Borne milliaire du Manoir

La borne milliaire du Manoir est une borne milliaire romaine, du Ier siècle, anciennement placée au Manoir (Calvados), en France. Datée du règne de l'empereur Claude, c'est le plus ancien monument de ce type connu en Normandie et retrouvé in situ. La borne est conservée à Bayeux, au musée Baron Gérard.

Borne milliaire du Manoir
Réplique située sur un parking dans la commune du Manoir.
Présentation
Destination initiale
Borne milliaire
Style
Ier siècle
Propriétaire
Commune
Patrimonialité
Recensé à l'inventaire général
Localisation
Pays
Région
Département
Commune
Le Manoir (lieu de découverte et de la réplique[1]), Bayeux (conservée au Musée Baron Gérard)
Coordonnées
49° 16′ 29″ N, 0° 42′ 14″ O
Localisation sur la carte de France
Localisation sur la carte du Calvados

Description

La borne, en pierre de Caen, mesure 1,85 m de hauteur et a un diamètre de 0,58 m. F. Delacampagne propose pour sa part m de hauteur[2]. L'inscription du milliaire, qui était tournée vers la chaussée[3], est mutilée mais demeure restituable[2] ; elle occupe une largeur d'environ 68 cm et ses lettres sont hautes de 40 à 69 mm selon Ed. Lambert[3].

Localisation

Jusqu'à sa découverte, avant , la borne[4] était située le long de l'actuelle route départementale 12, au lieu-dit « Le Calvaire ».

Historique de la découverte

Selon Édouard Lambert, conservateur de la bibliothèque de Bayeux de la seconde moitié du XIXe siècle auteur d'un ouvrage précieux en ce qu'il a dessiné et recopié des bornes milliaires qui ont disparu depuis[5], ce monument « fut trouvé [par le propriétaire du lieu, M. Marchand] renversé et couché au milieu de plusieurs fragments de pierre de taille brisés et jetés confusément dans la masse d'un fossé, sur le bord de la route de Bayeux à La Délivrance, conduisant au bas du port, sur l'Orne, à Bénouville »[6].

Après sa découverte, en 1819, la borne est transportée à Bayeux par Arcisse de Caumont et Édouard Lambert pour être entreposée à l'actuel musée Baron Gérard. Le monument original n'était pas visible entre 2001 et du fait de la profonde réorganisation du musée[7].

Le , une reconstitution hypothétique du milliaire[8], en pierre calcaire, avec l'inscription complète et surmonté d'un globe, est installée à l'emplacement d'origine sous l'égide de la Société des antiquaires de Normandie. Elle avait été réalisée par un entrepreneur en bâtiments de Bayeux, Adolphe Lechevalier[9]. La décision de la mise en place d'une réplique avait été prise dès 1826, mais reportée du fait de l'état de la route[10].

Cette dernière, déjà en mauvais état bien que recensée dans l'Inventaire, est détruite lors d'un accident de la route, en 2006. Une nouvelle réplique, un moulage en béton teinté plus semblable à l'original, l'a remplacée en 2010[11]. Une aire de stationnement d'environ 800 m2 a été aménagée pour le public et les voitures à ses alentours[12].

Inscription

Relevé d'Édouard Lambert publié en 1869
Détail de l'inscription sur la restitution in situ

Transcription du texte

« drvsi.f.
vgvstvs.
cvs.pontifex.
vs.tribvnicia.
stae.v.
p.p.co III
ignat
p.v. »

Restitution

« Tiberius Claudius Drusi filius[13]
Caesar Augustus Ger
manicus pontifex ma
ximus tribunicia pot
estate V imperator XI
pater patriae consul III
designatus IIII
milia passuum V »

Traduction

D'après Édouard Lambert, en 1869 (publié en 1871) :

« Tibère Claude, fils de Drusus
César, Auguste
Germanique, souverain pontife
jouissant de la puissance tribunicienne pour la 5e fois
empereur pour la 11e
père de la patrie, consul pour la 3e fois
désigné pour la 4e
5000 pas [depuis Augustodurum][14] »

Interprétation

Détail de la Table de Peutinger (Augustoduro est, ici, au centre)

Datation

Le milliaire est daté précisément du début de l'année 46 de notre ère, grâce à la titulature de Tibère Claude : cinquième année de sa puissance tribunicienne, renouvelée depuis le 41 ; et père de la patrie pour la troisième fois, depuis 42.

Localisation dans le réseau viaire de la Lyonnaise

D'après la Table de Peutinger[15] (I, 2), ce milliaire ferait partie d'une série balisant l'ancienne voie romaine reliant Augustodurum (Bayeux) à Aregenua (Vieux), sur la route allant d'Alauna (près de Valognes) à Suindinum ou Vindunum (Le Mans). Selon Gabriel Thiollier-Alexandrowicz[16], cette voie passerait, au-delà de Bayeux, par la D 12 (vers Sommervieu), puis le Manoir, Villiers-le-Sec, Secqueville-en-Bessin, Bretteville-l'Orgueilleuse, Norrey-en-Bessin, Saint-Manvieu-Norrey, Fontaine-Étoupefour, et Vieux. Mais, en se fondant sur l'archéologie et la géographie, d'autres auteurs mentionnent Bénouville puis Lillebonne (Juliobona), dans la continuité de la route vers l'est, comme destination de cette voie[17].

La distance indiquée dans le texte gravé à sa surface a permis, avec d'autres sources anciennes[18], de confirmer que l'actuelle ville de Bayeux était bien un centre régional à l'époque de la Gaule romaine.

« La ville de Bayeux était donc la capitale de la contrée, probablement jusqu'aux rives de l'Orne, dès les premiers temps de la puissance romaine, puisqu'elle servait de centre pour compter les distances. Aucun monument écrit n'avait encore prouvé cette existence à une époque aussi reculée.

Tout le monde comprendra, d'après cet exposé, que le milliaire du manoir a une véritable importance historique, puisqu'il peut servir à donner la connaissance d'un fait qui n'était connu par aucun document écrit. »

 Édouard Lambert, 1840-1841, p. 409.

Notes et références

  1. Le lieu de découverte, où l'on peut voir une réplique, se situe aux coordonnées 49° 17′ 13″ N, 0° 36′ 14″ O
  2. F. Delacampagne, Le Calvados, 14 - Carte archéologique de la Gaule, Paris, 1990, p. 118
  3. [Lambert 1871] Édouard Lambert, « Épigraphie romaine dans le département du Calvados », Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, vol. 28 (vol. 8 de la 3e série), séance publique du 21 décembre 1869, , p. 70-105 (voir p. 71-72) (lire en ligne [sur gallica], consulté en ).
  4. Notice no IA00121945, base Mérimée, ministère français de la Culture (inventaire topographique par Bernard Ducouret et Christian Perrein, 1990-1991).
  5. E. Deniaux, La Normandie avant les Normands de la conquête romaine à l'arrivée des Vikings, Rennes, 2002, p. 42
  6. Édouard Lambert 1871-1876, p. 71.
  7. La borne est visible sur une vue générale du nouveau musée.
  8. Voir une photographie, par Pascal Corbierre (en 1990, Inv. 90.14.1702.X), de la copie de 1839 (détruite en 2006), dans Ducouret et Perrein 1990-1991, p. 4
  9. Cf. Édouard Lambert 1840-1841, p. 406.
  10. La borne milliaire du Manoir retrouve son emplacement..., 2 mars 2010, calvados.fr.
  11. Bessin : la borne milliaire retrouve sa place
  12. Dans le CIL XVII, la restitution avec les signes diacritiques donne :
    [Ti(berius) Cl]au[dius] Drusi f(ilius) / [Caesar Au]gustus [Ger]/[mani]cus pontifex [ma]/[ximus] tribunicia [pot]/estate V [imperator XI] / [p(ater) p(atriae) co(n)s(ul)] III / [des]ignat[us IIII] / m(ilia) p(assuum) V
    Nota : contrairement à ce qui est indiqué dans la base Epigraphik-Datenbank Clauss/Slaby, Manoir est bien à localiser dans la province de la Lyonnaise (Lugudunensis) et non pas en Aquitaine.
  13. Lambert 1871.
  14. Cf. le plan dans Gerold Walser 1986 (CIL XVII-2), p. 157.
  15. Cf. Gabriel Thiollier-Alexandrowicz, avec la collab. de Robert Bedon, préf. de Raymond Chevallier, Itinéraires romains en France, d'après la « Table de Peutinger » et l’« Itinéraire d'Antonin », Dijon, Faton, 1996 (Guides monde et musées) (ISBN 2-87844-036-6) (extrait en ligne VR 19 : de Valognes à Vieux).
  16. Voir, par exemple, Édouard Lambert cité ci-dessus, repris par Ducouret et Perrein 1990-1991, p. 1, et l'article de calvados.fr, ci-dessous.
  17. Dont des bornes leugaires indiquant le nom antique et la distance (inscriptions n° 5, 6 et 13 du corpus de Lambert). Mais la première a été déplacée, la suivante est détruite et la dernière est très fragmentaire. Cf. Ernest Desjardins, Géographie historique et administrative de la Gaule romaine, 1, Paris, 1876, p. 338 (en ligne).

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • CIL 17-02, 00449 = Corpus Inscriptionum Latinarum [17]. Miliaria Imperii Romani. Pars secunda, Miliaria provinciarum Narbonensis Galliarum Germaniarum, éd. par Gerold Walser, Berlin, New York, 1986, inscr. 449 p. 164 ou 165 (ISBN 978-3-11-004592-5).
  • CIL 13, 08976 = Corpus Inscriptionum Latinarum [13]. Inscriptiones Trium Galliarum et Germaniarum Latinae. Partis secundae. Fasciculus II. Miliaria Galliarum et Germaniarum, éd. par Theodor Mommsen, Otto Hirschfeld, Alfred von Domaszewski, Berlin, 1907, p. 672 (en ligne).
  • Bernard Ducouret et Christian Perrein, « Dossier d'inventaire topographique de la Notice no IA00121945 », dans Base Mémoire, 1990-1991, Ministère de la Culture, 4 p. (en ligne).
  • [Delacampagne] Florence Delacampagne, Carte archéologique de la Gaule. 14. Le Calvados (dir. Michel Provost), Paris, Éd. de la Maison des sciences de l'homme, . .
  • [Deniaux et al. 2002] E. Deniaux, C. Lorren, P. Bauduin et T. Jarry, La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l'arrivée des Vikings, Rennes, (ISBN 2737311179). .
  • [Lambert 1871] Édouard Lambert (1794-1870), « Épigraphie romaine dans le département du Calvados [bornes milliaires] » ((Borne milliaire no 1), Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. 28, série 3, , p. 70-105 (voir p 70-73 et pl. 1) (lire en ligne [sur gallica], consulté en ). .
  • [Lambert 1841] Édouard Lambert (1794-1870), « Procès-verbal du rétablissement de la colonne milliaire trouvée au Manoir, près Bayeux, en 1819 », Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. 12, série 2, , p. 405-409 (lire en ligne [sur gallica], consulté en ). .

Articles connexes

Liens externes

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