Pierre de Rosteguy de Lancre

Pierre de Rosteguy de Lancre est un magistrat français, né à Bordeaux en 1553, et mort à Loubens en 1631. Il est surtout connu pour avoir participé à un épisode de chasse aux sorcières dans le Labourd, au Pays basque.

Pierre de Rosteguy de Lancre
Fonction
Juge
Biographie
Naissance
Décès
Activités
Bordeaux, musée d'Aquitaine, armoiries de la famille de Lancre, XVIIe siècle.

Biographie

Famille

Issu d'une famille de marchands de Juxue, en Basse-Navarre, connue depuis 1510, il est fils d'Étienne de Rosteguy, conseiller du roi et seigneur de Lancre, et de Marguerite de Beziat de Nozières. Après des études de droit et de théologie en France, puis en Bohème et à Turin, il devient, le , conseiller au Parlement de Bordeaux.

En 1588, il épouse Jeanne de Mons, la petite-nièce de Montaigne. Il a, hors mariage, un fils connu sous le nom de père Bienassis. Son frère Étienne de Rosteguy de Tastes laissant lui aussi un enfant naturel, ses héritiers seront les fils aînés des enfants de ses deux sœurs Catherine et Marie, respectivement mariées au noble Florimond de Raymond, conseiller au parlement de Bordeaux, et au noble Jean-Jacques de Spens d'Estignols, conseiller au parlement de Bordeaux, sous condition d'ajouter à leur nom celui de Lancre et d'écarteler leurs armoiries en y ajoutant ses armes : d'azur à 3 ancres d'or, posées 2 et 1. Il convient donc de ne pas confondre ces trois familles Rosteguy de Lancre (éteintes au XVIIe siècle), Raymond de Lancre et de Spens d'Estignols de Lancre (branche cadette éteinte au XIXe siècle des barons de Spens d'Estignols).

Son neveu Jean-Jacques de Spens d'Estignols hérite du château de Tastes qui resta dans cette famille jusqu'au début du XIXe siècle. Ce château, rebaptisé Malromé devient la propriété de la famille de Toulouse-Lautrec ; le peintre Henri de Toulouse-Lautrec y meurt le .

La mission en Labourd

Le , le roi Henri IV, saisi par des habitants du Labourd, envoie une lettre au parlement de Bordeaux nommant le conseiller Pierre de Rosteguy de Lancre pour aller juger des actes en Béarn. Une seconde lettre signée du roi est envoyée au même parlement de Bordeaux le et modifie la composition de la commission royale en nommant deux commissaires : messire Jean d'Espagnet, « conseiller au Conseil d'État et président en notre cour du parlement de Bourdeaux », et messire Pierre de Rosteguy de Lancre, « aussi notre conseiller en notre dite cour et parlement ». Un échange de lettres intervient entre le parlement et le roi qui émet une lettre de jussion en date du , et le parlement enregistre les lettres royales des et , le .

Cette commission doit « purger le pays de tous les sorciers et sorcières sous l'emprise des démons », faire la lumière, en particulier à Saint-Jean-de-Luz, sur les actes et les mœurs réputés libres des femmes de marins en l'absence de leurs maris, et sur les comportements des guérisseuses et cartomanciennes. Le roi fixe la fin de sa mission au . Cette mission commence le à Bayonne, mais très vite Pierre de Rosteguy de Lancre se retrouve seul, le roi envoyant Jean d'Espagnet régler un différend entre pêcheurs français et espagnols.[réf. nécessaire]

Cet épisode de chasse aux sorcières restera dans les mémoires, et la légende en amplifiera quelque peu les dimensions. Un dénommé Reuss, dans un ouvrage sur la sorcellerie publié en 1872, parle de six cents personnes torturées, puis exécutées, parmi lesquelles des femmes, des enfants, des prêtres. En réalité, l'ampleur de l'opération fut moindre : les études publiées en 1938 dans la revue du Musée de Bayonne, lors de la grande exposition de 1938 sur la sorcellerie, ramènent ces chiffres entre soixante et quatre-vingts exécutions, avec l'audition de quatre à cinq cents témoins à Saint-Pée-sur-Nivelle[1]. La commission, contrairement à ce qu'affirme la légende, dura seulement quatre mois : fin septembre, les marins revinrent de Terre-Neuve et s'opposèrent violemment à certaines exécutions. La plus grande émeute eut lieu lors de l'exécution de Marie Bonne. La mission finit le , contrairement aux ordres du roi. Des sorcières du Labourd furent emprisonnées au fort du Hâ jusqu'en 1610 en provenance de nombreuses paroisses et de villes, dont Dax. En 1613, il y en avait encore qui attendaient d'être jugées par le parlement de Bordeaux.

Rostéguy de Lancre est également connu pour cette observation, faite pendant sa mission, concernant les bains de mer de Biarritz, qu'il juge contraires à la morale : « ce mélange de grandes filles et de jeunes pêcheurs qu'on voit à la côte en mandille, et tout nus en dessous, se pêle-mêlant dans les ondes […] ».

En 1612, il devient conseiller du roi, membre du Conseil d'État. Il meurt en 1631 à Loubens.

Postérité

Créateur du mythe du sabbat des sorcières, ses écrits ont grandement contribué à véhiculer à travers les siècles une vision caricaturale et fantasmée de la sorcière – séductrice, dansant nue et pactisant avec le diable[2] :

« Leurs cheveux voletant sur les épaules et accompagnants les yeux de façon qu’elles semblent beaucoup plus belles en cette naïveté et ont plus d’attraits. […] Elles ont cette belle chevelure, tellement à leur avantage que le soleil y étend ses rayons, l’éclat est aussi violent et forme d’aussi brillants éclairs qu’il fait dans le ciel. […] Elles sont aussi dangereuse en amour qu’en sortilège ». « Le Diable se représente en bouc au sabbat. […] Il s’accouple sous cette forme avec [les sorcières] »[3].

Ses arguments sont parfois surprenants comme son analyse sur Pays basque, qu'il finit par considérer dans son ensemble comme un pays de sorciers :

« Et enfin c’est un pays de pommes, elles ne mangent que des pommes. […] Ce sont des Eve qui séduisent volontiers les enfants d’Adam »[2]

Œuvres

  • Tableau de l'inconstance et instabilité de toutes choses (1607)
  • Tableau de l'inconstance et instabilité... revu et corrigé et augmenté d'un livre nouveau de l'inconstance de toutes les nations principales d'Europe (1610)
  • Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons : première édition (1612), rééditée en (1613)[4] et en (1982) par les éditions Aubier, collection Palimpseste.
  • Le Livre des princes contenant plusieurs notables discours pour l'instruction des Roys, Empereurs et Monarques (1617)
  • Incrédulité et mescréance du sortilège plainement convaincue (1622)
  • Du sortilège (1627)

Dans la culture populaire

Le film Les Sorcières d'Akelarre (titre original Akelararre, 2020), de Pablo Agüero, est inspiré par la chasse aux sorcières menée dans le Labourd par Pierre de Lancre, s'appuyant directement sur les éléments fournis par son livre Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons (1612)[5]. Le rôle de Pierre de Lancre y est tenu par Àlex Brendemühl.

Sources et bibliographie

  • Le Conseiller Pierre de Lancre, par Communay (1890)
  • Les Procès en sorcellerie, par Roland Villeneuve (1979)
  • Sorciers et sorcières en Gascogne et Pays basque par François Bordes (1999)
  • Le Juge et la Sorcière par Joëlle Dusseau (2002)
  • Claude Labat, Sorcellerie ? : Ce que cache la fumée des bûchers de 1609, Donostia; Bayonne, Elkarlanean; Igela, , 96 p. (ISBN 9788497836616 et 8497836618, OCLC 495056631)
  • « Aux confins du Royaume » : l'État moderne, la société basque et la sorcellerie au travers du regard de Pierre de Lancre (1553-1631), Bayonne, Colloque consacré à la sorcellerie, , 21 p. (lire en ligne)
  • Josane Charpentier, Petite histoire de la sorcellerie au Pays basque à l'époque de Pierre de Lancre, Cairn, , 208 p. (ISBN 978-2-35068-796-4)

Notes et références

  1. http://photos.piganl.net/2012/pyr_pee/pee.php
  2. Audrey Gleonec, « Quand Bordeaux était une capitale de la chasse aux sorcières », sur Rue89Bordeaux,
  3. Pierre de Lancre, De l’inconstance des démons,
  4. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1516397v
  5. Audrey Gleonec, « Quand Bordeaux était une capitale de la chasse aux sorcières », sur Rue89Bordeaux,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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