Charnier (tombe)

Un charnier est un endroit où sont enterrés - ou simplement entassés à découvert, pêle-mêle, sans sépulture - de nombreux cadavres humains, qui peuvent être ou non identifiés avant l'enterrement. Il permet, lorsqu'un grand nombre de personnes meurent ou sont tuées, d'enterrer les corps le plus rapidement possible (ce qui le distingue de la fosse commune). Il peut y être fait recours après une catastrophe naturelle, une épidémie, un génocide ou une guerre. L'Organisation des Nations unies définit un charnier criminel comme un lieu de sépulture contenant trois victimes d'exécution ou plus.

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Victimes de la peste bubonique de 1720–1721 à Martigues, France.

Le mot charnier a eu plusieurs usages, par exemple :

  • une tombe consacrée religieusement contenant plus d'un corps humain ;
  • un tonneau en bois de charme reconnu imputrescible, utile pour conserver l'eau potable en mer, ce bois était aussi utilisé dans le charronage.

Historique

Le mot cimetière appartient jusqu'au XVe siècle au langage des clercs alors que le langage courant utilise celui d'aître (du vieux français aitre issu du latin atrium, qui désigne la cour intérieure d'entrée précédant l'entrée d'une villa romaine, d'où par extension le cimetière situé avant l'entrée de l'église[1], telle l'aître Saint-Maclou) ou de charnier. La fonction cimetiérale du charnier a progressivement changé au cours du Moyen Âge. L'inhumation médiévale obéissant aux règles chrétiennes, elle est en fosse individuelle ou majoritairement en fosse commune (la pratique des tombes individuelles ne s'est généralisée que dans la première moitié du XVIIIe siècle). Le mot charnier est utilisé dans les textes médiévaux au sens d'ossuaire, lieu où l'on rassemble les os secs, mais se spécialise progressivement pour désigner les galeries ouvertes surmontées de combles utilisées pour traiter les corps exhumés du cimetière par manque de place, lors d’épidémies par exemple[2]. Ces charniers font alors office de pourrissoir où l’on entassait en vrac les ossements plus ou moins décharnés avant qu'ils ne soient empilés sous les voûtes de l'église[3] ou dans des ossuaires, ce dernier terme désignant progressivement des constructions monumentales abritant les ossements[4]. La construction des charniers se multiplie dès le XIIIe siècle dans les villes où la densité du noyau urbain rend impossible toute extension du cimetière primitif[5]. Au XVIIe siècle le mot charnier ne désigne plus que la galerie autour de l'église et de sa cour. Au XVIIIe siècle, l'excédent des fosses communes est rangé dans la partie haute de ces galeries, sous les toits mais on cesse d'édifier des charniers sous la forme traditionnelle[6].

Généralement le charnier de catastrophe ne se différencie pas d'une fosse commune ordinaire[7].

Architecture

Charnier du cimetière de Sayabec

Le terme s’applique également à un édicule construit dans l’enceinte d’un cimetière pour entreposer les corps des personnes décédées pendant les mois d’hiver afin de les inhumer le printemps venu, cela au Québec du moins où quelques exemples de ce genre de structure subsistent toujours.

Le gel du sol sur plusieurs centimètres ne permettait en effet pas le creusement des fosses au cours de l’hiver, ce qui a entraîné la création de ce type de bâtiment modelé sur la maison paysanne typique. En moellon grossier et surmonté d’une toiture à pentes généralement en tôle sur charpente de bois, le charnier était toujours doté d’une cheminée d’aération, parfois une simple découpe pratiquée dans la muraille, qui permettait l’évacuation du gaz de décomposition pouvant être produit malgré le froid. Le pignon avant de la construction était pratiqué d’une ouverture généralement munie d’une solide porte de fer bien verrouillée. La taille de ces entrepôts varie. Certains exemples mesurent à peine l’espace nécessaire à une dizaine de dépouilles. L’évolution des mœurs funéraires a toutefois rendu désuet ce modèle d’infrastructure.[réf. nécessaire]

Bibliographie

  • Catherine Rigeade, Les sépultures de catastrophe. Approche anthropologique des sites d'inhumations en relation avec des épidémies, de peste, des massacres de population et des charniers militaires, Britishs Archaeological Reports, 2007
  • Emmanuel Alcaraz, "le devenir des restes des mujâhidîn de 1962 à nos jours", le funéraire : Mémoires, protocoles, monuments (sous la direction de Grégory Delaplace, Frédérique Valentin), Paris, De Boccard, colloque de la Maison d’archéologie et d’ethnologie René Ginouvès de l’université Paris X Nanterre, 11, 2015, p.137-147
  • Paul Koudounaris, L'Empire de la mort: Histoire culturelle des ossuaires et des charniers, Paris, Editions du regard, 2011

Notes et références

  1. Aître a disparu du français moderne mais reste présent dans le terme anglais churchyard « cour d'église ».
  2. Castex Dominique, Epidémies et crises de mortalité du passé, Actes des séminaires de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Bordeaux,
  3. Madeleine Lassère, Villes et cimetières en France de l'Ancien Régime à nos jours : le territoire des morts, L'Harmattan, , p. 17.
  4. Philippe Ariès, Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours, Seuil, , p. 47.
  5. Jacques Fréal, Calvaires et enclos paroissiaux de Bretagne, Garnier, , p. 133.
  6. Catherine Rigeade, Les sépultures de catastrophe : Approche anthropologique des sites d'inhumations en relation avec des épidémies de peste, des massacres de population et des charniers militaires, Archaeopress, , p. 7.
  7. Catherine Rigeade, Les sépultures de catastrophe : Approche anthropologique des sites d'inhumations en relation avec des épidémies de peste, des massacres de population et des charniers militaires, Archaeopress, , p. 6.

Voir aussi

Articles connexes

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