Char Tigre de Vimoutiers

Le char Tigre de Vimoutiers est un char Tigre allemand de la Seconde Guerre mondiale, exposé à la sortie de Vimoutiers dans le nord-est de l'Orne (France). Ce char fut abandonné par ses servants en août 1944, lors des derniers jours de la bataille de Normandie. Laissé à l'abandon jusqu'au milieu des années 1970 dans un fossé routier, il fut récupéré par la commune de Vimoutiers pour éviter sa mise à la ferraille.

Char Tigre de Vimoutiers
Le char Tigre de Vimoutiers en 2013.
Présentation
Type
Patrimonialité
 Classé MH (1975, à titre d'objet)
Localisation
Pays
Région
Département
Commune
Coordonnées
48° 55′ 25″ N, 0° 12′ 54″ E
Localisation sur la carte de l’Orne
Localisation sur la carte de Normandie

Restauré, il est depuis exposé à l'extérieur de la ville. Il a été classé monument historique au titre objet le [1].

Contexte historique

Le Tigre I (Panzerkampfwagen VI Tiger) est sans doute le char allemand le plus connu de la Seconde Guerre mondiale[2] bien que seulement 1 350 exemplaires eussent été produits. Ce char lourd, à la silhouette massive et anguleuse (8,45 m de long, 3,73 m de large et m de hauteur) surpasse tous les chars alliés en Normandie par la puissance de feu de son canon de 88 mm et par l'épaisseur de son blindage[2]. Cependant, il manque de mobilité dans le bocage normand en raison de sa masse (57 tonnes), a une autonomie en carburant limitée et nécessite un entretien constant dû à une fragilité mécanique[2]. Néanmoins il est craint par les troupes alliées[2] surtout après l'exploit de l'as tankiste allemand, Michael Wittmann qui aux commandes d'un Tigre a détruit 27 chars et blindés britanniques lors de la bataille de Villers-Bocage le 13 juin 1944[3]. Mais peu de ces chars sont disponibles sur le front normand, seulement 126 unités[3], n'équipant que trois bataillons d'unités d'élite[2], le gros de la production étant affecté sur le front de l'Est. De plus leur entretien et les difficultés d'acheminement en carburant pour les Allemands font que rarement plus de la moitié des chars sont opérationnels à un moment donné au front[3].

Entre le 12 et , les Alliés lancent l'offensive pour fermer la poche de Chambois, d'où les restes de l'armée allemande essayaient de s'extraire, fermeture qui aurait dû marquer la fin de la bataille de Normandie. Vimoutiers se situait non loin du point de jonction des forces anglo-canadiennes et polonaises au nord et des forces américaines et françaises (2e DB) au sud. Une colonne de chars allemands de la 12e division SS de panzers Hitlerjugend[4] prit la direction de cette ville pour empêcher la progression anglo-canadienne et maintenir un passage ouvert en espérant pouvoir se ravitailler à un des dépôts de carburant de la Wehrmacht, situé non loin de là, au château de l'Horloge, à Ticheville. Mais nombre d'entre eux tombèrent en panne ou se trouvèrent à court de carburant[4]. Une soixantaine de blindés allemands furent ainsi abandonnés dans les environs de Vimoutiers[5]. Sur les 126 chars Tigre engagés en Normandie, beaucoup furent perdus dans la poche de Falaise, moins d'une dizaine réussissant à s'échapper et à franchir la Seine[3].

Histoire du char de Vimoutiers

Le dimanche [3], plusieurs chars s'engagèrent dans la côte de Gacé, au sud-est du bourg de Vimoutiers, une route présentant une forte pente. Certains tombèrent en panne ou se trouvèrent à court de carburant, dont celui-ci appartenant à la 12e division SS de panzers Hitlerjugend[4]. Selon les informations de Gérard Roger[4], historien local, obtenues auprès d'un des tankistes[6], le char, tombé en panne dans un virage, fut abandonné sans être détruit[4]. Mais selon Philippe Wirton[3], l'équipage du Tigre, avant d'abandonner le char, l'aurait sabordé en faisant exploser à l'intérieur[3] deux charges, l'une d'elles désaxant légèrement la tourelle[réf. nécessaire].

Peu de temps après, le , les bulldozers alliés les poussèrent dans le fossé pour dégager la route[4]. À la fin de la guerre, l'administration française des Domaines vendit les épaves abandonnées à des ferrailleurs. L’un d’eux fit l’acquisition des cinq chars et commença leur découpage mais ce char Tigre avait été versé dans un fossé escarpé peu facile d'accès. Le ferrailleur ne put retirer que le moteur et la boite de vitesses[4]. Le char allait rester ainsi pendant 30 ans dans le fossé, pointant son canon vers la nationale 179. Il devint une attraction locale[4].

Il fut sauvé de la ferraille en 1975 par un ancien de la 2e DB, Michel Dufresne[4],[7]. En effet ce dernier, habitant une commune proche, passait régulièrement sur la nationale sur le bord de laquelle avait été abandonné le char, lorsqu'au début des années 1970, il vit des ferrailleurs, nouveaux propriétaires du tank, en train de le découper au chalumeau[4]. Il fit intervenir Eddy Florentin, historien local spécialiste des combats qui s'étaient déroulés dans la région, lequel fit jouer ses relations ministérielles[4]. Le démantèlement cessa et la commune de Vimoutiers racheta le char. Un an plus tard, en 1975, il fut extrait, avec difficulté, du fossé, sommairement restauré et exposé sur une aire de repos construite à cet effet, tout près de l'endroit où il avait été abandonné[8] sur le bord de la nationale[4] au lieu-dit « la butte du Sap »[9], au sud-est de la ville, sur la route de Gacé (RD 979). Le char Tigre a été classé monument historique au titre objet le (il n'y a en 2016 en France que trois chars classés monument historique[10]).

Il ne reste que sept exemplaires de Panzerkampfwagen VI Tiger, dans le monde dont deux en France, le second se trouvant au musée des blindés de Saumur[7],[11] (pour les autres exemplaires situés, l'un en Grande-Bretagne  le seul actuellement en état de marche , un autre aux États-Unis, un au musée de Munster en Allemagne[12], et les deux derniers en Russie). Le char de Vimoutiers est l'un des deux de type Tigre E tardif avec celui de Saumur (il a été construit en mai 1944)[3].

Restauration envisagée

En 2013, le char Tigre n'est plus en très bon état, présentant plusieurs fissures importantes, le temps ayant fait son œuvre. La mairie de Vimoutiers recherche des financements pour le restaurer[7]. Mais au vu du coût, l'opportunité de cette restauration fait débat au conseil municipal[13]. Le dossier est alors étudié par la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC)[5]. En 2016, une association s'est créé pour sa restauration mais le projet divise toujours dans la commune[10]. Fin septembre 2019, Régis Martin, architecte des bâtiments de France et inspecteur général des Monuments historiques, maître d'œuvre désigné par la commune pour le projet de restauration du char a, avec son équipe, scanné l'extérieur et l'intérieur du char pour le modéliser en 3D sur ordinateur[14]. Un chiffrage de sa restauration devait être ensuite établi et le dossier soumis à la DRAC courant 2020[14]. L'association, avec l'aide de la ville et de mécènes, espère pouvoir, une fois le char restauré, ouvrir dans le centre de Vimoutiers, rue Lecoeur, un musée du char Tigre où celui-ci serait transféré[15]. Fin 2020, la DRAC a accordé l'autorisation de travaux, dans un cadre très précis ainsi que le déplacement du char, sa protection in situ étant jugée trop compliqué et couteuse[16]. La DRAC n'autorise que la restauration de l'enveloppe, de la structure et du roulement de la tourelle, l'intérieur du char devant être laissé en l'état de son sabordage d'août 1944 mais elle autorise que « tout élément qui aide à la compréhension, même à l’intérieur du char, puisse faire l’objet d’une restauration »[16]. Le coût de cette restauration est estimée à un million d'euros[16].

Galerie de photos

Notes et références

  1. Notice no PM61000776, base Palissy, ministère français de la Culture.
  2. Dictionnaire du débarquement, sous la direction de Claude Quétel, éd. Ouest-France, 2011, p. 671.
  3. Georges Bernage, Frédéric Leterreux (participation) et Philippe Wirton (participation), Le Couloir de la mort : Mortain-Falaise-Argentan 1944, Bayeux, éd. Heimdal, , 168 p. (ISBN 978-2-84048-322-9), p. 93-97.
  4. Gérard Roger, « Le Tigre de Vimoutiers », sur vivreavimoutiers.hol.es, (consulté le ).
  5. Informations de l'Office de tourisme de Vimoutiers.
  6. Ekkehard Förster (1926-2004) s'était engagé en 1943, à 17 ans, dans la Waffen SS. Il avait ensuite été affecté dans un régiment de tank de la 12e Panzerdivision SS Hitlerjugend, Panzerdivision avait été positionnée en Normandie au printemps 1944. Après guerre, il venait régulièrement se recueillir sur la tombe de ses camarades en Normandie et c'est ainsi que Gérard Roger pu rentrer en contact avec lui en 2002. Lui confirmant que le char Tigre de Vimoutiers était bien celui dans lequel il servait, il lui raconta par courrier l'histoire de ce char Tigre.
  7. « Orne. L’avenir du char Tigre de Vimoutiers interpelle jusqu’en Australie », sur ouest-france.fr, Ouest-France, (consulté le ).
  8. Reportage sur France 3 Basse-Normandie, de Franck Bodereau et Damien Mignau, le 26 avril 2012.
  9. Carte IGN série bleue, 1714E Vimoutiers.
  10. Gilles Lefebvre, « La restauration du char Tigre de Vimoutiers, un projet qui n’a pas fini de faire parler de lui », Pays d'Auge, (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Le Tigre I Sd.Kfz.181 Ausf. E tardif », sur museedesblindes.fr, musée des blindés de Saumur, (consulté le ).
  12. « Un char Tigre Allemand reconstruit avec des pièces de la poche de Falaise-Chambois », sur ouest-france.fr, Ouest-France, (consulté le ).
  13. Eric de Grandmaison, « Vimoutiers. Faut-il restaurer le char allemand ? », sur ouest-france.fr, Ouest-France, 2 janvier 2013, modifié le 2 octobre 2013 (consulté le ).
  14. [https://actu.fr/normandie/vimoutiers_61508/modelisation-char-vimoutiers-tigre-passe-peigne-fin_27641509.html "Modélisation du char de Vimoutiers, le Tigre passé au peigne fin.", actu.fr, rédaction de L'Aigle, 6 octobre 2019.
  15. "Les travaux de restauration du char Tigre de Vimoutiers pourraient débuter d’ici deux ans", actu.fr, rédaction L'Aigle, 12 juillet 2019
  16. "Vimoutiers. Un million d'euros pour restaurer le char Tigre", 8 octobre 2012, actu.fr, rédaction de L'Aigle

Lien externe

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