Conférences entre la Gestapo et le NKVD

Les conférences entre la Gestapo et le NKVD furent une série de réunions organisées à la fin de 1939 et au début de l’année 1940[1],[2] dont le but était de permettre aux polices politiques nazies et soviétiques (la Gestapo et le NKVD respectivement) d’échanger des informations sur leurs activités en Pologne. En dépit de leurs antagonismes idéologiques, Heinrich Himmler et Lavrenti Beria avaient des objectifs communs en ce qui concernait le sort de la Pologne[3], et les conférences servirent à discuter de la coordination des plans d'occupation de la Pologne et de la répression de la résistance polonaise[4],[5].

La villa Palace à Zakopane aujourd'hui, ancien siège de la Gestapo avec des salles de torture (au sous-sol)

Sur quatre conférences[4], la troisième eut lieu dans les célèbres montagnes Tatras à Zakopane[1], dans le sud de la Pologne, et fut la plus mémorable (la Conférence Zakopane). Du côté soviétique, plusieurs officiers du NKVD participèrent à ces réunions, où les Allemands envoyaient un groupe d'experts de la Gestapo.

Prélude

Europe de l'Est en 1939-1940.

Après la signature du pacte germano-soviétique le , l'Allemagne attaque la Pologne le 1er septembre[6],[7]. L'Union soviétique envahit à son tour la Pologne le [6],[8]. Il en résulte la partition du pays en deux zones d'occupation, l'une allemande, l'autre soviétique, et la création d'une frontière de fait entre ces deux zones.

Première conférence

On sait peu de chose de cette réunion. Elle aurait eu lieu le à Brest, en Biélorussie actuelle, alors que certaines unités de l'armée polonaise se battaient encore. Les deux parties s'attendaient à ce qu'une résistance polonaise se constitue, et discutèrent des moyens de la combattre[2].

Deuxième conférence

Cette réunion eut lieu à la fin de , probablement à Przemyśl[2], une ville qui, entre et , fut partagée en une zone d'occupation allemande et une zone soviétique. Outre les moyens de combattre la résistance polonaise, les Soviétiques et les Allemands discutèrent des modalités d'échange des prisonniers de guerre polonais. De plus, les premières discussions sur l’occupation de la Pologne furent engagées. Certains historiens affirment que cette réunion eut lieu à Lwów[1],[3], au mois de décembre[5],[9].

Protocole secret du traité germano-soviétique d'amitié, de coopération et de démarcation. « Les deux parties ne tolèreront sur leur territoire aucune agitation polonaise qui affectera les territoires de l'autre partie. Elles supprimeront dans leurs territoires les prémices de cette agitation et s'informeront mutuellement des mesures appropriées dans ce but ».

Troisième conférence

Celle-ci est la plus connue, qui eut lieu à Zakopane[10], à partir du [5] dans la villa "Pan Tadeusz", située dans la rue Droga do Białego près de l'entrée de la vallée de Białego. La partie allemande était représentée par Adolf Eichmann et un fonctionnaire du nom de Zimmermann, qui devint plus tard chef du district de Radom du Gouvernement général. La délégation soviétique était dirigée par Grigori Litvinov et, parmi d'autres, Rita Zimmerman (directeur d'une mine d'or dans la région de Kolyma) et un nommé Eichmans[2].

Selon plusieurs sources, l'un des résultats de cette conférence fut la Ausserordentliche Befriedungsaktion allemande (voir : Opération extraordinaire de pacification)[11], l'élimination de l’intelligentsia de Cracovie lors de l’opération Sonderaktion Krakau et via le massacre de Katyń par les Soviétiques[5],[12]. En 1991, dans son livre Stalin: Breaker of Nations, l'historien britannique Robert Conquest déclarait : « les horreurs subies par tant de millions de personnes innocentes, juifs, slaves et autres européens, sont le résultat de cette réunion d’esprits diaboliques et sont une tache indélébile sur l'histoire et l'intégrité de la civilisation occidentale, avec toutes ses prétentions humanitaires ». De plus, le professeur George Watson de l'université de Cambridge concluait dans son commentaire « Rehearsal for the Holocaust? » (en ) que le sort des officiers polonais internés pouvait avoir été décidé lors de cette conférence[13],[14]. Cela est toutefois contesté par d'autres historiens, qui soulignent qu'il n'existe aucune preuve documentaire confirmant toute coopération sur cette question, et que les archives soviétiques existantes rendent effectivement une telle coopération improbable et qu'il est raisonnable de dire que l'Allemagne ne connaissait pas l’existence du massacre de Katyn jusqu'à ce que les cadavres fussent trouvés[15].

Quatrième conférence

La quatrième et dernière réunion eut lieu en à Cracovie[16] (selon certains historiens elle faisait partie de la Conférence Zakopane). Cet événement fut décrit par le général Tadeusz Bór-Komorowski, commandant de l'Armia Krajowa, dans son livre Armia Podziemna (L’armée secrète). Dans cet ouvrage, il décrit comment une délégation spéciale de NKVD venue à Cracovie s'entretint avec la Gestapo de la manière d’agir contre la résistance polonaise. Les négociations durèrent plusieurs semaines[17],[18].

La description de Bor-Komorowski est contestée par l'historien russe Oleg Vishlyov, qui, se basant sur des documents d'origine soviétique, affirme que la conférence n'impliqua ni le NKVD ni la Gestapo, mais les commissions soviétiques et allemandes qui s'occupaient des réfugiés dans les deux territoires occupés, et que le sujet des discussions était l’« échange de réfugiés ». Selon cet auteur, la conférence n'avait rien à voir avec la répression des Polonais ou avec le massacre de Katyn[19]. En fait, certains historiens soulignent que, malgré l’existence d'autres actions coordonnées, il n'existe aucune preuve d'une coopération germano-soviétique directe dans le massacre de Katyń lui-même[20].

Références

  1. « Soviet Deportations Of Polish Nationals - Photo Album I », Electronicmuseum.ca (consulté le ).
  2. « Voskresenie - Catholic Magazine », Voskresenie.niedziela.pl (consulté le ).
  3. Rees, Laurence (2008) World War Two Behind Closed Doors BBC Books (ISBN 978-0-563-49335-8)
  4. « Poland: Communist Era », CommunistCrimes.org (consulté le ).
  5. « NEIGHBOURS ON THE EVE OF THE HOLOCAUST POLISH-JEWISH RELATIONS IN SOVIET-OCCUPIED EASTERN POLAND, 1939-1941 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Electronicmuseum.ca (consulté le ).
  6. Zaloga, S.J. (2003) Poland 1939 Osprey (ISBN 1-84176-408-6)
  7. « 1 September - This Day in History »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Thehistorychannel.co.uk (consulté le )
  8. Davies, N. (1986) God's Playground Volume II Oxford University Press (ISBN 0-19-821944-X) Page 437
  9. « de beste bron van informatie over polands holocaust. Deze website is te koop! », polandsholocaust.org (consulté le )
  10. « Warsaw Uprising Witnesses: Dr. Jan Moor-Jankowski », Warsawuprising.com (consulté le ).
  11. http://www.mp.gov.si/fileadmin/mp.gov.si/pageuploads/2005/PDF/publikacije/Crimes_committed_by_Totalitarian_Regimes.pdf.
  12. Conquest, Robert (1991). Stalin: Breaker of Nations Phoenix (ISBN 1-84212-439-0) Page 229.
  13. Louis Robert Coatney. The Katyn Massacre.
  14. George Watson. Rehearsal for the Holocaust?.
  15. See e.g. Slawomir Kalbarczyk, "Zbrodnia Katynska po 70 latach: krotki przeglad ustalen historiografii" (in Zbrodnia Katynska. W kregu prawdy i klamstwa, IPN, Warszawa, 2010, pp. 18-19); Witold Wasilewski, "Współpraca sowiecko-niemiecka a zbrodnia katyńska" in Pamięć i Sprawiedliwość, 2009, nr.1.; О.В. Вишлёв, Накануне 22 июня 1941 года, М.: Наука, 2001, с.119-123; N. Lebedeva, A. Cienciala, W. Materski, Katyn: a crime without punishment, Yale University Press, 2007, p. 143.
  16. Stenton, M. Radio London and Resistance in Occupied Europe Oxford,2000 (ISBN 978-0-19-820843-3) page 277.
  17. Bór-Komorowski, T. (1950). The Secret Army Victor Gollancz Page 46.
  18. « Nazi-Soviet complicity in Molotov-Ribbentrop Pact especially blatant in NKVD-Gestapo co-operation - EWR », Eesti.ca (consulté le ).
  19. О.В. Вишлёв, Накануне 22 июня 1941 года, М.: Наука, 2001, с.119-123.
  20. See e.g. Slawomir Kalbarczyk, "Zbrodnia Katynska po 70 latach: krotki przeglad ustalen historiografii" (in Zbrodnia Katynska. W kregu prawdy i klamstwa, IPN, Warszawa, 2010, pp. 18-19); Witold Wasilewski, "Współpraca sowiecko-niemiecka a zbrodnia katyńska" in Pamięć i Sprawiedliwość, 2009, nr.1.; N. Lebedeva, A. Cienciala, W. Materski, Katyn: a crime without punishment, Yale University Press, 2007, p. 143.

Bibliographie

  • Bor-Komorowski, Tadeusz (1951). "The Secret Army". New York, N.Y.: Macmillan. OCLC: 1524738
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