Caméra Cinématographe
Le Cinématographe (du grec ancien κίνημα / kínēma, « mouvement » et γράφειν / gráphein, « écrire ») est la marque déposée d'un appareil inventé en 1895 par Louis Lumière, avec l'aide de l'ingénieur Jules Carpentier, à la fois caméra de prise de vues et projecteur de cinéma, après qu'Antoine Lumière (le père de Louis et Auguste) ait découvert, à l'occasion d'un voyage à Paris, le kinétoscope de Thomas Edison dont il conseille à ses fils d'imaginer un appareil concurrent[1] intégrant également la projection sur grand écran qu'il a pu admirer au Musée Grévin, lors du même voyage, en assistant à une projection des pantomimes lumineuses du Théâtre optique d'Émile Reynaud[2].
Pour le septième art, voir Cinéma.
Historique
C'est le , à Paris, qu'Auguste et Louis Lumière déposent leur brevet pour le cinématographe[3]. Ils ont racheté l'appellation à Léon Bouly[4] en 1892, qui l'avait déposée pour protéger ses appareils dont deux sont conservés au Musée des arts et métiers[5], mais leur bon fonctionnement n'a jamais été prouvé, aucun article des presses professionnelle et scientifique de l'époque n'atteste de l'existence d'une quelconque projection effectuée par Bouly, qui n'aurait pourtant pas manqué d'attirer l'attention[6].
La machine cinématographe (dont Louis Lumière est l'inventeur, aidé en cela par l'ingénieur parisien Jules Carpentier, mais que leur contrat patrimonial attribue aux deux frères Lumière) utilise le ruban souple et résistant inventé en 1888 par John Carbutt et commercialisé aux États-Unis et en Angleterre par l'industriel américain George Eastman (le futur Kodak). À l'automne 1894, Antoine Lumière, le père des deux frères lyonnais, avait assisté à une démonstration à Paris du kinétoscope de Thomas Edison et les envoyés de l'inventeur américain lui avaient offert gracieusement un fragment de la pellicule Eastman, débitée au format 35 mm par Edison, et munie d'une double rangée de quatre perforations rectangulaires. Cette démonstration est à l'origine de l'intérêt que porta Louis Lumière à l'invention d'une machine plus perfectionnée que celle d'Edison. Comme les frères lyonnais savent qu'Edison a déposé des brevets internationaux pour les perforations rectangulaires qui vont devenir plus tard le symbole du cinéma, ils dotent leur pellicule de perforations rondes, à raison d'une seule perforation de part et d'autre de chaque photogramme. Cette configuration délicate, qui rend la pellicule plus fragile lors des projections, n'aura pas de postérité et elle est vite abandonnée, au profit des perforations Edison[6].
- Mécanisme à came de Reuleaux du cinématographe Lumière (perforations rondes).
- Cinématographe vu de face (couvercle objectif ouvert). On voit l'obturateur mobile à disque et la fenêtre de cadrage du film.
- Cinématographe vu de l'arrière (couvercle ouvert). On voit le couloir du film et la fenêtre de cadrage du film. La manivelle est mise ici en décoration. Normalement, elle traverse la couvercle arrière (visible à droite).
Autre différence notable : le kinétographe d'Edison entraîne la pellicule dans un mouvement intermittent provoqué par une roue à rochet électrique actionnant un tambour denté, le cinématographe comporte pour sa part un système d’entraînement intermittent à griffes actionnée par une came excentrique puis une came de Reuleaux. Ces procédés, très répandus dans l'industrie (entraînement des matériaux sous les presses ou sous différents outils) permettent d'immobiliser un bref instant chaque futur photogramme derrière l'objectif de la caméra, ou devant la fenêtre de projection ou de visionnement.
Louis Lumière, grand photographe de talent, et Jules Carpentier, ont eu l'idée de rendre réglable la durée d'obturation et celle de l'exposition à la lumière par un obturateur à disque mobile dont les secteurs peuvent être agrandis ou diminués avant de tourner, ce qui permet de filmer quand le soleil est puissant, les objectifs ne comportant pas encore de diaphragme pour jauger la quantité de lumière admise sur la pellicule. Le kinétographe d'Edison ne possède pas cette particularité très intéressante, qui offre pourtant des possibilités de tournage en toute saison.
Les caméras argentiques suivantes entraînent la pellicule image par image par un système à griffes, identique au système Lumière. Le dispositif est bien entendu amélioré, grâce à l'utilisation de contre-griffes qui maintiennent immobile la pellicule pendant l'ouverture de l'obturateur et l'impression de l'image devant la fenêtre de cadrage du film. Un système supplémentaire concourt à l'immobilisation parfaite et à la planéité de la pellicule : un presseur intermittent s'applique sur la pellicule immobilisée dans le couloir avant de relâcher la pression lors du déplacement d'une image à l'autre. Dans certaines caméras, notamment les derniers modèles, a été adopté en plus un couloir courbe qui favorise la planéité du film (pourtant déjà présent à la fin des années 1920 dans la caméra Akeley 35 mm et dans les caméras Kodak 16 mm).
En revanche, le système à griffes utilisé par le cinématographe, qui est aussi bien une caméra qu'un appareil de projection (avec l'adjonction d'une boîte à lumière) et une tireuse de copies (on dit que c'est un système "réversible"), est conservé pour les appareils de prises de vues, mais abandonné rapidement pour les appareils de projection. Dans les décennies qui vont suivre, la caméra ne fera plus jamais office d'appareil de projection, et celui-ci verra son entraînement par griffes remplacé par un mécanisme à croix de Malte à flancs circulaires, un dispositif plus robuste que les griffes et plus respectueux des délicates perforations, permettant ainsi un plus grand nombre de projections de la même copie d'un film avant sa mise au rebut (inévitable au bout de plusieurs milliers de passages).
Notes et références
- Maurice Trarieux-Lumière (entretien avec le petit-fils de Louis Lumière, président de l'association Frères Lumière), La Lettre du premier siècle du cinéma n°7, association Premier siècle du cinéma, supplément à la Lettre d'information du ministère de la Culture et de la Francophonie n°380, du 3 décembre 1994 (ISSN 1244-9539).
- Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 33.
- « Clap : le cinématographe (1895) », sur INPI.fr, (consulté le )
- Cinéma des premiers temps: nouvelles contributions françaises par Michel Marie , Thierry Lefebvre, in collection Théorème (1996)
- Appareils de prise de vues dits "Le cinématographe" de Léon Bouly construits en 1892 et 1893, Musée des arts et métiers, Paris, inventaire no 16684-0000-et 16685-0000-.
- Briselance et Morin 2010, p. 33.
Voir aussi
Liens externes
- Découvrez le fonctionnement du cinématographe en vidéo
- Document INA : Georges Méliès raconte son expérience de spectateur à la séance inaugurale du cinématographe des Frères Lumière (audio).
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