Construction sociale des technologies

La construction sociale des technologies (Social construction of technology ou SCOT) est un domaine de recherches sociologiques issu du constructivisme social qui étudie la place qu'occupent les facteurs sociaux dans le développement des techniques et du progrès scientifique et technique. Cette démarche, issue de chercheurs anglo-saxons dans les années 1980, tente de montrer l'importance des interactions entre la société et le monde scientifique/technique et vice versa.

Pour les articles homonymes, voir SCOT (homonymie).

Résumé sommaire de la théorie

L'analyse critique du modèle déterministe a amené les chercheurs Trevor Pinch et Wiebe Bijker à développer l'approche de la construction sociale des technologies (Social construction of technology, SCOT). Le modèle SCOT[1] avance que le progrès scientifique et technique sont fabriqués socialement. Par exemple, le gouvernement a son rôle à jouer en favorisant les contacts inter-entreprises, en soutenant les entreprises et en assurant un contexte adéquat pour l'innovation (ex : bon système d'éducation, recherche publique de qualité, fiscalité et réglementation adéquate). Il faut aussi prendre en considération les besoins de la population et la manière dont ils perçoivent l'innovation. Bref, le modèle SCOT s'efforce de représenter toute la complexité des interactions entre les différents groupes sociaux qui prennent part à l'innovation technologique.

Analyse détaillée de la théorie

Le point de départ de cette théorie est la critique de l'approche déterministe de l’innovation technologique qui affirme que l’innovation technologique est développée par des individus, et ce, de manière autonome. Cette approche affirme que la technologie détermine en grande partie l’aspect social. De par sa définition, cette approche est diamétralement opposée au modèle SCOT[2]. L’approche déterministe se base sur un modèle linéaire de l’innovation technologique. « Linéaire » fait référence à la croyance que la science influence la technologie qui à son tour a un impact sur la société.

Le modèle linéaire représente mal les relations d'interdépendance entre les différents intervenants qui prennent part à l'innovation technologique de nos jours. La technologie a un impact sur la société, mais puisque les deux entités sont indissociables, l’interaction entre les deux est à double sens.

À la suite du constat des lacunes de l'approche déterministe, Pinch et Bijker ont développé le modèle SCOT, qui représente mieux la réalité d'aujourd’hui. Les auteurs se sont inspirés de trois mouvements, soit les mouvements STS (Strong Technological Program in Society), SSK (Sociology of Scientific Knowledge)[3] et l'histoire de la technologie. Dans un sens strict, la théorie du développement social fait référence aux travaux de Pinch et Bijker (1984), mais couramment, on utilise le terme SCOT dans un sens plus large sans faire référence à une approche particulière, car plusieurs auteurs ont écrit sur ce concept.

De par la multiplicité des auteurs, il existe donc plusieurs versions du modèle SCOT. Certains ne font qu’une brève allusion à l'importance du contexte social dans le progrès technique, alors que d'autres avancent que la science et la technologie sont construites socialement. Les innovations sont créées dans un contexte social, mais à quel point la société les influence ? Néanmoins, ce n'est jamais la société en général qui découvre et innove, mais plutôt des groupes d’individus bien spécifiques appelés groupes sociaux correspondants.

Les deux chercheurs Pinch et Bijker[4], lors de l'élaboration du modèle SCOT, ont utilisé une démarche « constructiviste ». Ils ne remettent pas en question la véracité des découvertes scientifiques et des innovations technologiques, qui sont plutôt étudiées comme des accomplissements en soi. Ils analysent une technologie non fonctionnelle du même œil qu'une qui est fonctionnelle. Ce ne sont pas les propriétés intrinsèques des accomplissements, mais plutôt l'étude des facteurs qui ont rendu possible leur construction qui les intéresse.

Afin de s’assurer de l'exactitude du modèle, ils ont procédé à des analyses de cas sur des exemples spécifiques. Ils ont d'abord considérés les cas les plus difficiles, par exemple, prouver que la technologie d'une lampe ou d’une bicyclette est construite socialement. Puis, ils se sont attaqués à des exemples ou l'interaction société/technologie est plus évidente, par exemple, les choix politiques qui ont amené à une accumulation des déchets radioactifs. Cette analyse a permis d’accumuler les évidences en faveur du modèle. Celui-ci semble bien s’appliquer à la réalité.

Frederik Van De Walle[5]étend l'étude des technologies du cycle pour reconstruire la conception des modes de transport.

La théorie SCOT fait état de concepts fondamentaux, soit le groupe social correspondant, la flexibilité interprétative, le contexte technologique et le degré de familiarité. Un artefact est regardé sous l'angle d'un groupe social correspondant. La perspective diffère selon le groupe social. Par exemple, une même invention peut être perçue comme dangereuse tandis qu'un autre groupe social peut la trouver utile ou amusante. On examine ensuite la variation de la flexibilité interprétative, qui converge vers une perception commune de l’objet. Lorsqu’il y a eu convergence des points de vue, on est en présence d’une innovation construite socialement. Par exemple, le réfrigérateur est maintenant perçu par tous comme un électroménager essentiel, mais il y a plusieurs années, il aurait pu être perçu comme une simple curiosité, un objet de luxe et de prestige peu utile et fort cher. Le contexte technologique des individus et de l'époque influence grandement la perception du groupe social en question. De plus, une même personne peut faire partie de plusieurs groupes sociaux. Un chercheur peut aussi être un consommateur, un étudiant et membre d’un groupe de travail.

L'impact de la technologie sur le groupe social dépendra grandement du degré de familiarité des gens. L'impact de l'ordinateur sur l'analyste programmeur est fort différent de l'impact sur un citoyen moyen. Ainsi, la contribution, d'un groupe envers la technologie (et vice versa) varie grandement dépendamment du degré de familiarité de l’individu. Néanmoins, les points de vue des groupes sociaux sont traités selon une perspective égalitaire par le sociologue.

SCOT met en lumière l'interaction mutuelle avec la société et la technologie qui mène à la construction de l'innovation technologique. Un tel modèle semble adéquat ; il permet de bien représenter toute la complexité des interactions entre les différents groupes sociaux qui prennent part à l’innovation technologique.

En somme, trois moments caractérisent l'analyse proposée par la construction sociale des technologies[2]:

  • L'analyse sociologique d'un artefact afin de démontrer sa flexibilité interprétative.
  • La description de la construction sociale.
  • L'explication de cette construction sociale selon le contexte technologique et selon les différents groupes sociaux (p. 15526).

Bibliographie

  • Trevor Pinch et Wiebe Bijker, The Social Construction of Facts and Artefacts, p. 15522 à 15527). (1984)
  • Frederik Van De Walle, « The Velomobile as a Vehicle for more Sustainable Transportation, Reshaping the social construction of cycling technology » version en ligne

Articles connexes

Notes et références

  1. (en) Trevor J. Pinch et Wiebe E. Bijker, « The Social Construction of Facts and Artefacts: or How the Sociology of Science and the Sociology of Technology might Benefit Each Other », Social Studies of Science, vol. 14, no 3, , p. 399–441 (ISSN 0306-3127 et 1460-3659, DOI 10.1177/030631284014003004, lire en ligne, consulté le )
  2. Pierre Doray, « Construction sociale des technologies », dans Sciences, technologies et sociétés de A à Z, Presses de l’Université de Montréal, (ISBN 978-2-7606-3495-4, DOI 10.4000/books.pum.4276, lire en ligne), p. 57–61
  3. Steven Shapin, « Here and Everywhere: Sociology of Scientific Knowledge », Annual Review of Sociology, vol. 21, no 1, , p. 289–321 (ISSN 0360-0572 et 1545-2115, DOI 10.1146/annurev.so.21.080195.001445, lire en ligne, consulté le )
  4. Bijker, Wiebe E. Hughes, Thomas Parke. Pinch, Trevor, 1952-, The social construction of technological systems : new directions in the sociology and history of technology, MIT Press, , 425 p. (ISBN 978-0-262-51760-7, 0-262-51760-4 et 978-0-262-30162-6, OCLC 806438413, lire en ligne)
  5. (en) Frederik Van De Walle, The Velomobile as a Vehicle for more SustainableTransportation (lire en ligne)
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