Charlotte (grande-duchesse de Luxembourg)
La grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, née le au château de Berg (dans le grand-duché de Luxembourg) et morte le au château de Fischbach (Luxembourg), fille du grand-duc Guillaume IV et de l’infante Marie-Anne de Portugal, est la septième souveraine du Luxembourg, régnant entre l’abdication de sa sœur aînée Marie-Adélaïde, en 1919, et la sienne, en 1964, en faveur de son fils le prince Jean de Luxembourg.
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Biographie
Naissance et famille
Charlotte de Luxembourg naît le 23 janvier 1896 à Colmar-Berg. Elle est la deuxième fille de Guillaume IV et de son épouse Marie-Anne de Bragance, infante du Portugal.
Accession au trône
Elle succède à sa sœur aînée Marie-Adélaïde qui, accusée notamment de germanophilie durant la Grande Guerre, dut abdiquer le [1].
Référendum de 1919
Le , un double référendum a lieu sur l'orientation économique du pays (union économique avec la France ou la Belgique) et sur le futur régime politique du Luxembourg : 77,8 % des électeurs votent en faveur du maintien de la dynastie sous le règne de la grande-duchesse Charlotte, 19,6 % pour une République et 1 % pour une autre dynastie[2], [3].
Mariage et descendance
Le , en la cathédrale de Luxembourg, la grande-duchesse Charlotte épouse son cousin germain le prince Félix de Bourbon-Parme, intégré la veille dans la noblesse luxembourgeoise avec le titre de prince de Bourbon de Parme[réf. nécessaire] et celui de prince consort de Luxembourg, et ce malgré l'opposition du gouvernement luxembourgeois, qui reproche à cet officier de l'armée austro-hongroise, beau-frère de l'ex-empereur Charles Ier d'Autriche, d'avoir combattu contre les Alliés durant la Première Guerre mondiale[4]. De leur union naissent six enfants[5], portant le prédicat d'altesse royale :
- le prince Jean de Luxembourg (1921-2019), grand-duc héritier, puis grand-duc (1964-2000), qui épouse en 1953 la princesse Joséphine-Charlotte de Belgique (postérité) ;
- la princesse Élisabeth de Luxembourg (1922-2011), qui épouse en 1956 François, duc héritier de Hohenberg (postérité) ;
- la princesse Marie-Adélaïde de Luxembourg (1924-2007), qui épouse en 1958 le comte Karl Josef Henckel von Donnersmarck (postérité) ;
- la princesse Marie-Gabrielle de Luxembourg (née en 1925), qui épouse en 1951 le comte Knud Holstein til Ledreborg (postérité) ;
- le prince Charles de Luxembourg (1927-1977), qui épouse en 1967 Joan Dillon (postérité) ;
- la princesse Alix de Luxembourg (1929-2019), qui épouse en 1950 le prince Antoine de Ligne, devenu le 13e prince de Ligne, grand d'Espagne et chevalier de l'ordre de la Toison d'or autrichienne (postérité).
Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, la famille grand-ducale quitte le Luxembourg in extremis avant l'arrivée des troupes nazies. L'armée allemande viole en effet la neutralité du Luxembourg dans la nuit du 9 au , alors que la grande-duchesse se trouve au château de Colmar-Berg. La veille, elle avait convoqué un conseil ministériel extraordinaire en la capitale, et il avait été décidé que la famille grand-ducale se placerait sous la protection de la France. La grande-duchesse Charlotte déclare : « Décision difficile, mais nécessaire »[6]. Elle rencontre le président Albert Lebrun le [7]. La famille grand-ducale s'exile d'abord au château de La Celle, au château du Vieux-Bost (propriété de François-Xavier de Bourbon-Parme sur la ligne de démarcation) et au château de Montastruc dans le Périgord, mais la victoire allemande conduit le gouvernement français à refuser d'assurer sa sécurité. Elle obtient, du gouvernement espagnol de traverser le pays, sans pourtant pouvoir y rester, puis gagne le Portugal, pays dont sa mère était originaire[8].
L'Allemagne nazie essaie de la convaincre de revenir au grand-duché ; elle répond : « Mon cœur dit oui, mais ma raison dit non »[9]. La grande-duchesse Charlotte se trouve le à Londres, où elle commence à alimenter les divers foyers de résistance luxembourgeoise depuis la BBC. Elle se rend en octobre suivant aux États-Unis, où Marjorie Merriweather Post met à sa disposition sa propriété de Hillwood à Long Island, puis en s'installe à Montréal au Canada, où ses enfants poursuivent leurs études. Elle rencontre à plusieurs reprises le président américain Franklin D. Roosevelt et parcourt les États-Unis pour essayer de convaincre les citoyens américains d'entrer en guerre. À l'instar de son voisin, le département français de la Moselle, le grand-duché est annexé par le Troisième Reich dans le cadre de sa politique annexionniste Heim ins Reich mais le gouvernement luxembourgeois a un siège délocalisé à Londres et Montréal[10].
À partir de 1943, la grande-duchesse Charlotte s'installe définitivement à Londres avec le gouvernement luxembourgeois, et s'adresse régulièrement à ses compatriotes sur les ondes de la BBC. Très populaire, elle devient le symbole de la résistance du pays[11].
La sœur de la grande-duchesse, la princesse Antonia de Luxembourg, épouse du prince royal Rupprecht de Bavière, est déportée au camp de Dachau, puis de Flossenburg, où elle subira de mauvais traitements qui entraîneront sa mort assez vite après la Libération.
Quant au fils de la grande-duchesse, le prince héritier Jean, il s'engage en novembre 1942 dans le régiment britannique des Irish Guards sous le nom de « lieutenant Luxembourg »[12].
La ville de Luxembourg est libérée en par le corps d'armée américain commandé par le général Oliver. Détaché à cette occasion de son unité britannique, le prince Jean, accompagné de son père lui-même en uniforme britannique, participe triomphalement à la libération du Grand-Duché.
Mais le pays est de nouveau menacé par l'offensive des Ardennes, qui se déroule entre le et le , et dévaste toute la moitié nord du Grand-Duché.
Règne dans l'après-guerre
La grande-duchesse revient au Luxembourg le , lorsque l'ordre et la sécurité sont assurés, et entreprend une tournée des régions dévastées par la guerre. Des élections, organisées après la capitulation allemande sont favorables au Premier ministre Pierre Dupong, que Charlotte reconduit donc dans ses fonctions. En 1949, le Luxembourg abandonne officiellement sa neutralité pour rejoindre l'OTAN dont il est cofondateur.
En 1956, la grande-duchesse Charlotte reçoit la Rose d'or, décernée par le pape Pie XII. C'est une rose artificielle à feuilles d'or que le pape bénit et ne confère qu'en de rares occasions à des souverains ou princes catholiques.
Fin de règne et abdication
La fin de son règne est marquée par les débuts de la construction européenne. Le , accompagnée par son mari ainsi que par les couples présidentiels français et allemand, la grande-duchesse inaugure le tronçon canalisé de la Moselle entre Metz et Trèves.
Elle abdique le en faveur de son fils aîné, qui devient le grand-duc Jean, et se retire dans son château de Fischbach où elle s'était temporairement installée après la guerre[13], le château de Berg ayant subi divers dommages à la suite de son occupation par les Allemands pendant la guerre.
Dernières années et mort
À l'occasion de leurs noces d'or en 1969, la grande-duchesse Charlotte et le prince Félix reçoivent la croix de l'ordre de la Résistance. Le prince consort décède un an plus tard. La dernière apparition publique de la grande-duchesse a lieu le lors d'une rencontre avec le pape Jean-Paul II au palais grand-ducal de Luxembourg. Elle meurt le 9 , à 89 ans, et est inhumée dans la crypte de la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg.
Avenir du nom et de la Maison de Nassau
La Maison de Nassau s'éteindra avec la comtesse Clotilde de Nassau-Merenberg (en) (née en 1941), d'une branche cadette (devenue aînée en 1912) descendant du demi-frère du grand-duc Adolphe Ier de Luxembourg. Néanmoins, le nom de Nassau est conservé par les descendants de la grande-duchesse Charlotte, qui eux font partie de la Maison de Bourbon-Parme. Charlotte de Luxembourg fut l'avant-dernière représentante de la huitième branche (branche cadette de Nassau-Weilburg), elle-même issue de la septième branche (branche aînée de Nassau-Weilburg) de la Maison de Nassau, cette branche cadette de Nassau-Weilburg appartient à la tige valramienne qui donna des grands-ducs au Luxembourg.
Postérité
Fête nationale
La grande-duchesse Charlotte est à l'origine de la date de la fête nationale luxembourgeoise. En effet, son anniversaire tombait le et cette célébration avait toujours lieu pendant les durs mois d'hiver. Pour plus de commodité climatique, cette fête a été déplacée au à partir de 1961 et ce jour est resté depuis comme le jour de la fête nationale (officiellement « Jour de la célébration officielle du jour anniversaire de la naissance du Grand-Duc »).
Documentaire
L'émission Secrets d'Histoire, intitulée La grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, lui est consacrée. Le documentaire dépeint à la fois sa vie familiale et son rôle de chef d’État, et notamment son amitié avec le président américain Franklin Roosevelt[15],[16].
Titulature
- — : Son Altesse Grand-ducale la princesse Charlotte de Luxembourg, princesse de Nassau
- — : Son Altesse royale la grande-duchesse de Luxembourg, duchesse à Nassau
- — : Son Altesse royale la grande-duchesse de Luxembourg, duchesse à Nassau, princesse de Bourbon de Parme
- — : Son Altesse royale la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, duchesse à Nassau, princesse de Bourbon de Parme
Décorations étrangères
- Chevalier de l'ordre de Léopold (Belgique)
- Chevalier de l'ordre de l'Éléphant (Danemark)[17]
- Grand-croix de la Légion d'honneur (France)
- Grand-croix de l’ordre du Rédempteur (Grèce)
- Chevalier Grand Croix de l'Ordre des Saints-Maurice-et-Lazare (Italie)
- Chevalier Grand Croix de l'Ordre de la Couronne d'Italie
- Chevalier grand-croix au grand cordon de l'ordre du Mérite de la République italienne
- Chevalier de l'Ordre du Christ (Vatican)[18]
- Chevalier Grand Croix de l'Ordre de Pie IX (Vatican)
- Chevalier grand-croix de l'ordre du Lion néerlandais (Pays-Bas)
- Chevalier de l'ordre du Lion d'or de la Maison de Nassau
- Grand Croix de l'Ordre du Soleil (Pérou)
- Grand Croix de l'Ordre de l'Aigle blanc (Pologne)
- Grand Collier de l'Ordre de la Tour et de l'Épée (Portugal)[19]
- Grand Croix de l'Ordre du Christ (Portugal)[20]
- Grand Croix de l'Ordre d'Aviz (Portugal)[20]
- Ordre des Séraphins (Suède)[21]
- Ordre de la Dynastie Chakri (Thaïlande)[22]
Ascendance
Notes et références
- (en) James Newcomer, The Grand Duchy of Luxembourg, University Press of America, , p. 237
- (de) Gilbert Trausch, Europa in seinen Institutionen : Identifizierung und Strukturierung, Nomos-Verlag, , p. 136
- La crise politique et le référendum de 1919, portail officiel du grand-duché de Luxembourg.
- Badts de Cugnac et Coutant de Saisseval 2002, p. 666
- Badts de Cugnac et Coutant de Saisseval 2002, p. 675 à 678
- Point de vue - Hors-série - Histoire, « Les rois dans la guerre 1939-1945 », no 5, octobre 2010, page 21.
- Eric Freysselinard, Journal de Mme Lebrun (sept. 1939-juil. 1940)
- Jean des Cars, Le sceptre et le sang, Perrin, , p. 121
- Point de vue -Hors-série - Histoire, « Les rois dans la guerre 1939-1945 », no 5, octobre 2010, page 22.
- Marc Feyereisen et Brigitte Louise Pochon, L'État du Grand-duché de Luxembourg, Primento, , p. 13
- Albert Calmes et Christian Calmes, Histoire contemporaine du Grand-Duché de Luxembourg, Imprimerie Saint-Paul, , p. 373
- (en) Irish Guards : The First Hundred Years 1900-2000, Spellmount, , p. 116
- Guy Coutant de Saisseval, Les Maisons impériales et royales d'Europe, Éditions du Palais-Royal, , p. 357
- Sur le socle est gravé en luxembourgeois « Mirhun lech gaer », ce qui veut dire « Nous vous aimons ».
- « France 2 diffuse magazine sur la Grande-duchesse Charlotte », RTL Télé Lëtzebuerg, (lire en ligne)
- « Secrets d'Histoire : La grande-duchesse Charlotte de Luxembourg », sur Le Figaro (consulté le )
- (da) Jørgen Pedersen, Riddere af Elefantordenen, 1559–2009, Syddansk Universitetsforlag, (ISBN 978-87-7674-434-2, lire en ligne), p. 466
- Facoltà di storia Ecclesiastica. Archivum Historiae Pontificiae, Volumes 28-29. Université pontificale grégorienne, Facultas Historiae Ecclesiasticae., 1990
- « Página Oficial das Ordens Honoríficas Portuguesas », sur presidencia.pt (consulté le ).
- « Carlota I Aldegundes Elisa Maria Guilhermina (Grã-Duquesa do Luxemburgo e Duquesa de Nassau) » (consulté le )
- (sv) Sveriges statskalender, vol. II, (lire en ligne), p. 8
- (th) Royal Thai Government Gazette, « แจ้งความสำนักนายกรัฐมนตรี พระราชทานเครื่องขัตติยราชอิสริยาภรณ์มหาจักรีบรมราชวงศ์ », (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Paul Lafontaine, Notre dynastie; Luxembourg (éditions Saint-Paul), 1990.
- (ouvrage collectif, coordonné par Martin Gerges), Monument Grande-Duchesse Charlotte ; brochure éditée par la Commission gouvernementale chargée de la réalisation du monument érigé en hommage à la Grande-Duchesse Charlotte sur la place de Clairefontaine à Luxembourg-Ville; Luxembourg, ; 104 pages (ill.).
- André Linden, Léif Lëtzebuerger… dir doheem a mir hei baussen…; les messages radiodiffusés sur les ondes de la BBC par la grande-duchesse Charlotte en exil vers le Luxembourg occupé ; in: …ët wor alles net esou einfach, exposition au Musée d'Histoire de la Ville de Luxembourg; cf. livre-catalogue et DVD ad hoc; Luxembourg, 2002.
- Chantal de Badts de Cugnac et Guy Coutant de Saisseval, Le Petit Gotha, Paris, Éditions Le Petit Gotha, coll. « Petit Gotha », (1re éd. 1993), 989 p. (ISBN 2-9507974-3-1)
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Léif Lëtzebuerger, un film documentaire sur l'exil de Charlotte à Londres
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