Communication facilitée
La communication facilitée ou psychophanie est une méthode sans fondement scientifique conçue dans les années 1980 par Rosemary Crossley, une enseignante australienne, et destinée à améliorer les capacités de communication de personnes handicapées de la parole. En 1989, Douglas Biklen popularise cette méthode aux États-Unis notamment avec des personnes autistes. À partir de cette technique, qu'elle a introduite en France au début des années 1990, l'orthophoniste Anne-Marguerite Vexiau a développé la psychophanie (du grec psyché : âme, et phanein : mettre au jour), son application à un objectif thérapeutique[1]. Elle a également fondé une association intitulée Ta Main Pour Parler (TMPP) qui organise des formations à la méthode[2].
Ne doit pas être confondu avec Communication améliorée et alternative.
L'efficacité de la communication facilitée n'a pas été prouvée par les moyens scientifiques actuels, celle-ci est donc rejetée par la communauté scientifique[3]. De même la psychophanie n'est pas une méthode ayant prouvé ses effets de façon académique, elle est parfois apparentée à une méthode de spiritisme car prônant la mise en relation d’inconscient à inconscient[2]. À ce sujet, Anne-Marguerite Vexiau a mené une action en justice contre le journal Charlie Hebdo qui avait qualifié la méthode dans un article publié le de « grotesque charlatanerie » et dénonçant le fait que la Sécurité sociale en assure des remboursements, action qu'elle a perdue[2],[4]. En 2004, l'association Psychothérapie Vigilance remet totalement en cause la validité de la méthode, et en condamne les effets[5].
Histoire
Conçue dans les années 1980 par Rosemary Crossley, une enseignante australienne, la méthode vise à améliorer, en les facilitant, les capacités de communication des personnes handicapées de la parole. Originellement la méthode a été conçue pour des patients déficients physiques (infirmes moteurs cérébraux), puis testée et utilisée avec des autistes ayant une grande difficulté à communiquer par la parole et les gestes.
En 1989, Douglas Biklen popularise cette méthode aux États-Unis, notamment avec des personnes autistes.
Au début des années 1990, à partir de cette technique qu'elle a introduite en France, l'orthophoniste Anne-Marguerite Vexiau développe une méthode qu'elle nomme psychophanie (du grec psyché : âme, et phanein : mettre au jour), pour la différencier de la communication facilitée[2]. Anne-Marguerite Vexiau a fondé une association intitulée Ta Main Pour Parler (TMPP), devenue en 2011 Confédération Francophone TMPP (CFTMPP) qui réunit praticiens et utilisateurs et organise des formations à la méthode.
Dans les années 1990, la méthode est testée auprès d’enfants, d'adolescents et d'adultes autistes (ou déficients intellectuels) aux États-Unis, au Canada, en Allemagne, en Israël et en France. Son efficacité est très discutée par la communauté scientifique, voire niée par certains, car non prouvée selon des protocoles scientifiques faisant consensus, ou évaluée sur la base d'études portant sur un nombre insuffisant de patients[6],[2].
Description de la méthode
La personne « facilitée » est allongée ou assise à côté d'un « facilitateur », qui lui soutient la main. Elle peut désigner du doigt des images, des symboles, des mots écrits, des lettres pour par exemple épeler des mots, ou utiliser un doigt pour taper sur les touches d'un clavier d'ordinateur ou d’un agenda électronique. Le rôle du « facilitateur » est de soutenir le poignet du patient et si nécessaire d'isoler son index des autres doigts. Le facilitateur accompagne le mouvement de la main du « facilité ». Il peut lire les phrases qui s'inscrivent sans a priori provoquer leur enchaînement.
Critiques de la méthode
Elles sont de deux ordres :
Critiques scientifique
- Sur le modèle théorique :
Le principal reproche fait à la méthode est que dans la grande majorité des cas, le patient ne produit pas lui-même le texte qui lui est ensuite attribué ; une personne inapte à communiquer verbalement, par signes, ou par l'écriture, pourrait avoir (mais pas dans tous les cas) des capacités non détectables de communiquer des pensées ou des sentiments complexes par l'écrit. Elle pourrait les exprimer avec l'aide d'un facilitateur qui pallierait ses handicaps physiques.
En 1990, selon D. Biklen aucune étude n'avait pu clairement démontrer l'existence de telles capacités complexes de communication, indépendamment de l'influence du facilitateur[7].
En 1995, Jacobson, Mulic et Schwartz jugent que la méthode n'a aucune base ou preuve scientifique[8]. Un an plus tard (1996), Beck & Pirovano publient une nouvelle analyse de la méthode[9] ;
- Du point de vue de la clinique expérimentale, les études réalisées, comme les méta-analyses ont conclu au milieu des années 1990 que les résultats positifs obtenus étaient directement liés à la connaissance de la réponse par le facilitateur, et qu'ils seraient pratiquement inexistants sans cela, mettant en doute la portée thérapeutiques de la méthode[10],[11],[12],[6]. En 1994, l'association américaine de psychologie prend position sur le fait que la communication facilitée ne repose sur aucune base scientifique[13]. En 2004, 3 chercheurs canadiens se basant sur plus de 30 études antérieures concluent que seuls 1% des patients des études regroupant 10 cas et plus arrivent vraiment à communiquer via cette méthode (Sénéchal et al, 2004)[6], cependant, il est à souligner que pour des raisons pratiques, les études mentionnées ci-dessus reposent exclusivement sur la dénomination d’objets ou d'images cachés (non connus du facilitateur pour éviter le biais d'influence de ce facilitateur). Ces études ne reproduisent pas les conditions normales de pratique de la communication facilitée, utilisée par exemple pour faire des choix, ou pour exprimer des émotions. Les personnes valides ne peuvent pas davantage satisfaire à ces tests que les personnes en situation de handicap. Par contre, note le Dr Bruno Geptner « Par exemple, des réponses, mots ou phrases tapés par certains sujets autistes facilités sont tout à fait adéquats ou cohérents avec le contexte, et parfois imprévisibles par le facilitateur » ; de plus les études expérimentales peuvent aussi être critiquées, car souvent « soit les adultes facilitateurs sont insuffisamment formés à cette technique, soit ils ne sont pas familiers des sujets autistes testés, soit le protocole expérimental lui-même altère les conditions minimales de communication collaborative entre les sujets autistes et le facilitateur »[14]. Enfin, certains autistes souffrent de troubles neuropsychologiques cognitifs qui inhibent leur capacité à fournir des réponses verbales et/ou motrices volontaires à des questions ou consignes même simples[15],[16], ce dont il faudrait aussi tenir compte dans l'évaluation de la méthode.
Une étude préliminaire conduite par le Dr Gepner a mis en évidence une amélioration « significative » du comportement des autistes pratiquant la communication facilitée. Cette étude dite « avec bénéfice individuel direct », a reçu l’avis favorable du Comité Consultatif pour la Protection des Personnes en Recherche Biomédicale (CCPPRB Aix-Marseille). Elle a été intégralement financée par la Direction Générale de la Santé / Ministère de la Santé). Mais le nombre réduit d’autistes inclus dans le protocole d'étude (24 personnes dont 12 suivant la méthode) et sa méthodologie originale[17] (nécessaire car il est impossible de conduire une telle étude en double aveugle) font que ses résultats n’ont pas été retenus dans certaines évaluations ultérieures de la méthode.
En 2021 une étude expérimentale utilisant un dispositif d’accélérométrie auprès d'un adolescent, présentant une surdimutité profonde et un autisme modéré, a permis d’objectiver la participation motrice de celui-ci à l'écriture de textes sur un clavier d'ordinateur dans différentes conditions de soutien, de la main, de l'avant-bras et du coude par une éducatrice facilitante. Les mesures relevées au cours des séances indiquent que cette contribution motrice du patient était d’autant plus forte que le soutien par la facilitante s’éloignait de sa main. Cette technique d’accélérométrie, assez simple et d’une totale innocuité, permet de distinguer la communication facilitée (d'origine anglophone, impliquée dans la remédiation communicative des personnes non verbales par un éloignement progressif et contrôlable du soutien), de la psychophanie[18] (majoritairement francophone, confondue en France avec la CF et privilégiant un soutien de proximité pour communiquer mais ne permettant pas de contrôler la paternité des textes écrits). Cette étude est parue d'abord en anglais[19] puis traduite en français[20].
Critique sociale
Des associations impliquées dans les maladies ciblées par la méthode[21],[22], ainsi que les autorités publiques[23] s'inquiètent des dérives que cette méthode pourrait provoquer sur des personnes en grande difficulté et leur famille, alors que leur expression passe par un facilitant et ne peut s'exprimer indépendamment de sa présence. D'ailleurs la personne « facilitée », privée de parole, est généralement dans l'impossibilité de confirmer ou démentir l'interprétation que fait son « facilitant ». Les associations prennent en compte les risques d'accusations non fondées, de dissociation familiale, ou de mauvaises pratiques thérapeutiques. La formation des facilitants implique la nécessité d’une éthique très stricte, en particulier dans l’interprétation des textes. Un texte frappé en communication facilitée ne doit pas par exemple avoir de valeur décisive ou servir à étayer une accusation. Il faut noter qu’à ce jour, aucun cas de ce type (dissociation familiale, accusations non fondées…) n’a été relevé en France[24].
En 2002, la méthode utilisée dans un foyer de handicapés en France, est interdite par la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales et le conseil général des Côtes-d'Armor, et des praticiens la décrivent comme « charlatanesque » ou « ésotérique »[25].
Références
- « La « communication facilitée » ou « psychophanie » », (consulté le ).
- « La "communication facilitée " », (consulté le )
- C. Sénéchal, S. Larivée et E. Richard, « Les bases fragiles de la communication facilitée », Revue de psychoéducation et d'orientation, vol. 33, n°2, 2004, p. 473-500 [présentation en ligne].
- « Charlie Hebdo relaxé pour la critique d'une méthode de communication avec les autistes », (consulté le )
- Antonio Fischetti (2004) « Communication facilitée et gourous subventionnés », Revue de psychoéducation et d'orientation, vol. 33, no 2, 2004, p. 473-500 [présentation en ligne].
- C. Sénéchal, S. Larivée & E. Richard (2004), « Les bases fragiles de la communication facilitée », Revue de psychoéducation et d'orientation, vol. 33, no 2, p. 473-500 [présentation en ligne].
- D. Biklen, « La communication sans limite : autisme et pratique », Harvard Educationnal review, 1990, 60291-394 ; D. Biklen et al., « La communication facilitée : implications pour sujets autistes », Topics in language disorders, 12, 1992, p. 1-28
- J.W. Jacobson, J.A. Mulick & A. A. Schwartz, « A history of facilitated communication: Science, pseudoscience, and antiscience », (Science Working Group on facilitated communication), American Psychologist, 50, 1995, p. 750-765
- A.R. Beck et C.M. Pirovano, « Performance de la communication facilitée pour une tâche de langage réceptif », Journal of autism and development disorders, 26 (5), 1996, p. 497-512
- Barbara B. Montee, Raymond G. Miltenberger et David Wittrock, « An Experimental analysis of Facilited Communication », Journal of Applied Behavior Analysis, 28, 1995, p. 189-200 (voir ici)
- Article de l'AFIS, « Communication facilitée : dix ans d’expériences négatives », SPS n° 277, mai 2007 (voir ici)
- M. Eberlin et al., « La communication facilitée : échec pour reproduire le phénomène », Journal of autism and development disorders, 23 (3), 1993, p. 507-530
- Resolution on Facilitated Communication by the American Psychological Association. Adopted in Council, August 14, 1994, Los Angeles (voir ici).
- Duchan J (1993 ) Issues raised by facilitated communication for theorizing and research on autism. J Speech Hear Disord ; 36: 1108-19.
- Koegel RL, Koegel LK, Surratt A. Language intervention and disruptive behavior in preschool children with autism. J Autism Develop Disord 1992 ; 17 : 141-53.
- Leary MR, Hill DA. Moving on : autism and movement disturbance. Mental Retard 1996 ; 1:9-53
- Gepner B. La Communication facilitée : présentation d’une méthodologie destinée à tester son efficacité thérapeutique chez les personnes autistes. Neuropsychiatr Enfance Adolesc 1997 ; 45 : 429-31.
- (en) Patrick Faure, Thierry Legou, Bruno Gepner, « Evidence of Authorship on Messages in Facilitated Communication: A Case Report Using Accelerometry », sur https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2020.543385/full, front. psychiatry, 14 january 2021 (consulté le )
- Patrick Faure, Thierry Legou, Bruno Gepner., « Preuve de la paternité des messages en Communication Facilitée: une étude de cas utilisant l'accélérométrie. », https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03249418, (lire en ligne)
- Au Québec, la FQUATED (Fédération québécoise de l'autisme) met en garde contre les dangers de la communication facilitée (voir ici)
- Prevensecte.
- Rapport Midiluve à l'assemblée nationale [[PDF] http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-enq/r3507-rapport.pdf], page 82.
- Voir: http://www.tmpp.net/wp/formation/
- « Fait divers:Parlent-ils avec elle? », sur L'Express, (consulté le )
Articles connexes
Liens externes
- Le site sur la psychophanie de CFTMPP
- Dictionnaire sceptique sur la communication facilitée
- (en) Étude scientifique sur la communication facilitée : An experimental analysis of facilited communication, Barbara B. Montee, Raymond G. Miltenberger et David Wittrock, North Dakota State University, 1995
- (en) Faure P, Legou T, Gepner B. "Evidence of Authorship on Messages in Facilitated Communication: A Case Report Using Accelerometry". Front Psychiatry. 2021 Jan 14;11:543385. .
- (fr) La CF pour les autistes: à prendre ou à laisser ? Une étude exploratoire (extraits) : Étude parue dans la revue de Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 2000-48, par S. Hannick, S. Passone, J. Day
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