Charles-Eugène de Lorraine

Charles Eugène de Lorraine, né à Versailles le et mort à Vienne en Autriche le [2], prince de Lambesc et comte de Brionne de 1761 à 1789, duc d'Elbeuf de 1763 à 1789, colonel propriétaire du régiment royal-allemand, grand écuyer de France et maréchal de camp, est un personnage de la Révolution française. Il est aussi le dernier représentant de la Maison de Guise, descendant en ligne masculine du duc René II de Lorraine, recevant à la cour un traitement de prince issu d'une maison souveraine étrangère. Membre de la Maison de Lorraine, il est un cousin de l'empereur François Ier du Saint-Empire et donc de la reine Marie-Antoinette.

Charles-Eugène de Lorraine
Fonctions
Pair de France
-
Grand écuyer de France
-
Titres de noblesse
Prince de Lambesc
-
Prédécesseur
Comte de Brionne (d)
-
Prédécesseur
Duc d'Elbeuf
-
Prédécesseur
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activités
Famille
Père
Mère
Fratrie
Conjoints
Victoire de Folliot de Crenneville (en)
Anne de Cettner (d) (depuis )
Victoire de Folliot de Crenneville (en) (depuis )
Autres informations
Grades militaires
Maréchal de France
Field marshal (d)
Conflit
Distinctions
Archives conservées par
Blason

Biographie

Avant la Révolution

Le prince de Lambesc

Appartenant à une catégorie particulière de la très haute noblesse française, le prince de Lambesc est issu tant en ligne paternelle qu'en ligne maternelle de Maisons dites "à l'instar de l'étranger", c'est-à-dire de familles ayant régné sur des pays étrangers. À ce titre, le roi les considère comme des membres de famille souveraine étrangère résidant en France et les fait traiter avec les égards et les privilèges dus à leur rang. À la différence des membres de la noblesse, leurs rejetons peuvent sans rougir épouser des descendants de Maisons souveraines

Son père Louis-Charles de Lorraine, comte de Brionne (1725-1761) est un membre de la Maison de Lorraine, il descend en ligne masculine du duc René II de Lorraine par son fils le fameux duc de Guise, de Henri de Lorraine, comte d'Harcourt et de Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf. De ce fait, il est un cousin de l'empereur François Ier du Saint-Empire et de sa fille la future reine Marie-Antoinette. Sa mère Louise-Julie-Constance de Rohan-Rochefort (1734-1815) est issue d'une famille qui revendique de descendre des ducs de Bretagne.

Le prince a deux sœurs et un frère : Joséphine de Lorraine (1753-1797) a épousé en 1768 le prince de Carignan, chef de la branche cadette de la Maison de Savoie, apparenté à la Maison royale de France et frère de la princesse de Lamballe, amie de la Reine. Anne-Charlotte sera abbesse de la prestigieuse abbaye de Remiremont mais mourra en 1786. Le frère cadet, Joseph de Lorraine, comte de Vaudémont, épousera en 1778 Louise de Montmorency-Logny (1763-1832), qui sera une grande amie de Talleyrand. Il suivra son frère en émigration et mourra sans descendance en 1812, avant son aîné.

En 1761, les quatre princes Lorrains perdent leur père. Leur mère, Louise-Julie-Constance de Rohan-Rochefort, femme de caractère et amie intime du duc de Choiseul, premier ministre, conserve les charges lucratives de son mari en faveur de Charles-Eugène, 10 ans, qui peut ainsi succéder à son père non seulement comme comte de Brionne, mais aussi dans la charge de grand écuyer de France, dans celles de gouverneur et lieutenant-général en Anjou, gouverneur d'Angers et du Pont de Cé[3].

En 1763, le prince succède à son cousin, Emmanuel Maurice de Lorraine, cinquième duc d'Elbeuf, mort sans postérité. Il devient le sixième duc d'Elbeuf, pair de France, et le chef de la branche française de la Maison de Lorraine. Le prince, son frère cadet, leur oncle, l'abbé de Jumièges et leur cousin le prince de Marsan sont les derniers représentants en ligne masculine de la Maison de Lorraine-Guise.

Le , le prince est fait sous-lieutenant au régiment « Maître de Camp Général Cavalerie ».

Le , il est promu capitaine et pourvu d’une compagnie ().

Aîné de la branche française de la Maison de Lorraine, Charles-Eugène est sollicité pour avoir le droit et l'honneur d'accompagner sa lointaine cousine Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine, archiduchesse d'Autriche lors de son venue en France à l'occasion de son mariage avec le futur Louis XVI en mai 1770.

Le , il est nommé sous-aide major et devient le , mestre de camp, commandant et propriétaire du régiment Lorraine Dragons.

Le , il est fait chevalier des ordres du roi, « Il réclame l’usage constant des distinctions accordées en pareille circonstance à la Maison de Lorraine » et reçoit le grade de brigadier des armées du Roi en 1781.

Le , il demande et obtient la croix de chevalier de Saint-Louis.

Il est nommé maître-de-camp-propriétaire du régiment « Royal-Allemand » le 3 mars 1785, promu maréchal de camp le et commandant d’une brigade de troupe à cheval à Valenciennes en Hainaut le 1er avril de la même année.

On peut lire dans son dossier militaire les observations suivantes : « a eu pendant quelque temps beaucoup de caprices et de dureté, s’est corrigé et est regardé comme un très bon colonel[4]. »

Le fameux mois de juillet 1789

En 1789, le prince Charles-Eugène est à la tête du régiment royal-allemand, qu’il a acheté au prince de Nassau-Siegen, en 1785.

À la suite des évènements de juin, le Roi fait appel à la force armée et donne l’ordre au prince de Lambesc de quitter Valenciennes pour rallier Paris promptement. Le prince reçoit l'ordre le .

Le 7 juillet, Le prince et son régiment arrivent dans la capitale. La troupe campe dans les jardins de la Muette ; le prince commence tout d’abord par mener des actions de maintien de l’ordre avec ses troupes[4].

Le 11 juillet, le Roi nomme le septuagénaire maréchal-duc de Broglie ministre de la guerre et commandant des troupes.

Le 12 juillet, le prince de Lambesc reçoit l'ordre de disperser la foule assemblée sur la place Louis XV (actuelle place de la Concorde) pour manifester contre le renvoi de Necker.

Sans en avoir reçu la permission du ministre, le baron de Besenval, commandant des troupes d'Île-de-France et de la garnison de Paris, a massé plusieurs escadrons étrangers, suscitant le mécontentement des parisiens. Le peuple provoque les soldats et leur jette des projectiles. Les troupes ne bougent pas pendant longtemps tandis que les Gardes françaises rejoignent les rangs des émeutiers.

Le Royal-Allemand pénétrant dans les Tuileries d'après Pierre-Gabriel Berthault, (Musée de la Révolution française).
Action entre le Royal-Allemand et les Gardes Françaises le 12 juillet 1789

Membre quelque peu en disgrâce de la coterie de la reine, Besenval craint les reproches de la Cour. Il donne l’ordre au prince de Lambesc de faire mettre sabre au clair et de charger avec son régiment pour dégager le jardin des Tuileries[5] et disperser les manifestants.

Ayant appris l'art de la guerre mais pas celui du maintien de l'ordre, Lambesc, bien qu'il ait 38 ans et plus de 20 ans de service, est bien incapable d’accomplir une mission si délicate. Manquant de sang-froid, il décide de diriger ses dragons vers les Tuileries. De la terrasse, des manifestants leur jettent des bouteilles et des chaises. Des cavaliers tombent à terre, les autres perdent patience et répondent aux agressions par des coups de plat de sabre. Dans la bousculade, le Prince cause la chute, non pas d'un vieillard mais d'un jeune instituteur et se voit assailli lui-même par des séditieux , une jeune femme tenant un enfant par la main tombe mais peut se relever sans mal. Le pont tournant libéré, le prince de Lambesc ramène ses troupes sur la place Louis XV.

De folles rumeurs circulent dans les rues de la ville : « L’atroce Lambesc a sabré des promeneurs inoffensifs. Lui-même a égorgé de sa main un vieillard à genoux qui demandait grâce ! ». Les émeutiers et les gardes françaises, à l’appel d’un agent orléaniste, Gonchon, le « Mirabeau des faubourgs », accourent sur la place Louis XV, pour déloger les soldats "étrangers".

Vers les sept heures du soir, le prince de Lambesc et son régiment[6], occupent la place sous les huées des manifestants, puis les Gardes françaises tirent sur les dragons du régiment et en blessent trois. À huit heures du soir, Lambesc, reculant devant la terrasse, se retire et ordonne aux troupes de se replier sur les Champs-Élysées et, à partir de là, sur le Champ-de-Mars. Besenval, ulcéré par la passivité de la cour, ordonne la retraite et vide Paris de ses troupes.

Le 14 juillet, la foule investit les Invalides puis prend la Bastille.

Le 16 juillet au soir, le prince de Lambesc reçoit l’ordre de rejoindre Metz. Cinq jours après avoir été nommé ministre, le maréchal-duc de Broglie part en émigration.

Pour avoir fait charger sur les manifestants, le prince est mis en accusation et déféré au tribunal du Châtelet. Au cours de son procès, deux témoins, M. de Carboire et le capitaine de Reinach, attestent que c'est la foule qui a commencé l'attaque :

« M. le Prince de Lambesc, monté sur un cheval gris, selle grise sans fontes ni pistolet, était à peine entré dans le jardin qu'une douzaine de personnes sautèrent aux crins et à la bride de son cheval, et firent tous leurs efforts pour le démonter ; un petit homme, vêtu de gris, lui tira même de très près un coup de pistolet… Le prince fit tous ses efforts pour se dégager et y parvint en faisant parader son cheval, et en espadonnant avec son sabre, sans néanmoins, dans ce moment, avoir blessé personne. Lui, déposant, vit le prince donner un coup de plat de sabre sur la tête d'un homme qui s'efforçait de fermer le pont tournant et qui, par ce moyen, aurait fermé la retraite à sa troupe. La troupe ne fit que chercher à écarter la foule qui se jetait sur elle, tandis que du haut des terrasses, on l'assaillait à coups de pierres et même d'armes à feu[7] ».

Considérant que le prince n'avait fait que son devoir, les juges l'acquittent.

« Le Mea Culpa du Prince Lambesc. Sans Restitution point de Salut. »
Aquatinte anonyme de 1789 montrant le prince de Lambesc, assis à gauche, écoutant trois représentants de la noblesse, du clergé et du tiers état qui discutent de son cas. On aperçoit à l'arrière-plan la prise de la Bastille.

Un autre prince Eugène

Impopulaire en France, le prince émigre dès 1789. Après avoir traversé l’Allemagne, il se rend en Autriche où il est bien accueilli ; le souverain autrichien, à l'instar de la Reine de France, est un cousin.

Le prince de Lambesc va se faire oublier pendant deux années avant de réapparaître au côté du corps autrichien du prince de Waldeck - où se trouve aussi Chateaubriand - dès le au siège de Thionville[8]. En 1793, il est à la tête d’un détachement autrichien aux portes de Valenciennes[9].

Il participe contre la république française, puis contre le régime impérial, à toutes les campagnes de la Révolution et de l'Empire, d'abord dans l'Armée des Princes puis dans l'armée autrichienne.

En 1796, il est nommé Feldmarschallieutnant dans l'armée autrichienne.

Il réside à Vienne où la baronne du Montet le rencontre ; elle dit de lui qu’on le nommait dans cette capitale « Le Prince de Lorraine », qu’il avait la tête haute, l’air très noble et paraissait assez dépourvu d’esprit. Il tenait aussi fort grand honneur de n’être qu’Allemand et affectait d’oublier le français. Cela dit, il était obligeant avec les émigrés[10].

Sous la Restauration

Par ordonnance du 4 juin 1814, le Roi Louis XVIII le fait pair de France à titre viager sous le titre de duc d'Elbeuf. Par une autre ordonnance du 17 août 1815, il est fait pair de France héréditaire[11]. Le prince de Lambesc accepte la pairie et le titre mais ne siège pas à la chambre des pairs. Il continue à résider à Vienne où il finit sa vie.

Avec lui s'éteint la Maison de Guise.

Mariages

Il n'a eu aucun enfant de ses deux mariages :

  1. à Lemberg le avec la comtesse Anne de Zetzner (dite aussi Anna Zetzner) (1764 † 1818)
  2. le avec Marie Victoire Folliot de Crenneville, issue d'une famille française et normande (1766 † 1845). Ils se séparent en 1817.

Notes et références

  1. « https://francearchives.fr/fr/file/ad46ac22be9df6a4d1dae40326de46d8a5cbd19d/FRSHD_PUB_00000355.pdf »
  2. Généalogie : Descendance du Duc Claude de Guise et d'Antoinette de Bourbon-Vendôme, sur genealogy.euweb.cs.
  3. Christophe Levantal, Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l'époque moderne : 1519-1790, Paris, Maisonneuve et Larose, , XXVI+1218 (ISBN 2-7068-1219-2), p. 679-680
  4. Alexandre Dumont-Castells, Lambesc sous l’Ancien Régime (1692-1789), une principauté de provence oubliée, éd. Inlibroveritas, 2008
  5. A. Castelot et A. Decaux, Histoire de la France et des Français au jour le jour, 1774/1792 : la fin de l’Ancien Régime, Paris, Laffont, 1988, p. 72-73.
  6. Alexandre Dumont-Castells, à paraître, Sa possession lui sera retirée après que l’Assemblée nationale ait voté un décret visant l’abolition sur la propriété des régiments. Cf. dossier militaire du Prince de Lambesc – lettre de Müller en date du 31 août 1791.
  7. Procès du Prince de Lambesc, avec les 83 dépositions et la discussion des témoignages, Paris 1790, p. 84 et 101.
  8. Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, éd. Acamédia, livre 9, chapitre 11.
  9. Alexandre Dumont-Castells, 2008, Région et ville qu’il connaît très bien puisqu’il y possédait un hôtel particulier (« hôtel de Lambesc ») au no 68, rue du Quesnoy ; l’histoire voulut que l’un de ses ennemis, le général Dampierre, expirât au no 66 de la même rue après avoir été blessé à Petite-Forêt.
  10. Baronne du Montet, Souvenirs. 1785-1866, Paris, Plon, 1904, p. 36, 37, 167 et 170, dans G. Poull, La Maison ducale de Lorraine devenue la Maison impériale et royale d’Autriche, de Hongrie et de Bohême, 1991, p. 453.
  11. Vicomte Albert Réverend, Titres, anoblissements et pairies de la Restauration, tome quatrième, Paris, Librairie Honoré Champion, (lire en ligne), p. 367-368

Annexes

Bibliographie

  • Jean Tulard, Jean-François Fayard, Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française (1789-1799)
  • Georges Poull, La Maison ducale de Lorraine, 1991, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 592 p., p. 453-454.
  • Alexandre Dumont-Castells, , 2008, Lambesc sous l’Ancien Régime (1692-1789), une Principauté de Provence oubliée, éd. Inlibroveritas, 2008
  • Bulletin de la Société de l'Histoire d'Elbeuf, numéro spécial Elbeuf et la Révolution, 1989

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