Ceinture de chasteté
Une ceinture de chasteté est un dispositif conçu pour empêcher les relations sexuelles et la masturbation, qui serait apparu à la fin du Moyen Âge. Ces dispositifs sont devenus à partir du XVIIIe siècle des objets de curiosité ou sont désormais utilisés dans le cadre de pratiques BDSM. Leur existence a été remise en question par le médiéviste et professeur Albrecht Classen.
Pour le film de Pasquale Festa Campanile, voir La Ceinture de chasteté.
Histoire
Les premières références aux « ceintures de chasteté » remontent avant l’an mille, toujours exprimées en termes théologiques, métaphores qui traduisent l'idée de fidélité et de pureté[1]. À partir du XIIe siècle, d'après les récits et anecdotes rapportés sur ce type de dispositifs, ils auraient été utilisées par quelques maris riches et jaloux craignant l'infidélité de leurs épouses, souvent beaucoup plus jeunes qu'eux. La première description d'une ceinture de chasteté se trouve dans le Bellifortis de Konrad Kyeser, un ouvrage de la fin du XIVe siècle[2] mais l'examen des sources consacrées à ce sujet montre qu'elles sont faibles et très peu nombreuses ; par ailleurs, les quelques travaux significatifs sur le sujet citent tous un corpus identique d’exemples et s’appuient en outre largement les uns sur les autres[1]. Vers la fin du XIXe siècle, à l'époque qui a vu se développer l'engouement pour le Moyen Âge, a été inventé le concept du seigneur jaloux, affublant son épouse d'une ceinture de chasteté durant ses absences[3].
Mais la réalité de l'utilisation de telles « ceintures » est remise en question par Albrecht Classen, professeur au département d’études allemandes de l’Université d’Arizona qui a analysé ce qui a pu être écrit sur le sujet – des textes généralement allégoriques ou satiriques – afin de « mettre définitivement fin à ce mythe ». Ainsi, les ceintures de chasteté, faites en métal et utilisées pour garantir la fidélité féminine n’auraient jamais existé[1]. Les exemplaires parfois présentés dans des musées ne seraient que des objets fantaisistes qui se réfèrent à un passé imaginaire, fabriqués au XVIIIe ou au XIXe siècle comme objets de curiosité ou de plaisanterie[1].
Ces dispositifs sont utilisées lors des pratiques de BDSM.
Brantôme
Connu pour ses écrits légers, Brantôme rapporte dans Les Vies des dames galantes :
« Du temps du roy Henry, il y eut un certain quinquailleur qui apporta une douzaine de certains engins à la foire de Sainct-Germain pour brider le cas des femmes, qui estoyent faits de fer et ceinturoyent comme une ceinture, et venoyent à prendre par le bas et se fermer en clef ; si subtilement faits, qu'il n'estoit pas possible que la femme, en estant bridée une fois, s'en pust jamais prévaloir pour ce doux plaisir, n'ayant que quelques petits trous menus pour servir à pisser. On dit qu'il eut quelque cinq ou six maris jaloux fascheux, qui en acheptèrent et en bridèrent leurs femmes de telle façon qu'elles purent bien dire : « Adieu, bon temps. » Si en y eut-il une qui s'advisa de s'accoster d'un serrurier fort subtil en son art, à qui ayant monstré ledit engin, et le sien et tout, son mary estant allé dehors aux champs, il y applicqua si bien son esprit qu'il forgea une fausse clef, que la dame l'ouvroit et le fermoit à toute heure et quand elle vouloit. Le mary n'y trouva jamais rien à dire. Et se donna son saoul de ce bon plaisir, en dèpit du fat jaloux cocu de mary, pensant vivre tousjours en franchise de cocuage. Mais ce meschant serrurier qui fit la fausse clef, gasta tout ; et se fit mieux, à ce qu'on dit, car ce fut le premier qui en tasta et le fit cornard : aussi n'avoit-il danger, car Vénus, qui fut la plus belle femme et putain du monde, avoit Vulcain, forgeron et serrurier, pour mary, lequel estoit un fort vilain, salle, boiteux, et très-laid.
On dit bien plus: qu'il y eut beaucoup de gallants honnestes gentilshommes de la cour qui menacèrent de telle facon le quinquaillier que, s'il se mesloit jamais de porter telles ravauderies, qu'on le tueroit, et qu'il n'y retournast plus et jettast tous les autres qui estoyent restez dans le retrait ; ce qu'il fit; et depuis onc n'en fut parlé. Dont il fut bien sage, car c'estoit assez pour faire perdre la moitie du monde, a faute de ne le peupler, par tels brindements, serrures et fermoirs de nature, abominables et détestables ennemis de la multiplication humaine »[4].
Sources
Références
- Sarah Laskow, « Tout ce qu’on vous a raconté sur les ceintures de chasteté était faux », Slate, (lire en ligne, consulté le )
- The girdle of chastity: A history of the chastity belt par Eric John Dingwall (1931).
- Classen 2008, p. 86
- Vies des dames galantes ... Nouvelle édition, revue et corrigée sur l'édition de 1740, etc (Livre numérique Google), p. 72-73.]
Bibliographie
- (en) Albercht Classen, The Medieval Chastity Belt : A Myth-making Process, Palgrave Macmillan, , 222 p. (ISBN 978-1-4039-7558-4)
- Carlotta di Cebbruzga, Histoires à clefs, éditeur Lulu.
- (en) Albercht Classen, Sexuality in the Middle Ages and Early Modern Times : New Approaches to a Fundamental Cultural-Historical and Literary-Anthropological Theme, Walter de Gruyter,
Annexes
Article connexe
Lien externe
- Les Cadenas et ceintures de chasteté, par Alcide Bonneau, sur le site de la Bibliothèque électronique de Lisieux.
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