Charles Blé Goudé

Charles Blé Goudé, né le à Niagbrahio, est un homme politique ivoirien.

Pour les articles homonymes, voir Blé (homonymie) et Goude.

Charles Blé Goudé

Charles Blé Goudé en 2006.
Fonctions
Ministre ivoirien de la Jeunesse, de l'Emploi et de la Formation professionnelle

(4 mois et 4 jours)
Président Laurent Gbagbo
Premier ministre Gilbert Marie N'gbo Aké
Gouvernement Aké N'Gbo
Prédécesseur Théodore Mel Eg (Jeunesse)
Émile Guiriéoulou (Emploi)
Benjamin Atsé Yapo (Formation professionnelle)
Successeur Dagobert Banzio (Jeunesse)
Biographie
Surnom Le Génie du kpô[1]
Blé la machette[1]
Le Général de la rue[2]
Date de naissance
Lieu de naissance Niaprahio (Côte d'Ivoire)
Nationalité Ivoirienne
Diplômé de Université d'Abidjan

Ses actions durant la crise politico-militaire de 2004 sont controversées et le conduisent à faire l'objet de sanctions de la part de l'ONU pour avoir notamment participé à des actes de violences et d'avoir incité à la haine.

Lors de la crise de 2010-2011, il soutient le camp de Laurent Gbagbo. Après la défaite de ce dernier, la Cour pénale internationale (CPI) émet un mandat d'arrêt international à son encontre pour crimes contre l'humanité. Il est finalement arrêté en 2013 au Ghana, puis détenu en Côte d'Ivoire avant d'être transféré à la CPI, qui l’acquitte en 2019 ; cependant, la justice ivoirienne le condamne dans le même temps à 20 ans de prison.

Biographie

D'origine Bété, Charles Blé Goudé obtient son baccalauréat en 1991.

En 1990, il adhère à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) et occupe différents postes de secrétaire à différents niveaux au sein de cette dernière. En 1996, il devient le secrétaire national à l'organisation au bureau national puis, en 1998, il succède à Guillaume Soro en tant que secrétaire général de la FESCI.

Entre 1994 et 1999, il est emprisonné huit fois pour son engagement dans la lutte syndicale estudiantine.

En 2001, il crée le Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (COJEP), mouvement qui se déclare en lutte contre l'impérialisme et le néo-colonialisme.

Il obtient une licence d'anglais dans des conditions controversées[3],[4] et passe un master en gestion et prévention des conflits à Manchester en Angleterre avant de suspendre ses études pour regagner Abidjan lors du début de la guerre civile en Côte d'Ivoire en septembre 2002.

Cette même année, il fonde l'Alliance des jeunes patriotes pour le sursaut national qui organise plusieurs manifestations, pour certaines violentes, pour le départ des forces armées non ivoiriennes et « l'indépendance économique » de la Côte d'Ivoire. D'une manière plus générale, ce mouvement, couramment appelée simplement Jeunes patriotes, apporte son soutien au président Laurent Gbagbo et joue un rôle important et controversé durant toute la durée de cette crise.

Le , les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) bombardent des positions françaises et tuent neuf soldats français et un civil américain. La France réplique détruisant tous les moyens militaires aériens de FANCI. Dans la soirée Charles Blé Goudé lance à la télévision un appel à la résistance contre la présence française : « Si vous êtes en train de manger, arrêtez vous. Si vous dormez, réveillez vous. Tous à l'aéroport, au 43e BIMa. L'heure est venue de choisir entre mourir dans la honte ou dans la dignité » [5],[6]. S'ensuivent des manifestations violentes contre plusieurs Occidentaux et leurs propriétés.

Condamné par l'ONU le , il est interdit de voyager et ses avoirs sont gelés, car accusé de[7] :

« déclarations publiques répétées préconisant la violence contre les installations et le personnel des Nations unies, et contre les étrangers; direction et participation à des actes de violence commis par des milices de rue, y compris des voies de fait, des viols et des exécutions extrajudiciaires; intimidation du personnel de l'ONU, du Groupe de travail international (GTI), de l'opposition politique et de la presse indépendante; sabotage des stations de radio internationales; obstacle à l'action du GTI, de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et des forces françaises et au processus de paix tel que défini par la résolution 1633 (2005). »

À la suite de l'élection présidentielle controversée de novembre 2010, Blé Goudé est nommé ministre de la Jeunesse, de la Formation professionnelle et de l’Emploi dans le gouvernement du Premier ministre Gilbert Marie N'gbo Aké, nommé par Laurent Gbagbo[8] mais non reconnu par l'opposition et par la communauté internationale.

La déroute des forces pro-Gbagbo après la reprise des combats en mars 2011 et l'approche des forces pro-Ouattara vers Abidjan l'incitent à vouloir prendre la fuite vers le Ghana le . Arrêté par les gendarmes à Aboisso, il est prié par ces derniers de retourner vers la capitale économique afin de poursuivre son combat[9]. Quelques jours après, le 21 mars, il mobilise une foule de jeunes Ivoiriens, venus s'enrôler dans les forces pro-Gbagbo[10]. Il organise ensuite une grande manifestation de soutien au président Gbagbo près du palais présidentiel, dans la soirée du 26 mars[11] avec un campement sur place dans la nuit suivante, qui rassemble entre 200 000 et 500 000 participants[12].

Après l'assaut des forces armées d'Alassane Ouattara, le , contre le palais présidentiel d'Abidjan tenu par Laurent Gbagbo et ses partisans, Charles Blé Goudé part en exil[13]. Sous le coup d'un mandat d'arrêt international, il est arrêté le à Accra[14], détenu par la police ghanéenne, puis extradé vers la Côte d'Ivoire le lendemain[15].

Le , la Cour pénale internationale annonce avoir émis un mandat d'arrêt à son encontre le 21 décembre 2011. Blé Goudé y est visé pour des crimes contre l'humanité commis en 2010-2011 (meurtres, viols, persécutions…)[16]. Le 20 mars 2014, le conseil des ministres de Côte d'Ivoire accepte de remettre Blé Goudé à la CPI[2]. Il y est transféré le 22 mars 2014[17]. Il est le 3e ressortissant ivoirien, après Laurent Gbagbo et son épouse Simone à être poursuivi par cette juridiction pour les violences meurtrières de fin 2010-début 2011[17].

Son procès, conjoint avec celui de Laurent Gbagbo s'ouvre à La Haye le 28 janvier 2016. Sa durée est estimée à 3 ans minimum[18]. La chambre est composée des juges Cuno Tarfusser (it), président, Olga Herrera Carbuccia (en) et Geoffrey Henderson.

Le 23 juillet 2018, la défense de Charles Blé Goudé dépose une demande de non-lieu. Son coaccusé Laurent Gbagbo fait de même[19].

Le 15 janvier 2019, Charles Blé Goudé est acquitté par la Cour pénale internationale[20]. Le lendemain, la CPI suspend sa remise en liberté, après un nouvel appel déposé par le procureur[21]. Celui-ci doit être au examiné sur le fond par la chambre d'appel[22] le 1er février 2019[23]. Il est alors libéré sous condition et est contraint de rester aux Pays-Bas[24].

En 2019, Blé Goudé fonde un parti politique, lui aussi nommé COJEP (pour Congrès panafricain pour la justice et l'égalité des peuples). Il en est élu président lors du premier congrès du parti en août 2019[25].

Le 18 décembre 2019, le procès de Blé Goudé pour des « actes de torture, homicides volontaires et viol » commis pendant les années 2010 et 2011, se tient devant le tribunal criminel d'Abidjan. Les avocats de Blé Goudé déposent un pourvoi en cassation car Blé Goudé, bloqué aux Pays-Bas en raison de sa liberté conditionnelle, ne peut se défendre en Côte d'Ivoire. Le procès est alors reporté[26]. Mais, le procès a toutefois lieu en décembre, sans la présence des avocats de Blé Goudé et le 30 décembre, Blé Goudé est condamné à 20 ans de prison, 10 ans de privation de ses droits civiques et 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts. Un mandat d'arrêt est délivré contre lui[27].

Le 6 février 2020, s'ouvre le procès en appel devant la CPI pour une levée partielle des termes de la liberté conditionnelle de Blé Goudé[28]. En mai suivant, la CPI lève plusieurs contraintes de la liberté conditionnelle de Blé Goudé : en particulier, celui-ci récupère son passeport et la possibilité de sortir de sa commune de résidence. Néanmoins, Blé Goudé doit demander et obtenir l'accord des pays dans lesquels il souhaite se rendre[29].

Le 31 mars 2021, la chambre d'appel de la Cour pénale internationale rejette les requêtes de la chambre d'accusation : l'acquittement de Charles Blé Goudé et Laurent Gbagbo est ainsi confirmé. Les conditions de sa liberté conditionnelle sont aussi révoquées[30]. Blé Goudé demande alors réparation auprès de la CPI pour les huit années passées en prison ou en liberté conditionnelle mais est débouté en . D'autre part, Blé Goudé ne peut rentrer en Côte d'Ivoire car les autorités ivoiriennes refusent de lui délivrer un passeport[31],[32]. Après des discussions entre Blé Goudé et le chef de cabinet du président Ouattara, la Côte d'Ivoire lui délivre un passeport le [33],[34].

Fortune personnelle

Charles Blé Goudé aurait largement profité de sa position privilégiée dans l'entourage de Laurent Gbagbo pour se convertir dans les affaires. En effet, selon des sources diplomatiques françaises révélées à leurs homologues américains, « Blé Goudé est devenu un homme d'affaires très prospère, avec des intérêts conséquents dans des hôtels, boîtes de nuit, restaurants, stations service et dans l'immobilier en Côte d'Ivoire ». Selon des diplomates américains, le financement de ses activités viendrait intégralement de Gbagbo et son entourage[35].

Idéologie

En novembre 2005, il dit regretter les exactions contre les Occidentaux[36] et se présente comme un pacifiste en prônant la non-violence et le rejet des armes comme moyen d’accession au pouvoir. Il organise depuis des journées pacifiques[37],[38] (manifestation, congrès, réunion,…).

À la suite de cela, il est nommé en avril 2007 « ambassadeur de la paix »[39] par le gouvernement de Guillaume Soro dans la perspective d'une réconciliation nationale. Cependant, ce titre, limité aux frontières de la Côte d'Ivoire, est purement factuel et ne s'apparente aucunement aux « ambassadeurs de la paix » de l'ONU. Cette posture pacifiste est vue selon des diplomates français comme un moyen pour Charles Blé Goudé de bien gérer ses affaires.

Références

  1. Blé Goudé, le patriote qui rêvait de diriger la Côte d'Ivoire - Slate Afrique. Consulté le 21 janvier 2013.
  2. « La Côte d'Ivoire accepte le transfèrement de Blé Goudé à la CPI », Radio France internationale,
  3. « Affaire “Licence d’anglais volée”: Le Fpi confirme que Blé Goudé a volé sa licence », sur abidjan.net, (consulté le ).
  4. « Affaire “Blé Goudé a volé sa licence d'anglais…” : Gbagbo va-t-il se débarrasser de son Dnc chargé de la jeunesse ? », (consulté le ).
  5. Robert Marmoz, « Les événements entre le 31 octobre et le 9 novembre 2004 sur NouvelObs.com », (consulté le ).
  6. Selon une autre source non disponible sur Internet, un reportage vidéo Évènement de 2004 distribué par Kaluila, le message serait : « Si vous dormez, réveillez-vous. Si vous mangez, déposez votre fourchette. Je ne vous demande pas d'aller attaquer les Français qui sont venus vivre avec vous, beaucoup de Français ont défilé avec nous contre la rébellion. Venez libérer l'aéroport. Abidjan n'est pas un quartier de Paris… »
  7. « Liste des personnes soumises aux mesures imposées par la résolution 1572 (2004) », Comité du Conseil de sécurité de l'ONU concernant la Côte d’Ivoire, (consulté le ).
  8. Jean-Baptiste François, « Qui est Charles Blé Goudé, condamné à 20 ans de prison en Côte d’Ivoire ? », La Croix, .
  9. Après avoir mis le feu au pays : Blé Goudé tente de fuir au Ghana, B.B. correspondance particulière à Aboisso, Le Jour, mardi 15 mars 2011, repris par abidjan.net
  10. Pauline Tissot, « Côte d'Ivoire: les hommes du camp Gbagbo », sur un site du magazine L'Express, (consulté le ).
  11. Crise ivoirienne: démonstration de force des partisans de Laurent Gbabgo, RFI/AFP, samedi 26 mars 2011
  12. Côte d’Ivoire : Un demi-million de jeunes patriotes manifestent à Abidjan leur soutien au Président Gbagbo, Serge Touré, dimanche 27 mars 2011, IvoireBusiness
  13. « Côte d'Ivoire : interview exclusive de Charles Blé Goudé », Jeune Afrique, 3 juin 2011.
  14. « Le pro-Gbagbo Charles Blé Goudé arrêté », Le Figaro et Reuters, .
  15. Côte d'Ivoire : Charles Blé Goudé transféré à Abidjan - RFI Afrique. Consulté le 21 novembre 2013.
  16. « Côte d'Ivoire : Charles Blé Goudé visé par un mandat d'arrêt de la CPI », France 24,
  17. « Côte d'Ivoire : Charles Blé Goudé transféré à la CPI », sur un site du journal Le Monde, (consulté le ).
  18. Le Point, magazine, « Laurent Gbagbo : ouverture d'un procès très attendu », sur Le Point (consulté le )
  19. Fanny Pigeaud, « L’Ivoirien Gbagbo demande un non-lieu dans son procès à la CPI », Mediapart, (lire en ligne, consulté le )
  20. « CPI : l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo acquitté de crimes contre l’humanité », sur Le site du Monde, (consulté le )
  21. « La CPI suspend la libération de Laurent Gbagbo après un nouvel appel », sur Europe 1 (consulté le )
  22. « La libération de Laurent Gbagbo suspendue après un nouvel appel du procureur de la CPI », sur France 24 (consulté le )
  23. « Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé restent en détention », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  24. « CPI: Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sortent de prison sous conditions - RFI », sur RFI Afrique (consulté le )
  25. André Silver Konan, « Côte d’Ivoire : « Charles Blé Goudé veut incarner l’héritage politique de Laurent Gbagbo » », Jeune Afrique, (lire en ligne)
  26. « Côte d’Ivoire : le procès de Charles Blé Goudé reporté », AFP et Jeune Afrique,
  27. « En Côte d’Ivoire, Charles Blé Goudé condamné à 20 ans de prison », Le Monde et AFP,
  28. André Silver Konan, « Procès Gbagbo : la procureure de la CPI a l’intention de demander un nouveau procès », Jeune Afrique,
  29. « Les conditions de mise en liberté de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo assouplies par la CPI », Le Monde, (lire en ligne)
  30. « La chambre d’appel de la CPI confirme l'acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé », rfi.fr, (lire en ligne)
  31. Stéphanie Maupas, « Côte d'Ivoire: la CPI rejette la demande de réparations de Charles Blé Goudé », RFI,
  32. « CPI – Côte d’Ivoire : Charles Blé Goudé ne sera pas indemnisé pour ses années en prison », Jeune Afrique,
  33. « Côtes d'ivoires : L'ex-ministre ivoirien Charles Blé Goudé obtient son passeport », Voa Afrique,
  34. Florence Richard, « Côte d’Ivoire : Charles Blé Goudé obtient son passeport », Jeune Afrique
  35. Jean-Philippe Rémy, « WikiLeaks : le "cas" Charles Blé Goudé en Côte d'Ivoire », Le Monde, (consulté le )
  36. « Les regrets de Blé Goudé regrette », sur L'Inter, AFP, (consulté le ).
  37. « Interview de Charles Blé Goudé - propos recueillis par Cheikh Yérim Seck, Jeune Afrique, 21/08/2006 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ).
  38. « Ce que Charles Blé Goudé prépare, par JMK Ahoussou, L'Inter, 28/10/2006 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ).
  39. Thomas Hofnung, « Charles Blé Goudé, ambassadeur de la paix à Abidjan », Libération, (consulté le ).

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