de la mort la conduisit à Ravensbrück. Elle fut, ensuite, internée à Malchow. Puis, libérée, elle réussit à rentrer à Paris, en mai 1945[5].

Au nom du devoir de mémoire

Reprenant le cours d’une vie normale, Arlette Lévy fit la découverte du Danemark, se maria à un enseignant, Ole Andersen, et fut elle-même professeure de français au lycée de Fredericia. Comme de nombreux déportés, Arlette Lévy-Andersen avait décidé d’éviter de parler des atrocités de la guerre, même à ses proches. Elle changea de ligne de conduite en 1990, en voyant à la télévision le président du Front national relativiser l’importance du génocide juif : « J'ai pensé que nous (les survivants de l'Holocauste) n’étions pas si nombreux, et qu'un jour il n'y aurait plus de témoins de cette époque. ». Elle sillonna alors sans relâche le Danemark –mais aussi parfois la Suisse et la France- pendant 25 ans, tenant 426 conférences. T. K. Christiansen indique que 100 000 Danois seraient venus l’écouter. La qualité de son témoignage lui valut l’intérêt des journalistes : deux ouvrages (dont un traduit en français « Nous sommes ici pour mourir », de Thomas Kvist Christiansen) et un documentaire perpétuent sa volonté d’assumer le devoir de mémoire[6].

Distinctions et honneurs

Un prix de la liberté, décerné par la ville de Fredericia porte son nom[7]

L'Université Clermont Auvergne a donné son nom au Centre des langues et du multimédia, à Clermont-Ferrand en novembre 2021[8],[9]

Bibliographie et filmographie

Bibliographie

  • Christiansen, Thomas Kvist. Vi er her for at dø. Fredericia : Kvist Kommunikation og Billunds Boghandel, 2018. Traduit du danois et édité par Fabrice Boyer (Nous sommes ici pour mourir. L'itinéraire d'Arlette Lévy-Andersen rescapée d'Auschwitz) Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise-Pascal, 2021).
  • Smith, Peter Langwithz. Auschwitz : en beskrivelse. København : Gyldendal, 2004.
  • Stroumsa, Jacques. Tu choisiras la vie : violoniste à Auschwitz, préf. de Beate Klarsfeld. Paris : les Éd. du Cerf, 1998.
  • Sweets, John F. Clermont-Ferrand à l’heure allemande, trad. de l'anglais par René Guyonnet. Paris : Plon, 1996.
  • Université de Strasbourg. Témoignages strasbourgeois : de l'université aux camps de concentration. Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 1947.
  • Vestergaard, Morten. Pigen fra Auschwitz. København : Jyllands-Posten, 2011.

Filmographie

Notes et références

  1. Thomas Kvist Christiansen, Nous sommes ici pour mourir, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, , 247 p. (ISBN 978-2-84516-999-9), p. 25
  2. (da) « Arlette overlevede Auschwitz og dødsmarch: Nu er hun sovet ind 98 år gammel », sur Site de la radio-télévision publique danoise, DR.DK, (consulté le )
  3. (da + fr) Thomas Kvist Christiansen, « Arlette, une histoire que nous ne devons jamais oublier », sur Arlette Andersens historie, (consulté le )
  4. Thomas Kvist Christiansen, Nous sommes ici pour mourir, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, , 247 p. (ISBN 978-2-84516-999-9), p. 56-80
  5. (da) Morten Vestergaard, Pigen fra Auschwitz, København, Jyllands-Posten, , 207 p. (ISBN 9788776922429)
  6. Thomas Kvist Christiansen, Nous sommes ici pour mourir, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, , 247 p. (ISBN 978-2-84516-999-9), p. 165-229
  7. « Arlette Andersens Frihedspris », sur fredericia.dk (consulté le )
  8. « Vidéo CLM Arlette Lévy Andersen 1080p » (consulté le )
  9. Sylvain GARCIA, « Commémorations du 78ème anniversaire de la rafle du 25 novembre 1943 », sur Université Clermont Auvergne (consulté le )

Liens externes

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