Coup d'État de 1964 en Bolivie

Le coup d’État de 1964 en Bolivie désigne les événements du 3 au 4 novembre 1964 qui aboutissent au renversement du président Victor Paz Estenssoro, chef de la Révolution Nationale bolivienne de 1952 récemment élu pour son troisième mandat, par le vice-président René Barrientos et le commandant en chef de l'armée bolivienne Alfredo Ovando Candía.

Contexte

Entre 1960 et 1964, les États-Unis augmentent de 600% leur aide financière à la Bolivie dans le cadre de l'Alliance pour le progrès, accordant 205 millions de dollars d'aide économique et 23 millions de dollars sous forme de prêts divers. Les 35 premiers volontaires du Peace Corps arrivent au début de l'année 1962. L'augmentation des prix mondiaux de l'étain contribue à stabiliser l'économie bolivienne qui avait manqué de s'effondre pendant la première présidence de Paz Estenssoro. Entre 1961 et 1965, le PNB bolivien augmente de 5,7% par an en moyenne[1].

En vertu des amendements constitutionnels de 1961, Paz Estenssoro décide de se présenter pour un troisième mandat. Le vice-président de gauche Juan Lechin, rival de Paz Estenssoro pour l'élection présidentielle de 1964, est contrait de démissionner de son poste de vice-président et est envoyé en Italie en tant qu'ambassadeur. Juan Lechin quitte alors le MRN pour former le Parti révolutionnaire de la gauche nationaliste.

Après qu'Estenssoro a emprisonné plusieurs militants syndicats, les mineurs des mines de Catavi avaient réagi en saisissant un groupe d'otage dont quatre citoyens américains. L'événement marqua une rupture d'alliance entre le MRN de Paz Estenssoro et les mineurs, qui s'était déjà amorcée en 1942.

L'armée bolivienne, reconstruite et agrandie au cours des dernières années, offrait une base de puissance alternative à Paz Estenssoro. Après quelques hésitations, le général de l'armée de l'air Barrientos fut choisi par Paz Estenssoro comme candidat aux élections de mai 1964, et l'armée s'impliqua davantage dans la politique.

Au cours des six mois suivants, les troubles internes n'ont cessé d'augmenter, alors que les mineurs se mettaient en grève et se révoltaient. Divers politiciens, dont Lechin, demandent alors à Barrientos d'intervenir. Fin octobre, Paz Estenssoro demande à l'armée de réprimer une soulèvement de mineurs près d'Oruro. Après des affrontements armés entre les forces militaires et les mineurs le 28 octobre, Barrientos et Ovando décident de frapper et lancent leur coup d'Etat le 3 novembre[1].

Le coup d’État

Le coup d’État commence tôt dans la matinée du 3 novembre alors que des troupes du régiment Ingavi se rebellent à La Paz. Le soir, toutes les principales unités militaires soutenaient le coup d’État et dans l'après-midi du 4 novembre, Paz Estenssoro et sa famille étaient exilés à Lima, alors que Barrientos et Ovando établissaient leur junte. Des affrontements sporadiques entre la milice ouvrière et l'armée se déclarent mais sont rapidement maîtrisés. Ovando affirme publiquement la formation de la junte, mais le soir du 4, le vice-président le plus populaire et constitutionnellement acceptable, Barrientos, devient le chef de l'Etat[2].

Après le coup d’État

Paz Esenssoro et ses politiques économiques soutenues par les États-Unis s'étaient aliéné les mineurs radicaux, certains politiciens du MRN comme les anciens dirigeants du parti, Lechin et Guevara, soutiennent le coup d’État, Guevara devenant le ministre des Affaires étrangères en 1967.

Une semaine après le coup d’État, Barrientos exige que les milices de mineurs et d'ouvriers rendent les armes qu'elles possédaient depuis la Révolution du 9 avril 1952. Des conflits prolongés s'ensuivent. Afin de réduire les pertes des mines appartenant à l’État, les salaires des mineurs sont réduits de 50%. César Lora, chef des mineurs de la mine Siglo XX, est tué le 29 juillet 1965[3]. A la fin de 1965, un Conseil démocratique populaire de l'opposition de gauche est formé[4].

Co-présidence

Barrientos manquait d'autorité suffisante pour se faire rapidement élire président. Le 7 mai 1965, il annonce le report indéfini des élections de septembre et se concentre sur l'élimination de ses opposants de gauche. Il envoie des troupes pour prendre le contrôle des mines d’État de COMIBOL et déporte son ancien partisan Juan Lechin. Les affrontements armés avec les mineurs créent une scission ouverte entre Barrientos et Ovando, ce dernier retirant les troupes de certaines des mines occupées. Le 26 mai 1965, Ovando est installé comme coprésident et commandant en chef des forces armées avec Barrientos dans un effort pour empêcher la scission dans la junte au pouvoir et les forces armées entre les éléments de gauche et de droite[5].

En 1966, Barrientos reçoit une aide financière secrète des États-Unis du fait que les titulaires de charge publique doivent démissionner de leurs fonctions 180 jours avant les élections. Barrientos ayant suivi cette règle, cela le laisse sans moyens de poursuivre une campagne électorale. Pendant ce temps, Ovando occupe le poste de président de la Bolivie[6]. Dans élections ont lieu en juillet 1966 et Barrientos, en tant que candidat présidentiel du Front de la Révolution bolivienne, l'emporte avec 67% des voix. Il est investi officiellement le 6 août 1966.

Implication des États-Unis

Les données officiellement publiées montrent que les dépenses secrètes des États-Unis en Bolivie entre l'année fiscale 1963 et l'année fiscale 1965 sont les suivants : 1963 - 337 063 dollars ; 1964: 545 342 dollars ; 1965: 287 978 dollars. La majeure partie des capitaux a servi à soutenir les ailes centrales et droitières du parti au pouvoir, le MRN[7].

Dès après le coup d’État, la CIA aurait versé 600 000 $ US à la campagne électorale de Barrientos en 1966 et Gulf Oil Corp. a fait don de 460 000 $ US supplémentaires entre 1966 et 1969[8].

Notes et références

  1. (en) Kenneth Duane Lehman, Bolivia and the United States: A Limited Partnership, University of Georgia Press (ISBN 9780820321165, lire en ligne)
  2. « Foreign Relations of the United States, 1964–1968, Volume XXXI, South and Central America; Mexico - Office of the Historian », sur history.state.gov (consulté le )
  3. Victor Montoya, « César Lora, Workers' Leader and Martyr »
  4. (en) John Steven Sandor, Permanent Revolution on the Altiplano: Bolivian Trotskyism, 1928-2005 (ISBN 9780542845345, lire en ligne)
  5. « Foreign Relations of the United States, 1964–1968, Volume XXXI, South and Central America; Mexico - Office of the Historian », sur history.state.gov (consulté le )
  6. « Foreign Relations of the United States, 1964–1968, Volume XXXI, South and Central America; Mexico - Office of the Historian », sur history.state.gov (consulté le )
  7. « Foreign Relations of the United States, 1964–1968, Volume XXXI, South and Central America; Mexico - Office of the Historian », sur history.state.gov (consulté le )
  8. (en) William Blum, Killing Hope: US Military and CIA Interventions Since World War II, Zed Books (ISBN 9781842773697, lire en ligne)
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