Cloaque comportemental

L'évier comportemental (behavioral sink), ou cloaque comportemental (le choix du mot « cloaque » pour traduire l'anglais sink semble venir d'une traduction d'un ouvrage de Edward T. Hall) est un concept développé par l'éthologue John B. Calhoun en 1962 : c'est « la résultante de tout processus qui rassemble les animaux en nombre anormalement élevé[1] ».

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Le terme cloaque (lieu destiné à recevoir les immondices) est choisi à dessein car les comportements observés sont en fait une augmentation de l'apparition des pathologies observées dans un groupe donné. Les animaux mis dans une situation anormale de surpopulation vont être plus agressifs, des perturbations de l'activité sexuelle et des perturbations dans l'organisation sociale vont apparaître.

En 1958, l'éthologue John B. Calhoun a mené des expériences de surpopulation chez les rats. Il a effectué ses expériences sur une terre agricole à Rockville, Maryland, USA, d'où l'expression d'expérience de Rockville. Cette expérience a abouti à la publication dans Scientific American d'une étude de comportement dans des conditions de surpeuplement (Calhoun 1962). Cette étude, qui a eu une influence considérable (Ramsden & Adams 2009[source insuffisante]), est devenue une pierre angulaire de la sociologie urbaine et de la psychologie en général (Hock 2004[source insuffisante]) ; le terme est passé dans l'usage commun.

Calhoun a fourni une cage à des rats avec de la nourriture et de l'eau en quantité suffisante pour soutenir toute augmentation de la population. En revanche la cage était fixée à une taille jugée suffisante pour seulement 50 rats. La population a culminé à 2200 rats pour une surface au sol de 6,25 m²[2]et, par la suite, a montré une variété de comportements anormaux, souvent destructeurs. Sa conclusion était que l'espace lui-même est une nécessité. Des études ultérieures impliquant les humains ont montré que ce n'est pas le simple manque d'espace qui provoque ce phénomène. C'est la nécessité pour les membres de la communauté d'interagir avec l'autre. Lorsque les interactions forcées dépassent un certain seuil, les normes sociales se cassent. Ainsi la densité sociale est considérée comme plus importante que la densité spatiale géométrique.

Les effets remarquables de ce phénomène comportemental incluent hyper-agressivité, déficience dans l'élevage des jeunes, cannibalisme infantile, augmentation de la mortalité à tous les âges et habitudes sexuelles anormales. Souvent, la population atteint un pic puis s'effondre. Les maladies physiques, les maladies mentales et psychosomatiques, les troubles alimentaires augmentent.

Au-delà d'une certaine densité de population, ils cessent de se comporter comme des rats et le changement est permanent. Dans son étude publiée en 1962, Calhoun décrit ainsi le comportement des rats :

« Lorsqu'une population de rats de laboratoire est laissée libre de s'accroître sans limites dans un espace délimité, les rats développent des comportements extrêmement anormaux pouvant mener à l'extinction de la population. […]

De nombreuses rates furent incapables de mener leur grossesse à terme ou de survivre à leur mise bas. Un nombre encore plus grand, après avoir donné naissance avec succès, échouèrent à remplir leurs fonctions maternelles. Chez les mâles, les troubles du comportement allaient de la déviation sexuelle jusqu'au cannibalisme, et de l'hyperactivité frénétique jusqu'au retrait pathologique, dont les individus émergeaient seulement pour manger, boire et se déplacer, et ce uniquement lorsque les autres membres de la communauté dormaient. L'organisation sociale était tout autant perturbée. […]

La source commune de telles perturbations fut mise en évidence avec les populations de la première série de trois expériences, au cours desquelles nous avons observé le développement de ce que nous avons dénommé un "évier comportemental". Les animaux s'entassaient ensemble en grand nombre dans un seul des quatre enclos interconnectés où résidait la colonie. Jusqu'à 60 des 80 rats de chaque population expérimentale se rassemblaient dans un enclos pendant les périodes d'alimentation. Les rats seuls mangeaient rarement, sauf en compagnie d'autres rats. En conséquence, une surpopulation s'est développée dans l'enclos dédié à l'alimentation, laissant des populations clairsemées dans les autres enclos. […]

Dans les expériences dans lesquelles le cloaque comportemental s'est développé, la mortalité infantile a atteint 96 % parmi les groupes les plus désorientés de la population. »

 John B. Calhoun, Population Density and Social Pathology[3]

Voir aussi

Notes et références

  1. Calhoun cité par Edward T. Hall dans La Dimension cachée.
  2. (en) John B. Calhoun, « Univers 25 », sur ncbi.nlm.nih.gov,
  3. (en) John B. Calhoun, « Population Density and Social Pathology » Densité de population et pathologie sociale »], Scientific American, vol. 206, no 3, , p. 139–148 (PMID 13875732, lire en ligne [PDF])
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