Bibliothèque Załuski
La Bibliothèque Załuski, fondée en 1747 à Varsovie par deux frères hauts dignitaires de l'Église catholique Polonaise Andrzej Załuski (1695-1758) et Józef Załuski (1702-1774), fut la première bibliothèque publique de Varsovie, devenue en 1780 la Bibliothèque nationale polonaise. C'était l'une des plus grandes bibliothèques du monde dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et également la plus grande collection de livres francophones en dehors des frontières de la France.
Bibliothèque Załuski | |
Bibliothèque Załuski | |
Présentation | |
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Coordonnées | 52° 14′ 44″ nord, 21° 00′ 35″ est |
Pays | |
Fondation
Descendants d’une vieille famille de noblesse titrée polonaise, les frères Załuski reçoivent une éducation princière incluant entre autres des voyages à travers l’Europe avec des séjours prolongés à Rome et à Paris. Ils collectionnent les livres depuis leur plus jeune âge. Le premier registre que Józef dresse en 1720, à l'âge de 18 ans, fait état de 3 000 livres.
En 1732, Józef Załuski, devenu entre-temps évêque de Płock, qui possède déjà 8 000 volumes venus de l’Europe entière, annonce publiquement son projet d’ouverture de la bibliothèque publique. Cependant, le bouleversement politique de l’Europe après la mort du roi de Pologne, Auguste II, en 1733, désactualise ce projet et retarde la création de la bibliothèque publique de 20 ans. Dans la lutte à la succession au trône polonais, la France soutient son candidat Stanisław Leszczyński, beau-père du roi de France Louis XV depuis huit ans, mais c’est finalement le fils d’Auguste II, Auguste III, qui s'assied sur le trône de la Pologne avec l’appui de la Russie et de l’Autriche. L’évêque Załuski, partisan de Leszczyński, quitte la Pologne en 1736 pour suivre son roi en exil à Lunéville. Pendant ce temps-là, son frère Andrzej Załuski, devenu avec le temps évêque de Cracovie et Grand Chancelier de la Couronne, achète en 1736, au centre de Varsovie, l’hôtel Daniłowiczowski, destiné à accueillir leur future bibliothèque. Pendant que son frère Józef séjourne en Europe, Andrzej récupère la bibliothèque du feu roi Jean III Sobieski (800 volumes) qui lui a été léguée en 1740. Ce fonds devient le principal trésor de sa collection et comporte plusieurs livres hérités des rois polonais Zygmunt August, Stefan Batory, Zygmunt III Waza, Władysław IV.
Finalement, la Bibliothèque « CIVIUM IN USUS » (à l’usage des citoyens) est inaugurée le . À l’ouverture, elle compte environ 180 000 volumes. C'est une bibliothèque de prêt: elle permet aux usagers de consulter des fonds sur place ou de les emprunter, aussi bien dans la capitale qu’en province. À la fin de son existence, la Bibliothèque comptera plus de 400 000 volumes.
Les frères sont les premiers à s'engager dans la collecte de tous les imprimés polonais. C’est une tâche énorme étant donné que les imprimeries en Pologne ont commencé leur activité dès 1473 (parmi les premières en Europe, trois ans après Paris). Et pourtant, les collections polonaises de la Bibliothèque Załuski en 1740 sont déjà si riches que l’évêque bibliophile ne cherche que les auteurs « oubliés, inconnus, ou égarés ».
La Bibliothèque possède aussi différentes curiosités: une galerie de sculptures et de peintures de rois et de dignitaires du royaume polonais; un cabinet d’estampes avec plus de 40 000 gravures (pour la plupart des œuvres des principaux graveurs européens des XVIe et XVIIe siècles), un cabinet d’histoire naturelle avec ses herbiers et des instruments géométriques, physiques, et astronomiques; une impressionnante collection de cartes de la Pologne, « anciennes et géographiques ». Le bâtiment même de la Bibliothèque Załuski est connu des varsoviens comme « La Maison des rois » (Dom pod Królami) en raison des bustes des souverains de Pologne qui ornent sa façade.
La Bibliothèque Nationale
En octobre 1767, Nicolas Repnine, l’ambassadeur de Russie en Pologne, mécontent de l’opposition et des tendances anti-russes fait enlever plusieurs membres du Senat polonais, dont Józef Załuski. Il sera maintenu en captivité jusqu'en 1773 et décédera l’année suivante à Varsovie. Malgré son emprisonnement, Załuski montre une activité intellectuelle exceptionnelle et édite des œuvres littéraires et scientifiques : l’histoire de sa famille, des bibliographies et encyclopédies, mais aussi des poèmes, drames et récits autobiographiques. Depuis Kaługa, en Russie, il continue à gérer « sa » bibliothèque.
Après sa mort, la Bibliothèque, passe sous la protection personnelle du roi Stanisław August Poniatowski qui en confie la gestion au comte Ignacy Potocki, tout comme la Commission de l'éducation nationale (Komisja Edukacji Narodowej). Désormais, la Bibliothèque dépend de cette première administration de l'instruction, qui est publique et indépendante des Églises.
La bibliothèque fonctionne pendant 50 ans.
Destructions successives
Après la répression de l'insurrection de Kościuszko et la disparition de la Pologne à la suite des partages, la Bibliothèque est fermée et ses collections confisquées, détruites ou emportées à Saint-Pétersbourg, en 1795, comme prises de guerre par la Russie. Ces collections pillées constitueront le noyau de la collection impériale, devenue ensuite Bibliothèque M. E. Saltykov-Chtchédrine, aujourd'hui Bibliothèque national russe. Seulement 50 000 livres sur 400.000 ont été rendus par la Russie en 1842, en1863 et à la suite du traité de paix avec les Soviets entre 1923 et 1935, après que la Pologne eut retrouvé son indépendance à la fin de la Première Guerre mondiale.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands font disparaître en Pologne environ seize millions de volumes : des bibliothèques (70-80%) périssent, brûlées sciemment par les Brandkommandos, pendant l'insurrection de Varsovie en 1944. En octobre 1944, la Bibliothèque Krasiński disparaît ainsi avec tous les livres et manuscrits du XVe au XVIIIe siècle, ou encore la collection Rapperswil, un fonds considérable sur l’histoire du pays que des émigrés avaient laborieusement accumulé en Suisse jusqu’au jour où l’indépendance de la Pologne, en 1918, en a permis l’installation dans leur patrie.
Les fonds de la Bibliothèque Załuski restitués par les soviétiques subissent le même sort : à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Quelque 170 000 volumes de Bibliothèque nationale sont alors déménagés sur l’ordre et sous la conduite des officiers allemands « en lieu sûr », mais les troupes nazies y mettent le feu après l’insurrection de Varsovie, en octobre 1944. Ainsi la partie restituée de la collection Załuski brûle malheureusement dans sa quasi-totalité.
Certains trésors sont miraculeusement épargnés. De temps à autre, des documents provenant de la Bibliothèque Załuski apparaissent dans des ventes aux enchères.
Un petit fonds que Józef Załuski a créé à Lunéville à la demande du roi Stanislas Leszczyński, est préservé jusqu'à ce jour à la bibliothèque municipale de Nancy.
Bibliographie
- L'article est tiré du travail de Maria Witt, La vie étrange d’une des plus grandes bibliothèques européennes du XVIIIe siècle : la collection Załuski à Varsovie, WLIC 2005 (Conférence annuelle de l’IFLA).
- S. Roszak, La Bibliothèque des frères Załuski à Varsovie – la collection des livres de magnats ou la première Académie des Sciences polonaise, dans J.- C. Bonnenfont (éd.), Stanislas et son Académie. Actes du colloque du 250e anniversaire, 17-19 septembre 2001, Nancy, 2003, p. 325-332.
Voir aussi
- Sciences de l’information et bibliothèques
- Portail de Varsovie