Cerbère

Dans la mythologie grecque, Cerbère (en grec ancien Κέρϐερος / Kérberos) est le chien polycéphale (généralement à trois têtes, ou cinquante selon Hésiode[1], ou cent chez Horace[2]) gardant l'entrée des Enfers. Il empêche les morts de s'échapper de l'antre d'Hadès et les vivants de venir récupérer certains morts.

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Cerbère
Héraclès, Cerbère et Eurysthée. Hydrie à figures noires, vers 525 av. J.-C.. Musée du Louvre.
Créature
Groupe Mythologie
Sous-groupe Chien légendaire
Caractéristiques

Chien à trois têtes

Gardien des Enfers
Habitat Entrée des Enfers
Origines
Origine Mythologie grecque
Région Cap Ténare, Grèce antique
Première mention Ve siècle av. J.-C.
Statut Enchaîné par Héraclès, puis libéré

Œuvres principales

Cerbère est notamment connu pour avoir été capturé par le demi-dieu Héraclès (Hercule) lors de ses douze travaux.

On retrouve Cerbère dans de nombreuses œuvres de la littérature grecque et romaine antique, ainsi que dans l'art et l'architecture, aussi bien moderne qu'ancienne.

Étymologie

L'étymologie est assez incertaine et diffère selon les sources. Dans l'Antiquité, Servius avançait que « Cerbère » est un dérivé de « creoberos » qui voudrait dire « dévoreur de chair »[3]. Cette interprétation a été rejetée par Daniel Ogden.

Plusieurs mots seraient à l'origine du nom « cerbère »[réf. nécessaire]. Pour Ogden, le mot savara du sanskrit serait une épithète du chien de Yama, le dieu de la mort indien kerbero[4]. Cette étymologie a néanmoins été critiquée. Bruce Lincoln note une similitude entre Cerberus et le chien mythologique nordique Garm, reliant les deux noms à une racine proto-indo-européenne *ger- « grogner » (peut-être avec les suffixes -*m/*b et -*r). Cependant, comme l'observe Ogden, cette analyse nécessite en fait que Kerberos et Garmr soient dérivés de deux racines indo-européennes différentes (respectivement *ker- et *gher-), et n'établit donc pas réellement de relation entre les deux noms[5],[6].

Description

Image de Cerbère sur une peinture de tombes hellénistiques dans les grottes funéraires de Sidonian (Shéphélah), datant du IIIe siècle avant notre ère.

De nombreuses divergences existent concernant l'exacte description de Cerbère. Selon les auteurs et les époques, le chien des enfers connaît différentes formes. La représentation la plus habituelle est celle du chien à trois têtes[7] mais les multiplicités de descriptions arrivent avec Hésiode qui représente Cerbère avec cinquante têtes ou Pindare qui va jusqu'à lui donner cent têtes[8].

D'autres auteurs vont donner des représentations plus extravagantes. Ainsi, Horace accorde à Cerbère une tête de chien, cent têtes de serpents et une bouche à trois langues[9]. Pseudo-Apollodore représente le chien infernal avec trois têtes de chiens et des têtes de « tous les types de serpents », peut-être pour concilier les différences entre les auteurs.

D'autres descriptions encore plus atypiques ont été faites par Jean Tzétzès avec un chien à cinquante têtes, dont trois de chiens et le reste « des têtes de bêtes de toutes sortes »[10]. Euripide nous présente quant à lui un Cerbère à trois têtes et trois corps, et Virgile un chien à multiples dos. Enfin, il existe des représentations de Cerbère bien plus reptiliennes que canines avec Hécatée de Milet qui fait de lui un grand serpent venimeux et Ovide qui lui donne une bouche venimeuse et des serpents sur le corps.

Mythe

Statue montrant Cerbère aux côtés d'Hadès. Musée archéologique d'Héraklion.

Naissance

Cerbère était le fils d'Échidna[1], au corps de serpent et au visage de femme, et de Typhon[11] le serpent à plusieurs têtes. Son frère est Orthos[11], chien bicéphale chargé de la garde du bétail et du château de Géryon[11]. Il serait également le frère de l'Hydre de Lerne, du lion de Némée[1] et de la Chimère[1]. Dans la plupart des œuvres, il est représenté avec trois têtes.

Selon certains mythes les trois têtes voient et représentent respectivement le passé, le présent et le futur ; d'autres sources suggèrent qu'elles représentent plutôt la naissance, la jeunesse et la vieillesse[12]. Chacune des têtes n'aurait d'appétit que pour la viande vivante et autorise donc les esprits des morts à entrer dans le monde souterrain, mais les empêche d'en sortir[13]. Cerbère fut toujours utilisé comme le fidèle gardien d'Hadès[1], gardant les portes donnant sur le monde souterrain[14].

Il était enchaîné à l'entrée des Enfers et terrorisait les morts eux-mêmes qui devaient l'apaiser en lui apportant un gâteau de miel qu'on avait placé dans leur tombe en même temps que l'obole pour Charon déposée dans la bouche. Mais Cerbère était aussi terrible pour les vivants qui essayaient de forcer la porte des Enfers[15] comme Pirithoos et Thésée, qui cherchaient à enlever Perséphone. Psyché qui était venue chercher la boîte à cosmétique de Perséphone sur l'ordre d'Aphrodite l'endormit avec un gâteau trempé dans du vin drogué. Énée fit de même avec un gâteau soporifique préparé par la Sibylle[16].

Plusieurs héros parviennent à déjouer sa vigilance, voire à le vaincre. Orphée, décidé à sortir des Enfers sa femme Eurydice, morte d’une morsure de vipère, parvient à le charmer en chantant et en jouant de sa lyre. Hercule réussit à le faire dans les douze travaux d'Hercule (voir en dessous).

Les douze travaux d'Hercule

Eurysthée, roi de l'Argolide, donne comme dernière tâche à Hercule la capture de Cerbère vivant. Hercule se rend alors à Éleusis, afin d'être initié aux mystères d'Éleusis, pour pouvoir entrer et sortir du monde souterrain vivant, et s'absoudre au passage pour avoir tué des centaures. Il trouve l'entrée du monde souterrain à Taenarum, et est aidé par Athéna puis Hermès pour traverser respectivement dans un sens et dans l'autre. Il passe Charon avec l'aide de Hestia.

En passant dans le monde souterrain, Hercule libère Thésée, mais la terre tremble lorsqu'il essaye de libérer Pirithoos et il doit donc le laisser sur place. Ils avaient été emprisonnés par Hadès, liés magiquement à un banc pour avoir essayé d'enlever Perséphone : la magie était si forte que lorsque Hercule libéra Thésée, des morceaux de ses cuisses restèrent sur le banc, ce qui explique pourquoi ses descendants ont les cuisses maigres.

Hercules and Cerberus. Huile sur toile, par Peter Paul Rubens (1636), musée du Prado.

Hercule rencontre enfin Hadès et lui demande la permission d'emmener Cerbère à la surface, ce à quoi Hadès consent si Hercule parvient à maîtriser la bête sans arme, ce qu'il réussit ; il écrabouille la bête pour n'en faire qu'un petit chiot et le hisse sur son dos, le traînant hors du monde des Enfers à travers une caverne du Péloponnèse. Il l’amène à Eurysthée, qui en est si effrayé qu'il demande à Hercule de le remmener au monde souterrain. De passage à Mycènes, le monstre contamine de sa bave empoisonnée des plantes, que les sorcières utiliseront ensuite pour leurs propriétés maléfiques.

Iconographie

De nombreuses références à Cerbère se trouvent dans l'art antique grec et romain[17] : dans des sites archéologiques, on trouve des statues et des morceaux de l'architecture inspirés par la mythologie de cette créature. Le thème de Cerbère était assez populaire pendant la période antique, notamment avec la capture du chien par Héraclès.

La représentation de Cerbère dans l'art est divergente. Il est parfois représenté avec deux têtes, trois têtes ou bien une seule. Il est extrêmement rare voire impossible de trouver une représentation artistique de Cerbère avec plus de trois têtes. L'une des premières représentations tricéphales est présente sur une coupe qui nous vient de Laconie vers 560 av. J.-C.. On trouve des coupes et des vases le représentant aussi avec des serpents sur la queue et sur le corps. La coupe de Corinthe, qui est l'une des premières représentations datant d'environ 590-580 av. J.-C. le montre avec une seule tête et des serpents lui recouvrant le corps.

Les critiques classiques ont identifié l'une des œuvres sur Cerbère comme la « plus imaginative », celle-ci étant le vase de Laconie dans lequel Cerbère est montré avec trois têtes, une multitude de serpents lui recouvrant le corps et une queue finissant avec une tête de serpent[18]. On voit très souvent des représentations de serpent sur Cerbère qui fait notamment référence à l'origine de ses parents, Typhon et Echidna.

Évocations artistiques ultérieures

Dans la culture populaire

Littérature

Cinéma

  • Dans le film d'animation Hercule (1997), Cerbère apparaît comme le chien de compagnie et de garde de Hadès.
  • Dans Scooby ! (2020) de Tony Cervone, les personnages enquêtent sur un chien-fantôme nommé Cerbère.

Télévision

  • Dans le téléfilm Cerberus (2005) de John Terlesky.
  • Dans la série Teen Wolf (2011–2017), avec l'adjoint du shérif Jordan Parish.

Jeux vidéo

Notes et références

  1. Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne], 311 : […] Κέρβερον ὠμηστήν, Ἀΐδεω κύνα χαλκεόφωνον, Πεντηκοντακέφαλον.
  2. Horace, Odes, 2, 13 : Demittit atras belua centiceps / Auris…, Wikisource.
  3. Servius sur Virgil, Enéide 6.395 ; Ogden 2013a, p. 190 ; comparé avec Fulgence le Mythographe, Mythologies 1.6 (Whitbread, pp. 51–52) ; le premier mythographe du Vatican, 1.57 (Ogden 2013b, pp. 73–74 ; Pepin, p. 36) ; le deuxième mythographe du Vatican, 13 (Pepin, 106), 173 (Pepin, p. 171) ; le troisième mythographe du Vatican, 13.4 (Pepin, p. 324). Selon Ogden, 2013b, p. 74, « creoboros est un mot grec authentique et signifie en effet "dévorer la chair", mais il n'a aucun rôle à jouer dans l'étymologie authentique du nom de Cerberus, qui reste obscur ».
  4. Mallory, J. P. ; Adams, D. Q. (2006). « Chapitre 25.10: La mort et l'autre monde ». Oxford Introduction au Proto-Indo-Européen et au monde Proto-Indo-Européen. Oxford, GBR: Presse de l'université d'Oxford. p. 439.
  5. (en) Bruce Lincoln, Death, War, and Sacrifice: Studies in Ideology and Practice. Chicago: University of Chicago Press, 1991
  6. (en) Daniel Ogden, Dragons, Serpents, and Slayers in the Classical and early Christian Worlds: A sourcebook, Oxford University Press, 2013b
  7. Ogden 2013a, pp. 105–106, avec n. 183 ; Sophocles, Femmes de Trachis 22–25 trois-corps »), 1097–1099 ; Euripides, Heracles 610–611, 1276–1278 ; Virgil, Enéide 6.417–421 trois gorges », « trois bouches féroces » 9–451 bouche à trois visages », « triple aboiement »), 9.185 triple forme »), 10.21–22 trois coups »), 10.65–66 triple coups »), Heroides 9.93–94 (pp. 114–115) trois fois ») ; Seneca, Agamemnon 859–862 (pp. 198–199) triple chaines »), Hercules Furieux 60–62 (pp. 52–53) triple coups »), 782–784 (pp. 110–111) ; Statius, Silvae 2.1.183–184 (I pp. 90–91) triple machoires »), 3.3.27 (I pp. 168–169) triple »), Thébaïde, 2.31 (I pp. 396–397), (« triple »), 2.53 (I pp. 398–399) trois formes ») ; Properce, Elegies 3.5.44 (pp. 234–237) trois gorges »), 3.18.23 (pp. 284–285) trois têtes ») ; Apollodorus, 2.5.12 trois têtes de chiens »).
  8. Gantz, p. 22 ; Ogden 2013a, p. 105, avec n. 182 ; Hésiode, Theogonie 311–312; Pindare, d'un poème perdu de Pindare sur Héraclès dans le monde souterrain, en référence à l'Iliade.
  9. West, David, p. 108 ; Ogden 2013a, p. 107 ; Horace, Odes 3.11.17–20 (West, David, pp. 101–103) (« cent serpents … trois langues »), Odes 2.13.33–36 cent têtes »), Odes 2.19.29–32 triple langues »).
  10. Apollodorus, 2.5.12 ; Tzetzes, Chiliades 2.36.389–392 (Greek: Kiessling, pp. 55–56 ; Traduction anglaise : Berkowitz, p. 48) ; Frazer's note 1 d'Apollodorus, 2.5.12.
  11. Bonnafé 1993, p. 85.
  12. (en) Maurice Bloomfield - Cerberus the Dog of Hades, Kessinger Publishing, 2003, (ISBN 978-0-7661-3020-3).
  13. (en) Pamela Allardice - Myths, Gods & Fantasy, ABC-CLIO, 1991, (ISBN 978-0-87436-660-0).
  14. (en) Helene Guerber - Myths of Greece and Rome, Kessinger Publishing, (ISBN 978-0-7661-4856-7).
  15. Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, 1960, Commelin (p.142).
  16. Apollodore, Bibliothèque [détail des éditions] [lire en ligne] (III, 5, 12), Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne] (v. 311, 769), Virgile, Énéide [détail des éditions] [lire en ligne] (VI, 417).
  17. (en) Edward Hegeler - The Monist, Hegeler Institute, 1904.
  18. LIMC Herakles 2605 (Smallwood, p. 91); Schefold 1992, pp. 129–130; Pipili, p. 5, fig. 8; Gantz, p. 22; Ogden 2013a, p. 106, 111 with n. 185, p. 111 with n. 230.

Annexes

Bibliographie

Source antique
Autres ouvrages
  • Jacquot, Laurent, Le chien en Préhistoire (Le chien dans la Mythologie), Bulletin de la Société préhistorique française, tome no 7, no 10, 1910, pages 498-502
  • Ogden, Daniel (2013a), Drakōn : Mythe de dragon et culte des serpents dans le monde Grec et Romain, Presse de l'Université d'Oxford, 2013.

Articles connexes

Liens externes

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