Camp Boiro
Le camp Boiro ou camp Mamadou-Boiro (1960 – 1984)[1] est un camp de gendarmerie créé au temps de la colonisation française[2] devenu camp d'internement militaire, de torture et de mise à mort de Guinée sous le régime de Sékou Touré. Il se trouve à la limite du centre-ville de Conakry, dans la banlieue de Camayenne[2].
Camp Boiro | |
Entrée du camp Boiro (2019). | |
Présentation | |
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Gestion | |
Date de création | 1960 |
Date de fermeture | 1984 |
Victimes | |
Morts | 50 000 |
Géographie | |
Pays | Guinée |
Coordonnées | 9° 32′ 13″ nord, 13° 41′ 08″ ouest |
Origine du nom
Le camp porte le nom du l'inspecteur de police Mamadou Boiro, assassiné en 1969 sous Sékou Touré lors de l'extradition de commando prisonnier de Kankan pour Conakry en avion[3].[Quoi ?]
Un centre de détention et de torture
L'« Auschwitz des Guinéens »[4] abritait les prisonniers politiques du régime, mais aussi de simples citoyens, qui se retrouvaient en « diète noire » (privation de nourriture et de boisson) dans ce camp qui paraissait être un simple camp de la garde présidentielle.
Parmi eux figurent l'ancien secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine, Diallo Telli, qui y meurt le pendant le « complot peul » de 1976[2], Koumandian Keita, le secrétaire général du syndicat des enseignants, ou Fodéba Keïta.
En 1970, les forces portugaises mènent l'opération Mer Verte : elles débarquent à Conakry pour tenter de libérer du Camp Boiro des ressortissants portugais faits prisonniers par le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC)[2].
Amnesty International estime que 50 000 personnes sont mortes dans ce camp[5], décimant l'élite guinéenne.
Le camp d'internement fut définitivement fermé après la mort de Sékou Touré en 1984.
Mémoire
1- Après la mort de Sékou Touré, les cadres du régime du nouveau président Lansana Conté, souvent héritiers du précédent, font disparaître les marques visibles des atrocités commises dans le camp[2].
La « cellule technique » (cabine de torture) est rénovée, et les militaires et leurs familles logés dans le camp empiétèrent peu à peu sur l’espace préservé pour l'histoire, laissé ouvert à tout vent[2].
Plus récemment, les dernières traces ont disparu dans le cadre de la réforme de l’armée menée par le général Sékouba Konaté en 2010[2].
2- L’Organisation de l’Unité Africaine : Boubacar Telli Diallo, et Sékou Touré: pourquoi l’assassinat programmé de l’un par l’autre
Le 25 mai (jour de la commémoration annuelle de la création de l'Organisation de l'unité africaine, OUA, devenue Union Africaine en 2002) est un triste anniversaire pour la Guinée.
Nous devrions fêter avec allégresse, et à double titre, l’anniversaire de l’Organisation de l’Unité Africaine, devenue depuis Union Africaine, parce que non seulement le Peuple de Guinée a participé à la création de cet outil d’intégration africaine à travers les actions de ses dirigeants de l’époque, au premier rang desquels l’on peut citer Sékou Touré, mais aussi et surtout l’un de ses plus brillants fils, Telli Diallo (nom complet Boubacar Telli Diallo), qui a été la cheville ouvrière de la structuration de cette OUA naissante, et l’habile manœuvrier qui a rendu possible la réussite d’un grand nombre de combats initiés par les présidents africains, et exécutés avec maestria par cet homme rompu aux mécanismes administratifs supranationaux et fin diplomate agissant dans un environnement hostile dominé par les puissances coloniales de l’époque et des présidents jaloux de leur souveraineté nouvellement acquise.
Malheureusement, la Guinée a assisté impuissante à la rapide dérive d’un Sékou Touré présenté par une facétie de l’histoire sous le jour libérateur et d’un révolutionnaire aimé de son Peuple. Il s’est vite dévoilé être un tyran sanguinaire qui a réussi la prouesse de détruire la structure sociale d’un pays jadis considéré comme la perle de l’Afrique francophone, et de faire exécuter des dizaines de milliers de ses concitoyens dans de nombreux camps de torture disséminés à travers le pays, dont la plus célèbre des victimes n’est autre que le premier secrétaire général de l’OUA Telli Diallo.
A l’heure ou la machine à tordre le cou à la vérité, technique dont Sékou Touré et le PDG s’étaient rendus maîtres, a repris du service, il est important de rappeler les faits à ceux qui content les « bienfaits » d’une période durant laquelle ils n’étaient pas encore nés pour la plupart, et que leurs ainés ont haï tellement cette période a laissé des cicatrices indélébiles au sein de la population. Les réponses à plusieurs questions permettent de comprendre les rapports entre les deux hommes, ainsi que les conséquences de leurs interactions :
Qui était Telli Diallo? Quelles intrigues montrent vraiment la nature des relations entre les deux hommes ? Qui a fait élire Telli en 1964 et qui l’a fait réélire en 1968 ? Quelle est l’immense contribution de Telli à la reconnaissance de la Guinée et à l’Afrique ? Comment Telli Diallo a perdu à l’élection pour son troisième mandat à la tête de l’OUA en 1972? Comment Sékou Touré a planifié l’exécution de Telli Diallo bien avant 1976? Pourquoi va-t-il exécuter cruellement Telli Diallo ?
Quatre témoins ont directement (Barry Bassirou, Hassimiou Soumaré) ou indirectement, à travers leurs écrits ou enregistrements (Kadiatou Diallo Telli, Kapet de Bana) contribué à enrichir nos connaissances sur la vie de Diallo Telli. Les deuxième et troisième chapitres sont extraits du livre « Hadja Kadiatou Diallo Telli - un destin de cheffe », écrit par Valérie A. N. Masumbuko, et publié aux éditions L’Harmattan Guinée, alors que les interventions de Me Bassirou recruté en octobre 1968 en qualité de conseiller juridique en chef de l’O.U.A., et Mr Hassimiou Soumaré, proche conseiller de Telli Diallo (de 1964, date de sa prise de fonction à 1972, date d’achèvement de son deuxième et ultime mandat à ce poste) ont largement contribué à l’appréciation globale de l’œuvre de Telli Diallo. Quant à Kapet de Bana sur les raisons de l’exécution de Telli Diallo, son intervention est extraite d’une entrevue réalisée de son vivant par Tohany Onipogui et Paul Théa.
Qui était Telli Diallo?
Le cursus scolaire et universitaire de Telli a été assez spécial. Durant tout son parcours scolaire et universitaire, il a pratiquement toujours été major de sa promotion. Au concours d’entrée à l’école normale William Ponty au Sénégal il fut reçu major de sa promotion. Après l’obtention du diplôme de licence en droit en 1951 qui sanctionnait alors le cycle normal de l’université et permettait aux plus brillants des étudiants de concourir pour accéder aux grandes écoles françaises (école Normale Supérieure, école Polytechnique, école nationale des Mines…), la sélection était d’autant plus sévère que le nombre de retenus dépendait des besoins de l’administration au niveau national. Par exemple en 1957, selon Barry Bassirou, pour l’entrée à l’école nationale de la France d’Outre-Mer seules douze places étaient offertes sur concours aux étudiants de l’ensemble des colonies françaises. À la sortie de cette école, Telli a terminé major. C’était la première fois qu’un Noir était major dans l’histoire de cette grande école française. Cet événement avait fait les choux gras des quotidiens parisiens.
Sa notoriété a démarré à cette époque. Malgré cela, il choisit l’option « magistrature », qui n’était pas la plus prisée à l’époque.
Telli a été le seul magistrat guinéen formé par l’administration française jusqu’en 1958. D’autres guinéens ont été admis à ce prestigieux concours d’entrée dans les grandes écoles françaises, mais ils ont tous choisi des filières autres que la magistrature : par exemple, Camara Balla avait choisi l’Administration, tandis que Camara Faraban avait choisi l’Inspection du Travail.
Telli est alors affecté à Thiès comme substitut du procureur de la République. Thiès était la troisième ville du Sénégal après Dakar et Saint-Louis, l’ancienne capitale. C’est là qu’il a été repéré et débauché par le gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française, basé à Dakar, la capitale. Ce dernier le nomma à son cabinet. Telli y est resté jusqu’à ce que la France créé le Grand Conseil de l’A.O.F. dont le plus haut poste administratif était celui auquel Telli avait été nommé.
Après le vote négatif de la Guinée au référendum du 28 septembre 1958, la France a retiré tous ses fonctionnaires, laissant le pays sans personnel qualifié pour faire marcher l’Administration. C’est alors que Sékou Touré a fait appel à Diallo Telli et à Camara Balla, qui n’ont pas hésité un seul instant à tout laisser tomber, pour se mettre au service de la Guinée. Tous deux ont disparu au Camp Boiro sans laisser de traces.
Le retour de Telli Diallo en Guinée est expliqué par son épouse Kadiatou : Telli se trouvait en vacances avec sa famille en France lorsque survint le référendum. Lorsque le général de Gaulle quitta la Guinée pour le Sénégal, lors de son tour en Afrique de l’Ouest, Telli dut écourter ses vacances pour repartir participer à l’accueil du général à Dakar. En effet, il siégeait au grand conseil de l’A.O.F.
Après le départ du général de Gaulle, il retrouva sa famille en France et discuta de la rupture des relations entre la Guinée et la France. Il dit à sa femme: « maintenant que la Guinée a obtenu son indépendance, je vais devoir rentrer pour servir ma patrie. C’est sûr que la France nous le fera payer cher ».
-« Et toi ? Penses-tu pouvoir arrêter cela ? »
-« Non, mais au moins, je peux aider le pays à contrer les attaques de la France. J’ai travaillé avec l’administration coloniale. Je sais de quoi ils sont capables, mais je connais aussi leurs points faibles ».
-« A ta place je ne rentrerai pas en Guinée car ce serait dangereux pour toi », répondit-elle.
Quelles intrigues montrent vraiment la nature des relations entre les deux hommes ?
Dotée d’un discernement hors pair, Kadiatou pouvait décrypter facilement les non-dits. Quand Sékou Touré nomma Telli à l’O.N.U., ce dernier y obtint l’admission de la Guinée comme membre, malgré l’opposition initiale de la France. C’était le 13 décembre 1958, le jour de l’anniversaire de Kadiatou. Sékou Touré lui téléphona. « Bonne fête madame Diallo, je profite de cette occasion pour vous informer que Telli vient de vous offrir un cadeau extraordinaire ».
-« Ah oui? » répondit-elle, loin de s’imaginer qu’il pouvait réduire un événement aussi important pour la nation en une histoire personnelle.
-« Il a obtenu l’admission de la mission guinéenne aux Nations Unies ».
-« Merci Monsieur le Président, pour tous les efforts que vous avez fournis pour l’avancement de notre pays ».
De même, pendant le premier rassemblement public à Conakry, le chef de l’Etat présenta la première équipe gouvernementale, ainsi que les militaires qui rentraient d’Algérie. Lorsque Sékou Touré annonça les succès de Diallo Telli à l’O.N.U., un concert d’acclamations s’éleva de la foule. Pourtant au cours du journal à la radio, les applaudissements furent coupés.
Quand Kadiatou le fit remarquer à son mari. Celui-ci minimisa l’affaire car, selon lui, le reportage était trop long pour être retransmis en entier.
Le flair extraordinaire de Kadiatou lui permettait également de déjouer les pièges dans lesquels beaucoup d’autres personnes tombaient. Au cours du mandat de Diallo Telli à l’O.N.U., le ministre des affaires étrangères et le président offrirent à Kadiatou le poste de chargée des finances de l’ambassade. Telli n’y voyait aucun inconvénient, il était persuadé que cette proposition allait certainement plaire à son épouse.
-« Je ne peux pas prendre ce poste », déclara-t-elle, lorsqu’il le lui apprit.
-« Pourquoi ? »
-« D’abord, je n’ai pas étudié les finances, ensuite, c’est toi qui va ordonner les dépenses, ce qui nous met dans une situation compliquée. Si les autorités guinéennes veulent nous incriminer à tort de détournement de fonds, nous ne pourrons pas nous défendre ».
Le poste échut finalement à Rosemonde, la femme d’Achkar Marof, l’attaché culturel, qui plus tard remplaça Telli à la représentation de la Guinée aux Nations unies. Kadiatou avait bien vu. Lorsqu’Achkar Marof fut arrêté en 1971, les malversations figuraient en première position du chef d’accusation.
Diallo Telli travailla deux ans à l’O.N.U., puis devint Ambassadeur à Washington pour une année, au cours de laquelle Kaba Sory lui succéda à l’O.N.U. avant d’être rappelé à Conakry. Telli revint à l’O.N.U. où il resta en poste pendant deux années additionnelles.
Qui a fait élire Telli en 1964 et qui l’a fait réélire en 1968 ?
Pendant que Diallo Telli s’afférait aux Nations unies, il ignorait qu’il se trouvait au cœur des débats, autour de la question de l’avenir de l’O.U.A.. Au cours de leur réunion du 23 mai 1963 à Addis-Abeba, les chefs d’État procédèrent à la sélection des candidats. Le Maroc et l’Algérie présentèrent une motion qui désigna Diallo Telli, et que le Ghana et l’Egypte soutinrent. Sékou Touré la rejeta et proposa son frère Ismaël Touré. Ce choix fut rejeté. Sékou Touré proposa Lansana Béavogui, le chef de la mission diplomatique guinéenne, ou encore Nfaly Sangaré, son beau-frère. Mais aucun d’eux n’avait l’expérience ni le charisme de Diallo Telli. Leurs candidatures furent rejetées.
Sékou Touré accepta, mais continua de manœuvrer en coulisse, car il voulait empêcher Telli d’accéder à ce poste. Au début juillet 1964, Sékou Touré demanda à celui-ci de participer à deux rencontres. La première qui réunirait les pays non-alignés et qui se tiendrait à Rabat (Maroc) tandis que la deuxième, sur l’élection du secrétaire général et la mise sur pied des organes de l’O.U.A., aurait lieu au Caire. Pendant que Telli se préparait pour rejoindre la délégation guinéenne, il reçut un autre message du président, qui lui ordonnait d’envoyer son adjoint, Achkar Marof, au Caire. Lui devait venir en Guinée où l’attendait un poste de ministre des Affaires africaines. Quand Telli apprit la nouvelle, il s’effondra. Son médecin l’envoya dans une maison de repos. Il n’avait droit qu’à un appel par jour, qu’il utilisait pour communiquer avec sa famille. Du dix-sept au vingt-et-un juillet 1964, eut donc lieu au Caire le vote qui mit fin aux tergiversations autour de la gouvernance de l’O.U.A.. Diallo Telli obtint vingt-trois voix sur trente-trois, soit plus de la majorité des deux tiers requis. Il fut donc élu in absentia ! Vers cinq heures du matin, le téléphone retentit chez les Telli. « Je suis le représentant de l’Algérie. Diallo Telli vient d’être élu secrétaire général de l’O.U.A., puis-je lui parler ? » Kadiatou répond.
-« Non, il n’est pas là pour le moment. Je lui donnerai votre message ».
Pourquoi les autorités guinéennes ne s’étaient-elles pas encore manifestées alors que la nomination de Telli constituait un honneur immense pour le pays ? Aussi, une confirmation officielle demeurait indispensable pour leur permettre de commencer les formalités de transition. Ils téléphonèrent au Caire. Vu les réponses vagues et brèves de Barry Diawadou, représentant de la Guinée en Égypte, le couple Telli conclut que toute la délégation guinéenne, y compris le chef de l’État, se trouvait avec lui. Ce refus de communiquer prouvait que la propulsion de son époux à la tête de cette prestigieuse organisation ne plaisait pas du tout à Sékou Touré et à son entourage, sinon, ils se seraient empressés de contacter Telli. Un voyage en Guinée s’avéra inévitable. Telli rencontra le président Sékou Touré lors d’une rencontre à Kindia sur convocation de ce dernier.
Cette version est confirmée par Hassimiou Soumaré qui précise que depuis la création de l’OUA à Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie, s’est posé le problème de l’élection du premier Secrétaire Général. Sékou Touré a voulu faire élire son frère Ismaël Touré que personne ne connaissait en dehors de la Guinée. La candidature d’Ismaël Touré a donc été rejetée par la majorité des membres. Les 32 États alors indépendants décidèrent de surseoir à l’élection du Secrétaire Général jusqu’au sommet suivant, et ont élu un Secrétaire Général par intérim en la personne de l’éthiopien Kifle Wodajo.
Telli a été pour la première fois Secrétaire Général Administratif au Caire en 1964. Depuis Dakar, les États membres étaient à la recherche d’une candidature apte à assumer les fonctions de premier Secrétaire Général Administratif de l’O.U.A. Le sommet de 1964 devant se tenir au Caire capitale de l’Égypte, son président Gamal Abdel Nasser était le plus actif à cet égard car il voulait absolument que le premier Secrétaire de l’O.U.A. soit élu au Caire.
En 1968 à Alger, Sékou Touré tenta à nouveau vainement d’imposer la candidature de Ismaël Touré au poste de Secrétaire Général de l’O.U.A.. Le ministre Alpha Abdoulaye dit « Portos », qui conduisait la délégation guinéenne, avait reçu l’instruction ferme de tout faire pour empêcher la réélection de Diallo Telli. Mais il réalise que la Côte d’Ivoire tente également de faire barrage à la réélection de Telli. Vu la tension qui régnait alors entre la Guinée et le pays d’Houphouët-Boigny, la délégation guinéenne décide alors de s’abstenir plutôt que de partager la même lutte que la Côte d’Ivoire. Telli fut élu de justesse en 1968, grâce au soutien notamment de l’empereur Hailé Sélassié. Il fut aussi soutenu par Ahmadou Ahidjo du Cameroun.
Quelle est l’immense contribution de Telli Diallo à la reconnaissance de la Guinée et l’Afrique ?
L’homme était un croyant, musulman et pratiquant. Il aimait travailler en équipe et attachait beaucoup d’importance à ses collaborateurs. Il était d’une intelligence rare, d’une gentillesse et d’une générosité démesurées. Son passage aux Nations-Unies l’avait déjà rendu populaire sur les plans africain et international.
Il était patriote, panafricain et dévoué à la lutte de libération des peuples colonisés. Il était admiré par les leaders des mouvements de libération et des chefs d’État Africains considérés comme révolutionnaires.
Trois grandes réussites sont à mettre au compte de Telli Diallo : l’admission de la Guinée à l’ONU, la structuration de l’OUA, enfin et surtout l’immense coup de pouce aux luttes pour l’indépendance sur le continent.
L’admission de la Guinée à l’O.N.U.
Quand il a fallu faire admettre la Guinée à l’O.N.U., Sékou Touré a fait appel à Telli. Ce dernier devait se battre pour forcer les portes de l’Institution malgré l’opposition de la France, membre permanent du Conseil de Sécurité. Il semble que les États-Unis ont joué un grand rôle pour convaincre la France de ne pas opposer un véto à l’admission de la Guinée.
Après l’admission de la Guinée à l’O.N.U., Telli a été nommé représentant et concomitamment Ambassadeur de la Guinée à Washington. Au début, il a géré les deux postes.
La structuration de l’O.U.A.
Quand l’O.U.A. a été créée, il n’y avait rien. C’est Telli qui a mis en place toute l’infrastructure administrative: le recrutement, les procédures. Il n’a rien trouvé en place et c’est ça qui existe jusqu’aujourd’hui. A l’époque, il y avait trois bâtiments principaux. C’était auparavant la direction centrale de la police éthiopienne qui a été réaménagée en siège de l’O.U.A.
Telli en qualité de représentant de l’organisation, a été une courroie de transmission entre les différents États membres. Il fallait tout d’abord gérer le personnel et s’assurer que cette lourde administration fonctionnait correctement. Il était impliqué à ce titre dans toute l’action de l’O.U.A. : la préparation et la tenue des deux sessions annuelles du Conseil des ministres et la préparation et la tenue de la Conférence au sommet annuelle des Chefs d’États et/ou de gouvernements. Sur invitation de certains chefs d’États, la Conférence au sommet se tenait quelques fois hors du siège ; ce qui impliquait un surcroit de travail extraordinaire.
Pourtant au départ il y eut un conflit entre Telli et les chefs d’États du fait que certains d’entre eux ont eu l’impression que Telli se comportait en super chef d’État, prenant plusieurs initiatives notamment qui relevaient selon eux de leur compétence exclusive. Désormais, il devait prêter serment en qualité de Secrétaire Général Administratif. Tous les ans, il y a un président en exercice tournant. Il s’agissait du président de l’Etat où se tenait le sommet. Cela ne l’a pas empêché de marquer profondément et durablement l’institution.
Les États membres, suivant le devoir statutaire, contribuent au fonctionnement de l’organisation, notamment celui du siège et des bureaux régionaux dont le « Comité de coordination pour la libération de l’Afrique » basé à Dar Es Salam, le bureau régional de Lagos, et celui de Yaoundé. La bonne gestion de tout ce complexe par Telli et son équipe a permis à l’O.U.A. d’avoir une action cohérente.
Pendant les deux mandatures de Telli de 1964 à 1972, il a su avec son équipe donner à l’O.U.A. une stature internationale respectable et faire du Secrétaire Général la fierté de l’Afrique. A l’époque il existait une solidarité et position communes entre les chefs d’État et la position défendue par le secrétariat. Tous les chefs d’État se respectaient mutuellement contrairement à maintenant où on parle de chefs d’État forts ou/et de « doyens ».
L’O.U.A. était toujours consultée dans la solution des problèmes économiques et politiques de l’heure.
Les grandes luttes de décolonisation
Pendant ses deux mandats, il a joué des rôles importants dans les crises qui ont secoué l’Afrique. Telli a été d’un apport décisif pour résoudre plusieurs conflits de l’époque : les luttes de libération des différentes colonies portugaises et espagnoles (Guinée équatoriale, Sahara occidental, Angola, Mozambique), la guerre du Biafra, le conflit palestinien, les différends entre la Somalie et l’Ethiopie.
Son intelligence, sa diplomatie, sa détermination, sa force de persuasion et le bon orateur qu’il était pour la cause et la défense des peuples colonisés ont été ses points forts, qui en plus de la défense du peuple palestinien le rendirent populaire au sein de la jeunesse africaine.
Dans la résolution des crises et des conflits, Telli était toujours incontournable. Au Congo il est arrivé à faire traduire les mercenaires devant les tribunaux. Au Biafra, les États qui soutenaient la position française, du Vatican et certains pays occidentaux ont été mis en minorité grâce à la détermination du Général Gowon du Nigéria, de la diplomatie du Secrétariat Général de l’O.U.A. et celle des Nations unies. Au Sahara occidental, le Maroc et l’Algérie ont été amenés par Telli notamment, à accepter de passer par le biais des Nations unies pour la résolution du conflit du Sahara Occidental.
Pourquoi la non-réélection de Telli au secrétariat général de l’O.U.A. en 1972
Selon Barry Bassirou, Telli n’a pas été réélu pour un troisième mandat du fait de son soutien sans réserve au régime à la suite de l’agression du 22 novembre 1970. Un piège que lui a tendu Sékou Touré. Selon lui, quand il y a eu le 22 novembre 1970, Telli s’est battu pour rassembler la majorité qualifiée et convoquer un sommet extraordinaire à Lagos à cet effet. Il y fit preuve d’un zèle extraordinaire dans le soutien à la position guinéenne. Hassimiou Soumaré précise qu’à cette session extraordinaire du Conseil des ministres qui s’est tenue à Lagos en décembre 1970, Diallo Portos et Ismaël Touré étaient dans la délégation guinéenne. Ismaël dirigeait la délégation. Telli et Portos ont tous deux pris une part active dans la formulation de la résolution: ils ont donné un poids à la Guinée sur le plan international. Tous ceux qui ont contribué directement à la formulation de la résolution sont morts ou ont fait la prison. Telli a suivi le mouvement de la Guinée. Il s’agissait d’une agression et il y avait des forces étrangères: sa position se défendait.
Avant la réunion de Lagos, selon Hassimiou Soumaré, Telli a réuni dans sa chambre: Édouard Benjamin (chef de cabinet de Telli), son épouse Kadiatou, Barry Bassirou, Hassimiou Soumaré (chef de la division politique de l’O.U.A. et chef du personnel), et Michel Théa, secrétaire de Telli. Telli avait convoqué cette réunion des guinéens de confiance autour de lui car il souhaitait avoir leur opinion sur l’opportunité d’écrire une lettre de soutien à Sékou Touré. Hassimiou a dit: « écrire serait une faute et une erreur, car dès que tu écris, c’est que tu te justifies. Donc ce n’est pas la peine ». Les avis étaient partagés.
Quant à Barry Bassirou, selon Hassimiou Soumaré, il a commencé à parler de ses frères détenus au camp Boiro. Lui-même dans ce témoignage indiquera le contenu de son propos en ces termes, s’adressant à Telli : « vis-à-vis de la Guinée tu n’as rien de plus que nous. Si quelqu’un veut exprimer son opinion, il le fait à titre personnel. Si tu exprimes une opinion au nom des Guinéens d’Addis-Abeba, je te démentirai. Je te rappelle qu’au moment où je dois rentrer mes frères Diawadou, Yaya et Amadou sont en prison. Je ne peux pas être solidaire d’un tel gouvernement. Tu n’es pas au service de la Guinée, tu es au service de l’Afrique. Tu sais les conditions de ta réélection à Alger.
Tous ceux qui se sont exprimés disaient ne pas vouloir que Telli écrive. Telli semblait pencher pour ne pas écrire. Mais c’est à partir de Bonn où son beau-frère Koma Béavogui était ambassadeur, qu’il a écrit la lettre de soutien à Sékou Touré. Soumaré s’est dit que Telli s’était mis la corde autour du cou et s’était donné à Sékou Touré.
Selon Barry Bassirou, Telli a écrit que certains lui en voulaient parce que tout le monde sait que depuis qu’il est à la tête de l’O.U.A. il était au service de la Révolution guinéenne. Selon lui, cette lettre a énormément contribué à la non-réélection de Telli en 1972. En effet, après la publication du courrier, Barry Bassirou a été assailli de coups de fils, de gens qui demandaient qu’est ce qui arrivait au Secrétaire Général. Un ami de Hassimiou Soumaré et ambassadeur du Cameroun à l’époque, lui a demandé « qu’est ce qui lui est arrivé ? La prochaine fois c’est la Révolution guinéenne qui va le réélire ». En soutenant si ouvertement Sékou Touré, alors qu’il était au service de toute l’Afrique, Telli s’est aliéné de ses soutiens et a compromis sa réélection en 1972.
Telli avait un respect pour le président Sékou Touré en ce qui concernait ses idées de décolonisation et de libération, et sa vision panafricaine, mais avait des inquiétudes sur la personnalité du président. Au Conseil extraordinaire des Ministres de l’O.U.A., à la suite de l’agression du 22 novembre 1970, Diallo Telli a donné un gros coup de pouce à la délégation guinéenne dans la rédaction de la résolution, qui sera approuvée, et a été un élément majeur en faisant intervenir le système des Nations unies à la condamnation du Portugal et à l’envoi d’une mission en Guinée. On ne peut pas nier que Telli en sa qualité de Secrétaire Général de l’O.U.A. a eu l’occasion de fustiger les colonisateurs portugais et l’Occident et de faire valoir les droits des peuples africains. Telli n’avait aucune ambition de devenir chef d’Etat car son objectif primordial est qu’après l’O.U.A., il devienne le premier Secrétaire Général africain de l’Organisation des Nations unies.
Comment Sékou Touré a planifié l’exécution de Telli Diallo bien avant 1976?
La chronologie des événements montre que Sékou Touré a toujours cherché à contenir Telli Diallo, et à le ramener en Guinée pour l’éliminer à son heure.
A quelques jours de la tenue du sommet de Rabat de 1972, le Roi du Maroc a dépêché à Conakry, une mission composée du Secrétaire Général du Palais et de Diallo Telli, qui fut accompagnée de Soumaré. Cette mission avait deux objectifs :
· Plaider pour la présence de Sékou Touré au sommet de Rabat
· Préparer l’avenir de Diallo Telli en cas de non réélection
Au Sommet de l’O.U.A. de Rabat en 1972, Telli n’a pas été réélu. La tradition veut que le chef de l’Etat dont le pays abrite le sommet devienne président de l’O.U.A. pendant un an. Le roi Hassan II a donc été élu président en exercice de l’O.U.A. pour un an.
Les archives peuvent certifier, le roi Hassan II a prononcé à la séance de clôture un discours dans lequel il a déclaré notamment que « l’Afrique n’est pas ingrate. L’ancien Secrétaire Général retrouvera bientôt un poste à la mesure des responsabilités qu’il a assumées à la tête de notre continent ». Le roi Hassan II, via son émissaire, avait demandé à Sékou Touré de proposer Telli au poste de Secrétaire Général aux Nations unies, proposition qu’il allait soutenir en qualité de Président en exercice de l’O.U.A.. Bassirou Barry confirme que le roi du Maroc avait aussi négocié préalablement ce poste avec le Secrétaire Général des Nations unies Kurt Waldhein. Hassimiou Soumaré explique : « quand on est arrivé à Conakry, Sékou Touré nous a reçus directement au Palais. Et le message du roi du Maroc lui a été remis directement.
Sékou Touré et le Roi du Maroc avaient une estime, un respect et une admiration mutuelle. Après, nous sommes tous repartis à Rabat rendre compte. Mais comme Sékou Touré n’est pas venu au sommet, les marocains ont compris que Telli n’aurait pas un troisième mandat. Donc il fallait préparer Telli à autre chose. Diallo Telli croyait toujours en certains chefs d’État amis, mais qui ne faisaient plus la majorité. Telli a toujours eu les occidentaux contre lui durant tous ses mandats. Mais en politique, tout est toujours possible.
Barry Bassirou est rentré directement à Addis-Abeba après son retour de Conakry. Hassimiou Soumaré dit à Barry Bassirou : « tu sais que Telli va aller aux Nations unies ? » Telli est rentré en Guinée parce qu’il pensait qu’il ne resterait que pendant quinze jours au maximum. C’est pendant qu’il était en vacances à Paris que Barry Bassirou apprend la nomination de Telli comme ministre de la Justice. Il sut tout de suite que le piège s’était refermé sur Telli. Il n’en sortira plus sauf s’il réussit à sortir de la Guinée, ou si Sékou Touré meurt, ou s’il y a un coup d’État. Hassimiou a pensé que Telli avait signé son arrêt de mort.
Selon Barry Bassirou, aux yeux de Sékou Touré, Telli cumulait trois handicaps: il est peul (Sékou Touré dira publiquement : « je déclare la Guerre aux peuls »), Telli était un intellectuel brillant. Telli était connu sur le plan international. Sékou ne pouvait pas le laisser en vie. C’était une question de temps. Plusieurs preuves attestaient de cela.
Toujours selon Barry Bassirou, « en 1972, quand on revenait de Rabat via Rome et Asmara, un ministre éthiopien l’aborde dans l’avion et lui demande de dire à Telli de ne pas rentrer en Guinée parce que d’après lui les informations dont le gouvernement dispose ne sont pas bonnes pour lui. Il a tout fait pour que Telli ne rentre pas.
Barry Bassirou a rencontré Mourtada Diallo, un sénégalo-malien qui travaillait à la CEA et qui était un ami de Telli et lui a transmis le message du ministre éthiopien. Ce dernier a réuni tous les africains d’Addis-Abeba pour aller voir Telli pour le convaincre de ne pas rentrer ». Il a dit : « maintenant qu’il est rentré, prions pour lui ! »
Selon Hassimiou Soumaré, après ses deux mandats, Telli espérait en avoir un troisième pour accéder ultérieurement au poste de Secrétaire Général des Nations Unies.
Selon lui, en 1972 au sommet de Rabat les chances de réélection de Telli étaient minimes du fait de sa lettre adressée à Sékou Touré dans laquelle il affirmait notamment que certains sont contre lui. En plus le Président Sékou Touré n’en voulait pas.
Il ne s’est pas rendu au sommet de l’O.U.A. organisé au Maroc, et cela malgré l’invitation personnelle du roi Hassan II. En outre, quelques grands soutiens de Telli étaient soit morts soit ont quitté leurs fonctions, notamment l’empereur d'Ethiopie, Hailé Sélassié.
Ainsi Telli perdit les élections et suivit son destin.
Pourquoi Sékou Touré a fait exécuter Telli Diallo ?
Ce témoignage est celui de Kapet de Bana, un ressortissant camerounais qui a choisi de venir en Guinée servir le régime et enseigner à l’université de Conakry. Il résume parfaitement comment Sékou Touré en fin autocrate machiavélique a planifié le retour, l’arrestation, et l’exécution du premier Secrétaire exécutif de l’OUA.
Il est certainement l’un de ceux qui ont vécu les dernières heures de Diallo Telli pour s’être retrouvé dans la même cellule que lui au camp de concentration Boiro, de sinistre réputation. Ci-dessous des extraits des déclarations enregistrées de Kapet de Bana transcrites scrupuleusement, sous la main du correcteur.
Diallo Telli est l’un des grands intellectuels de l’Afrique de son époque parce qu’il faisait partie de ceux qui avaient en même temps la formation et la culture ; et surtout c’est ce qu’on appelle un « gentleman ». Il aimait le peuple. Il avait une chose qu’on redoutait c’est qu’il était très intelligent et très ouvert. Je pense que c’est la jalousie qui l’a fait tuer. Il était brillant. Il en était conscient. En particulier, les gens comme Sékou Touré et son frère Ismaël Touré, étaient jaloux du Secrétaire Général de l’O.U.A.. Diallo Telli était aimé par tous les chefs d’État d’Afrique puisqu’il était à l’Organisation de l’Unité Africaine. Sinon il ne serait pas allé à l’O.U.A. parce qu’à l’époque il était le seul capable de soulever l’enthousiasme quand il parlait dans l’assemblée de tous les chefs d’état réunis.
A l’époque personne que lui dans sa génération (n’était aussi brillant), même Sékou Touré avait peur qu’il soit aussi brillant. Les gens comme Houphouët-Boigny avaient misé sur lui pour remplacer Sékou Touré, surtout que sa famille était déjà à Dakar[1]. Sékou Touré avait peur qu’on l’élimine pour le remplacer par Diallo Telli. Il faut que les gens précisent ces aspects intimes, psychologiques à l’époque. A l’époque, les chefs d’État au pouvoir étaient d’une médiocrité. Mais son cas était particulier parce qu’il était brillant et surtout, il était Secrétaire Général de l’Organisation de l’Unité Africaine. Il avait la dimension, plus qu’un chef d’État puisque c’est lui qui réunissait les chefs d’État. Je répète que c’est ce point qui était un point qui rendait les Guinéens complexés. C’est le complexe qui l’a éliminé. Il faut accentuer çà. Nous avons vécu ça.
Quand tu parlais de lui (Diallo Telli) à Sékou Touré, il devenait plus noir que jamais. Il n’aimait pas entendre son nom.
Quand Diallo Telli a été arrêté, on l’a amené directement dans ma cellule. Heureusement j’ai pu donner des nouvelles à la famille… Il a déclaré : « je vais mourir ici. On ne peut pas m’amener ici et que je sorte vivant. Je vais mourir ici malgré l’intervention des chefs d’État », puisqu’il était le premier Secrétaire Général de l’Organisation de l’Unité Africaine. Il croyait que Sékou Touré ne tuerait pas un homme comme çà, connu de toute l’Afrique. Et au-delà, il m’a dit : « quand tu sortiras, je sais que vous on ne vous tuera pas, mais moi je vais mourir ici, je ne sortirai pas d’ici vivant ». J’ai donné ce témoignage.
Diallo Telli est mort de diète, il est mort de faim. On l’a torturé jusqu’à ce qu’il meurt de faim.
En conclusion, l’anniversaire du 25 mai 2022 nous rappelle tous les rendez-vous manqués par la Guinée. Nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper que Sékou Touré fit exécuter Telli Diallo, comme il le fit pour la quasi-totalité des grands diplomates guinéens, comme Karim Bangoura, Achkar Marof, etc… principalement parce qu’il ne supportait pas que quelqu’un d’autre que lui brille. Or malheureusement pour la Guinée, nous disposions d’un grand nombre d’hommes et de femmes de valeur dans tous les domaines de la société, qu’il s’agisse de la diplomatie, du commerce, de l’administration, de la finance ou de l’enseignement : quasiment tous ceux qui ont brillé sont morts en prison ou ont dû fuir en exil pour sauver leur vie.
Contrairement à ce qui est véhiculé par le PDG et ses soutiens, la décision d’exécuter le premier Secrétaire Général de l’OUA n’a pas été prise à la suite de la découverte d’un prétendu complot en 1976 dans ce pays déjà entièrement quadrillé par Sékou Touré et ses hommes depuis 1958, mais plutôt dès le jour ou Telli Diallo s’est fait connaître à Dakar en début de carrière. En effet, la haine qu’il lui vouait était connue et fut parfaitement décrite par l’un de ceux qui ont écrits les fameux « tomes » de Sékou Touré, à savoir Kapet de Bana. En dirigeant machiavélique qu’il était, Sékou Touré a juste attendu le moment qu’il a jugé opportun pour éliminer ce grand homme africain.
Qu’il faudrait alors que ceux qui aiment tant « Sékou Touré, le libérateur, le combattant de la cause africaine » se demandent pourquoi l’Afrique n’a jamais organisé un sommet de l’OUA en terre guinéenne en 26 ans de pouvoir du dictateur : vingt-six ans et jamais un sommet !
Ces guinéens ne réalisent pas que la Guinée a arrêté de briller lorsqu’elle a fait exécuter des dizaines de milliers de ses propres concitoyens, qui étaient en réalité ceux qui avaient fait de la Guinée le joyau des colonies françaises. Les dirigeants africains l’ont bien compris ; ils ont su qui était Sékou Touré, et l’ont ménagé compte tenu de l’aura de son NON à de Gaulle.
Si la Guinée d’aujourd’hui veut renouer avec le succès et redevenir ce qu’elle était déjà en 1958, ses dirigeants doivent comprendre qu’il faut d’abord et avant tout une véritable réconciliation basée sur la Vérité et la Justice ; telle que définie par l’Association des victimes des « camp Boiro » et non pas par des mesurettes en trompe-l’œil qui ne trompent que ceux qui veulent bien se laisser tromper.
Il faut en outre « dé-sékoutouréiser » entièrement ce pays ; c’est-à-dire extraire les violations des droits humains du vocabulaire et des actions des dirigeants, leur apprendre à respecter la population, et promouvoir l’excellence et non le copinage et l’ethnocentrisme. On ne construit pas un pays en disant simplement NON ; on bâtit une Nation en éduquant, formant, valorisant de manière homogène et cohérente l’ensemble des ressources humaines dont on a hérité en venant au Pouvoir dans le but d’asseoir les fondements d’une économie a même de relever les défis de la concurrence entre nations.
Pauvre Guinée ! Nous en sommes encore loin car nous nous nourrissons toujours des illusions véhiculées par quelques nostalgiques d’un des dictateurs les plus sanguinaires qu’ait connue notre jeune Afrique.
Ou est-ce que tout cela va nous mener? Espérons que nous ne deviendrons pas le Haïti de l’Afrique.
Babahady Maréga, membre du bureau exécutif de l’AVCB
[1] En d’autres termes, Sékou Touré n’avait pas trop de moyens de pression sur Diallo Telli en Guinée tant que la famille de ce dernier était à l’étranger.
Notes et références
- Référence date sur Lonelyplanet
- Céline Pauthier, « L'héritage controversé de Sékou Touré, « héros » de l'indépendance », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 118, no 2, (lire en ligne)
- Alain Foka, « la rupture avec Paris » [MP3], sur www.archivesdafrique.com
- Tierno Monénembo, « Livre - Camp Boiro : l'Auschwitz des Guinéens », sur Le Point Afrique, (consulté le )
- RFI : Les victimes du camp Boiro empêchées de manifester
Voir aussi
Témoignages
- Alsény René Gomez, Camp Boiro : parler ou périr, Éditions Harmattan, , 268 p..
- Camp Boiro de Bah Ardo Ousmane
- Prison d'Afrique de Jean-Paul Alata
- Un prêtre dans les geôles de Sékou Touré de l'archevêque Raymond-Marie Tchidimbo
Liens externes
- Extraits de Amadou Diallo, « La mort de Diallo Telli », éd. Karthala, Paris, 1983
- Témoignages video ina.fr
- Émission Magazine Archives d’Afrique sur RFI, diffusée en : Rencontre avec les victimes du camp Boiro
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