Opus caementicium

L'opus caementicium (du latin caementum : moellon, pierre brute, agrégat) était une maçonnerie de blocage constituée par un mélange de mortier et de pierres tout venant (appelées caementa, moellons, fragments de pierre, déchets de taille) coffré à la manière du pisé entre deux banches ou entre deux parements dressés avec soin faisant office de coffrage perdu.

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Noyau en opus caementicium d'une tombe de la voie Appienne.

Le mortier antique était dans le meilleur des cas de la chaux grasse mêlée à de la pouzzolane (ou des tuileaux  fragments de terre cuite  qui contribuaient à rendre le mortier hydraulique), auquel cas il pouvait prendre l'apparence du béton de ciment moderne. Toutefois, il était très souvent constitué d'argile (les Grecs nommaient cette maçonnerie emplekton[1]) additionnée de chaux quand cela était possible. La définition fournie par l'archéologue Jean-Pierre Adam oscille dès lors entre celle d'une concrétion inébranlable fondée sur l'utilisation de la chaux  définition qu'a principalement retenu l'histoire  et d'autre part celle de la structure tripartite « parements-noyau », dans lequel la partie centrale  le remplissage, le noyau, le blocage  était constituée principalement par les caementa liés de manière solide par une bonne chaux ou, de manière sommaire, par une terre argileuse[2].

L'opus caementicium  maçonnerie liée au mortier de chaux  est l'une des clés de la réussite de la construction romaine, qui s'est développée à la fin du IIIe siècle av. J.-C. dans le Latium et en Campanie et s’est rapidement diffusée dans l'ensemble du monde romain[3]. Son succès s'explique par l'emploi de matériaux  les caementa  dont la préparation n'exigeait pas de compétence particulière. Il pouvait dès lors être réalisé par une main-d’œuvre servile abondante. Beaucoup de constructions réalisées en bonne maçonnerie, comme le Panthéon, nous sont parvenues quasi intactes.

Le mélange a permis la réalisation de voûte monobloc (dite voûte concrète) d'une portée de plusieurs dizaines de mètres, comme pour la basilique de Maxence ou le Panthéon de Rome.

Réalisations

Après le gâchage du mortier de chaux à la main, le mélange avec les caementa était réalisé à la montée de l'ouvrage, en alternant des pelletées de mortier et de caillasse. Cette manière de procéder est différente de celle pratiquée pour le béton de ciment moderne, dans lequel le mélange de mortier et de cailloux est préparé à l'avance. L'ensemble était éventuellement pilonné.

Le mélange avec les pierres provoquait le phénomène prise, consistant en la concrétion de l'ensemble (d'où le nom de maçonnerie concrète) avec la cristallisation d'une croûte de carbonate enveloppant les grains de pierre ou de tuileau[4].

Ce béton pouvait être utilisé seul (moulé dans des coffrages ou coulé dans des tranchées), ou former le remplissage et le noyau structurel des fondations, des murs, des dômes et des voûtes. Les parements constitués de moellons de taille et d'appareil divers (opus incertum, opus reticulatum, opus africanum, opus vittatum et opus mixtum, etc.) servaient de coffrage perdu. On appelle aussi maçonnerie de blocage cette manière de faire.

À mesure de la montée du mur, on pouvait ménager des assises de brique sur toute l’épaisseur du mur, qui permettaient de régulariser et de renforcer l'ensemble par l’effet de chaînage.

Durabilité

La longue durée de vie de certains ciments romains est due à la présence d'un minéral rare, issu de la réaction chimique entre la pouzzolane et la chaux hydratée, la tobermorite d'aluminium. La durabilité de ces ciments était évidente depuis des siècles, mais sa cause n'est déterminée expérimentalement que depuis .

Les figures de diffraction en rayons X réalisées en laboratoire, à l'aide d'un synchrotron[5], ont révélé la formation de cette tobermorite d'aluminium pour chacun des échantillons prélevés dans le Portus Cosanus (42° 24′ 25″ N, 11° 17′ 35″ E), dans le Baianus Sinus (40° 49′ 19″ N, 14° 05′ 17″ E), dans le Portus Neronis (41° 26′ 35″ N, 12° 37′ 52″ E) et dans le Portus Traianus (41° 46′ 41″ N, 12° 15′ 07″ E), où ils ont subi l'action des vagues depuis leur réalisation.

Ces ciments ont survécu à dix-neuf siècles d'érosion marine.[réf. nécessaire]

En comparaison, les tests de durabilité portant sur des bétons contemporains sont très jeunes : Ciment et & Architecture[6] décrit des mesures effectuées dans le port de La Rochelle en 1930, qui ont permis de qualifier le ciment naturel prompt, selon la norme NF P15-314 comme « ciments pour travaux à la mer ».

Notes et références

  1. (en) Carmelo G. Malacrino, Constructing the Ancient World: Architectural Techniques of the Greeks and Romans, Getty Publications, , p. 114.
  2. Jean-Pierre Adam, La Construction romaine. Matériaux et techniques, Grands manuels picards, , 6e éd.
  3. (en) Flavio Conti, A Profile of Ancient Rome, Getty Publications, , p. 150.
  4. René Vittone, Bâtir, PPUR Presses polytechniques, (lire en ligne), p. 123.
  5. Marie D. Jackson, Sean R. Mulcahy, Heng Chen, Yao Li, Qinfei Li, Piergiulio Cappelletti et Hans-Rudolf Wenk, « Phillipsite and Al-tobermorite mineral cements produced through low-temperature water-rock reactions in Roman marine concrete », American Mineralogist, vol. 102, no 7, , p. 1435-1450 (DOI https://doi.org/10.2138/am-2017-5993CCBY, lire en ligne).
  6. « Les propriétés de base : durabilité », sur cimentetarchitecture.com (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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