Assassinat de Gaspard II de Coligny

L'assassinat de Gaspard II de Coligny, amiral de France, le est, avec sa tentative d'assassinat deux jours plus tôt, le prélude au massacre de la Saint-Barthélemy, un des événements majeurs de l'histoire des guerres de religion en France. Les historiens ont longtemps débattus des divers responsables de l'attentat puis de l'assasssinat. La querelle de Coligny avec le duc de Guise Henri Ier tout au long des années 1560 et son désir de mettre la France en conflit avec l'Espagne sont souvent cités comme des facteurs clés. L'attentat contre sa vie a eu lieu dans le sillage du mariage entre Henri de Navarre et Marguerite de Valois, très médiatisé et qui devait finaliser la paix de Saint-Germain-en-Laye signée par Catherine de Médicis, son fils Charles IX (roi de France) et Gaspard II de Coligny.

Cette représentation populaire par Frans Hogenberg montre la tentative d'assassinat de Coligny le 22 août sur la gauche, et son meurtre le 24 août sur la droite.
L'amiral Gaspard II de Coligny, chef des Huguenots.

Prélude

Période de paix

Dans la perspective de retourner à la cour, l'amiral Coligny, chef des Huguenots, n'avait une confiance que très relative des promesses de sécurité de la couronne de France et décide de s'établir hors de La Rochelle de la fin de à . En 1571, il épouse Jacqueline de Montbel d'Entremont, héritière de terres importantes à la frontière dauphinoise[1], ce qui lui ouvre des perspectives territoriales en Savoie. Le duc de Savoie, opposé à ce mariage[1], et le roi d'Espagne étaient convaincus qu'il complotait contre eux[2]. L'enthousiasme pour le projet de mariage entre Navarre et Marguerite de Valois conçu comme un moyen de sceller le traité de paix de Saint-Germain-en-Laye n'était pas partagé par tous les dirigeants huguenots. La reine de Navarre, Jeanne d'Albret est ambiguë sur cette perspective et Coligny y est d'abord plutôt réticent de peur de voir Henri de Navarre s'éloigner de la sphère d'influence Bourbon-Châtillon avec une abjuration[3],[4],[5] puis plutôt favorable pour éloigner les Guise et espérer une conversion de la jeune Marguerite de Valois[6]. Après avoir longtemps résisté à la cour de France, Jeanne d'Albret vient en mars discuter et finalement signer le contrat de mariage le [7]. À l'approche du mariage, de nombreux nobles huguenots arrivent dans la capitale pour les célébrations. Il devient difficile de manquer un tel événement pour cimenter la paix et un mariage aussi prestigieux. Les Guise et leurs proches s'installent quand à eux, à l'Hôtel de Guise[7],[8].

En , Coligny arrive à la cour, laquelle s'est rendue à Blois[9]. Il loge au château entouré des 50 gentilshommes couchés sur des paillasses tout autour de lui pour le protéger[9]. Coligny est comblé de faveurs par le roi recevant une généreuse abbaye de 20 000 écus de rente, une année des bénéfices ecclésiastiques du cardinal de Châtillon et un don de 100 000 livres pour remeubler sa maison de Châtillon[10]. Il se voit surtout réintégré au conseil du roi[11],[5],[12],[13]. Entre cette réadmission et , Coligny ne reste cependant présent à la cour que 5 semaines, et son influence réelle est très limitée, malgré les craintes des militants catholiques qu'il n'influence la politique de Charles IX[11]. Peu avant son départ de la cour, il se plaint auprès de Catherine de Médicis, lors d'une audience secrète, des manigances de ses ennemis et s'engage à se tenir tranquille, à maintenir la paix, au château de Châtillon[14] Pendant son séjour à la cour, le duc de Guise prend congé du roi[15]. En , Coligny se présente de nouveau à la cour, accompagné de 300 cavaliers[16].

Guerre entre les Guise et Coligny

Assassinat du duc François de Guise le .

Au point culminant du siège d'Orléans en 1563, le protestant Jean de Poltrot de Méré tend une embuscade au duc François de Guise et l'assassine d'un coup de feu[17],[18]. Sous la torture, Poltrot implique Coligny, Soubise ou Théodore de Bèze comme instigateurs de l'assassinat, mais comme ses allégations changent d'une fois à l'autre, en vient aussi à se rétracter et démentir l'implication de Coligny[19],[20],[18]. Coligny, combat alors en Normandie, dénonce ces accusations et exige le droit de contre-interroger Poltrot au Parlement pour laver son nom[21]. Pour cela, il envoie un trompette à la reine avec une lettre réfutant ces accusations mais mentionnant maladroitement que cette mort l'arrange

« Madame, Je repousse comme faux et menteur l'interrogatoire du sieur Poltrot de Méré... j'ai toujours empêché de tout mon pouvoir que de pareilles entreprises fussent exécutées. J'en ai souvent tenu propos à M. le cardinal de Lorraine, à madame de Guise et à Votre Majesté qui se souviendra combien j'ai été opposé à ces coups de main. ... Dans ces circonstances, je supplie très humblement Votre Majesté d'ordonner que le sieur de Méré soit gardé soigneusement près d'elle, car s'il était conduit à Paris avant de m'avoir été confronté, je craindrais que le parlement ne hâtât son supplice pour charger ma tête de cette imposture et de cette calomnie. Et cependant, madame, n'imaginez pas que ce que j'en dis soit pour regret que j'aie à la mort de M. de Guise, Non, j'estime que cette mort est le plus grand bien qui pouvait advenir, soit à ce royaume et à l'église de Dieu, soit particulièrement à moi et à toute ma maison[22]. »

Poltrot est cependant exécuté à la hâte avant la mise en œuvre de la clause d'amnistie de l'édit d'Amboise[23],[24].

Le témoignage de Poltrot attise la colère d'Henri de Guise. Pendant ce temps, Condé et Montmorency se sont ralliés à la défense de Coligny au conseil du roi. La paix d'Amboise amnistiant tous les crimes commis durant la guerre de religion, la famille Guise lance alors, le 26 avril 1563, un droit de recours à titre privé[25]. Pour s'assurer qu'une justice convenablement partisane soit choisie pour traiter leur procès, les Guise font une démonstration de force lors de la session du Parlement. Au moment où la décision est prise, avec la présence d'une centaine d'hommes armés des Guise, ils réussissent à obtenir un candidat partisan. Le roi évoquera cependant l'affaire au conseil royal, retirant au Parlement sa juridiction[26]. Cela fait, il s'arrangerait pour que le jugement soit suspendu jusqu'à sa majorité. Tentant de prouver que Guise n'était pas le seul à avoir le pouvoir de faire des démonstrations de force, Coligny entre dans Paris en novembre avec un grand nombre de partisans armés. Catherine convoque les deux au Louvre le 6 décembre dans une tentative désespérée de les calmer[27]. Mais la démarche est vaine, et les deux parties se livrent à divers actes de violences mesquins au cours des semaines à venir, aboutissant au meurtre d'un membre de la garde[26]. Le 5 janvier, le roi prends des mesures plus drastiques pour stopper la querelle et suspend le jugement pour trois années supplémentaires.

Frustrés par l'échec de leur stratégie, les Guise modifient leur approche. Ils veulent montrer que leur griefs contre Coligny ne sont pas que d'origine confessionnelle et cherchent l'appui de Condé en soulignant à quel point Montmorency et Châtillon étaient des maisons parvenues par rapport à de vrais princes comme eux. Condé de leur côté, Lorraine planifie une entrée armée dans Paris malgré les protestations du gouverneur, le maréchal Montmorency, qui tente de leur dire que les armes ne sont pas autorisées dans la ville de Paris. Néanmoins, le cardinal de Lorraine et le jeune Guise entrent quand même avec une nombreuse suite en armes, et affrontent les forces de Montmorency dans plusieurs escarmouches de rue dans lesquelles ils s'en sortent plus mal et comptant plusieurs morts dans leurs rangs. Humilié Lorraine et Guise se retirent dans leur résidence où ils ont été assiégés par les railleries et les risées y compris des Parisiens catholiques[28].

Au début de , Charles de Lorraine se rend au siège de la cour à Moulins pour faire appel des poursuites contre Coligny. Il poursuit sa stratégie de l'année précédente et se présente comme un champion des droits des princes. Mais les différents princes à la cour ne sont pas intéressés et rejettent ses propositions. Cela permet à Charles de contraindre Lorraine et Coligny à échanger le baiser de paix[29]. Le jeune Guise refuse de se présenter à Moulins, et refuse aussi de signer quoi que ce soit qui impliquerait l'innocence de Coligny. Guise défie à la fois Coligny et le maréchal Montmorency en duel, mais ils se sentent confiants d'ignorer ses défis[30]. Le roi suit la mise en scène du baiser de paix en envoyant un édit dans lequel l'innocence de Coligny est déclarée le [31].

En , il a été rapporté que les Guise rassemblaient des fonds et des partisans en Champagne[12]. La noblesse huguenote se rallie autour de Coligny qui se trouve à Châtillon, offrant son soutien si le conflit éclate à nouveau[5].

En , les Guise demandent le retrait de l'arrêt prononcé à Moulins sur leur querelle avec Coligny[12],[32]. Le , Guise, son oncle le duc d'Aumale et son frère le duc de Mayenne entrent dans Paris avec une forte escorte de 500 hommes dans une nouvelle démonstration de force[33]. Dans une autre démonstration de fanfaronnade, il demanda au roi la permission de combattre Coligny en combat singulier[34]. En mars, Charles IX blanchit à nouveau Coligny de toute implication dans l'assassinat du duc François de Guise (en)[5]. Satisfait de ne pas être descendu sans tenter de protéger son honneur, il est persuadé en mai par le roi de respecter les termes de l'accord de Moulins qu'il avait évité, ravissant le roi[34] .

Références

  1. Boulitrop 1964.
  2. Shimizu 1970, p. 140-1.
  3. Knecht 2010, p. 43.
  4. Shimizu 1970, p. 151.
  5. Knecht 2010, p. 44.
  6. Kervyn 1884, p. 343.
  7. Knecht 2010, p. 46.
  8. Estebe 1968, p. 106.
  9. Kervyn 1884, p. 329.
  10. Kervyn 1884, p. 331-332.
  11. Holt 2005, p. 81.
  12. Salmon 1975, p. 184.
  13. Kervyn 1884, p. 331.
  14. Kervyn 1884, p. 337.
  15. Knecht 2010, p. 48.
  16. Salmon 1975, p. 185.
  17. Sutherland 1981, p. 284.
  18. Bordonove 2003, p. 766.
  19. Sutherland 1981, p. 283.
  20. Dargaud 1859, p. 256.
  21. Shimizu 1970, p. 100.
  22. Dargaud 1859, p. 257-258.
  23. Sutherland 1981, p. 290.
  24. Dargaud 1859, p. 258.
  25. de Ruble 1897, p. 97.
  26. Carroll 2009, p. 171.
  27. Shimizu 1970, p. 101.
  28. Carroll 2009, p. 173.
  29. Carroll 2009, p. 175.
  30. Carroll 2009, p. 187.
  31. Shimizu 1970, p. 119.
  32. Bordonove 2003, p. 644.
  33. Carroll 2009, p. 200.
  34. Carroll 2009, p. 201.

Voir aussi

Bibliographie

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