Balle mouillée
Une balle mouillée[1],[2],[3],[4],[5] est un lancer au baseball, aujourd'hui interdit. Il décrit un lancer effectué avec une balle de baseball sur laquelle une substance étrangère a au préalable été appliquée, généralement de la salive, de la gelée de pétrole, du goudron de pin ou du jus de tabac à chiquer. En anglais, elle est appelée spitball (ou parfois spitter[6]), littéralement « balle-crachat ». Une balle dont les propriétés sont modifiées à l'aide d'une substance abrasive est parfois qualifiée à tort de balle mouillée et est également interdite.
Description
L'application de substances étrangères sur la balle ajoute du poids sur la surface, ce qui affecte la résistance au vent et entraîne la balle dans un mouvement et une rotation atypiques, la rendant plus difficile à frapper avec un bâton de baseball. La Ligue majeure de baseball a interdit le recours à la balle mouillée après la saison 1920 et celle-ci demeure aujourd'hui prohibée. Cependant, plusieurs lanceurs ont au fil des décennies défié le règlement, s'exposant à des suspensions. Une variante de la balle mouillée consiste à l'abîmer volontairement, souvent à l'aide d'une lime à ongle ou de papier sablé[7],[8], afin d'arriver à des résultats similaires, c'est-à-dire des lancers à la trajectoire atypique déjouant le frappeur adverse.
Interdiction
Durant l'hiver suivant la saison de baseball 1919, le baseball majeur vote une interdiction partielle de la balle mouillée, restreignant son utilisation à seulement deux lanceurs par club. L'expérience ne dure qu'un an et la ligue étend l'interdiction peu après, celle-ci étant précipitée par la mort tragique de Ray Chapman[5], seul joueur des majeures à perdre la vie à la suite de blessures subies durant un match. Le , Chapman, un joueur des Indians de Cleveland, est atteint à la tempe par une balle mouillée lancée par Carl Mays des Yankees de New York et meurt une douzaine d'heures après.
À partir de la saison 1921, la balle mouillée n'est plus permise, sauf pour 17 lanceurs qui bénéficient d'une clause de grand-père jusqu'à la fin de leur carrière. Ceux-ci sont, avec l'année de leur dernière saison entre parenthèses : Ray Fisher (qui ne joue pas après 1920), Doc Ayers (1921), Ray Caldwell (1921), Phil Douglas (1922), Dana Fillingim (1925), Marv Goodwin (1925), Dutch Leonard (1925), Allen Russell (1925), Allen Sothoron (1926), Dick Rudolph (1927), Stan Coveleski (1928), Urban Shocker (1928), Bill Doak (1929), Clarence Mitchell (1932), Red Faber (1933), Jack Quinn (1933) et Burleigh Grimes (1934), qui fut le dernier lanceur de la Ligue majeure à avoir employé la balle mouillée avec la bénédiction de la ligue[9].
La balle mouillée après son interdiction
Si la balle mouillée n'est jamais redevenue légale dans la Ligue majeure de baseball après son interdiction suivant la saison 1920, elle compte malgré tout certains partisans notables, et non les moindres, comme le commissaire du baseball Ford Frick qui, en 1955, se dit nostalgique d'un tir qui selon lui ne posait aucun danger, à l'inverse de la « balle tire-bouchon d'aujourd'hui » (un lancer à effet) qui « tord le coude et brise les poignets », entraînant à son avis des blessures chez les lanceurs[10]. Dans son autobiographie, Ty Cobb, la plus grande vedette des 20 premières années du XXe siècle, pourfend les autorités du baseball majeur qui, selon lui, ont interdit la balle mouillée par intérêt mercantile, afin de voir plus de points marqués sur des coups de circuit[11].
Gaylord Perry, un lanceur étoile élu au Temple de la renommée du baseball en 1991, est célèbre pour avoir contrevenu au règlement à maintes reprises durant sa carrière dans les majeures, qui s'étale de 1962 à 1983. Son autobiographie, publiée en 1974, donc en plein milieu de sa carrière de joueur, s'intitule d'ailleurs Me and the spitter (« Moi et la balle mouillée »). En plus de sa balle mouillée, il lançait à l'occasion ce qu'il appelait une puffball, c'est-à-dire une balle sur laquelle il avait appliquée de la résine de pin en poudre et qui arrivait vers le frappeur en même temps qu'un nuage de poussière[12]. Perry n'est puni pour ses tactiques illégales qu'une seule fois[13], à sa 21e et avant-dernière saison dans les majeures, le , lorsque l'arbitre Dave Phillips l'expulse d'un match quelques manches après l'avoir averti que les balles qu'il lançait semblaient recouvertes d'une substance graisseuse[14]. Perry est ensuite suspendu pour 10 jours par la ligue et doit payer une amende de 250 dollars[15].
Suspensions
Lanceurs suspendus pour avoir lancé la balle mouillée ou trafiqué la balle[8] :
- Rick Honeycutt, Mariners de Seattle, 1980 : égratigne la balle avec une punaise ;
- Jay Howell, Dodgers de Los Angeles, 1982 : applique du goudron de pin sur la balle ;
- Gaylord Perry, Mariners de Seattle, 1982 : applique de la Vaseline sur la balle ;
- Joe Niekro, Twins du Minnesota, 1987 : égratigne la balle avec une lime à ongle ;
- Kevin Gross, Phillies de Philadelphie, 1987[16],[17] : égratigne la balle avec une feuille de papier sablé ;
- Brian Moehler, Tigers de Détroit, 1999 : égratigne la balle avec du papier de verre ;
- Julián Tavárez, Cardinals de Saint-Louis, 2004 : applique du goudron de pin sur la balle ;
- Brendan Donnelly, Angels d'Anaheim, 2005 : utilisation de goudron de pin ;
- Joel Peralta, Rays de Tampa Bay, 2012 : utilisation de goudron de pin ;
- Michael Pineda, Yankees de New York, 2014 : utilisation de goudron de pin[18] ;
- Will Smith, Brewers de Milwaukee, 2015 : rosin et crème solaire[19].
- Brian Matusz, Orioles de Baltimore, 2015 : substance non précisée[20].
Autres sports
La 42e loi du cricket interdit de modifier les propriétés de la balle[21],[22].
Le Congrès américain de bowling interdit d'appliquer des substances étrangères sur la boule de bowling[23].
Notes et références
- Grimes exige le retour de la balle « mouillée », La Patrie, 6 juin 1937.
- Honus Wagner toujours alerte, La Patrie, 23 février 1939.
- Le lanceur et son efficacité, Champlain Provencher, L'Évangéline, 1er septembre 1931.
- Que va-t-il se passer avec la balle mouillée ???, L'Évangéline, 5 septembre 1973.
- La balle qui fait mal, Jean Dion, Le Devoir, 25 mars 2014.
- (en) Does Dock throw the old spitter?, UPI, 17 août 1973.
- (en) Great moments in ball-doctoring history, Matt Bonesteel, The Washington Post, 24 avril 2014.
- (en) MLB players with doctorates in doctoring balls, Richard McSweeney, Boston Globe, 13 mai 2013.
- Souvenirs sportifs, Le Courrier de Berthier, comté de Berthier, 27 juillet 1961.
- (en) Frick Favors Return of 'the Old Spitter', The Milwaukee Journal, 6 mars 1955.
- (en) Baseball should bring back spitball, Rob Dibble, The Sporting News, 11 avril 2014.
- (en) No. 83: Gaylord Perry, Joe Posnanski (en), 14 décembre 2013.
- (en) The Spitball King: Whether it was real or imagined, Gaylord Perry had the edge with his rule-bending pitch, Doug Segrest, The Birmingham News, 1er juin 2011.
- (en) Umpire ejects Gaylord Perry, Associated Press, 23 août 1982.
- (en) Gaylord Perry suspended 10 days, UPI, 25 août 1982.
- (en) Gross suspended for 10 days, Associated Press, 12 août 1987.
- L'article Great moments in ball-doctoring history du Boston Globe référencé plus haut indique, inexactement, que Kevin Gross a été suspendu en 1983.
- Utilisation de résine: Michael Pineda suspendu 10 matchs, Associated Press, 24 avril 2014.
- (en) Smith appeals 8-game penalty for substance, John Donovan / MLB.com, 22 mai 2015.
- (en) Matusz gets 8-game suspension, opts to appeal, Connor Smolensky / MLB.com, 25 mai 2015.
- (en) Cricket: Ball-doctoring: an ancient art widely practised, Simon Hughes, The Independent, 30 août 1992.
- (en) Laws of Cricket - Law 42 sur le site du MCC
- (en) Garrett: Doctoring Equipment Illegal, Don Lightner, Orlando Sentinel, 14 avril 1985.