Complexe taxonomique de Tapinoma nigerrimum

Le complexe taxonomique de Tapinoma nigerrimum est un ensemble de quatre espèces de fourmis : Tapinoma nigerrimum (Nylander, 1856), Tapinoma darioi Seifert et al., 2017, Tapinoma magnum Mayr, 1861 et Tapinoma ibericum Santschi, 1925. Il fait partie de la sous-famille des Dolichoderinae.

La séparation de l’espèce anciennement appelée Tapinoma nigerrimum en quatre espèces distinctes s’est faite récemment, par une étude réalisée par Seifert et al. (2017). L’analyse statistique des différences morphométriques grâce à de nombreuses mesures sur les ouvrières a permis de caractériser chacune des espèces. Ces auteurs ont complémenté ces informations par des données de séquence d’ADN mitochondrial, suggérant une divergence de ces espèces entre le Pliocène et le début du Pléistocène (3,3 à 1,5 Ma) (Seifert et al., 2017). Des divergences sur le plan de la démographie, de la distribution géographique et du potentiel invasif existent également entre les différentes espèces étudiées.

Description 

La taille de ces espèces est comprise entre 2 et 5 mm. Les ouvrières sont noires et luisantes avec une pubescence qui leur donne des nuances de gris. Au sein du genre Tapinoma, plusieurs critères permettent de différencier les espèces : un rapport de mesure du clypeus, la distance entre la limite antérieure du clypeus à la base de l’incision rapportée sur la taille de l’incision, un second critère est la taille des segments funiculaires, le rapport entre les segments funiculaires 2 et 3 ; ces caractéristiques sont plus faciles à visualiser sur les spécimens ailés (sexués). L’étude des genitalia chez les mâles permet également de différencier les espèces de ce genre. Chez le complexe taxonomique de Tapinoma nigerrimum, le rapport des mesures du clypeus est compris entre 2 et 2,3. Ce rapport est plus faible par comparaison aux espèces Tapinoma israele Forel, 1904, Tapinoma madeirense Forel, 1895, Tapinoma erraticum (Latreille, 1798) mais plus important par rapport à Tapinoma simrothi Krausse, 1911. Chez le complexe de Tapinoma nigerrimum la taille du second segment funiculaire est supérieure à celle de troisième (Seifert et al., 2017).

Les espèces du genre Tapinoma sont aussi caractérisées par une odeur particulière de beurre rance notamment après manipulation. Ces composés chimiques émis par les glandes anales de ces fourmis pourraient permettre d’appuyer la différentiation du complexe taxonomique. D’après D’Eustacchio et al. (2019), les composés chimiques émis par Tapinoma darioi et Tapinoma magnum, sont qualitativement différents : sur les cinq composants identifiés, le 2-methyl-4-hep-tanone est seulement présent chez Tapinoma magnum et le dihydronépétalactone est seulement présent chez Tapinoma darioi. Il existe aussi des différences au niveau de la proportion des composées émis, notamment pour la proportion des deux diastéréoisomères de l’iridodial émis par les deux espèces.

Gros plan sur la tête de Tapinoma nigerrimum

Biologie

Les colonies de Tapinoma darioi, Tapinoma magnum et Tapinoma ibericum sont polygynes, c’est à dire composées de plusieurs reines, et contiennent jusqu’à plusieurs milliers d’individus (Seifert et al., 2017). Concernant Tapinoma nigerrimum, peu d’informations sont aujourd’hui connues même si des premiers éléments semblent indiquer que cette espèce serait monogyne (Rumsais Blatrix, communication personnelle). Les reines peuvent fonder une colonie seule ou par bourgeonnement avec un groupe d’ouvrières.

Ces espèces sont omnivores, elles chassent de petits insectes et récoltent le miellat des hémiptères aussi bien sur les parties aériennes que sur les racines des plantes (C. Lebas et al., 2016).

Comme énoncé précédemment dans la description du complexe, les espèces du genre Tapinoma, et plus généralement de la sous-famille des Dolichoderinae, sont capables de produire une grande variété de composés volatils. Ceux-ci sont utilisés dans la défense, comme des signaux d’alarme quand le taux sécrétion est élevé et ciblé sur un lieu, et aussi dans la communication ils seraient notamment utilisés pour pouvoir suivre les pistes, dans ce cas les concentrations de la sécrétion seraient faibles (D’Eustacchio et al., 2019).

Habitats

Ce groupe taxonomique est présent dans différents habitats de la zone méditerranéenne. Préférant les milieux ouverts et chauds, peu sensibles à l’humidité du sol, les quatre espèces présentent des différences dans leur distribution. Tapinoma darioi et Tapinoma magnum sont plutôt présentes dans des milieux sableux et notamment dans les dunes ; elles sont aussi observées dans les milieux anthropisés, parcs, … Tapinoma nigerrimum semble par contre préférer des milieux non anthropisés et est notamment présente dans les garrigues très ouvertes. Peu d’informations sont connues pour Tapinoma ibericum (Seifert et al. 2017).

Répartition

Ces espèces sont très communes dans la région Méditerranéenne ; en France, elle n’est présente que sur le pourtour méditerranéen, remontant un peu dans la vallée du Rhône (Seifert et al. 2017).

Caractère envahissant 

Dans ce complexe taxonomique, trois espèces ont été identifiées comme potentiellement envahissantes, Tapinoma magnum, Tapinoma darioi, Tapinoma ibericum.

Tapinoma magnum a été signalée envahissante en milieu urbain, en Allemagne, Belgique et Pays-Bas (Dekoninck et al., 2015). En France, des colonies ont été observées à Bordeaux (Galkowski, 2008), Sauvagnon, hors de sa zone de répartition, ainsi qu'en Corse[1],[2] ou à Saumur[3]. Les fourmilières se situent alors généralement proches des sources de chaleur d’origine humaine. L’espèce a une forte capacité d’adaptation, s’accommodant aussi bien à des sols très humides que très secs.

Des dégâts sur cultures sont relevés notamment au niveau des petits maraîchers et des particuliers. Ils correspondent à une modification du sol par les fourmilières ainsi qu’à une augmentation du nombre d’aphides sur les cultures (Alain Lenoir et Christophe Galkowski, 2017). Ces espèces élèvent, en effet, des aphides pour leur miellat, source de nourriture constante et très appréciée ; elles défendent donc leur élevage de manière accrue.

En réponse à ces dégâts, de nombreux producteurs et particuliers ont opté pour des insecticides posant d’autres problèmes environnementaux.

Par ailleurs, ce caractère adaptatif et d’agressivité a été mis en lien avec la capacité de résister face à l’invasion d’une fourmi venue d’Argentine, Linepithema humile, comme cela a été observé en laboratoire avec une compétition pour de la nourriture (Blight et al., 2010).

Bibliographie

  • Blight O, Provost E., Renucci M., Tirard A., Orgeas J. (2010) A native ant armed to limit the spread of the Argentine ant. Biol Invasions 12(11):3785–3793
  • Claude Lebas; Christophe Galkowski; Rumsaïs Blatrix; Philippe Wegnez; et al. Fourmis d'Europe occidentale Delachaux et Niestlé, DL 2016, cop. 2016.
  • DEKONINCK W., PARMENTIER T. & SEIFERT B., 2015. – First records of a supercolonial species of the Tapinoma nigerrimum complex in Belgium (Hymenoptera: Formicidae). Bulletin de la Société royale belge d’entomologie, Koninklijke Belgische Verningingvoor Entomologie, 151, no 3, 9 p.
  • D’Eustacchio, D., Centorame, M., Fanfani, A., Senczuk, G., Jimenez-Aleman, G. H., Vasco-Vidal, A., Méndez, Y., Ehrlich, A., Wessjohann, L., Francioso, A. (2019). Iridoids and volatile pheromones of Tapinoma darioi ants: chemical differences to the closely related species Tapinoma magnum.Chemoecology, 29(2), 51-60.
  • GALKOWSKI C., 2008 – Quelques fourmis nouvelles ou intéressantes pour la faune de France (Hymenoptera, Formicidae). Bulletin de la Société Linnéenne de Bordeaux, Tome 143, nouv. série no 36 (4), p. 423–433.
  • Seifert, B., D. D'Eustacchio, B. Kaufman, M. Centorame, P. Lorite and M. V. Modica (2017). Four species within the supercolonial ants of the Tapinoma nigerrimum complex revealed by integrative taxonomy (Hymenoptera: Formicidae). Myrmecol News 24: 123-144.
  • Alain LENOIR et Christophe GALKOWSKI (2017) Sur la présence d’une fourmi envahissante(Tapinoma magnum)dans le Sud-Ouest de la France. Bull. Soc. Linn. Bordeaux,Tome 152, nouv. série no 45 (4) : 449-453.

Références

Liens externes

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