Crise hospitalière en France

Crise des urgences hospitalières

Affichage à l'entrée des urgences de l'hôpital de Voiron (Isère) indiquant un « fonctionnement adapté » c'est à dire une fermeture du service, hormis les urgences vitales entre 20 heures et 8 heures (juin 2022).
Manifestant hospitalier devant l'hôpital de Trévenans (05 août 2021).

La crise hospitalière en France, également dénommée « crise du système de santé français » par la Fédération hospitalière de France[1], est une crise politique, économique et sanitaire qui secoue la France (depuis les années 1970 ou les années 1980, selon les sources) et qui, selon cette association et d'autres structures syndicales ou politiques, montre des signes d'aggravation depuis le début de la pandémie de Covid-19 survenue dans ce pays au début de l'année 2020. Cet événement est également qualifié de « crise des urgences » par la presse, dont notamment le journal Le Monde qui qualifie le dysfonctionnement de nombreux services d'urgences comme un symptôme supplémentaire de la crise des hôpitaux[2].

Depuis le début de l'année 2022, des articles de presse, évoquant la fermeture d'un grand nombre de services d'urgences hospitalières d'hôpitaux publics français, présentent ce fait, sans précédent, dans le pays, comme la preuve d'une crise majeure du système hospitalier.

De nombreuses reformes se sont pourtant succédé durant les décennies précédentes dont la réforme de la tarification à l'activité (T2A) en 2004 qui s'inscrivait dans un désir politique d'améliorer le système de santé en instaurant une nouvelle forme de financement et de management mais qui n'empêchera pas la crise de s'amplifier.

Contexte actuel

Pour un article plus général, voir Système de santé français.

Le , la FHF publie sur son site un communiqué indiquant que « Les hospitaliers demandent au gouvernement des mesures fortes et urgentes pour répondre à la crise du système de santé ». Ses représentants ont précisé avoir rencontré, ce même jour la ministre de la santé Brigitte Bourguignon et précisent alertée sur la « situation critique des hôpitaux publics, symptôme de la crise de l’ensemble du système de santé »[3]. Durant l'entretien avec la ministre, le président de la fédération hospitalière précise que la quasi-totalité des établissements hospitaliers enregistre des difficultés pour recruter des infirmiers et des aide soignants, que ce soit de manière permanente ou ponctuelle[4]. Selon les estimations de cette même fédération, plus de trois millions de séjours hospitaliers n'ont pu être réalisés durant les années 2020 et 2021, en précisant qu'en 2022, « l'activité continue à diminuer à l'hôpital public »[5].

Selon les chiffres fournies par la DREES, au , le secteur hospitalier français est constitué de 3 008 structures disposant de capacités d’accueil en hospitalisation complète (comptées en lits) ou partielle (donc sans nuitée, comptées en places). En 2019, le secteur hospitalier a pris en charge 11,7 millions de séjours en hospitalisation complète et 17,6 millions de journées en hospitalisation partielle (sans nuitée). À ces prises en charge s’ajoutent 14,2 millions de séances de chimiothérapie, radiothérapie et dialyse, en augmentation de 2,5 % par rapport à 2018 et de 19,3 % entre 2013 et 2019[6].

En 2020, selon des chiffres fournis par la FHF, le taux d’absentéisme dans les hôpitaux français se situait en moyenne entre 9,5 % et 11,5 %, contre un niveau entre 8,5 % et 10 % en 2019, avant la crise de la Covid-19, confirmant ainsi que la pandémie n'a fait qu'amplifier un phénomène déjà prégnant dans le milieu hospitalier puisqu'en 2019, le pays connaissait un taux d’absentéisme de 5,11 % en 2019 pour l'ensemble des branches professionnelles salariées[7].

Historique

Période 1980 - 2000

Selon un article de l'économiste de la santé Jean-Paul Domin[8], publiée en 2015, La période qui commence à la fin des années 1970 correspond à une nouvelle façon de penser l’hôpital en transposant le modèle néo-classique de l’entreprise aux structures publiques, entrainant une bureaucratisation plus intense, appuyé par l'autorité de tutelle qui analyse essentiellement le fonctionnement de l'hôpital par une analyse des coûts et une politique de rentabilité. Dans les années 1980, l'idée que les établissements hospitaliers doivent être gérés comme des entreprises commerciales en s’inspirant de méthodes managériales, cette logique étant largement défendue par Jean de Kervasdoué directeur des hôpitaux au ministère de la Santé de 1981 à 1986.

Cet économiste de la santé lance en 1983 le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Ce système n'est généralisé qu'à partir de 1995. C'est à partir de la mise en œuvre du PMSI que la tarification à l'activité est développée. Les réformes mises en œuvre à l'hôpital à partir de la fin des années 1990 s’inscrivent dans un référentiel clairement marqué par la nouvelle gestion publique (new public management), favorisant ainsi l’essor de la contractualisation en occultant les spécificités de l’hôpital public qui ne fonctionne pas uniquement selon un principe marchand[9]

Période 2000 - 2020

Protestations contre la fermeture des urgences à Saint-Calais (Sarthe) en 2018

À la suite de la mise en œuvre d'un nouveau mode de financement en 2004 et du plan Hôpital 2007, le , les présidents de comités consultatifs médicaux (CCM) des hôpitaux de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) adressent, à la ministre de la Santé une lettre ouverte intitulée Sauver l'hôpital public. Ils dénoncent des « restrictions budgétaires sans objectifs médicaux ni de santé publique clairement identifiés » et les « économies à très court terme et à tout prix », jugeant que la « qualité » et l'« accès aux soins pour tous » allaient « pâtir » de cette réduction des dépenses[10].

Le , la loi HPST, également dénommée « Loi Bachelot », du nom de la ministre de la santé du gouvernement François Fillon est promulguée[11]. Elle renforce les compétences des directeurs des établissements publics hospitaliers en lui transférant l'essentiel des pouvoirs détenus auparavant par les conseils d'administration. Le texte supprime également le conseil exécutif et le remplace par un directoire qui conseille le directeur de l’établissement dans la gestion et la conduite de l’établissement. Les agences régionales de santé (ARS) sont créées le même jour[12].

Entre l'automne 2013 et l'hiver 2014, les sages-femmes, soutenues par plusieurs organisations syndicales et associations représentatives, lancent un mouvement de grève qui touchera près de 90 % des maternités de France, lequel s'essoufflera progressivement sans obtenir de réponse véritable à l'ensemble des revendications soutenues par l'ensemble de la corporation entraînant un certain ressentiment à l'égard des pouvoirs publics[13].

En janvier 2017, l’interne Sabrina Ali Benali, publie une vidéo sur son compte Facebook dans laquelle elle interpelle la ministre de la Santé Marisol Touraine, à la suite d'un communiqué de la ministre qui évoque un état d'urgence hospitalière dû à l'épidémie de grippe. L'interne rétorque que « C’est tous les jours l’état d’urgence à l’hôpital, Mme Touraine »[14]. Elle publie l'année suivante un livre La révolte d'une interne où elle précise dans la quatrième de couverture « les immenses failles qui fissurent l’institution hospitalière »[15].

En janvier 2018, le Pr Philippe Juvin, chef du service des urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou et membre du parti Les Républicains, précise dans un article publié sur le site du Figaro que l'épidémie de grippe de cet hiver a entraîné une nouvelle « submersion des services d'urgences ». Il ajoute que ces services sont de moins en moins capables de faire face à des situations de crise, pourtant prévisibles[16].

À l'occasion d'une question orale du sénateur Sébastien Meurant, publiée dans le Journal Officiel du Sénat du , celui-ci précise que le 26 avril 2019, le Président de la République déclarait ne plus vouloir fermer d'hôpitaux sans l'accord des maires. mais toujours selon ce sénateur, membre, à l'époque, du groupe Les Républicains, l'année 2020, a enregistré 25 fermetures d'établissements et la suppression de plus de 5 700 lits. Ce fait est confirmé par Michèle Leflon, présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité (CNCDHMP), qui évoque dans une interview publiée dans La Gazette des communes, de nombreuses fermetures d'unités hospitalières, notamment dans des petites villes de province.

En octobre 2019, le ministère de la Santé français publie un communiqué qui précise que près de 4 200 lits d'hospitalisation complète ont été fermés l'année précédente dans l'ensemble des établissements de santé français, avec cependant la création de plus de 1 800 places d'hospitalisation partielle durant la même période, confirmant ainsi que la priorité a été donnée aux places d'hospitalisation de jour et à l'hospitalisation à domicile[17].

Période 2020 - 2022

Le , 1 000 chefs de service et de structures déclarent démissionner de leurs fonctions administratives, à l'appel du Collectif inter-hôpitaux (CIH). Ces professionnels de la santé demandent, dès lors, la tenue d’un « Grenelle de l’hôpital public » pour répondre à leurs préoccupations. Ils revendiquent une « revalorisation significative des salaires » ainsi qu'un arrêt de la politique de restrictions économiques à l'égard des hôpitaux[18].

Les trois premiers cas de Covid-19 sont officiellement recensés quelques jours après cette décision collective des chefs de service, soit le 24 janvier 2020. La barre des 1 000 cas confirmés est franchie le dimanche , confirmant l'étendue de la pandémie dans ce pays. Le nombre des 1 000 morts en contexte hospitalier est dépassé le 24 mars. Selon Odessa Dariel, Enseignante-Chercheure à l’Institut du Management Laboratoire Arènes (UMR 6051), spécialiste des soins et du Management en Santé, la pandémie de Covid n’a fait qu’exacerber en révélant de façon plus visible des problématiques qui existaient déjà durant les périodes précédentrs[19].

Manifestation pour « la santé, la sécu, le progrès social » du 16 juin 2020 à Paris

Le , une concertation destinée à améliorer les conditions de travail et les rémunérations des soignants, ainsi que la prise en charge des malades est organisée par le ministre de la Santé, Olivier Véran. Le 16 juin 2020, en pleine crise sanitaire liée à la pandémie, de nombreux soignants défilent à Paris pour la revalorisation de leur secteur et faire pression sur le gouvernement en pleine discussion avec les représentant syndicaux.

En juillet 2020, le gouvernement parvient à trouver un accord en ce qui concerne la revalorisation du traitement des personnels paramédicaux et non soignants puis à l'égard des internes et des externes hospitaliers. Le , Nicole Notat et Olivier Véran présentent les conclusions du Ségur de la santé et les trente-trois mesures retenues pour réformer le système de santé français[20]

En 2021, l'obligation vaccinale imposée aux personnels hospitaliers relance la colère de nombreux agents du service hospitalier, selon certains syndicats dont la CGT et SUD, qui défendent le fait qu'un vaccin doit relever du libre choix de la personne[21]. Au mois de septembre de cette même année, une tribune signée par un collectif de médecins hospitaliers titre que « L’hôpital public va sortir essoré de la crise du Covid-19 », soulignant que le « Ségur de la santé » est considéré comme un échec par les syndicats et les collectifs de médecins[22].

Dès le début de l'année 2022, de nombreux services d'urgences dans différentes régions françaises sont contraints de fermer en raison de nombreux arrêts maladie. Le Dr Patrick Pelloux, spécialiste de la médecine d'urgence, déclare dans Ouest-France[23] :

« il y a un phénomène de "grand renoncement" avec des personnels qui sont totalement désabusés et qui n'adhèrent plus à l'idée collective et fédérative qu'est l'hôpital public. »

Dès la fin du mois de mai 2022, la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon, organise des échanges bilatéraux avec les professionnels de santé qui appellent à agir sans attendre face à une catastrophe considérée comme imminente[24]. Alors que 120 services d’urgences ont pris la décision de limiter leur activité, la ministre prend la décision de « réactiver le doublement de la rémunération des heures supplémentaires du personnel non médical, et du temps de travail additionnel des médecins, pour l’ensemble de la période estivale », ainsi qu'un « dispositif exceptionnel » pour que « les élèves infirmiers et aides-soignants ayant achevé leur formation initiale en juin et juillet (puissent) commencer à exercer immédiatement, sans attendre la remise officielle de leur diplôme ». Conjointement à ces décisions, le président de la République a chargé le Dr François Braun, chef des urgences du CHR de Metz et président de Samu - Urgences de France, d’une « mission flash » sur les « soins non programmés », dont les résultats non définitifs sont connus depuis le [25]. Dans un article publié sur l'Express, en date du 20 juin 2022, Christèle Gras-le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie, compare la mission Flash à « une rustine sur un navire qui coule » et évoque le manque de moyens face à un afflux d'enfants de plus en plus important dans les structures d'urgences publiques[26].

Selon un article publié par le même hebdomadaire, le , « les deux tiers des centres hospitaliers n'arrivent plus à fonctionner normalement, et... 99 % anticipent des difficultés d'ici à 2023 », insistant ainsi sur l'ampleur des menaces qui pèsent sur la qualité des soins destinés aux patients. L'article est illustré par une interview du Dr Thierry Godeau, président de la Conférence nationale de ces communautés médicales qui insiste sur cette crise considérée comme « sans précédent »[27].

 la suite du remaniement ministériel du , le Dr Braun est nommé Ministre de la Santé et de la Prévention dans le gouvernement Élisabeth Borne, confirmant ainsi, de façon implicite, la validation de son rapport et des 41 mesures qu'il comporte[28],[29].

Conséquences

En novembre 2019, avant même l'amplification de la crise liée à la pandémie de Covid-19, l'UNIOPS considère que la crise de l'hôpital aura un impact sur tout le système de santé, notamment dans les structures sociales et médico-sociales (personnes âgées, jeunes pris en charge par l'ASE) et toucherait en premier les personnes en situation de précarité[30].

La crise hospitalière atteint de plein fouet les structures médico-sociales qui doivent faire face en 2022 à une crise présentée comme sans précédent par un article publié dans Ouest-France, qui prend l'exemple du département du Maine-et-Loire où des personnes handicapées (mentales et polyhandicapées) ainsi que leurs familles, également impliquées, sont confrontées à un manque de personnel mais aussi à un manque de places en établissement adapté (FAM et MAS), en soins et services médico éducatifs. Les listes d'attente dans ces établissements atteignent un total de 300 personnes pour l'ensemble des établissements selon l'Adapei locale[31]. Les mêmes difficultés sont rapportées par la presse pour des établissements médico-sociaux (dont de nombreux EHPAD) situés dans le département du Finistère[32],[33], le département de la Loire-Atlantique[34], le département de la Somme[35] et le département de l'Aveyron[36].

Causes évoquées

Banderole apposée devant le centre Hospitalier de Martigues en janvier 2020

En janvier 2013, un article publié dans Les Tribunes de la santé indique que le monde hospitalier public français est  à cette époque  entré dans une zone de grandes turbulences liées à la mise en place de réformes administratives visant à transformer l’hôpital en « entreprise », évaluée et financée sur sa « performance ». L'article indique qu'une crise identitaire du monde hospitalier, liée à cette vision technocratique, s'est mise en place[37].

Plus récemment, une enquête menée par la rédaction de France Info, publiée le 1er février 2022, évoque tout d'abord le système de financement des hôpitaux dénommé Tarification à l'activité, également connu sous le sigle T2A. Ce système obligerait les établissements publics de santé dans une logique de rentabilité en optimisant leurs dépenses dont le régulateur est l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), liés aux lois de financement de la Sécurité sociale fixées par le Parlement. Durant ces dix dernières années, le montant fixé par l'ONDAM hospitalier est constamment revu à la baisse obligeant ainsi les hôpitaux à réaliser des économies afin de continuer à fonctionner. Cette apparente maitrise du budget assumée permet ainsi d'influer sur le fonctionnement des services. Ces économies demandées aux établissements sont de plus en plus importantes au fil des décennies les poussant ainsi à fermer des lits. Depuis 2000, plus de 80 000 lits d'hospitalisations dans le public ont été fermés, représentant ainsi une baisse de 25 % du nombre de l'ensemble des lits durant les deux décennies suivantes. Il existe cependant une exception : le nombre de lits de réanimation ou de soins intensifs, qui a augmenté d'un peu plus de 5 % entre 2013 et 2019.

L'enquête évoque également le salaire des professionnels médicaux et paramédicaux et précise qu'en comparaison avec les autres pays européens voisins de la France, les infirmiers hospitaliers français sont les plus mal payés. En parité de pouvoir d'achat, les chiffres de l'OCDE montrent qu'un infirmier gagne ainsi 20 % de plus au Royaume-Uni, 26 % de plus en Allemagne et même 40 % de plus en Belgique. En outre, malgré le Ségur de la santé, la France n'a toujours pas rattrapé son retard. Les bas salaires, associés à des conditions de travail difficiles ainsi qu'à un manque de reconnaissance, ont rendu les métiers hospitaliers peu attractifs et depuis ces quatre dernières années[précision nécessaire], de nombreux infirmiers et aide-soignants ont quitté l'hôpital public, lequel présente des difficultés pour recruter du nouveau personnel[38].

La réforme des 35 heures en France, appliquée en 2002, a également été évoquée comme facteur aggravant de la crise, les amplitudes horaires des personnels médicaux et paramédicaux auraient, selon certaines sources, été mal organisées et, dès lors, entrainées un cumul de RTT très souvent irrécupérables et non payés en raison de leur importance, nouvelle raison d'insatisfaction des agents concernés, notamment à l'APHP, principale structure hospitalière de France[39].

Une dernière cause, généralement moins évoquée que les précédentes car plus interne aux structures hospitalières, est liée à l'organisation des relations hiérarchiques entre les directions de chaque établissement et leurs équipes de soins. Selon Étienne Minvielle, directeur de recherche au CNRS qui publie un article sur ce sujet en février 2022, « une hiérarchie exclusivement descendante alimente en effet une perte du sens des missions pour les soignants », celle-ci entraînant un sentiment de manque d'autonomie et une « ambiance délétère »[40].

Solutions proposées

Assouplissement des contraintes budgétaires

En mars 2013, le rapport Couty, signé par Édouard Couty, médiateur national et Claire Scotton, permettait de constater que les contraintes économiques et financières entrainaient une perte de confiance au sein du personnel et des usagers de l’hôpital public, ainsi qu’un sentiment de dégradation des conditions de travail et d’exercice. Ce rapport indiquait également que « le service public de l’hôpital doit s’inscrire dans un territoire sur lequel sont identifiées des missions de service public »[41].

En novembre 2019, à l'occasion d'un « plan de soutien » à l’hôpital, annoncé par le premier ministre Édouard Philippe[42], Lorenzo Lanteri, syndicaliste et spécialiste du droit social, précise que la solution de cette crise, qui a entraîné de nombreux arrêts maladies et la fuite d'un certain nombre de professionnels, ne pourrait passer que par un assouplissement des contraintes budgétaires imposées par l’ONDAM, une relance de la politique d'investissement afin de moderniser certains hôpitaux et établissements médico-sociaux laissés à l'abandon, sans oublier une revalorisation du traitement de l'ensemble des personnels[43]. En janvier 2018, le Pr André Grimaldi, considérait déjà que l’urgence absolue serait d'en finir avec « l'hôpital-entreprise » mis en déficit par une progression de l'ONDAM inférieure à la progression programmée des charges.

En mars 2002, le rapport Jomier, signé par les sénateurs Bernard Jomier (EELV) et Catherine Deroche (Les Républicains) et publié sur le site du Sénat indique que le seul moyen de redonner du souffle à l’hôpital est de « lui laisser davantage de liberté et d’autonomie dans son organisation, en lui attribuant des moyens proportionnés aux défis de santé actuels et en redessinant sa place au sein du système de soins. »[44].

Allègement de la gouvernance

Selon Le Quotidien du médecin, le secteur administratif pèse de façon évidence sur le budget de l'hôpital au détriment des secteurs médicaux et hospitaliers, essentiels au bon fonctionnement des établissements. Les chefs de service doivent moins dépendre des pôles administratifs (GHT, ARS, direction hospitalière) afin qu’ils puissent se consacrer prioritairement aux patients et à la formation de leurs étudiants[45].

Refonte complète du système hospitalier français

Le , peu de temps après l'appel du Collectif inter-hôpitaux (CIH) annonçant la démission de nombreux chefs de service, une réunion organisée par les Contrepoints de la Santé réunit de nombreux intervenants de la fonction publique hospitalière, dont le Pr Rémi Salomon, président de la Commission médicale d’Établissement de l’APHP. Jérôme Goemmine, directeur général du Groupe hospitalier de territoire (GHT) Cœur Grand Est indique qu'il faut mettre en place « un "plan Marshall" pour revaloriser les rémunérations des professionnels hospitaliers et améliorer les liens ville-hôpital ». Le retour des médecins et des soignants dans la gestion directoriale des hôpitaux est également évoqué. Un consensus des intervenants repose essentiellement sur une restructuration complète de tout le système de santé, appelant ainsi à un certain « courage politique »[46].

Privatisations des hôpitaux publics

Dans une tribune publiée dans Le Figaro le , des anciens adminsitrateurs de la FHF dont Claude Evin, ancien ministre de la Santé, Jean Léonetti, également ancien ministre ainsi que Gérard Vincent, ancien inspecteur général des affaires sociales, Alain Milon président de la commission des affaires sociales du Sénat et les professeurs Antoine Brézin et Gilles Calais, plaident pour transformer les hôpitaux publics en établissements privés à but non lucratif avec « les mêmes missions et obligations de service public que celles qu’ils exercent aujourd’hui »[47].

Réorganisations des services d'urgences

En 2018, le rapport de l'urgentiste Thomas Mesnier, député de la Charente recommande le développement de centres de soins non programmés (CSNP), des urgences reconverties en consultations de jour par des généralistes salariés de l'hôpital. Dans sa conclusion ce rapport préconisait également la mise en place de la télémédecine[48].

Concept d'hôpitaux magnétiques

Face à cette crise qui n'existe pas qu'en France mais également en Amérique du nord, le centre des infirmières américaines diplômées1 (ANCC pour American Nurses Credentialing Center) propose un programme de reconnaissance de l'attractivité qui permet de distinguer des hôpitaux dits « magnétiques » reconnus pour conjuguer des résultats sanitaires performants et des conditions de travail jugées plus favorables par les soignants.

Ces hôpitaux mangnétiques (terme créé en 1983), expriment une volonté de rendre l'hôpital plus attrayant pour les professionnels et les patients. L’expression d’hôpital « aimant » est utilisée au Québec[49].

Références

  1. Site infirmiers.com, article "Crise du système de santé : la FHF demande des mesures urgentes au gouvernement", consulté le 2 juillet 20202
  2. Site lemonde.fr, article de Camille Stromboni "Crise aux urgences : des fermetures, des grèves et le regret du « temps perdu »", consulté le 26 juillet 2022].
  3. Site fhf.fr, page "Rendez-vous entre la ministre de la santé et de la prévention et le président de la FHF", consulté le 2 juillet 2022.
  4. Site bfmtv.com article H.G "Crise à l'hôpital: la FHF pointe un quasi manque de soignants dans les établissements de santé, consulté le 02 juillet 2022.
  5. Site lequotidiendumedecin.fr, article de véronique Hunsinger "Tensions RH et crise Covid : les hôpitaux accusent un retard de trois millions de séjours sur deux ans, alerte la FHF", consulté le 2 juillet 2022.
  6. Site drees.solidarites-sante.gouv.fr, "Panoramas de la DREES, Les établissements de santé - édition 2021", consulté le 3 juillet 2022.
  7. Site theconversation.com, article "La gestion de l’absentéisme à l’hôpital public : les effets délétères de solutions trop fragiles", consulté le 3 juillet 2022.
  8. Site alternatives-economiques.fr, fiche de Jean-Paul Domin.
  9. Site journals.openedition.org, article de Jean-Paul Domin "Réformer l’hôpital comme une entreprise. Les errements de trente ans de politique hospitalière (1983-2013)", consulté le 6 juillet 2022.
  10. Loi Bachelot : le risque d'achever l'hôpital public, Le Figaro, 22 août 2008
  11. Site infosdroits.fr, page "Le Directoire dans la fonction publique hospitalière : Présidence et Vice Présidence – composition et fonctionnement – les attributions".
  12. Michel Tsimaros, Bénédicte Devictor, Stéphanie Gentile Repenser l'hôpital, éditions Michalon, 2019, pages 51-52.
  13. Site lexpress.fr, article AFP "Après un an de grève, les sages-femmes fatiguées et écœurées", consulté le 3 juillet 2022.
  14. Site lequotidiendumedecin.fr, article "Calomniée mais confortée, l'interne Sabrina Ali Benali s'explique", consulté le 02 juillet 2022.
  15. Site lettres-it-be.fr, page "La révolte d'une interne. Santé, hôpital : état d'urgence de Sabrina Ali Benali : un scandale en urgence", consulté le 2 juillet 2022.
  16. Site lefigaro.fr, article de Philippe Juvin "L'épidémie de grippe révèle la crise des urgences à l'hôpital public", consulté le 2 juillet 2022.
  17. site lexpress.fr "Crise des hôpitaux : près de 4200 lits supprimés en 2018", consulté le 2 juillet 2022
  18. Site lefigaro.fr, article de Pierre Zéau "Plus de 1000 chefs de service démissionnent de leur fonction administrative pour «sauver l’hôpital public»", consulté le 2 juillet 2022.
  19. Site infirmiers.com, article de Susie Bourquin "Hôpital : le Covid a fait exploser les digues", consulté le 5 juillet 2022.
  20. Wladimir Garcin-Berson, « Ségur de la santé : ce qu’il faut retenir du plan annoncé par le gouvernement », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  21. Site liberation.fr, article "Les syndicats appellent les soignants et pompiers à la grève contre l’obligation vaccinale", consulté le 2 juillet 2022.
  22. Site lemonde.fr, tribune "L’hôpital public va sortir essoré de la crise du Covid-19", consulté le 3 juillet 2022.
  23. Site francetvinfo.fr, article de Florence Morel "Crise de l'hôpital public : on vous explique pourquoi autant de services d'urgences sont obligés de fermer avant l'été".
  24. Site lemonde.fr, article de Camille Stromboni "Crise de l’hôpital : face à la catastrophe annoncée, comment sauver les urgences ?", consulté le 2 juillet 2022
  25. journal Le Monde
  26. Site lexpress.fr, article d'Audrey Parmentier "Urgences pédiatriques : "La mission Flash, c'est une rustine sur le Titanic qui coule", consulté le 3 juillet 2022
  27. Site lexpress.fr, article de Stéphanie Benz "Urgences en difficulté, déprogrammations : "Cette crise est plus grave que celle du Covid" , consulté le 3 juillet 2022
  28. « Le médecin urgentiste François Braun remplace Brigitte Bourguignon au ministère de la Santé », sur BFM TV (consulté le ).
  29. Site lagazettedescommunes.com, article d'Isabelle Verbaere "Sauvetage des urgences : le rapport «Braun» validé par le gouvernement, les pompiers pas consultés", consulté le 6 juillet 2022
  30. Site uriopss-hdf.fr, page "Crise de l’hôpital : un impact sur tout le système de santé !", consulté le 2 juillet 2022
  31. Site ouest-france.fr, article de Lucile Moy "Handicap. « Oubliés », les professionnels de l’Anjou alertent sur « une crise sans précédent »", consulté le 3 novembre 2022
  32. Site letelegramme.fr, article "À Briec, le foyer des Genêts d’Or en service restreint faute de personnel ", consulté le 2 juillet 2022
  33. Site letelegramme.fr, article de Jean-François Bertreau "Pourquoi il manque 150 places dans les Ehpad de Cornouaille", consulté le 2 juillet 2022
  34. Site ouest-france.fr, article de Sylvain Hrovatin "Nantes. Polyhandicap : la pénurie de personnel alarme les familles", consulté le 2 juillet 2022
  35. Site 20minutes.fr, article "Amiens : Faute de personnel, un Ehpad va transférer plus de 50 résidents d'ici à l'été", consulté le 2 juillet 2022
  36. Site centrepresseaveyron.fr, article "Villefranche-de-Rouergue : les élus d’opposition disent non à la fermeture de lits en Ehpad".
  37. Site cairn.info, article collectif "Crises et tensions au sein de l'hôpital public : changer la donne ou donner le change ?" dans Les Tribunes de la santé 2013/1 (n° 38), pages 77 à 94.
  38. Site francetvinfo.fr, article de Noé Bauduin, « L'article à lire pour comprendre comment fonctionne l'hôpital public (et pourquoi ça craque) », consulté le 2 juillet 2022
  39. Site france24.com, article de David Rich "Crise de l’hôpital en France : « Les 35 heures, c'est l'arbre qui cache la forêt »", consulté le 2 juillet 2022
  40. Site tnova.fr, article d'Étienne Minvielle "Conditions de travail à l’hôpital : comment sortir du marasme actuel ?", consulté le 2 juillet 2022
  41. Site maire-info.com, article « Le rapport Couty préconise un service public de santé territorial », consulté le 3 juillet 2022
  42. Site dalloz-actualite.fr, article de Jean-Marc Pastor "Le plan d’urgence et de soutien pour l’hôpital public", consulté le 6 juillet 2022
  43. Site letagsocial.com, page « Quelles solutions pour résoudre la crise de l’hôpital public ? », consulté le 3 juillet 2022
  44. Site vie-publique.fr, page "Rapport sur la situation de l'hôpital et le système de santé en France", consulté le 3 juillet 2022.
  45. Site lequotidiendumedecin.fr, article "Quelles solutions pour sauver notre système de santé et l'hôpital ?", consulté le 6 juillet 2021.
  46. Site veille-acteurs-sante.fr, page et vidéos "Crise de l’hôpital : quelles solutions pour en sortir ?", consulté le 3 juillet 2022].
  47. Site egora.fr, article de Véronique Hunsinger « Privatiser l'hôpital public, et si c'était la solution ? », consulté le 2 juillet 2022
  48. Site solidarites-sante.gouv.fr, texte du Rapport de Thomas Mesnier, député de Charente.
  49. Site solidarites-sante.gouv.fr, texte "L’hôpital magnétique :un hôpital « aimant » qui favorise performance et bien-être au travail.

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Jean de Kervasdoué La Santé intouchable. Enquête sur une crise et ses remèdes, JC Lattès, 1996 (ISBN 978-2709616645)
  • Laurent Brami, Sébastien Damart et Frédéric Kletz : L'action publique en crise(s)? (Vol 29/3 - 2012) Texte Réformes de l’hôpital, crise à l’hôpital : une étude des liens entre réformes hospitalières et absentéisme des personnels soignants. p. 541-561
  • Ouvrage collectif : L'absentéisme des personnels soignants à l'hôpital - Comprendre et agir, éditons Presses des Mines, 2016 (ISBN 978-2356714473)
  • Ouvrage collectif : La santé au risque du marché - Incertitudes à l’aube du XXIe siècle, Graduate Institute Publications, 2017 (ISBN 978-2940549702)
  • Sabrina Ben Ali : La Révolte d'une interne Santé, hôpital : état d'urgence, éditions du Cherche Midi, 2018 (ISBN 978-2749157511)
  • Michel Tsimaros, Bénédicte Devictor, Stéphanie Gentile : Repenser l'hôpital, éditions Michalon, 2019 (ISBN 978-2841869145)
  • André Grimaldi, Frédéric Pierru : Santé urgences, éditions Odile Jacob, 2020 (ISBN 978-2738151841)
  • Michel Limousin (+ collectif) : Refonder l’Hôpital public, édition Le Temps des Cerises - collection "Penser Le Monde", octobre 2020 (ISBN 978-2370712172)
  • Ouvrage collectif : Le système de santé français aujourd'hui. Enjeux et défis, éditions ESKA, 2021 (ISBN 978-2747231879)

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