Célestin Lainé
Célestin Lainé (1908-1983) est un militant nationaliste breton répondant au nom de Neven Henaff, rallié au Troisième Reich durant la Seconde Guerre mondiale.
Pour les articles homonymes, voir Lainé.
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Célestin François Émile Lainé |
Surnom |
Neven Henaff |
Pseudonymes |
Ab Arzel, Kerjean, C. L. |
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Né à Nantes (Bretagne) en 1908, il est élevé à Ploudalmézeau dans le Finistère. En 1929, il fonde une société secrète : Kentoc'h Mervel (Plutôt la mort) et entre à l'École centrale (promotion 1931). Il devient alors ingénieur chimiste et officier de réserve de l’armée française et s'engage dans la lutte pour la création d'un État breton.
Tous ses efforts sont motivés par un seul but : créer une armée nationale bretonne capable de rendre la Bretagne indépendante.
Son caractère extrémiste le marginalise dès le début de la guerre au sein de la mouvance nationaliste. Son radicalisme aboutit à la formation du Bezen Perrot, unité bretonne au sein de la Waffen-SS, composée de ses partisans.
Jeunesse
Célestin Lainé est né à Nantes, quai de la Fosse, le . Il s'installe ensuite avec sa famille à Brest, rue Voltaire, et passe ses vacances à Ploudalmézeau ou Portsall. Il réussit son bac et est admis en classe de Mathématiques Elementaires en 1924. En novembre, il achète son premier numéro de Breiz Atao. En , il prépare la licence de la faculté des sciences de Rennes. Il fréquente alors Morvan Marchal, et rencontre l'abbé Perrot la même année. Il devient alors un militant du mouvement breton.[3].
Activisme breton
Fin 1930, il crée avec Guillaume Berthou l'organisation activiste Gwenn-ha-Du, qui prône l'action directe, et qui agit en relation avec l'Allemagne nazie et l'IRA. La première action de ce groupe est l'attentat du 7 août 1932 à Rennes. Célestin Lainé a lui-même fabriqué, puis placé la bombe. Bien que soupçonné et momentanément arrêté en 1936, il ne fut pas condamné faute de preuves[4].
Célestin Lainé publie d'ailleurs, sous le pseudonyme d'Allbrogat, le dans la revue Stur[5] un article résumant son credo sous le titre « Nos deux bases, Irlande et Prusse ». Le groupuscule perpètre de nombreux attentats à la bombe, dont celui qui détruit le monument de l'Union de la Bretagne à la France, sur la place de la mairie de Rennes.
Il crée en 1936 le Kadervenn (Sillon de Combat ou Service Spécial), une unité paramilitaire conçue sur le modèle de l'IRA, comprenant une douzaine de membres environ engagés dans des manœuvres militaires. Cette organisation instruit les nouvelles recrues et participe à des manœuvres dans les Monts d'Arrée et les Montagnes Noires en 1937 puis dans les landes de Lanvaux en 1938. À l'été 1940, Lainé transforme son Kadervenn en « Lu Brezhon ».
Il passe en procès le dans l'enceinte du tribunal correctionnel de Rennes. C'est la première fois que la justice de la IIIe république intente un procès à des autonomistes bretons. Il refuse à cette occasion de répondre en français à ses juges, et fait lire par ses avocats une déclaration aux termes de laquelle il revendique l'honneur d'avoir lavé l'outrage de Marx Dormoy et réclame la peine la plus dure afin de pouvoir prophétiser le proche avènement d'une république bretonne. Il est soupçonné, sans que les preuves pussent jamais être apportées d'être le chef de la société secrète Gwenn ha Du. Il a été condamné en à quelques mois de prison à l'issue d'un procès intenté aux auteurs d'une campagne de graffiti anti-français.
Seconde Guerre mondiale
Adhésion à l'idéologie nazie
Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, Célestin Lainé prend le parti du Reich. C'est un partisan de la méthode forte qui a une idée fixe : créer une armée bretonne (« nous continuerons la tradition de ceux qui, au cours des siècles, ont lutté, les armes à la main, pour affirmer nos droits de nation »). Disposant de quelques armes et d'explosifs que ses lieutenants avaient récupérés, il commença à tisser, dès le début de 1941 la toile de l'organisation de la future Armée de Libération de la Bretagne.
En 1939, il fait un séjour en Allemagne où il obtient la livraison d'armes. Transbordées à bord du Gwalarn, celui-ci s'échoue à Locquirec dans la nuit du 8 au , les armes sont récupérées et entreposées à Perros-Guirec dans une villa rue des Bons Enfants.
Fin octobre 1939, Célestin Lainé est arrêté sur le front du Nord de la France. Il est condamné à quatre années de détention pour avoir écrit dans une lettre que l'armée française allait à sa perte, et est transféré directement du front à la centrale de Clairvaux.
Il s'évade fin juin 1940 et participe à l'établissement du comité national breton à Pontivy début juillet 1940. Il s'empare à cette occasion du château des Rohan pour en faire le quartier général du Lu Brezhon, mais en est chassé le par la population de Pontivy. Il rejoint ensuite le manoir de Kerriou[6] en Gouezec, près de Pleyben, pour y entraîner son kadervern (ses troupes de militants nationalistes), mais les actions et la présence de l'organisation suscitèrent l'hostilité ouverte de la population du bourg. Rappelé vivement à l'ordre par le Parti national breton, Lainé refuse de se soumettre et s'en voit exclu.
Collaboration
Il participe à la création, avec Yann Goulet, des Bagadoù Stourm (troupes de combat) où il assure l’instruction des volontaires tout en mettant sur pied une unité qu’il contrôle plus personnellement (le Service Spécial, unité paramilitaire chargée aussi du service d’ordre au sein du PNB)).
En 1942 a lieu une scission entre les Bagadoù Stourm et le "Service Spécial" appelé aussi Lu Brezhon (Armée Bretonne). En novembre 1943, hostile à la politique temporisatrice du PNB, Célestin Lainé constitue le Bezen Kadoudal, une légion de volontaires séparatistes, habillés en uniformes allemands, prête à combattre non seulement les Français, mais aussi les ennemis du Reich. Cependant, cette armée n'est pas reconnue par le PNB et Raymond Delaporte déclare que « cette armée bretonne ne pouvait avoir aucune réalité légale étant donné qu'elle n'était composée que de volontaires sans uniforme national et directement engagés dans les forces allemandes » et décide de cesser de financer le "Service spécial". Lainé renomme le groupuscule en Bezen Perrot ("milice Perrot"), en référence à l'abbé Perrot, ardent défenseur de la langue bretonne, prêtre catholique séculier, collaborationniste et militant indépendantiste breton, abattu en 1943 à Scrignac par un membre de l'Organisation spéciale du PCF de Scaër[7].
Le Bezen Perrot est une milice bretonne de collaboration avec le nazisme. On l'appelle aussi la milice Perrot, Perrot Gruppe, Der bretonische Waffenverband der SS ou Die bretonische SS. Le groupe recrute 66 personnes de la fin 1943 jusqu'en juillet 1944, tous vêtus d'un uniforme allemand vert de gris avec la calotte à tête de mort, et enrôlés dans le Sicherheitsdienst.
La Milice Perrot a pour mission de garder l'immeuble de la Gestapo à Rennes et ses prisonniers, mais également de lutter contre les maquis de Bretagne, notamment en attaquant les groupements FFI et FTP et en torturant les prisonniers.
Il fonde symboliquement en mai 1944, un nouveau Parti national breton dans la lignée nationaliste la plus radicale. À la Libération, ses activités collaborationnistes contribuent à jeter l'opprobre sur l'ensemble du mouvement breton.
En juin 1944, avec l'approche de la chute finale de l'hitlérisme, les désertions se multiplient, certains rejoignent les FTP, d’autres les FFI, voire enfilent discrètement des vêtements civils, mais les principaux membres s'enfuient en Allemagne (où certains se font même naturaliser allemands), sans oublier de procéder à des exécutions sommaires de résistants emprisonnés sur la route de leur fuite. Lainé vécut clandestinement en Allemagne avant de rejoindre l'Irlande.
Si la convergence idéologique était très grande avec le national-socialisme, Célestin Lainé avait cependant une vision très personnelle de son engagement, toute faite de romantisme celte et d'ésotérisme paganisant. Il put ainsi être tout à la fois le prêtre d'une exaltation de la "race celtique" et avoir une brève relation amoureuse avec une étudiante japonaise en Allemagne. Ce qui démontre le côté très peu cartésien de son engagement, voire la source de choix politiques dangereux et inconsidérés en comparaison des autres nationalistes bretons. Un extrémisme, voire un égocentrisme, qui aboutissent dès 1940 à sa marginalisation au sein du PNB. Célestin Lainé semble avoir toujours préféré les actions au caractère dramatique, une dramatisation qui peut s'expliquer par son penchant passionné, romantique et impulsif. Sa détermination fut totale dès le début puisqu'il organisa le premier attentat politique breton en 1932 en protestation des fêtes célébrant l'Union de la France à la Bretagne. Le recours à la violence fut toujours l'alpha et l'omega de son militantisme.
Il confia à un témoin, Jean Pierre Le Mat, dans les années 1970, les motivations de son engagement aux côtés de l'Allemagne. Deux raisons le guidaient. La première était un sentiment anti-français farouche, ce que le conduisit d'ailleurs au cours des années 1950 à aider les partisans du Viet-Minh opposés aux troupes françaises. La deuxième raison était de créer un fossé entre la France et la Bretagne, un précédent historique inoubliable. Pour ce faire, il fallait accomplir un acte impardonnable (Voir : Histoire de Bretagne, le point de vue breton. Jean-Pierre Le Mat, Ed Yoran Embanner, 2006).
Condamnation à mort par contumace
Le cas Bezen Perrot et d'autres cas de collaboration furent traités par la Cour de justice établie à Rennes en 1944. Ses pouvoirs furent transférés au Tribunal permanent des forces armées à Paris le qui était chargé de revoir tous les cas. Parmi une douzaine de Bretons exilés en Allemagne de 1946 à 1948, 5 furent condamnés à mort par contumace.
Exil
Chassés de Bretagne par la défaite des nazis, les ultimes combattants de cette unité se retrouvent à Tübingen. Cependant Célestin Lainé disparaît au cours de la retraite, se cachant à Marbourg[8] avant de se réfugier en Irlande. Un abandon final qui valut à Célestin Lainé la rancune tenace d'anciens membres du Bezen Perrot dont certains allaient jusqu'à lui promettre la mort en cas de rencontre.
Condamné à mort par contumace, longtemps recherché, il vit en Irlande (apprécié pour ses qualités de chimiste[réf. souhaitée]) jusqu'à sa mort. En respect de ses dernières et ultimes volontés, ses cendres furent répandues en 1988, par des vétérans du Bezen Perrot, en présence de jeunes nationalistes, sur le champ de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier où le , 6 000 soldats bretons de l'Armée ducale et leurs alliés anglais, gascons, allemands, français, espagnols perdirent la vie lors de l'ultime phase de la Guerre folle face à l'Armée du roi Charles VIII .
Olier Mordrel, cofondateur du Parti autonomiste breton, écrira de lui qu'il « était un homme étrange. Il était devenu le prophète d'une religion celtique faite à sa mesure, où le racisme nordisant se mariait avec la volonté de puissance nietzschéenne, non sans flirter avec d'inévitables exhalaisons de druidisme romantique ». (Olier Mordrel, in Breiz Atao).
Publications
Sous le pseudonyme de C.L. Kerjean
Sous le pseudonyme de Neven Henaff
- Neven Henaff et Alan Heussaff, 39 Prezegenn Sevenadur Atlantegat
- George Ohsawa, Neven Henaff et Jacques de Langre, But I Love Fruits, date inconnue, 22 pages (traité de macrobiotique, selon une étude sur Neven Henaff dans Zeitschrift für Celtische Philologie, 1943, puis développé dans Carn, numéros 47-48)
- When I was ready, then I would declare war
- Biographie et mémoires de Célestin Lainé (dit Neven Henaff). Traduit en anglais par Daniel Leach de l'université de Melbourne avec des annotations de Guillaume Legros et une introduction de Daniel Leach[9].
Un fonds Célestin Lainé a été déposé en 2008 à la bibliothèque Yves-Le Gallo du Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) de l'Université de Bretagne occidentale. Il comprend 1249 pièces d'archives.
Dans la fiction
Célestin Lainé est un des protagonistes du roman Ratlines de Stuart Neville chez Rivages, 2015
Notes et références
- PRELIB
- « https://www.univ-brest.fr/crbc/menu/Biblioth%C3%A8que+Yves+Le+Gallo+%28UMS3554%29/Fonds+d%27archives/Laine__Celestin_ » (consulté le )
- Sébastien Carney, op. cit., En ligne.
- Georges Cadiou, "L'Hermine et la Croix gammée", Mango Document, 2001, [ (ISBN 2-914353-065)]
- voir http://propos.sturiens.over-blog.com/article-nos-deux-bases-irlande-et-prusse-partie-1-52537534.html et http://propos.sturiens.over-blog.com/article-nos-deux-bases-irlande-et-prusse-partie-2-52636114.html
- http://fr.topic-topos.com/chateau-de-kerriou-gouezec
- Thierry Guidet, Qui a tué Yann-Vari Perrot ?, nouvelle édition revue et mise à jour, 2002, Coop Breizh, p. 85 et suivantes.
- https://www4.uwm.edu/celtic/ekeltoi/volumes/vol4/4_1/leach_4_1.html
- Philippe Argouarch, « Une autobiographie de Célestin Lainé retrouvée et mise en ligne », sur abp.bzh, Agence Bretagne Presse, (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- Sébastien Carney, Breiz Atao ! : Mordrel, Delaporte, Lainé, Fouéré : une mystique nationale (1901-1948), Rennes, PUR, coll. « histoire », , 608 p. (ISBN 978-2-7535-4289-1, ISSN 1255-2364, OCLC 933781535, lire en ligne)
- Kristian Hamon, Le Bezen Perrot : 1944, des nationalistes bretons sous l'uniforme allemand, Fouesnant, Y. Embanner, , 174 p. (ISBN 2-9521446-1-3)
- Kristian Hamon, Les nationalistes bretons sous l'Occupation, Le Releg-Kerhuon, An Here, , 271 p. (ISBN 2-86843-224-7)
- Georges Cadiou, « Lainé, Célestin (1908-1983) », dans EMSAV : Dictionnaire critique, historique et biographique Le mouvement breton de A à Z du XIXe siècle à nos jours, Spézet, Coop Breizh, (ISBN 978-2-84346-587-1), p. 236-238.
- Pierre Lias, Dictionnaire breton : breton-français, français-breton, Paris, Garnier, , 816 p. (ISBN 2-7370-0253-2)
Liens externes
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