Batterie de Carnot
Une batterie de Carnot est un type de stockage d'électricité sous forme de chaleur. Pendant le processus de charge l'électricité est convertie en chaleur et cette chaleur est transférée dans un système de stockage. Pendant la phase de déstockage la chaleur extraite du stockage est reconvertie en électricité[1],[2].
Histoire
Le concept a été breveté par Marguerre[3] il y a environ 100 ans mais son développement n'a été que récemment relancé pour le stockage de l'énergie produite par des sources renouvelables. Le nom de « batteries de Carnot » a été proposé par Andre Thess en 2018 avant la première conférence internationale dédiée à ces systèmes : First International Workshop on Carnot Batteries sur le site de DLR à Stuttgart[4]. Ce nom vient bien évidemment du cycle de Carnot et du rendement correspondant qui est le rendement maximal théorique de conversion de la chaleur en énergie mécanique, et l'utilisation du mot batterie est une référence aux systèmes électrochimiques de stockage de l'électricité, de loin les plus répandus. Dans le concept de batterie de Carnot, l'efficacité de la décharge est bien entendu limitée par le rendement de Carnot. Un concept particulier appelé pompage thermique, Pumped Thermal Energy Storage (PTES) ou Pumped Heat Energy Storage (PHES) en anglais a commencé à être étudié au début des années 2010 à la fois au Royaume-Uni par la société Isentropic[5] et en France par la société Saipem et le CEA dans le cadre du projet ANR Sether[6],[7]. En Allemagne, le centre de recherche aéronautique (DLR) et l'Université de Stuttgart ont lancé leurs premiers travaux sur le stockage d'électricité sous forme de chaleur haute température en 2014[8] et c'est en 2018 que le terme de « batteries de Carnot » a été utilisé par DLR lors de la Hanover Messe, un des plus grands forums commerciaux dans le domaine de l'énergie. De manière plus générale le terme de « batterie de Carnot » couvre tous les systèmes de stockage d'électricité sous forme de chaleur[9],[10] jusqu'au système de stockage basé sur la liquéfaction de l'air, Liquid Air Energy Storage (LAES) en anglais.
Contexte
Pour réduire les émissions de dioxyde de carbone, le recours aux énergies renouvelables est croissant dans la production d'électricité, ce qui du fait de leur intermittence accroît les besoins de stockage. Aujourd'hui les systèmes de stockage installés sont de deux types : les barrages doubles (pompage hydraulique) pour les très grandes capacités et bien sûr les batteries électrochimiques de type Lithium-Ion pour les capacités moyennes. Ce type de batteries est tout à fait adapté pour du stockage court terme, mais beaucoup moins pour des durées plus longues du fait des coûts élevés de la capacité d'énergie stockée. Le stockage de la chaleur peut se faire avec des matériaux très bon marché comme l'eau, des lits de roche ou des sels, permettant d'envisager de très grandes capacités (gigawatt-heures) à des coûts plus raisonnables. Dans ce cadre un groupe de travail de l'Agence Internationale de l'Energie a été constitué sous le nom Energy Storage Annex 36 - Carnot Batteries[11] qui fait partie du programme Energy Conservation and Energy Storage[12], un programme technique de collaboration.
Description détaillée
Un système de type « batterie de Carnot » peut être séparé en trois parties : la conversion d'électricité en chaleur, le stockage de la chaleur et la conversion de chaleur en électricité. Chacune de ces étapes peut être basée sur des technologies différentes.
Conversion d'électricité en chaleur
- Par des résistances électriques : effet joule.
- Par un système de type pompe à chaleur, c'est-à-dire une machine thermodynamique basée sur l'inverse d'un cycle moteur de type Rankine ou Brayton. La première solution est la base de toutes les pompes à chaleur domestiques ou industrielles actuellement sur le marché. La seconde est celle qui a été envisagée pour les premiers concepts de pompage thermique (PTES) déjà cités[13].
- Par un cycle de Claude, pour la technologie de stockage sous forme d'air liquide (LAES).
- Par un cycle thermochimique pour le procédé appelé Lamm-Honigmann (en)[14].
Stockage de chaleur
Trois phénomènes physiques permettent de stocker de la chaleur : l'élévation de température d'un liquide ou d'un solide (chaleur sensible), le changement de phase d'un solide en liquide (chaleur latente) et une réaction chimique réversible fortement endo/exothermique. Parmi les solutions étudiées dans la littérature scientifique pour les « batteries de Carnot », on trouve l'eau, les sels ou les lits de roches pour le stockage thermique sensible, l'air liquide ou les Matériaux à Changement de Phase (MCP) pour le latent, des couples comme , en réaction chimique d'absorption/désorption ou en réaction solide gaz pour le stockage thermochimique.
Conversion de la chaleur en électricité
Dans ce cas on retrouve toutes les machines thermodynamiques basées sur les cycles de Rankine ou de Brayton : moteur thermique, turbine à vapeur, turbine à gaz, machine de type cycles organiques de Rankine. Le cas particulier du procédé Lamm-Honigmann transforme aussi la chaleur du stockage thermochimique en électricité. Pour les « batteries de Carnot » les procédés se basant sur des propriétés de matériaux, type thermoélectricité ne sont pas envisagés.
Avantages et inconvénients
Malgré un début des études scientifiques et des développements technologiques assez récent, cette technologie s'avère prometteuse pour le stockage massif d'énergie. Les principaux avantages de cette solution sont[15] :
- la liberté sur le choix du site, comparé au pompage turbinage ou même au stockage par air comprimé (CAES en anglais) ;
- une faible empreinte environnementale surtout avec des matériaux de stockage naturels ;
- une durée de vie de facilement 20 ou 30 ans ;
- la possibilité d'augmenter la capacité de stockage facilement et à un coût réduit ;
- l'opportunité de réutilisation de composants de centrales thermiques fossiles de production d'électricité comme les turbines.
L'inconvénient principal de la technologie est le rendement global ( round) limité[16]. Ce rendement se définit comme le rapport entre l'électricité produite lors de la décharge (Wdis) et l'électricité nécessaire pour charger le système (Wchar). Les valeurs visées par les batteries de Carnot vont de 25 à 70 %, en fonction principalement du niveau de température maximal, qui restent faibles comparées à celle des systèmes de type pompage hydraulique (65-85 %).
Applications
Les batteries de Carnot peuvent être utilisées pour le stockage d'électricité produites par les énergies renouvelables intermittentes sur le réseau national. Les stockages de chaleur voire de froid associés peuvent être utilisés pour d'autres applications comme les réseaux de chaleur ou le refroidissement de datacenters. Des projets existent pour la reconversion de centrales électriques à charbon en réutilisant une partie des systèmes en place, en particulier le bloc de puissance [17],[18] .
Quelques projets avec des prototypes
- Basés sur l'air liquide : Highview Power (en), University of Birmingham.
- Par pompage thermique : Malta Inc., University of Durham, University of Newcastle[19], DLR[20], STOLECT[21].
- Avec des résistances électriques : Siemens Gamesa[22], National Renewable Energy Laboratory.
- Avec un système de pompe à chaleur et cycle organique de Rankine : Université de Liège[23].
- Avec le procédé Lamm-Honigmann : Technical University of Berlin[24].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Carnot battery » (voir la liste des auteurs).
- (en) « Carnot battery technology: A state-of-the-art review », Journal of Energy Storage, vol. 32, , p. 101756 (ISSN 2352-152X, DOI 10.1016/j.est.2020.101756, lire en ligne, consulté le )
- (en) « IEA Energy Storage Annex 36 - Carnot Batteries. Technology Collaboration Programme Energy Storage, International Energy Agency. », sur eces-a36.org (consulté le )
- Marguerre F., « Ueber ein neues Verfahren zur Aufspeicherung elektrischer Energie. Mitteilungen der Vereinigung der Elektrizitätswerke 1924;354(55):27e35
- (en-US) « International Workshop on Carnot Batteries », sur IEA eces (consulté le )
- Jonathan Howes, « Concept and Development of a Pumped Heat Electricity Storage Device », Proceedings of the IEEE, vol. 100, no 2, , p. 493–503 (ISSN 1558-2256, DOI 10.1109/JPROC.2011.2174529, lire en ligne, consulté le )
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- (en) Dr. Michael Geyer, « Webinar on Carnot Batteries » [PDF], sur atainsights.com, (consulté le )
- (en-US) « Team connects first grid-scale pumped heat energy storage system », sur The Engineer, (consulté le )
- (en) « World’s first Carnot battery stores electricity in heat », sur www.german-energy-solutions.de (consulté le )
- « STOLECT - Clean Electricity Storage »
- (en) « Thermal energy storage with ETES I Siemens Gamesa », sur www.siemensgamesa.com (consulté le )
- Olivier Dumont et Vincent Lemort, First Experimental Results of a Thermally Integrated Carnot Battery Using a Reversible Heat Pump / Organic Rankine Cycle, 2d International Workshop on Carnot Batteries 2020
- « Maschinen- und Energieanlagentechnik: Thermochemische Energiespeicherung », sur www.eta.tu-berlin.de (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- International Workshop on Carnot Batteries, Stuttgart, Germany, October 9-10, 2018
- 2nd International Workshop on Carnot Batteries, University Stuttgart, September 15-16, 2020
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