Compte carbone

Le compte carbone est un quota annuel d'émissions de CO2 (comptabilisé en éqCO2 selon protocole international[1]), échangeable et diminuant, dont chaque citoyen disposerait de façon égalitaire. Le mécanisme a été évoqué dans les années 1990 et développé en dans le cadre français de la Convention citoyenne pour le climat.

Représentation de la molécule de dioxyde de carbone

L'objectif de ce mécanisme est de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 80 % avant 2050 sans injustice sociale. Le quota diminuerait de 6 % chaque année jusqu'à atteindre la neutralité carbone stipulée par l'accord de Paris de 2015[2].

Les entreprises n'ont pas de quota, mais doivent imputer à leurs clients l'ensemble du carbone nécessaire à leur production. Cela entraîne une circularité de l'information qui permet d'affiner la connaissance des contenus carbonés de tous les achats et services. L'action sur les consommateurs vise surtout à stimuler les entreprises à proposer des produits et services bas carbone.

Concrètement, il faut assigner à une Agence Carbone nationale le rôle d'encadrer les quotas de tous les citoyens (de façon assez similaire au suivi fiscal), récolter les informations de kilos de carbone imputés lors de chaque achat, par le vecteur des cartes de paiement ou flashcodes, contrôler le registre carbone des entreprises.

Il est estimé que pour la France, pour la première année, chaque citoyen pourrait disposer d'un quota de 9 000 kg de carbone équivalent CO2, compte tenu que le CITEPA et le Haut Conseil pour le climat ont calculé que la France est responsable de 610 millions de tonnes de équivalent CO2, soit neuf tonnes par chacun des 67 millions de citoyens[3]. Il faudrait réduire ce quota de 6 % chaque année pour tenir le rythme de réduction stipulé par l'accord de Paris de 2015 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Ainsi, en deuxième année, le quota devient 8 460 kg, en 3e année 7 950 kg, en 2030 : 6 200 kg, etc.

L'Agence Carbone doit être relayée par des bourses régionales d'échange (ou ajustoirs) où les excédents pourront être proposés à la vente pour que les ménages déficitaires évitent le défaut de paiement. Les ménages les plus modestes revendant des excédents bénéficient d'une certaine justice sociale. Les valeurs en euros des kilogrammes de carbone seront établis par l'autorité investie (nationale ou régionale) selon offre et demande, où les simulations montrent que les valeurs vont rapidement augmenter sous l'effet de la rareté programmée (moins 6 % chaque année) et par le fait que les plus sobres ne proposeront pas tous leurs excédents à la revente, préférant les éliminer pour mieux enrayer le réchauffement climatique.

Description

Le compte carbone est une forme de rationnement redistributif qui a pour but de faire face à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Le réchauffement climatique risque en effet d'atteindre +1,5 °C dès 2025, selon des mesures effectuées en 2021[4], alors que l'accord de Paris appelait à ne pas dépasser ce seuil au cours du XXIe siècle.

Historique

Cette proposition est apparue dans différents pays : en France, Pierre Calame a décrit en 2009, dans Essai sur l'œconomie[5], comment organiser un rationnement énergétique acceptable par des quotas individuels échangeables. Il explique que l'idée lui en a été apportée par le célèbre écologiste indien Anil Agarwal dès les années 1990 en posant la question « à qui appartiennent les puits de carbone ». Celui-ci publiait en 1991 Global warming in an unequal world[6].

Pierre Calame a décrit comment organiser les quotas échangeables dans son livre de 2018 "Petit traité d'oeconomie"[7]. En janvier 2020, il a affiné le processus dans son livret "l'allocation à tous de quotas négociables"[8].

Le prospectiviste Eric Vidalenc le proposait en 2018 dans le blog d'Alternatives économiques[9].

L'éditorialiste Yannick Roudaut a publié en 2020 une proposition de quota carbone individuel dans la revue CQFD - Ce qu'il faut développer sous le titre « Un quota carbone individuel »[10].

Au Royaume-Uni, David Fleming et Mayer Hillman ont particulièrement détaillé le dispositif[11], ce qui a convaincu le gouvernement travailliste de l'expérimenter à partir de 2006. Des rapports d'expérimentation ont été publiés en 2008, mais la crise économique et le changement de majorité ont arrêté le projet. Un autre mouvement de rationnement du carbone est annoncé au Royaume-Uni sous le titre de Total Carbon Rationning, soutenu par l'ONG EcoCore[12].

Le mécanisme de quotas carbone individuels a été débattu lors des Assises du Climat de février à avril 2021 en le comparant aux mécanismes de taxation carbone, de financement massif, de règlements sectoriels ou de quotas industriels (aussi appelés « droits à polluer »), qui se sont montrés moins efficaces, voire contre-productifs[13].

Le mécanisme est porté par plusieurs ONG, dont Escape-jobs, AllocationClimat (qui a produit un dossier à destination du Shift Project[14]) et CITEGO (qui a produit un cahier de stratégie énergie et climat pour le ministère de la Transition écologique en 2021[15]).

Des recherches et thèses ouvrent la réflexion de réduction des gaz à effet de serre comme la thèse de Mathilde Szuba ou celle de Timothée Parrique débattue avec BonPote.

Le conférencier Côme Girschig a développé (sur les quotas carbone individuels) une conférence pour la Sorbonne sous référence TEDx[16] . Il y traite de la nécessité de rationnement pour partager de façon égalitaire l'effort de sortie de péril climatique. Ses propos portent sur l'efficacité sociale du partage, la garantie de résultat par une diminution programmée et la prise de conscience qu'apporte l'obligation de compter une donnée hors plan comptable classique, les contenus carbone.

Antécédents

Des expériences antérieures sont listées dans l'article Carte carbone : Royaume-Uni, Suède, Nouvelle Zélande semblent avoir commencé l'expérimentation de dispositifs similaires.

En 2020 apparaissent des applications comme Carbo ou Greenly, qui préfigurent ce que serait un compte carbone[17]. Ces sites permettent de connecter son suivi bancaire pour en analyser l'empreinte carbone, grâce à des valeurs approchées d'empreinte carbone par euro[18].

Fonctionnement

Entreprises

Dans le principe des quotas individuels, ce sont les entreprises qui ont le rôle principal malgré l'apparence que les 610 millions de tonnes de CO2 équivalent, dont est responsable la France, sont répartis sur les 67 millions de particuliers (soit neuf tonnes par citoyen et par an)[19]. Mais leur carbone est débité selon leurs dépenses qu'encaissent les entreprises. Ces points carbone servent aux entreprises à fournir des points carbone à leurs fournisseurs.

Quels points carbone

Dans un premier temps, on peut se fier à l'ADEME qui répertorie des milliers de produits et services dans sa base de données www.basecarbone.fr (une base plus détaillée existe pour les produits spécifiques du bâtiment et en particulier des considérations thermiques et isolantes, tout ce qui concerne la mission de Maîtrise de l’énergie de l'ADEME). Un distributeur ou grossiste peut intégrer les chiffres de la basecarbone.fr pour documenter les factures aux détaillants. Par exemple un magasin de jouets et livres pour enfants reçoit ses produits de douze fournisseurs, plus son chauffage, son loyer (couramment sans carbone) et transports. Il demande à son fournisseur du logiciel de caisse de comptabiliser les points carbone et faire une répartition sur ses centaines de références selon les indications des grossistes et fabricants. Si le chauffage et transport représentent 2% de son carbone, tous les kilos carbone reçus de ses fournisseurs sont majorés de 2% pour les imputer aux clients. Il peut décider d'affecter moins de points carbone aux jouets en bois par rapport aux jouets en plastique, mais son bilan doit être égalisé entre les entrées et sorties sur l'année, y compris gestion des stocks, son logiciel de caisse valide cela naturellement.

L'Ademe propose également des bases de données spécialisées pour le bâtiment (INIES[20]) et pour l'alimentation (Agribalyse[21]).

Chez ses fournisseurs

Il faudra parfois prendre en compte l'importation : comme pour la TVA des produits importés gérée par le fisc, le contenu carbone est géré par l'Agence Carbone nationale qui s'appuie sur la nomenclature douanière[22], déjà gérée par la Commission européenne. Le jouet plastique et métal fabriqué en Chine est alors évalué au poids de chaque matériau, son énergie de fabrication et son transport (bien sûr moindre par conteneur sur cargo que par avion). Ainsi le jouet "accordéon" est évalué à 4 kg de CO2 équivalent, le grossiste est imputé de ces 4 points par l'Agence Carbone (qui devrait les transférer quand la Chine aura la même agence carbone, les productions européennes seront vraisemblablement plus promptes à être gérées en carbone). Ainsi le grossiste impute ces quatre points carbone éventuellement majorés de ses coûts internes comme chauffage ou transport local.

Ébauche de ticket de caisse décomptant des ponts carbone.

Comptabilité carbone dans les PME

Les comptables sont déjà équipés pour gérer un registre carbone[23], c'est un livre d'entrées sorties, avec clé de répartition pour qualifier les unités vendues ; mais il est estimé qu'au-delà de 100 salariés, il faudra spécialiser un poste de contrôleur de gestion carbone dans l'entreprise.

En symétrique, certaines entreprises exportent des produits pour lesquels les clients canadiens ou suisses ne seront pas encore concernés par les points carbone. Pour équilibrer ses comptes, l'entreprise reçoit des points de l'Agence Carbone en proportion de ce qu'elle a incorporé dans ses produits ou services exportés. Par exemple pour un viticulteur, l'ADEME évalue 1kg CO2 éq. par bouteille de vin. C'est une valeur moyenne pour amorcer le calcul. En fin d'année, l'entreprise fait le bilan carbone en même temps que le bilan financier, si ce viticulteur a développé une politique bio sans engrais azotés (les nitrates génèrent le protoxyde d'azote qui est responsable d'une part importante du réchauffement) en privilégiant l'absorption de CO2 par son terrain (ce qui peut lui valoir 0,2 tCO2/ha/an) il pourra justifier auprès de l'Agence carbone d'imputer seulement 0,7 kg par bouteille. Si décision politique, il pourra être encouragé à exporter par exemple en obtenant plus de points sur l'export, lui permettant de devenir plus concurrentiel sur le marché français. Mais l'Agence carbone sera d'abord incitative à réduire l'empreinte carbone.

Gros achats et immobilier

Chaque personne étant limitée à t/an (t en 2030) les gros achats devront être étalés : les points carbone nécessaires à se procurer une voiture plus économe seront étalés sur une durée raisonnable définie par l'Agence Carbone, par exemple 10 ans pour un véhicule électrique, 15 ans pour thermique. Le taux d'étalement (amortissement) prend en compte la réduction de quota de 6 % par an. Si au bout de quatre ans la famille revend son véhicule au profit de véhicule partagé, elle propose un prix d'occasion et un résiduel carbone, les deux peuvent être négociés. Pour l'immobilier, l'ADEME estime l'impact carbone d'un logement à 0,6 t/m2 (calculé sur cent ans hors consommations annuelles) : le constructeur propose à une famille de quatre personnes un logement de 100 m2 dont les 60 tonnes de CO2 sont amortis selon la pente de 6 %, soit 2,2 t en 2022 et 0,4 t en 2050 environ. La nouvelle réglementation prévue pour 2022 va normaliser les contenus carbone des logements et proposer un classement C1-C2 valorisant les efforts pour la revente.

Citoyens

Des quotas individuels égalitaires sont à attribuer chaque année à chaque Français. Par souci de simplicité, il est proposé t la première année, 8,46 t la deuxième, 7,95 t la troisième, 7,47 t la quatrième, 6,6 t la sixième année et t en 2050[24]. Il est proposé, comme en matière fiscale, que les jeunes de moins de 16 ou 18 ans soit attributaires d’une demi-part, pour que le compte carbone ne favorise pas la natalité et donc l’empreinte carbone générale. Au premier janvier, chacun reçoit son quota pour l’année depuis l’Agence carbone, chacun déclare les cartes bancaires utilisées pour les achats, y compris les monnaies locales, cartes de cantine, cartes Vitale et paiements par téléphone ou via Internet.

Adapter les cartes habituelles.

Les commerçants affichent leurs prix et valeurs carbone ; chaque client est débité des euros et des points carbone (un point vaut un kilogramme équivalent CO2). L’agence carbone collecte l’information carbone de façon centralisée pour tenir à jour chaque compte. Comme pour les foyers fiscaux, les quotas peuvent être mis en commun dans une même famille. Chaque citoyen est informé mensuellement par l’Agence carbone de son débit. Il peut aussi suivre en ligne l’effet de tel achat. Il peut élaborer un budget carbone pour les mois suivants. Si le résiduel devient inférieur à 10 % du quota annuel, la personne reçoit une alerte indiquant qu’il doit se restreindre mais surtout qu’il doit se procurer des points carbone auprès de la bourse régionale carbone, qui indique la valeur du jour.

Pour les personnes n'ayant pas de carte bancaire ou préférant ne pas l'utiliser, il est mis en place un identifiant de chaque citoyen par code QR sécurisé par mécanisme de blockchain[25] économe en énergie[26], tel que proposé par certains prestataires[27].

Créer une carte personnelle sécurisée.

Bourses régionales

Les bourses régionales ou ajustoirs sont alimentées par les excédents des usagers les plus sobres et permettent le calcul en temps réel de la valeur d’échange, en divisant la demande par l’offre. Les excédents des plus sobres sont payés en fin d’année pour éviter que des ménages modestes ne vendent plus que nécessaire : si de nouveaux besoins apparaissent, leur carbone est au coffre et peut leur être rendu en partie selon besoin. Pour éviter que ne s’établissent de relations néfastes entre les plus riches et ceux plus modestes qui ont besoin de monnayer leurs excédents, les transactions entre particuliers sont rendues impossibles (éviter des relations léonines). Les plus sobres ne sont pas obligés de proposer leurs excédents à la bourse régionale, ils peuvent ainsi accélérer la réduction carbone, leurs excédents sont naturellement perdus en fin d’année puisque chaque année démarre avec un nouveau compteur égal pour tous. La non-revente génère un enchérissement du point carbone qui rend dissuasif l’achat par les plus riches, améliorant encore la « descente carbone » (c'est-à-dire le rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine). Il devient plus rentable pour les plus riches d’isoler les bâtiments et de se procurer des transports décarbonés.

Exceptions

Sur le modèle des commissions de résolution des surendettements[28], il peut être créé une branche de l’Agence carbone pour les cas particuliers. Les majeurs protégés (sous tutelle) sont gérés par leur mandataire judiciaire. Ils les protègent de tout abus de faiblesse.Si un particulier va faire son plein de carburant de l’autre côté de la frontière, son paiement bancaire en informe l’Agence Carbone qui (sans autre information) impute le taux le plus fort de carbone par euro, soit kg/€ (valeur carburant), seul l’avion génère davantage (2,82, ou certains équipements électroniques de l’ordre de trois) mais il est peu probable qu’un particulier aille à l’étranger pour acheter un billet d’avion. La règle est ensuite que l’acheteur déclare à l’Agence Carbone le type d’achat qu’il a effectué, si textile par exemple la moyenne est à 0,5 kg/€. Le système Greenly a déjà calculé tous les paniers moyens, l’Agence Carbone aura rapidement une base de données fiable pour ces correspondances. La fraude demeure possible, des trafics en argent liquide pouvant être organisés malgré la complexité et la faible valeur du carbone. Des mécanismes anti-fraude sont proposés[29].

Certains bâtiments classés au patrimoine historique ou en cours, sont naturellement en difficulté énergétique, il sera proposé des quotas "patrimoine historique" qui seront intégrés dans la charge des services d’État. Des dispositifs décarbonés seront mis progressivement en place pour en réduire la charge.

Un barème de surquotas est élaboré par l'Agence carbone pour sécuriser les familles en difficulté. Il est précisé dans les neuf règles de base que « Tout besoin vital est garanti sans besoin d'achat de suppléments de points carbone »[30].

Touristes et visiteurs

Comme on achète de la monnaie pour aller en Turquie ou une vignette d'autoroute pour aller en Suisse, le touriste qui vient en France doit se procurer des points carbone : l'Agence carbone définit une valeur suffisamment haute pour que les riches français ne soient pas tentés d'en acheter par ce canal, mais suffisamment attractive pour ne pas fléchir l'activité touristique française. Un couple néerlandais vient passer une semaine de ski dans les Alpes. Il estime qu'il va utiliser moins de 500 kg CO2 et décide de les acheter en préparant son voyage. L'agence carbone définit un prix visiteur à 110% de la valeur du jour du point carbone, par exemple 0.2€/kg. Les 500 points leur coutent 100€. A la fin de la semaine ils souhaitent se faire rembourser 200 points résiduels, soit 40€. De plus ils ont acheté deux caisses de vin de Savoie pour lequel le commerçant leur a imputé 24 points : c'est de l'export alors l'agence carbone rembourse aussi ces 24 points, soit un total de 44,80 €.

Support de comptage pour tourisme

Comme pour les personnes sans carte bancaire, l'Agence carbone doit éditer une carte carbone rechargeable qui sera rendue à la fin du séjour. Pour les plus avancés en moyens de paiement, les touristes pourront faire charger leur carte Visa ou Maestro avec les points carbone achetés en arrivant.

Import-export

Le compte carbone est plus facile à mettre en oeuvre dans le périmètre d'une comptabilité nationale, il est ainsi proposé de démarrer par la France. Une coordination européenne des agences carbone nationales sera proposée pour traiter des questions internationales ; cette coordination est proposée dans le cadre de la Conférence[31] sur l'avenir de l'Europe relayée par le site web de la Coordination Européenne des Quotas individuels carbone. Dès 2015, le blog de Pierre Calame appelait une telle coordination[32].

Importations

L'entreprise qui achète ses produits ou services à l'étranger doit obtenir la connaissance des contenus carbone de la part de ses fournisseurs. L'ADEME a déjà répertorié des milliers de produits et matériaux, qu'elle met en cohérence avec la nomenclature douanière très bien documentée par la Commission européenne. Les 4 kg du jouet accordéon vu plus haut avec son plastique et métal en provenance de Chine, sont alors exigés par l'Agence carbone pour initier le cycle. Le jour où la Chine se dotera de la même agence carbone, ces 4 points seraient transférés à cette agence chinoise qui en a besoin pour ses exports comme on voit ci-après.

En cas de doute sur le contenu carbone d'un produit ou service, l'Agence carbone applique la règle du "ticket perdu d'autoroute" : en absence de preuve, c'est la valeur maximale qui est imputée.

Exportations

Une entreprise qui diffuse sa production en partie à l'export a besoin de points carbone pour son équilibre de production : c'est l'Agence carbone qui lui fournit en établissant un barème le plus soutenable possible. Comme on l'a vu le viticulteur peut partir de l'évaluation générale ADEME de 1 kg CO2 par bouteille de vin. Si le viticulteur peut démontrer une autre valeur, cela peut être pris en compte par l'Agence carbone qui demande à voir les valeurs pour clients français. L'agence carbone organise l'émulation pour faire réduire les contenus carbone déclarés des produits exportés.

Effet sur les achats et les travaux d'économie d'énergie

Pour les biens durables ou services pluriannuels, il est possible d'obtenir de la place régionale carbone d'étaler le contenu carbone sur plusieurs années :

Comme évoqué plus haut, un logement de 100 m2 représentant 60t CO2 serait amorti avec la réduction de 6 % chaque année soit 2,2 t la première année et 0,4 t la 50ème année. La mise en location d'un tel logement ferait supporter à la famille locataire ces mêmes taux de carbone. Il est alors intéressant de préférer la rénovation de bâtiments existants, générant beaucoup moins d'effet carbone. Dans les deux cas de construction neuve ou de rénovation d'existant, il est généré un logement proche de la neutralité carbone, qui permet à moyen terme une importante économie de carbone pour alléger la contrainte familiale, généralement de 800 à 1 000 kgCO2 par personne par an.

Il sera d'autant plus facile d'obtenir un prêt pour économie d'énergie qu'on peut anticiper la raréfaction des quotas carbone (le banquier voit aussi le gain futur).

De nouvelles façons de vivre apparaîtront avec l'avantage du petit collectif pour être proche du travail, partager les équipements lourds, généralement électroménager, internet, transport et bricolage, mutualiser les potagers...

Le compte carbone pourrait dissuader de la création de lotissements responsables de trop d'artificialisation des sols.

Rôles de l'Agence carbone

Une Agence carbone devrait avoir une gouvernance extrêmement robuste, avec une gestion paritaire incluant les services publics, les organisations territoriales, les citoyens, les entreprises, les syndicats et les ONG.

Ses rôles seraient de :

  • suivre les comptes individuels et vérifier l’équilibre carbone des entreprises,
  • mener des contrôles aux frontières (essentiellement sur paiements à l’étranger, avec par exemple l'application du prix du « ticket perdu », définir des valeurs de contenus carbone quand les entreprises ne savent pas les évaluer, se coordonner avec les agences carbones des pays partenaires)
  • garantir que les plafonds annuels soient réduits effectivement d’année en année,
  • traiter des retours de points sur les communs (il se pourrait que certains milliardaires préfèrent planter des milliers d’hectares de forêts diversifiées (500 tonnes de CO2 pour 1 000 hectares pour chacune des années qui leur reste à vivre) plutôt que donner leur argent aux pauvres,
  • assurer le fonctionnement des bourses régionales qui arbitreront les échanges de points carbone,
  • encadrer les banques (et monnaies locales et cartes vitales et cartes-cantines etc…) qui pourraient dériver,
  • assurer un contrôle et comptage des moyens internationaux comme paypal, google,
  • aider à la répartition des points carbone des administrations et services publics,
  • encadrer les étalements pluriannuels de points carbone des biens durables,
  • garantir la conformité au RGPD,
  • assurer les messages d’alertes pour les comptes trop bas,
  • gérer les comptes des indépendants en nom propre (petits paysans, petits commerçants),
  • contrôler que les points-carbone des marchandises exportées ne soient pas un passe-droit pour fabriquer du compte carbone surévalué,
  • être en lien avec les commissions de surendettement et valider les règles de quota d’exceptions,
  • assurer la remise à zéro des comptes en fin d’année (si on est d’accord qu’il ne faut pas thésauriser cette monnaie-là) tout en offrant peut-être une prime de sobriété,
  • gérer les comptes carbones « visiteur étranger » et leur remboursement de fin de séjour,
  • vérifier que l’informatique est assez robuste pour tout cela.

Le périmètre de l’Agence carbone est naturellement celui de la Comptabilité nationale ; dans les développements européens voire mondiaux, il apparaît que chaque État devra composer sa propre Carbon Agency et c’est entre les différentes agences nationales que seront gérées les échanges d’importation et d’exportation.

Bourses régionales d’échange Carbone

Les bourses régionales ont pour fonctions essentielles d'aider financièrement les plus modestes et de fournir des points carbone supplémentaires à ceux qui viendraient à en manquer. Elles engrangent les excédents de quota des ménages les plus modestes et évaluent la valeur de reprise en fonction de la demande comparée à l'offre d'excédents. Elles sont gérées avec des logiciels qui s'apparentent aux bourses de céréales ou d'actions.

Selon les régions et leurs Conseils régionaux, il y a des différences de situations et de priorités d’action. La région Occitanie met en avant la consultation des citoyens et pourra intégrer un important niveau paritaire dans son fonctionnement. La région Nouvelle-Aquitaine met en avant d’être la région la plus bio de France : elle peut convertir les excédents de carbone des ménages modestes en coupons d’alimentation bio-locale pour renforcer les filières et assurer une meilleure alimentation et donc meilleure santé aux populations les plus fragiles de sa région.

Il est probable que la valeur du point carbone s’élève plus vite en Ile de France en raison de la concentration de hauts revenus utilisant davantage l’avion et donc créant plus de demande qu’en Bourgogne-Franche-Comté ou Centre-Val-de-Loire. Mais simultanément les banlieues d’Ile de France auront des excédents peut-être supérieurs aux régions rurales, ce qui augmenterait l’offre. En cas de trop grandes différences entre régions, l'Agence carbone pourra réguler...

Les bourses régionales carbone pourraient aussi devenir les guichets d’accès aux financements européens du Green Deal de 100 milliards d’euros par an en prêts pour travaux pour contrer le chaos climatique ou s’y adapter.

Un des effets attendus du comptage carbone étant de diminuer les transports climaticides et donc relocaliser l’économie, autant en production qu’en services et en alimentation, c’est une occasion pour les territoires d’organiser cette relocalisation, les Régions peuvent y apporter une pédagogie très efficace.

Justice sociale

Quand un gros consommateur n’a plus que 10 %, il reçoit un message « attention, vous n’avez plus que 900 points carbone en compte, vous risquez de ne plus pouvoir rien acheter, vous devriez vous restreindre et vous procurer un surplus auprès de la bourse régionale carbone ». Cette bourse reçoit les excédents des plus modestes et des plus sobres qui peuvent ainsi, grâce aux achats de surplus des plus riches, arrondir leurs fins de mois.

« Traiter la fin du mois en évitant la fin du monde ! »

Cette question est débattue par la chercheuse en sciences économiques Audrey Berry dans sa contribution au livre « Nos Futurs »[33] où elle analyse le potentiel de redistribution non étatique que peut générer l’allocation de quotas échangeables. Elle insiste sur les corrections nécessaires pour les ménages pauvres victimes de consommations forcées (travail, distance) et sur les politiques publiques capables de corriger les défauts et réduire les empreintes carbonées des grandes administrations.

Degré d'incertitude dans le comptage des gaz à effet de serre

L'on sait aujourd'hui avec une bonne précision la quantité de rejets provoqués par l'essence et le gasoil, avec environ 5 % d'incertitude selon l'ADEME[34] et selon le GIEC[35],[36]. Mais les produits complexes sont plus difficiles à décompter. Même le carburant E10 ou le Diesel sont contestés car une part serait d'origine végétale. Fondamentalement cela ne change pas le rejet, il faut garder la valeur brute, la production agricole d'agrocarburants se fait au détriment des cultures nourricières ou des forêts bien plus absorbantes du dioxyde de carbone.

Les scientifiques s’accordent aussi à ne pas présenter l’énergie biomasse (granulés et bûchettes provenant des forêts) comme utile à la décarbonation, selon l’étude Reclaim Finance. 772 scientifiques en ont signé une démonstration en 2018[37].

Les degrés d'incertitude sur les données d'émissions vont de 5 % (données primaires) à 50 % (données approchées)[38]. La feuille de calcul à l'origine du carbomètre précise les degrés d'incertitude des différents contenus carbone. Elle est disponible en ligne[39].

La circularité de l'information générée par le compte carbone affine la connaissance des contenus carbone et des potentiels de gaz à effet de serre : la Base Carbone de l'Ademe précise qu'un jeans représente en moyenne 23,2 kg de CO2 équivalent[40].

Autant dans les secteurs de services que de marchandises, l'évaluation précise des émissions du carbone va être précisée lors des échanges entre fournisseurs. La démarche a ainsi déjà été entamée dans le secteur du bâtiment, où l'expérimentation « E+C- » a vu de nombreux fabricants de matériaux ou systèmes établir des « fiches de déclaration environnementale et sanitaire » indiquant, grâce à l'analyse du cycle de vie, les différents impacts environnementaux de leurs produits, dont le réchauffement climatique. Par extension, ces indications ont permis d'évaluer les impacts des projets en bâtiment. Cette méthode de calcul doit être reprise dans la réglementation environnementale 2020 (RE2020)[41], ce qui a incité les fabricants de matériaux ou systèmes à améliorer leurs méthodes de fabrications pour réduire les impacts de leur production.

Cette meilleure connaissance donne avantage aux productions locales et à la réutilisation de produits de seconde main, comme le proposent le mouvement Emmaüs, les ressourceries, le réseau Back Market[42]...

Il amène aussi à se passer de produits inutiles seulement imposés par la réclame publicitaire : on peut séduire quelqu'un par un prix cassé (notamment lors de promotions), mais si son contenu carbone obère sa capacité future à s'alimenter, le particulier le refuse.

Critiques sur l’abandon des espèces

Si le mécanisme imposait la carte bancaire, le paiement en billets et pièces serait peu apprécié par le commerçant qui y perdrait ses points carbone. Il est possible que le compte carbone incite (comme l’a fait la crise sanitaire de 2019) à ne pas utiliser les espèces. Plusieurs politiques y sont favorables pour l’effet de suppression des petits trafics. Une reprise des études de Ernst & Young a été proposée dans le Canard Enchainé du [43]. Elle rapporte qu'un paiement en liquides de 40 euros entraine (fabrication et transport compris) l'émission de 22 grammes de CO2 contre seulement 3 grammes pour un paiement par carte.

L'économiste Gaël Giraud explique comment les banques européennes voudraient que soit abandonnée la monnaie fiduciaire pour éviter de payer leur dû à la Banque centrale européenne. Mais les Français sont culturellement attachés au contact avec les espèces, comme l'explique le gouverneur de la Banque de France, sollicité sur le sujet. De plus, la crise sanitaire de 2019 a révélé que plus de 500 000 Français n’ont pas de carte bancaire ou de téléphone connecté à la banque.

Pour résoudre ces questions, l’Agence Carbone devra éditer des cartes numériques spécifiques pour ceux qui en feront la demande, de telle sorte que le commerçant qui reçoit un paiement en espèces peut demander au client de passer sa carte de comptage carbone CCC dans le lecteur habituel, voire par le process « sans contact ». Cette carte est évoquée aussi pour les touristes qui ne déclareraient pas leur carte bleue pour transporter les points carbone nécessaires à leur séjour en France.

Les monnaies locales sont déjà numériques pour la plupart et seront suivies très facilement par l’Agence Carbone, elles seront encouragées par la démarche de Compte Carbone. Le mécanisme des monnaies locales numérisées est simple : le client tape l'identifiant du commerçant et le montant en euros. Il suffit d'ajouter le montant en points carbone selon ticket de caisse, alors ce montant transite par l'agence carbone pour décompte et arrive au commerçant dans son registre carbone.

Pour les commerçants non raccordés au réseau (ex. : marchés) et qui seraient en zone blanche (ex. : Belle-Île-en-Mer ou Le Monastier-sur-Gazeille en Haute-Loire), l’agence carbone éditerait des coupons de dix points carbone, infalsifiables par code QR et imputés sur le compte du demandeur dans une limitation de 5 % de la dotation ; 50 coupons de 10 points en première année, pour éviter que la personne ne cherche à stocker pour l’année suivante ou revendre ces points au plus offrant. Le nom du récipiendaire serait imprimé pour éviter les trafics, à la manière des tickets de train déjà imprimés de la sorte.

Ainsi le paiement en espèces serait possible en toute circonstance, à l'image des chèques.

Critiques sur les données personnelles

Toute dépense sera suivie par l’Agence Carbone en matière de contenus carbone : certains s’inquiètent, à juste titre, du risque d’espionnage par les autorités ou de divulgation des données personnelles par des tiers. Pour y couper court, il faut s’assurer que l’Agence carbone respecte complètement le RGPD (règlement général de protection des données) harmonisé sur l’Union européenne, permettant que personne d’autre que le titulaire n’ait accès aux informations du compte carbone : le commerçant qui impute 20 points sur son terminal de paiement ne peut pas voir les dépenses antérieures, comme c’est déjà le cas avec les euros. Le titulaire reçoit un relevé personnel (si possible numérisé) dont il est le seul destinataire.

Outre le respect du RGPD, le compte carbone pourra bénéficier des meilleures avancées en matière de sécurité End-to-End. Le chiffrement de Bout en Bout met en œuvre des méthodes simples de chiffrement qui rendent le système indépendant des opérateurs et organes de pouvoir.

Ce sujet conforte l’idée que l’Agence Carbone soit indépendante du pouvoir et des banques.

Mais les banques ont obligation de signaler à l’Agence carbone les dépenses vers des fournisseurs hors de France : toute banque française ou établie en France doit s’y engager. Si un particulier a un compte dans une banque étrangère, il ne peut l’alimenter que par des gains à l’étranger ou par des transferts de banques françaises, ce dernier cas étant couvert par l’obligation de déclaration.

Globalement le comptage carbone est certes contraignant, mais sans risque pour les données personnelles et nécessaire pour éviter le chaos climatique et la disparition de l’espèce humaine.

Selon Thomas Piketty, on peut comparer les questions sur le compte carbone aux levées de bouclier qu’avait suscité le projet d’impôts sur les revenus il y a un siècle[45].

Création de puits de carbone

Les consommateurs nécessitant des surplus (ou des entreprises voulant abaisser leur taux de carbone inclus dans leurs produits ou services) pourront être tentés de proposer à l'agence carbone l'obtention de points carbone par la création de puits de carbone (ou zones de capture et séquestration de CO2).

Il est par exemple établi que transformer des terres arables en forêt sauvage génère un supplément de 500 points par an et par hectare. En ce cas il faut s'assurer que cela ne perturbe pas les prix de terres agricoles nécessaires à l'installation de jeunes agriculteurs. Un kilomètre de haie produit le même effet qu'un demi-hectare de forêt[46]. C'est alors une stimulation pour l'agriculture naturelle ou agroforesterie. Les valeurs similaires sont déduites des méthodes de calcul, en Wallonie, pour le calcul des SIE ou Surfaces d'Intérêt Écologique.

Selon Pierre Gilbert, les meilleurs puits de carbone sont obtenus par la culture d'algues de type kelp, séquestrant cinq fois plus de carbone que les plantes terrestres parce qu'elles poussent de un mètre par mois[47]. Ces algues contiennent un fort taux d'huile qui en fait un excellent bioéthanol : il faut pour cela créer de vraies fermes marines que pourraient très bien financer les milliardaires en mal de carbone pour leurs voyages.

Paul Hawken dans "Drawdown"[48] estime que les fermes de Kelp pourraient produire, sur 3% des océans du monde, l'énergie nécessaire à toute l'humanité en réabsorbant tout le CO2 émis par ces combustibles.

La création de puits de carbone sera soumise à acceptation par l'agence carbone, par exemple ils ne seront pas admis en dehors du périmètre de la comptabilité nationale, ils pourront être refusés en cas d'effets secondaires négatifs. C'est bien l'agence carbone qui attribue ou non des points carbone supplémentaires, sa gouvernance doit garantir son objectivité[49].

Effets pour l'emploi

L'avantage du dispositif de compte-carbone est d'abord de ne pas nécessiter a priori de subvention particulière pour atteindre la neutralité carbone. Au contraire, il stimule l'emploi à trois niveaux puis dans une émulation à tous niveaux.

Pour l'Agence carbone et ses 17 missions principales exposées ci-dessus il faut garantir un emploi stable sans aléa, comme pour des employés de contrôle aérien ou ferroviaire, organiser leurs activités et coordonner les bourses régionales. Il est estimé en première analyse un besoin de 50 000 postes pour couvrir ces fonctions sur l'ensemble du territoire y compris les DOM-TOM.

Pour les entreprises il est estimé que les commerçants, artisans, agriculteurs, PME de moins de 100 salariés, traiteront la question carbone avec leurs logiciels de caisse et leurs comptables. Ils pourront être accompagnés par des conseillers indépendants. Il pourra être fait appel aux Organismes de Gestion Agréée dont le périmètre d'action économique a été modifiée et dont la disponibilité est ainsi améliorée.

Pour les 17 000 entreprises de plus de 100 personnes, il apparaît nécessaire de spécialiser un poste de contrôleur de gestion carbone dans chaque établissement, probablement de recruter une personne volontaire et appropriée. Il est probable que 85 000 emplois puissent être créés dans ce sens (5 par entreprise en moyenne selon le nombre d'établissements). Ces postes seront économiquement justifiés par la différenciation concurrentielle carbone qu'ils contribueront à générer, et surtout à éviter la menace de faillite carbone explicitée plus haut (la situation de faillite carbone provient du manque de points carbone pour se procurer ses matières premières, parce que par exemple l'entreprise aura vendu à perte, c'est-à dire insuffisamment imputé ses clients en points carbone).

Toutes entreprises françaises nécessitent de valider leurs bilans par les Commissaires au compte, au nombre de 12 000 en France (l'ordre des Experts Comptables qui les englobe compte 35 000 personnes). La transparence carbone nécessite de la même façon de développer un corps de Commissaires au Compte Carbone, chargés du contrôle des bilans carbone de toutes entreprises, et rémunérés par les entreprises. Il est estimé un besoin similaire de 10 000 CCC. Le coût de ces prestations pourrait être couvert par l’État pour les trois premières années.

Enfin et surtout, le dispositif entraîne naturellement un avantage aux produits locaux sans transport et sans électricité carbonée. Il est estimé que l'agriculture nourricière pourrait créer 200 000 emplois. La production de vêtements pourrait créer 200 000 emplois. La production de cycles et remorques de livraison pourrait créer 500 000 emplois. Les recycleries et ressourceries pourraient créer 100 000 emplois. Les métiers de la réparation (garages, retrofit, électroménager) pourraient créer 200 000 emplois. La production de mobilier pourrait créer 100 000 emplois. La croissance des plaisirs des cinq sens (musique, chorales, théâtre et cirque, spectacle, gastronomie, parfum, œnologie et bière, herboristerie et plantations, animaux de compagnie, cafés-philo, tourisme vert...) pourrait créer 5 millions d'emplois non délocalisables. Le besoin de conseillers carbone pour les entreprises pourrait créer 100 000 emplois.

Mécanisme d'étalement pour investissements

Le contenu carbone d’un gros équipement ne peut être entièrement imputé sur une seule année et mérite d’être plutôt envisagé sur la durée de vie de l’équipement. Il reste possible qu'un consommateur achète des surplus carbone pour couvrir son investissement au comptant, mais sa généralisation provoquerait une demande forte sur les bourses carbone en augmentant brutalement le cours. Cette pratique devrait être encadrée.

Il est proposé que l’agence carbone utilise une méthode normalisée de calcul d’étalement fondée sur le taux de réduction annuelle des quotas : si on réduit la capacité de 6 % chaque année, la charge annuelle devrait décroître selon ce même taux[50].

L’outil rendu public permettra de comparer des investissements. Dans l'exemple d’une voiture responsable de 10 000 kg de carbone, soit 10 000 points, qui aurait une durée de vie de dix ans (soit la prévision basse concernant les voitures électriques[51]), l’Agence carbone amortirait ces 10 t par une imputation la première année de 1,3 t et la mise en compte de 8 700 points. L’imputation de deuxième année serait de1.22t, la troisième 1 149 kg, la quatrième 1 080, la huitième 840 et la dernière année 750 points[52]. Les valeurs sont proportionnelles à la capacité de l’année. La feuille de calcul applique la réduction de 6 % par an jusqu'à 2050 car il est supposé que l'équilibre carbone sera alors atteint et qu'il ne sera plus nécessaire de réduire les émissions : au-delà de 2050, l'étalement est constant.

S’il est décidé de revendre cette voiture après quatre ans, le vendeur devrait céder sa dette de carbone à l’acheteur. Dans l'exemple précédent, il reste au bout de ces 4 ans, 5 246 points qu’il faut transférer, en même temps que le certificat d’immatriculation.

Pour les entreprises qui investissent tous les jours, c’est l’expert-comptable qui contrôle le mécanisme d’étalement (qui se différencie de l’amortissement monétaire car il génère une dette carbone non linéaire).

Si un particulier est plus sobre que la moyenne, il peut souhaiter réduire son étalement plutôt que revendre des excédents. Il peut ainsi déclarer à l’Agence carbone un moindre étalement. S’il perd l’usage de son bien par vol ou accident, la déclaration d’assurance permet de libérer la dette carbone d’étalement (mais difficile pour les biens non assurés). La non revente d’excédents par ce citoyen sobre a pour effet mécanique d’augmenter le cours carbone, ce qui va dans le bon sens de l’incitation à réduire.

Pourquoi les pays européens n’arrivent pas à décarboner en raison du système fiscal

La situation française est assez représentative des systèmes européens : les taxes sur le travail y sont de 450 milliards d'euros et celles sur les machines sont de 4 milliards. Cela représente un rapport de un à cent, comme le souligne Philippe Bihouix[53]. Ainsi la réglementation fiscale ne peut qu’inciter à la mécanisation, nécessitant toujours plus d’énergie. Pourtant, il est nécessaire de collecter des taxes pour assurer les services et collecter cent fois plus sur les machines ne serait pas accepté. Le comptage carbone et sa mise en quota en aval du circuit économique pourrait être une voie de décarbonation.

Appel à référendum

La proposition de référendum pour mettre en place un dispositif de comptage carbone allouant un quota individuel qui va réduire d'année en année, doit être soutenue par 185 députés et 4 700 000 électeurs français.

Le texte en serait simple :

a) le climat est-il un bien commun mondial dont la préservation engage la responsabilité de chacun à la mesure de son impact ?

b) si oui, les engagements internationaux pris par la France, visant à réduire d’année en année de 6 à 7 % l'empreinte carbone globale, engagent-ils le peuple français et ses dirigeants ?

c) si oui, les émissions carbonées globales sont plafonnées et diminuent d’année en année. Comment gérer ce plafonnement ?

A- en fixant un prix du carbone assez élevé pour que la demande se trouve réduite dans les proportions souhaitées ?

B- en mettant aux enchères les quantités de carbone autorisées ?

C- en répartissant équitablement, entre tous, le volume plafonné sous forme de quotas annuels négociables, permettant à ceux qui font le plus d’effort de revendre une partie de leurs quotas à ceux qui veulent garder un mode de vie consommateur en carbone et ainsi préserver liberté et justice sociale ?

Dans ce principe, les soutiens du Compte Carbone militent naturellement pour Oui-Oui-C, les réponses A ou B étant connues pour leur injustice sociale.

La répartition des empreintes carbone entre tous les Français telle que montrée par l'étude de Piketty et Chancel[54] laisse penser que 65 % des Français sont nettement en dessous de la limite de 10 tonnes par personne alors que seulement 30 % sont nettement au-dessus ; ainsi, un référendum donnerait raison aux plus modestes en faveur du comptage carbone vers la neutralité : il leur ferait gagner des excédents.

Développement européen

Comme détaillé plus haut, de la même façon que le mécanisme de TVA créé en France et finalisé en 1967 a été rapidement adopté par tous les pays voisins puis mondiaux, il serait efficace pour la biosphère que tous les pays du monde adoptent un même mécanisme d'allocation carbone par comptage. Les agences carbone de chaque pays organiseront alors les échanges d'information pour la meilleure fluidité d'import-export. Les premiers pays concernés seraient les États membres de l'Union européenne.

Dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, il est proposé une coordination européenne des agences carbone nationales qui stimulerait leur gouvernance[55].

Références

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Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Calame, Petit traité d'oeconomie, ECLM Paris, .
  • Mathilde Szuba, Gouverner dans un monde fini : des limites globales au rationnement individuel, sociologie environnementale du projet britannique de politique de Carte carbone (1996-2010), Paris 1, (lire en ligne).
  • Armel Prieur, Compter, TheBookEdition (ISBN 978-2-9578140-0-8).

Articles connexes

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