Cassone

Un cassone (ou coffano, ou forziere ; au pluriel, cassoni) est un élément du mobilier médiéval florentin utilisé jusqu'à la Renaissance artistique, où il devient prétexte à des peintures décoratives.

Cassone au Palazzo Vecchio de Florence, salle d'Hercule.

Souvent, ce sont seulement les panneaux figurés qui nous sont parvenus, détachés du reste de la structure du coffre, leur fonction d’origine se devinant par leur format en longueur (jusqu'à 1,70 m[1]).

Destination

C'est un coffre de mariage d'apparat que le futur mari commande[2] et fait décorer par un artiste, sur le panneau avant et l'intérieur du couvercle (qui se révèle ouvert) pour que la future mariée y range une partie de sa dot et qui est destiné à orner la chambre nuptiale. Ce coffre de rangement faisait partie des éléments essentiels du mobilier jusqu'à la fin XVIe siècle avant d'être progressivement supplanté par la commode. On les trouvait parfois par paire, avec les armoiries des époux. On plaçait les coffres contre un mur de pièces privées, le plus souvent la chambre à coucher, ou emboîtés dans les côtés de grands lits. Ils pouvaient aussi servir de banquettes, recouvertes de coussins. Comme les cassoni reflétaient le statut social et les goûts de leurs propriétaires, ils étaient régulièrement ornés selon diverses techniques décoratives, incrustations, sculptures, stucs dorés, images peintes. Un motif décoratif fréquent est la Fontaine de vie[3].

Après l'usage des scènes mythologiques, chevaleresques ou bibliques, la peinture florentine y placera les premiers nus[4], à l'intérieur, dans l'intimité de sa contemplation.

Destiné officiellement à rappeler la morale du mariage ces peintures peuvent avoir un effet contraire, ce que dénoncera Savonarole :

« Ainsi la jeune mariée chrétienne apprend davantage sur les ruses de Mars et de Vulcain que sur les délicieux martyres des femmes saintes racontés dans les 2 testaments […] En conséquence, on alluma des feux sur les places publiques avec les cassoni de ce genre. »

Dispositif pictural

Dans la Vénus d'Urbin du Titien, le tableau contient,
et le nu au premier plan
et le coffre de mariage ouvert, au fond à droite

La figuration du front du meuble et celle de l’intérieur du couvercle s'opposent : Le panneau extérieur porte une scène narrative ou allégorique, souvent perspective, où les personnages sont peints en pied.

Quand la peinture de nu s'intègre dans l'intérieur du couvercle[5], au Quattrocento, le personnage représenté (homme habillé ou femme nue) est une figure allongée, à demi couchée[6], qui occupe seule l'intégralité du panneau et le point de vue passe du général au rapproché dans un cadrage serré.

  • Revers de couvercle de forziere avec Pâris, bois peint, 58 cm x 177 cm, Florence, Musée de la Fondation Horne.
  • Revers de couvercle de coffre, école florentine, Victoria and Albert Museum de Londres.
  • femme nue du cassone de l’Art Gallery de la Yale University.

La Vénus d'Urbin du Titien

La Vénus d'Urbin du Titien, dans l’interprétation qu’en offre Daniel Arasse[7], expose dans un même tableau, ces deux plans reliés par une « dialectique précise qui attribue à chaque zone des valeurs opposées et complémentaires  : l’espace du repos (où domine l’horizontale) et celui de l’action (ponctué de verticales) ».

En effet on peut y voir, à la fois :

  • La scène du coffre de mariage ouvert par la servante en présence de sa maîtresse (en haut à droite du tableau),
  • La figure féminine nue en position allongée demi couchée, dans la partie inférieure gauche du tableau.
  • Une discontinuité perspective entre les deux scènes (lit plus bas que le sol, rupture verticale du rideau s'interrompant sans raison, incongruité de l'exposition nue dans la chambre visitée par ses occupants habituels...)

Auteurs reconnus de panneaux de cassoni

Vénus et Mars de Botticelli, panneau de cassone (révélé par ses proportions : 69 cm × 173,5 cm).
Cassone Adimari, panneau extérieur représentant une scène de la fête place du Duomo à Florence.
Dans les musées

Auteurs anonymes

Cassone de la Bataille d'Anghiari (M.A.N., Madrid)

Certains ne seront nommés que par ces œuvres particulières, les seules que l'on peut leur attribuer :

Objets complémentaires

Sont à noter les objets complémentaires, le tableau de mariage et, suite logique au déroulement des noces, ceux composant I'ensemble d'accouchement, offert à la mère à l'occasion de la délivrance lors de la naissance du premier enfant du couple (primogenito), le desco da parto, ...

Réhabilitation du coffre de mariage

Dans les années 1850, des vendeurs d'œuvres d'art comme William Blundell Spence, Stefano Bardini et Elia Volpi firent confectionner des coffres néo-Renaissance avec Stefano Bardini et Elia Volpi par les artistes florentins Antonio Ponziani et Luigi Frullini, pour mettre en valeur[11] les panneaux détachés de cassone pour leurs clients.

Notes et références

  1. Mars, Vénus de Botticelli, panneau de cassone, révélé par ses proportions : 69 cm × 173,5 cm.
  2. ceci à partir du XVe siècle, car auparavant c'est le père de la mariée qui le fait exécuter.
  3. Guide : Musée des beaux-arts de Montréal, Montréal, éd. Musée des beaux-arts de Montréal, , 2e éd. (1re éd. 2003), 342 p. (ISBN 978-2-89192-312-5), p. 280
  4. Référence aux textes de Daniel Arasse sur les nus et le coffre de mariage visible dans la Vénus d'Urbin du Titien
  5. Sur la disposition des coffres, voir Christiane Klapisch-Zuber, « Les premiers nus féminins du Quattrocento  »
  6. À rapprocher des poses du banquet romain et des figures des sarcophages étrusques
  7. On n'y voit rien, chapitre la femme dans le coffre
  8. d'après Luciano Bellosi, historien de l'art
  9. Ellen Callmann, William Blundell Spence and the Transformation of Renaissance Cassoni, The Burlington Magazine 141 (Juin 1999 : 338-348)

Source

  • Pierre Sauzeau, Université Paul-Valéry, Montpellier 3

Annexes

Bibliographie

  • Flavia Hächler, « Zwischen italienischer Kunst und Schweizer Erbe: Zur Bedeutung einer Cassone-Tafel aus des Sammlung des Schweizerischen Nationalmuseums Zürich », Revue suisse d'art et d'archéologie, vol. 77, no 4, , p. 221-242 (ISSN 0044-3476).
  • Augusto Pedrini : Il mobilio gli ambienti e le decorazioni del Rinascimento in Italia secoli XV e XVI, Stringa editore, Gênes (1969).
  • Karinne Simonneau : Le Rituel et les coffres de mariage à Florence au XVe siècle : Lectures iconologiques des « forzieri » à sujets ovidiens, thèse soutenue à l’Université de Tours, 2000.
  • Federico Zeri : Un congiuzione tra Firenze e Francia : il maestro dei Cassoni Campana, Diari di lavoro, Turin (1976)
  • A.P. de Mirimonde : Cinq cassoni mythologiques de la collection Campana, Revue du Louvre et des Musées de France (1978)
  • Les Dits du coffre, Petit-Palais, 1994.
  • Paul Schubring : Cassoni - Truhen und Truhenbilder der italienischen Frührenaissance, Leipzig (1915)
  • Peter Thornton : L’Époque et son style : la Renaissance italienne 1400-1600, Paris (1991).
  • James Yorke : Engraved Decoration on Early Fifteenth-century Italian Furniture, Apollo (1989)
  • Ernst Gombrich : Apollonio di Giovanni: A Florentine Cassone Workshop Seen through the Eyes of a Humanist Poet, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, Vol. 18, .
  • Catalogue de l'exposition : Civilta del legno: mobili dalle collezioni di Palazzo Bianco e del Museo degli Ospedali di S. Martino, Genova, Palazzo Bianco (1985) (ISBN 88-7058-149-7).
  • Judith Miller : Le mobilier ancien et contemporain, Editions Gründ (2006) page 28. (ISBN 2700013956) - Pour l'édition originale : Judith Miller et Dorling Kindersley Ltd. London (2005) avec le titre Furniture.

Articles connexes

Liens externes

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