Collège d'Anchin (Douai)

L'ancien collège d’Anchin était un collège jésuite des Pays-Bas méridionaux fondé en 1568 par l'abbaye bénédictine d'Anchin, à Douai (connu comme Collegium aquicinctinum duaci). Il fut le plus grand collège de l'université de Douai. Après l’expulsion des jésuites (1764) le collège devint « lycée impérial » (1802). Les bâtiments sont occupés aujourd’hui par le lycée Albert-Châtelet.

Collège d'Anchin
Présentation
Type
Fondation
Localisation
Adresse
Coordonnées
50° 22′ 24″ N, 3° 05′ 02″ E

Ne doit pas être confondu avec Collège anglais de Douai.

Le collège d'Anchin au XVIe siècle
Bâtiment de l'ancien collège d'Anchin
Voûte en forme de coque de bateau
Supports de poutres sculptés
Détail de la façade

Origine et fondation

Soucieux de raffermir le caractère catholique des Pays-Bas méridionaux, le roi Philippe II d'Espagne encourage et fonde l’université de Douai en 1559 (elle est ouverte en 1562). Dans le même esprit les personnalités de la ville souhaitent attirer les jésuites. De quatre sources différentes (en 1563), le supérieur général des Jésuites, Jacques Lainez, reçoit une demande de fondation de collège à Douai – importante ville des Pays-Bas méridionaux. Le monastère bénédictin d’Anchin (sur la Scarpe) est prêt à consacrer une partie de ses revenus au soutien financier de ce collège. Les tractations sont longues, en partie car les jésuites insistent pour que l’enseignement soit gratuit, et également parce que l’université de Douai craint la concurrence dans les domaines philosophique et théologique.

Malgré une crise de dernière minute avec l’université, le collège ouvre ses portes dans des bâtiments provisoires près du refuge de l’abbaye d’Anchin dans la ville de Douai. Le , une messe du Saint-Esprit (célébrée par l’abbé d’Anchin, dom Lentailleur, grand promoteur du projet) est suivie d’une séance académique solennelle.

Premiers développements

De 200 écoliers lors de la première rentrée (1568) le nombre passe rapidement à 540 en 1571 et déjà le millier en 1575, dont 400 internes. Le nombre de jésuites passe également de 15 à 29 en six ans. Ils seront une quarantaine à la fin du siècle. Le pensionnat a beaucoup de succès. Après quelques années sa direction est cependant reprise par les bénédictins d’Anchin.

Réglant quelques problèmes avec l’université les jésuites sont finalement autorisés à y enseigner également la philosophie et la théologie. Ils sont pastoralement actifs dans la ville et la campagne environnante, en particulier dans la paroisse de Saint-Jacques où ils donnent le catéchisme et où leur prédication est fort appréciée.

Nouvelles constructions : expansion

En 1583 s’ouvre le chantier de l’église attenante au collège (architecte : Thomas Brabant). De style baroque italien elle est consacrée en 1591, et dédiée à Notre-Dame des Neiges.

Rapidement, l'enseignement dispensé au collège d'Anchin (à Douai) rencontre un franc succès. Toutes les classes se font en latin et le Ratio Studiorum de la Compagnie de Jésus est suivi. Il draine des élèves de toute l'Europe. À côté de noms illustres on peut voir sur les listes d’étudiants les patronymes les plus humbles de la région : garçons simples et intelligents envoyés par leur curé et munis d’un ‘certificat de pauvreté’ leur permettant de jouir d’une bourse d’études. La formation religieuse est soignée : la première congrégation mariale (mouvement fondé à Rome par Jean Leunis) y est fondée en 1572 par le recteur François De Costere.

L’enseignement et les bourses sont possibles grâce aux revenus constitués par la dotation de l'abbaye d'Anchin, de fermages et de loyers de maisons des environs. Au début du XVIIe siècle, les jésuites obtiennent de l’abbaye que de plus vastes bâtiments soient construits: entre autres, fut construite en 1609 l'actuelle chapelle Berthoud, alors appelée salle aux Actes, qui servait aux réunions générales et aux soutenances de thèses.

Maison d’études théologiques

Quand la province belge est divisée en deux (1612), Douai qui a déjà une excellente infrastructure, est choisi pour être la maison d’études théologiques des jésuites du Sud des Pays-Bas, c’est-à-dire de la province dite « gallo-belge ». Le cours de philosophie se donne depuis 1573; à partir de 1622 un cours complète de théologie est également offert. En 1632 il y a 60 étudiants en théologie. En fait, de 1622 à la fermeture du collège d’Anchin (1764), pratiquement tous les jésuites des Pays-Bas méridionaux feront le programme de préparation théologique au sacerdoce à Douai.

En 1640, si on y ajoute étudiants et professeurs dans les collèges écossais et anglais alors en exil à Douai, la présence des jésuites dans la ville est considérable ; sans doute plusieurs centaines.

Guerres et tourmentes

De 1635 à 1667, annexion du Douaisis

En 1635 le collège est prospère : plus de 1500 étudiants en humanités, philosophie et théologie. Mais depuis avril 1635 la France est en guerre avec l’Espagne. Cela durera 40 ans. Les temps sont durs. En 1639 on signale déjà des dégâts aux bâtiments. Douai est sur la ligne de front. Le nombre d’élèves diminue. On va étudier plutôt à Louvain. L’année 1646, année de misère « douzième année de guerre » soupire le chroniqueur, les dettes s’élèvent à 10 000 florins.

En 1648 après la victoire de Condé à Lens, les blessés affluent à Douai et le collège est transformé en hôpital, mais reste ouvert aux étudiants. En 1651, année encore plus difficile : aux souffrances de la guerre s’ajoutent les maladies et la peste. Avec des hauts et des bas, des accalmies et des reprises d’hostilités, la guerre continue. En 1667, après avoir pris Binche, Ath, et Tournai Louis XIV assiège Douai qui capitule le 1er juillet.

Le passage de la ville dans le patrimoine français ne change pas grand-chose à l’enseignement au collège d’Anchin ; tout au plus les querelles théologiques de Paris y ont-elles un plus grand écho. Par ailleurs l’abbaye d’Anchin étant passée sous le régime de la commende, ses liens avec le collège jésuite d’Anchin-Douai se sont fort relâchés.

De 1673 à 1678 : guerre de Hollande

En 1670 Louis XIV visite le collège avec la reine et le dauphin. Il est libéral et de nouveaux fonds permettent au collège de reprendre ses activités. Mais trois ans plus tard une nouvelle guerre éclate. Louis XIV ravage les Pays-Bas méridionaux, alliés à la Hollande. La paix de Nimègue (1678) permet de rebâtir. En 1684 l’église est agrandie.

En 1682 Louis XIV demande (exige…) que les institutions jésuites à Douai et ailleurs dans les territoires annexés soient rattachées à la province jésuite de France. Charles de Noyelle, supérieur général des jésuites, refuse. Son successeur fera de même. Douai, Saint-Omer et les autres, restent maisons de la province gallo-belge. Une concession est faite cependant en y nommant comme recteur des pères français, le premier d’entre eux étant François de Rostaing.

En 1702, à son apogée, le collège compte 1250 élèves en humanités, philosophie, théologie. On y enseigne aussi la physique, les sciences et les mathématiques.

De 1707 à 1714 : guerre de Succession d'Espagne

La guerre éclate à nouveau. Louis XIV envahit les Pays-Bas. Une fois de plus Douai se trouve sur la ligne de front. La ville souffre beaucoup des tirs croisés des armées ennemies. L’hiver 1709 est particulièrement rigoureux. Misère et famine s’installent ; le collège redevient hôpital. Les cours continuent tant bien que mal avec un effectif réduit de professeurs. Les théologiens sont à Saint-Omer.

XVIIIe siècle et suppression

La paix revenue le collège reprend son essor. En 1722 il s’y trouve 300 élèves de théologie et 600 en philosophie sans parler des humanités. On parle du grand collège (de Douai), pour le différencier des autres institutions de la ville. Elles se plaignent. En philosophie, les jésuites ont presque un monopole. Même les bénédictins d’Anchin en prennent ombrage et tentent d’empêcher le dédoublement du cours de philosophie. Ils vont en justice et perdent le procès. Jusqu'à leur expulsion de France les jésuites auront un double cours de philosophie, tellement la demande est élevée.

Le conflit avec les moines s’aggrave lorsque les jésuites, qui ne reçoivent plus depuis des années le soutien financier promis par l’abbaye d'Anchin, tente par voie légale d’obtenir la propriété des bâtiments du collège qu’ils occupent. Les bénédictins d’Anchin s’y opposent. Second procès. Le parlement tranche en faveur des moines (1751) mais les jésuites gardent leur autonomie administrative et pédagogique.

Mais il y a d’autres nuages, et ils sont beaucoup plus graves. La campagne contre les jésuites bat son plein partout dans toute l’Europe catholique, mais particulièrement en France où le scandale de la faillite de la compagnie maritime du père Antoine Lavalette s’ajoute aux écrits des jansénistes et de ceux qui voient dans les jésuites des obscurantistes s’opposant au progrès des 'Lumières', pour dénigrer la Compagnie de Jésus. Le le parlement de Paris décide la fermeture de tous les collèges jésuites. Quatre mois plus tard, le 1er août, par un nouvel arrêt, les jésuites sont expulsés de France.

Faisant preuve d’indépendance le parlement de Flandre refuse d’emboîter le pas, mais la mesure est étendue à tout le royaume en 1764. Les jésuites (ils sont 22) doivent quitter le collège d’Anchin – il s’y trouve encore 450 élèves – et, parce que membres de la province gallo-belge, s’exilent dans la principauté de Liège. Les biens sont confisqués.

Du collège au lycée...

En 1765, le collège d’Anchin devient collège royal et est affilié à l’université. En 1772, son église, dont l’entretien devient onéreux, est démolie. Mais bientôt la Révolution française vient tout balayer. Les professeurs-prêtres quittent l’établissement. L’abbaye bénédictine d'Anchin est fermée et les moines expulsés : elle est déclarée bien national en 1790. En 1793 la Convention supprime l’université de Douai.

Le collège d’Anchin renaîtra en 1802 comme lycée impérial, mais c’est sans les jésuites dont l’ordre a été supprimé universellement en 1773. Et sans le soutien des bénédictins d’Anchin : l’abbaye ne sera jamais rétablie. Beaucoup plus tard ce lycée s’appellera lycée Albert-Châtelet.

Personnalités

Parmi les professeurs nombreux sont ceux qui sont devenus célèbres :

Anciens élèves :

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

  • Bouquillon : Les Théologiens de Douai, Arras, 1882.
  • Alfred Poncelet : Histoire de la Compagnie de Jésus dans les anciens Pays-Bas, (2 vol.), Bruxelles, 1927-28.
  • Pierre Delattre : Les Établissements des jésuites en France’, vol. II, Enghien, 1953.
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