Combustible fossile
On appelle combustible fossile tous les combustibles riches en carbone — essentiellement des hydrocarbures — issus de la méthanisation d'êtres vivants morts et enfouis dans le sol depuis plusieurs millions d'années, jusqu'à parfois 650 millions d'années[1]. Il s'agit du pétrole, du charbon, du lignite et du gaz naturel. Parmi ces derniers, le méthane (CH4) présente le rapport H/C le plus élevé, alors que l'anthracite et certaines houilles sont composés de carbone presque pur.
Ces sources d'énergie ne sont pas renouvelables car elles demandent des millions d'années pour se constituer et elles sont utilisées beaucoup plus rapidement que le temps nécessaire pour recréer des réserves. L'utilisation de combustibles fossiles a plus que doublé entre les années 1970 et 2019[2].
Classification
Les combustibles fossiles représentaient en 2002 environ 80 % des 10 078 MTep d'énergie consommée dans le monde. Ils sont généralement classés en deux grandes catégories :
Conventionnels
Les combustibles fossiles conventionnels représentent la quasi-totalité de la consommation actuelle d'énergies fossiles :
Non conventionnels
Parmi les combustibles fossiles non conventionnels, on peut citer :
- les schistes bitumineux contenant du kérogène, qui doit encore être pyrolysé ;
- les sables bitumineux contiennent du bitume ;
- les hydrates de méthane ;
- la tourbe est un peu à part, son cycle de formation se compte en milliers d'années, ce qui la place à mi-chemin entre les carburants fossiles (dont la formation se compte en millions d'années) et les renouvelables ;
- le gaz de schiste ;
- les huiles de schiste ;
- le gaz de couche, gaz de houille, plus connu sous le nom de grisou.
Réserves
Les réserves prouvées de combustibles fossiles dans le monde au sont les suivantes (entre parenthèses, les trois premiers pays du monde en termes de réserves pour chaque catégorie) :
- pétrole brut : 1 638 milliards de barils (Venezuela : 297,8 milliards de barils, Arabie saoudite : 265,4 milliards de barils et Canada : 173,1 milliards de barils)[4] ;
- gaz naturel : 192,3 billions de mètres cubes (Russie : 47,8 billions de mètres cubes, Iran : 33,6 billions de mètres cubes et Qatar : 25,2 billions de mètres cubes)[5] ;
- charbon (au ) : 858,3 milliards de tonnes (États-Unis : 234,5 milliards de tonnes, Russie : 157,3 milliards de tonnes et Chine : 114,5 milliards de tonnes)[6].
Les ressources sont inégalement réparties à l'échelle planétaire. Pour le pétrole, les trois pays les mieux dotés possèdent 45 % des réserves mondiales totales, et les 20 premiers pays plus de 95 %[4]. En ce qui concerne le gaz, les 20 premiers pays détiennent plus de 91 % des réserves prouvées[5]. Finalement, environ 60 % des réserves de charbon sont détenues par trois pays[6].
Avenir
En 2018, l'utilisation par l'humanité de quantités considérables de combustibles fossiles est à l'origine d'un déséquilibre important du cycle du carbone, ce qui provoque une augmentation de la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre et, par voie de conséquence, entraîne des changements climatiques.
Les réserves de combustibles fossiles de la planète se renouvellent bien plus lentement que leur vitesse de consommation actuelle, ce qui a laissé présager leur épuisement au cours des prochaines décennies. Pour donner un ordre de grandeur de la vitesse d'utilisation des combustibles fossiles, on considère que, au rythme actuel, l'humanité aura épuisé en moins de 200 ans les réserves accumulées pendant plusieurs centaines de millions d'années (pour fixer les idées, on prendra 200 millions d'années, sachant que le carbonifère dura environ 60 millions d'années[pourquoi ?]). On constate ainsi que l'humanité épuise les réserves de combustibles fossiles environ un million de fois plus vite que ce que la nature a mis pour les constituer.
La théorie du pic pétrolier (ou de pic de Hubbert), popularisée au début des années 2000, prédisait la survenue sous quelques années du moment où la production mondiale de pétrole plafonnerait et commencerait à décliner en raison d'un épuisement des ressources disponibles. Ces prédictions ont cependant été rendues caduques à la suite de la crise économique de 2008, qui a entraîné un affaiblissement de la demande mondiale. L'entrée en exploitation du pétrole de schiste aux États-Unis et dans d'autres pays à partir de 2010 a quant à elle contribué à étendre les réserves exploitables, repoussant d'autant la perspective d'un épuisement du pétrole. En 2014, l'Agence internationale de l'énergie prévoyait une hausse de 15 % de la production mondiale de pétrole d'ici 2040, en fonction d'arbitrages opérés par les pays de l'OPEP[7].
La part des énergies fossiles dans le mix énergétique mondial devrait passer de 82 % en 2014 à 75 % en 2040, au profit d'une progression des énergies renouvelables[8].
En novembre 2019, la Banque européenne d'investissement (BEI) annonce la fin de ses financements de projets énergétiques en lien avec les énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) à partir de 2022[9]. Cette annonce fait suite à d'autres engagements semblables comme celui du fonds souverain norvégien[10],[11].
Fiscalité noire
La Chine et quelques pays continuent à fortement soutenir le développement du charbon.
Le gaz de schiste a connu un fort développement aux États-Unis, mais pourrait connaître un ralentissement en raison des impacts environnementaux des techniques de fracturation hydraulique et des fluides de fracturation nécessaires pour extraire ce gaz des couches de schiste compact.
En 2013, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie un premier inventaire de la « fiscalité noire », c'est-à-dire des soutiens aux énergies fossiles accordés par les 34 pays membres de cette institution, de même qu'un inventaire des « effets des taux légaux des taxes sur divers carburants et combustibles, lorsque ces taux sont exprimés par unité d'énergie ou par unité d'émission de dioxyde de carbone (CO2) »[12]. Les conclusions de cette étude encouragent les États-membres de l'OCDE à accélérer le développement de leur fiscalité écologique (« fiscalité verte »), notamment pour favoriser l'efficacité énergétique et la transition énergétique (afin de sortir de la dépendance aux énergies fossiles en particulier) en développant les énergies « propres » et sûres, tout en diminuant la pollution. En France, Pascal Saint-Amans (directeur du Centre de politique et d'administration fiscales), rappelant que la fiscalité relève de la souveraineté des États, a encouragé le Sénat à soutenir l'action politique en faveur de l'écotaxe en France, lors d'une audition par la commission des finances du Sénat ()[13].
L'OCDE dénonce à cette occasion la persistance et l'importance de cette « fiscalité noire » et encourage à la supprimer. Les subventions à la production et consommation d'énergies fossiles ont en effet représenté de 55 à 90 Md$ (de 41 à 67 Md€) par an de 2005 à 2011 pour les 34 États de l'OCDE, les deux tiers de ces subventions ayant été touchés par l'industrie pétrolière, le tiers restant ayant été équitablement partagé entre l'industrie du charbon et la filière du gaz naturel. L'OCDE note aussi une « distorsion inquiétante », de la fiscalité du gazole (carburant très polluant et affectant le plus la santé en matière de mortalité), surfavorisé par une moindre taxation (−37 % par rapport à l'essence).
Le Danemark est félicité pour ses écotaxes. L'Allemagne est encouragée à poursuivre une réforme qui a déjà (en 2012) divisé par deux les soutiens à la production de combustibles fossiles (2 Md€ en 2011, soit environ 0,1 % du PIB) tout en soutenant le développement du solaire et de l'éolien. La France fait encore figure de mauvaise élève par de nombreuses exonérations (carburants de navires, taxis, pour certains usages agricoles, pour des droits d'accise offerte aux producteurs de gaz naturel, l'industrie du raffinage, ainsi que par des exonérations de TVA pour les équipements de forage en mer, des aides aux stations-service des régions isolées, des soutiens au Diesel, etc.[13].
En 2013, l'OCDE liste une trentaine de subventions encourageant les énergies fossiles et polluantes, sur la base de données fournies par la France (qui a omis la détaxation du kérosène utilisé par les vols intérieurs)[13].
En septembre 2015, l'OCDE publie son Inventaire des mesures de soutien pour les combustibles fossiles : le soutien public (affiché dans les budgets nationaux) à la production et à la consommation de combustibles fossiles dans les pays de l'OCDE et les grandes économies émergentes y est évalué à environ 160 à 200 milliards de dollars par an, ce qui entrave l'effort mondial de réduction des émissions et de lutter contre le changement climatique. Près de 800 programmes de dépenses et d'allégements fiscaux ont été mis en œuvre dans les 34 pays de l'OCDE et six grandes économies émergentes du G20 (Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Russie et Afrique du Sud), qui incitent encore à produire ou consommer des combustibles fossiles, notamment en réduisant les prix pour les consommateurs ainsi que les coûts d'exploration et d'exploitation pour les compagnies pétrolières et gazières. Au sein de l'OCDE, le montant de ces mesures a chuté d'un tiers en six ans (2008-2014) mais principalement grâce aux efforts du Mexique et de l'Inde, et en ne décroissant que depuis 2013 dans les pays émergents[14]. La France continue à soutenir des énergies fossiles en encourageant le Diesel, et en subventionnant certains outils de cogénération, le secteur agricole, les raffineries. Ce travail n'inclut pas les subventions existantes dans les pays pétroliers hors OCDE, ni les soutiens transnationaux comme les crédits à l'export de charbon ; il ne présente qu'une partie de la fiscalité noire dans le monde[14].
L'Agence internationale de l'énergie, avec une méthodologie différente et un champ plus large, évalue à 548 Mds $ (milliards de dollars américains) en 2013 les subventions à la consommation mondiale de combustibles fossiles, dont plus de la moitié pour les produits pétroliers ; c'est quatre fois le montant de celles attribuées aux énergies renouvelables et plus de quatre fois supérieures aux investissements dans l'amélioration de l'efficacité énergétique[15]. Les pays pétroliers (Moyen-Orient, Afrique du Nord) ne sont pas repris dans les statistiques de l'OCDE (ci-dessus), or ce sont ceux qui subventionnent le plus le carbone fossile : Iran 84 Mds $, Arabie Saoudite 62 Mds $, Russie 47 Mds $, Venezuela 38 Mds $, Égypte 30 Mds $, Indonésie 29 Mds $, etc. L'AIE note aussi que les deux pays les plus peuplés ont aussi des subventions importantes : Inde 47 Mds $ et Chine 21 Mds $[16].
Le président indonésien Joko Widodo, à peine intronisé en 2014, a d'emblée imposé une hausse de 30 % du prix de l'essence, afin de récupérer le coût des subventions à l'énergie, estimé à plus de 20 milliards de dollars par an, pour dégager des marges suffisantes en vue de moderniser les infrastructures et investir dans l'éducation[17].
Impacts
Environnementaux
Ce sont des énergies non renouvelables à l'échelle de l'humanité car leur reconstitution naturelle demanderait des millions d'années pour être achevée[18]. Outre leur épuisement inéluctable, l'exploitation de ces combustibles est à l'origine de dégâts écologiques liés à leur extraction (celle des sables bitumineux de l'Athabasca a été particulièrement médiatisée) et à leur utilisation (réchauffement climatique dont sont en grande partie responsables les gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone massivement émis par leur combustion et le méthane émis lors de l'extraction et du transport du gaz naturel).
Selon la revue Nature (janvier 2015), un tiers des réserves de pétrole, la moitié de celles de gaz, et 80 % de celles de charbon devraient rester sous terre de 2010 à 2050 pour que soit respecté l'objectif de seuil maximal de hausse des températures de 2 °C d'ici à 2100[19].
De nombreuses conférences sur le climat ont eu lieu depuis des décennies pour essayer de contenir le réchauffement climatique. La plus médiatisée a été la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (COP21). Malgré ces mises en garde répétées, le quasi-consensus scientifique sur l'impact de l'exploitation des combustibles fossiles sur le climat, et les risques d'accident sur les plateformes en mer, les grandes entreprises des secteurs pétrolier et gazier, profitant d'une certaine absence de réglementation internationale sur l'exploitation en mer des hydrocarbures, poursuivent cette exploitation. Depuis 2004, elles organisent chaque année une conférence sur l'exploitation des hydrocarbures en eaux profondes, appelée MCE Deepwater Development (MCEDD)[20]. La conférence de 2016 s'est tenue à Pau du 5 au , et avait pour objectif de « réussir une baisse significative des coûts pour que l'industrie opérant en mer profonde puisse rester compétitive »[21].
Sanitaires
L'ONU rappelait en 2007 dans son rapport GEO-4 (Global Environment Outlook)[23] que la « combustion des carburants fossiles dans les centrales électriques et dans les véhicules est la principale source d'émissions de CO2, de SO2 et de NOx », précisant que « les liens entre l'exposition aux polluants atmosphériques et les problèmes sanitaires humains ne font aucun doute. Dans les premières années de notre décennie, on estime que la pollution de l'air a été à l'origine de 70 000 morts prématurées par an aux États-Unis et de 5 900 au Canada. On sait qu'elle favorise l'asthme, dont l'augmentation du nombre de cas est importante, en particulier chez les enfants. Le mercure émis lors de la combustion du charbon dans les centrales électriques entre dans la chaîne alimentaire, affectant les peuples indigènes du Nord de l'Amérique plus que tout autre Nord Américain (voir Chapitre 2 et la section de ce chapitre consacrée aux régions polaires). Ses effets sur la santé peuvent être très graves ».
Notes et références
- « Combustible fossile » (version du 4 novembre 2014 sur l'Internet Archive), sur energies-renouvelables.consoneo.com.
- « L’extraction mondiale de matériaux atteint... 70 milliards de tonnes par an », Reporterre, (consulté le ).
- Yearbook - Bilan énergétique, Enerdata.net.
- International Energy Outlook 2013, p. 37.
- International Energy Outlook 2013, p. 62-63.
- International Energy Outlook 2013, p. 85.
- « World Energy Outlook 2014 » [PDF], sur World Energy Outlook.
- « L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié son rapport 2014 sur les perspectives énergétiques mondiales - Ministère du Développement durable » [archive du ], sur developpement-durable.gouv.fr (consulté le )
- Coralie Schaub, « La Banque européenne d'investissement ne financera plus les énergies fossiles à partir de 2022 », Libération, .
- Jean-Michel Gradt, « Le fonds souverain norvégien tourne le dos aux énergies du passé », Les Échos, .
- « Le fonds souverain norvégien, le plus gros du monde, se désinvestit des compagnies pétrolières », Le Temps, .
- OCDE, L’OCDE préconise le rapprochement de la politique énergétique, des finances publiques et des objectifs d’environnement, (consulté le ).
- Stéphanie Senet, « L'OCDE appelle à réformer la fiscalité écologique » (version du 23 février 2013 sur l'Internet Archive), Journal de l'environnement, .
- « Le soutien aux combustibles fossiles est encore considérable et le temps du changement est arrivé », sur OCDE, .
- (en) Energy Subsidies, World Energy Outlook, AIE.
- (en) Fossil Fuel Subsidy Database, World Energy Outlook, AIE.
- Le président indonésien à la recherche d'investisseurs, Les Échos, 26 novembre 2014.
- Consonéo, « Qu’est-ce qu’une énergie fossile ? », sur connaissancedesenergies.org (consulté le ).
- Pierre Le Hir, « Pour limiter le réchauffement à 2 °C, combien de pétrole, gaz et charbon en moins ? », Le Monde, .
- « MCE Deepwater Development », sur MCE Deepwater Development (consulté le ).
- France Nature Environnement, « Sommet de Pau : l'obstination de l'industrie pétrolière doit cesser », 4 avril 2016, lire en ligne.
- (en) Hypothetical number of global deaths from energy production, ourworldindata.org.
- Programme des Nations unies pour l'environnement, Rapport GEO4, , 540 p. (lire en ligne), p. 256, encadré 6.27.
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Agence d'Information sur l'Énergie, International Energy Outlook 2013, Washington, Energy Information Administration, , 312 p. (lire en ligne)
- Pierre Mariaud, Pascal Breton et Patrick De Wever, La faim du pétrole : une civilisation de l’énergie vue par des géologues, EDP Sciences, (ISBN 978-2-7598-0778-9)
Articles connexes
- Charbon
- Pétrole
- Fioul
- Gaz naturel
- Tourbe
- Ressources et consommation énergétiques mondiales
- Pic pétrolier
- Énergie renouvelable
- Réchauffement climatique
- Efficacité énergétique
- Économies d'énergie
- Taxe carbone
- Bilan carbone personnel
- Gaz à effet de serre
- Sortie des combustibles fossiles
- Désinvestissement des énergies fossiles
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