Chapitre d'Épinal
Le chapitre d'Épinal, aussi appelé chapitre des Dames chanoinesses d'Épinal ou chapitre Saint-Goëry, est un ancien chapitre qui a succédé à une abbaye d'hommes. Les chanoinesses qui le composaient suivaient la règle bénédictine. Il disparaît à la Révolution française.
L'origine monastique du chapitre
Selon la tradition, Thierry de Hamelant (en fait Thierry du Salaland puisque son nom a en effet été écorché plus tard pendant la période médiévale[réf. nécessaire]), fondateur de la ville d'Épinal (ce dont les historiens doutent actuellement), aurait fait édifier un monastère dans la cité, afin d'y abriter les reliques de saint Maurice et de saint Goëry. Le monastère alors composé de bénédictins n'aurait guère prospéré, et aurait rapidement été remplacé par un couvent de moniales. Ce fut alors un succès rapide, d'autant qu'une terrible épidémie de ce que l'on appelait « Feu de Saint Antoine » ou « Mal des Ardents », l'ergotisme, décimait la Franche-Comté ; les vertus miraculeuses prêtées aux reliques de saint Goëry trouvèrent écho dans ces régions, et les pèlerins affluèrent.
Mais au fil du temps, profitant certainement du contexte politico-religieux troublé de la Querelle des Investitures, les moniales abandonnèrent la règle bénédictine et se constituèrent, suivant le modèle de Remiremont, en chapitre de Dames nobles (des chanoinesses). On ne connaît pas la date exacte de ce changement de statut, mais l'existence de l'Insigne Chapitre de Saint-Goëry est attestée au XIIIe siècle. La chanoinesse élue à leur tête conserva le titre d'abbesse ; on l'appelait « Madame d'Épinal ».
L'âge d'or
Jusqu'à la Révolution française, ces Dames ont marqué la vie religieuse d'Épinal, s'appropriant l'église paroissiale Saint-Maurice (qui deviendra basilique en 1933) sous le vocable de collégiale Saint-Goëry, et la mettant, si l'on peut dire, généreusement à disposition des bourgeois d'Épinal.
Le recrutement
L'appartenance au chapitre d'Épinal était prestigieuse, et les candidates devaient justifier de 200 ans de noblesse chevaleresque des deux côtés, paternel et maternel[1].
De grandes familles se sont succédé, créant parfois de véritables dynasties de chanoinesses : Schauenbourg, Montmorillon, Boecklin ou encore Spada, autant de grands noms qui ont longtemps marqué la mémoire collective spinalienne. Les Ludres ou les Spada ont fourni des abbesses éminentes.
Mais pour les familles aristocratiques moins aisées, l'apprébendement d'une jeune fille était financièrement intéressant. En effet, les chanoinesses touchaient un revenu, la prébende. Dans certains cas, pour Madame du Chastenay par exemple, ce "placement" permettait à la jeune fille dont la famille n'avait guère de grands moyens, d'éviter un mariage avilissant, en accédant à une "bonne situation" au sein de l'Église.
Les chanoinesses n'étaient pas tenues de prononcer de vœux, sauf si elles souhaitaient consacrer leur vie entière à leur office. Ainsi, certaines entrèrent très jeunes au chapitre pour le quitter quelques années plus tard afin de se marier. Elles perdaient alors leur titre et leur revenu, et la prébende était à nouveau ouverte. Ce fut le cas de Madame de Schauenbourg qui épousa le Baron de Reischach au cours du XVIIIe.
La vie des chanoinesses
Le chapitre se chargeait de missions charitables : il administrait l'hôpital Saint-Goëry, et s'occupait du « bouillon des pauvres »[2]. Sur le plan spirituel le chapitre dépendait directement du Pape.
Le règlement du chapitre faisait une obligation morale aux chanoinesses de respecter la morale chrétienne ; célibataires, elles devaient observer une certaine pudeur (bien que certaines eurent une existence galante), leurs lectures devaient être édifiantes ou instructives. Elles occupaient donc leurs journées en prières et offices pendant lesquels elles chantaient (on trouve à la bibliothèque municipale des recueils de plain-chant ayant appartenu au chapitre), revêtues de leurs costumes de chanoinesses.
Elles passaient toutefois le reste de leur temps en mondanités ; bien qu'associées à l'Église, les chanoinesses n'en restaient pas moins des membres de l’aristocratie dont elles conservaient le train de vie. En dehors des offices elles reprenaient des habits civils ; elles recevaient chez elles, sortaient dîner en ville, visitaient leur famille et certaines entreprenaient des voyages.
Les maisons canoniales où elles logeaient, resserrées autour de l'église et du cloître dans une sorte d'enclos privé rappelant la clôture monastique, passaient des unes aux autres selon les départs et les décès. Dans la rue du Chapitre, elles forment désormais un ensemble cohérent d'architecture urbaine et nobiliaire du XVIIIe siècle, récemment rénové, au sud du cloître à l'intérieur du rempart.
- N° 3 : maison canoniale de la comtesse de Dampierre (1780-1791)
- N° 6 : maison canoniale de la comtesse de Gourcy, abbesse d'Épinal (1789-1791)
- N° 8 : maison canoniale de la comtesse de Montmorillon, secrète du chapitre (1773-1791)
- N° 12 : maisons canoniales de Mesdames de Flavigny (1782-1791)
Le musée du Chapitre d'Épinal et la bibliothèque multimédia intercommunale d'Epinal conservent quelques souvenirs de ces dames et de l'institution du Chapitre.
Liste des abbesses
- 1003-1090 : Dierburhis
- 1090-1128 : Adélaïde
- 1128-1140 : Haceca
- 1140-1173 : Berthe
- 1173-1180 : Hozca
- 1180-1184 : Aciche
- 1184-1235 : Sybille
- 1235-1291 : Hadey
- 1291-1316 : Clémence d’Autrey
- 1316-1340 : Jeanne Ire
- 1340-1373 : Guilleminette de Ville
- 1373-1384 : Jeanne II d’Ogéviller
- 1384-1404 : Catherine Ire de Blamont
- 1404-1420 : Marguerite Ire de Contréglise
- 1420-1421 : Jeanne III d’Almoncourt
- 1421-1440 : Walburge-Catherine de Blamont
- 1440-1460 : Alix Ire d’Almoncourt
- 1460-1484 : Adeline de Menoux
- 1484-1526 : Nicole de Dommartin
- 1526-1558 : Alix II de Dommartin
- 1558-1621 : Yolande de Bassompierre
- 1621-1635 : Claude de Cussigny
- 1635-1639 : Marguerite II Anne de Bassompierre
- 1639-1645 : Catherine II de Livron de Bourbonne
- 1645-1699 : Charlotte-Marguerite de Lénoncourt
- 1699-1719 : Anne Ire Félicité Vogt de Hunolstein
- 1719-1728 : Anne II Elisabeth de Ludres d’Affrique
- 1728-1735 : Marie-Louise Ire Eugénie de Beauvau-Craon
- 1735-1784 : Gabrielle de Spada d’Argemont
- 1784-1788 : Marie-Louise II Victoire Le Bascle d’Argenteuil
- 1788-1792 : Elisabeth-Charlotte de Gourcy de Beaufort
Source : Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique
Notes et références
- VITON de Saint-Allais, Nicolas (1773-1842). Dictionnaire encyclopédique de la noblesse de France. Paris, 1816.
- BOULANGER, Erwin. "Les chanoinesses de la famille de Raville", Bulletin Municipal de Raville, 2002.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
Liens externes
- « 1790-1791 : Les derniers jours de l'existence de l'Insigne Chapitre des Dames chanoinesses de la ville d'Épinal » (Comité d'histoire vosgienne, Documents rares ou inédits de l'histoire des Vosges, J.-B. Dumoulin et E. Gley, Paris, 1873-1876, p. 249-258)
- René Perrout, « Les chanoinesses d'Épinal » (L'Austrasie : revue du pays messin et de Lorraine : historique, littéraire, artistique et illustrée, no 8, avril-, p. 449-459)
- Arbres de ligne des chanoinesses du chapitre Saint-Goëry d’Épinal (cote LV 251 P/R), conservés à la Bibliothèque multimédia intercommunale d'Épinal (bmi), numérisés et disponibles en ligne :
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