Cristalline

Une cristalline est une protéine structurelle soluble dans l'eau présente naturellement dans le cristallin et la cornée de l'œil, dont elle assure la transparence[2]. Des cristallines ont également été identifiées dans d'autres tissus, tels que le cœur et certaines tumeurs agressives du cancer du sein[3],[4].

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Modélisation d'une cristalline δ1 de canard (PDB 1HY0[1]), pourvue d'une activité enzymatique argininosuccinate lyase (EC 4.3.2.1).

Classification

Les cristallines des vertébrés sont rangées en trois classes principales, dites α (alpha), β (bêta) et γ (gamma), selon l'ordre dans lequel elles sont éluées dans une colonne de chromatographie d'exclusion stérique. Les cristallines β et γ sont semblables du point de vue de leurs structures primaire, secondaire et tertiaire, et sont ainsi regroupées en cristallines βγ. Ces classes de cristallines constituent la majorité des protéines du cristallin et sont présentes chez tous les vertébrés, bien que les cristallines γ soient rares ou absentes chez les oiseaux ; ces derniers et les reptiles possèdent en revanche une cristalline δ (delta) qui leur est spécifique[5],[6], et il existe encore d'autres cristallines spécifiques à certains taxons telles que les cristallines ε (epsilon), ζ (zêta), ι (iota) et τ (tau).

Fonction biologique

Les cristallines auraient pour fonction première d'accroître l'indice de réfraction mais pas l'absorbance du cristallin. Elles auraient également d'autres fonctions métaboliques et régulatoires, à la fois dans le cristallin et dans d'autres parties du corps[7]. D'autres protéines contenant des domaines de cristallines βγ ont été caractérisées, telles que des protéines de liaison du calcium ayant un motif en clé grecque qui n'avait jusqu'alors pas encore été observé pour lier le calcium[8]. Depuis qu'il a été montré que des lésions du cristallin sont susceptibles de favoriser la régénération des cellules nerveuses[9], les cristallines font l'objet de recherches neurologiques. À ce jour, il a pu être établi que la cristalline β b2 peut être un facteur favorisant le développement des neurites[10].

De façon remarquable dans une perspective évolutive, certaines cristallines possèdent une activité enzymatique, tandis que d'autres en sont dépourvues mais possèdent des analogies avec d'autres enzymes[11],[12]. Des cristallines sont présentes chez tous les eucaryotes[13]. Les cristallines de différents groupes d'organismes sont liées à un grand nombre de protéines différentes, celles des oiseaux et des reptiles étant liées à la lactate déshydrogénase (EC 1.1.1.27) et à l'argininosuccinate lyase (EC 4.3.2.1), celles des mammifères à l'alcool déshydrogénase (EC 1.1.1.1) et à la NADPH:quinone réductase (EC 1.6.5.5), et celles des bivalves et des céphalopodes à la glutathion S-transférase (EC 2.5.1.18) et à l'aldéhyde déshydrogénase (EC 1.2.1.3). Les recherches sont toujours en cours pour tenter de déterminer si les cristallines résultent de l'apparition fortuite d'enzymes qui se sont révélées être transparentes et très solubles dans l'eau, ou bien si les diverses fonctions enzymatiques qu'elles sont susceptibles de revêtir sont indispensables au métabolisme du cristallin[14]. Le recrutement de protéines qui sont apparues au cours de l'évolution avec une fonction pour en assurer également une autre indépendante de la première est un exemple d'exaptation.

Structure

Cristallines α

Extrémité N-terminale de la chaîne A des cristallines α
Domaine protéique
Pfam PF00525
InterPro IPR003090

Les cristallines α se présentent en grands agrégats comprenant deux types de sous-unités apparentées (A et B) très semblables aux petites protéines HSP (Heat Shock Proteins) de 15 à 30 kDa, notamment dans leur moitié C-terminale. Il s'agit d'un exemple classique de duplication de gènes suivie d'une divergence fonctionnelle, survenue dans ce cas-ci sans doute avant l'apparition des yeux au cours de l'évolution dans la mesure où on retrouve ces cristallines dans d'autres tissus[5].

Les cristallines α agissent comme des protéines chaperon ayant la faculté d'empêcher la précipitation de protéines dénaturées et d'accroître la résistance des cellules au stress[15]. Ces propriétés pourraient être importantes pour maintenir la transparence du cristallin et prévenir la cataracte[16], ce que laisse également penser l'observation d'une association entre des mutations de cristallines α et la survenue d'une cataracte.

Le domaine N-terminal n'est pas nécessaire à la dimérisation ni à l'activité chaperon des cristallines α mais semble intervenir dans la formation d'agrégats d'ordre supérieur[17],[18].

Cristallines β et γ

Les cristallines β et γ forment une famille distincte[19],[20]. Elles sont constituées de deux domaines semblables reliés par un court peptide de connexion, ces deux domaines étant chacun à leur tour formés de deux motifs semblables d'une quarantaine de résidus d'acides aminés repliés en une structure caractéristique en clé grecque caractéristique. Les cristallines β sont des oligomères tandis que les cristallines γ sont des monomères.

Notes et références

  1. (en) Liliana M. Sampaleanu, François Vallée, Christine Slingsby et P. Lynne Howell, « Structural Studies of Duck δ1 and δ2 Crystallin Suggest Conformational Changes Occur during Catalysis », Biochemistry, vol. 40, no 9, , p. 2732-2742 (PMID 11258884, DOI 10.1021/bi002272k, lire en ligne)
  2. (en) James V. Jester, « Corneal crystallins and the development of cellular transparency », Seminars in Cell & Developmental Biology, vol. 19, no 2, , p. 82-93 (PMID 17997336, PMCID 2275913, DOI 10.1016/j.semcdb.2007.09.015, lire en ligne)
  3. (en) Lutsch G, Vetter R, Offhauss U, Wieske M, Gröne HJ, Klemenz R, Schimke I, Stahl J et Benndorf R., « Abundance and location of the small heat shock proteins HSP25 and alphaB-crystallin in rat and human heart », Circulation, vol. 96, no 10, , p. 3466-3476 (PMID 9396443, lire en ligne)
  4. (en) Jose V. Moyano, Joseph R. Evans, Feng Chen, Meiling Lu, Michael E. Werner, Fruma Yehiely, Leslie K. Diaz, Dmitry Turbin, Gamze Karaca, Elizabeth Wiley, Torsten O. Nielsen, Charles M. Perou et Vincent L. Cryns, « αB-Crystallin is a novel oncoprotein that predicts poor clinical outcome in breast cancer », Journal of Clinical Investigation, vol. 116, no 1, , p. 261-270 (PMID 16395408, PMCID 1323258, DOI 10.1172/JCI25888, lire en ligne)
  5. (en) Wilfried W. de Jong, Wiljan Hendriks, John W.M. Mulders et Hans Bloemendal, « Evolution of eye lens crystallins: the stress connection », Trends in Biochemical Sciences, vol. 14, no 9, , p. 365-368 (PMID 2688200, DOI 10.1016/0968-0004(89)90009-1, lire en ligne)
  6. (en) A. Simpson, O. Bateman, H. Driessen, P. Lindley, D. Moss, S. Mylvaganam, E. Narebor et C. Slingsby, « The structure of avian eye lens delta-crystallin reveals a new fold for a superfamily of oligomeric enzymes », Nature Structural Biology, vol. 1, , p. 724-734 (PMID 7634077, DOI 10.1038/nsb1094-724, lire en ligne)
  7. (en) Suraj P. Bhat, « Crystallins, genes and cataract », Progress in Drug Research, vol. 60, , p. 205-262 (PMID 12790344, DOI 10.1007/978-3-0348-8012-1_7, lire en ligne)
  8. (en) recherche « betagamma-crystallin ET calcium » sur PubMed.
  9. (en) Dietmar Fischer, Mitrofanis Pavlidis et Solon Thanos, « Cataractogenic Lens Injury Prevents Traumatic Ganglion Cell Death and Promotes Axonal Regeneration Both In Vivo and in Culture », Investigative Ophtalmology & Visual Science, vol. 41, no 12, , p. 3943-3954 (PMID 11053298, lire en ligne)
  10. (en) Thomas Liedtke, Jens Christian Schwamborn, Uwe Schröer et Solon Thanos, « Elongation of Axons during Regeneration Involves Retinal Crystallin β b2 (crybb2) », Molecular & Cellular Proteomics, vol. 6, no 5, , p. 895-907 (PMID 17264069, lire en ligne)
  11. (en) Hans Jörnvall, Bengt Persson, Garrett C. Du Bois, Gene C. Lavers, John H. Chen, Pedro Gonzalez, P.Vasantha Rao et J.Samuel Zigler Jr, « ζ-Crystallin versus other members of the alcohol dehydrogenase super-family Variability as a functional characteristic », FEBS Letters, vol. 322, no 3, , p. 240-244 (PMID 8486156, DOI 10.1016/0014-5793(93)81578-N, lire en ligne)
  12. (en) P. V. Rao, C. M. Krishna et J. S. Zigler, Jr, « Identification and characterization of the enzymatic activity of zeta-crystallin from guinea pig lens. A novel NADPH:quinone oxidoreductase », Journal of Biological Chemistry, vol. 267, no 1, , p. 96-102 (PMID 1370456, lire en ligne)
  13. Hervé Le Guyader, « Quand les protéines travaillent au noir », Pour la science, no 497, , p. 88-90.
  14. (en) Joram Piatigorsky, « Puzzle of crystallin diversity in eye lenses », Developmental Dynamics, vol. 196, no 4, , p. 267-272 (PMID 8219350, DOI 10.1002/aja.1001960408, lire en ligne)
  15. (en) Robert C Augusteyn, « α-crystallin: a review of its structure and function », Clinical and Experimental Optometry, vol. 87, no 6, , p. 356-366 (PMID 15575808, DOI 10.1111/j.1444-0938.2004.tb03095.x, lire en ligne)
  16. (en) Giuseppe Maulucci, Massimiliano Papi, Giuseppe Arcovito et Marco De Spirito, « The Thermal Structural Transition of α-Crystallin Inhibits the Heat Induced Self-Aggregation », PLoS One, vol. 6, no 5, , e18906 (PMID 21573059, PMCID 3090392, DOI 10.1371/journal.pone.0018906, lire en ligne)
  17. (en) R. C. Augusteyn, « alpha-Crystallin polymers and polymerization: the view from down under », International Journal of Biological Macromolecules, vol. 22, nos 3-4, , p. 253-262 (PMID 9650080)
  18. (en) Ingeborg K. Feil, Marc Malfois, Jörg Hendle, Hans van der Zandt et Dmitri I. Svergun, « A Novel Quaternary Structure of the Dimeric α-Crystallin Domain with Chaperone-like Activity », Journal of Biological Chemistry, vol. 276, no 15, , p. 12024-12029 (PMID 11278766, DOI 10.1074/jbc.M010856200, lire en ligne)
  19. (en) Graeme Wistow, « Evolution of a protein superfamily: Relationships between vertebrate lens crystallins and microorganism dormancy proteins », Journal of Molecular Evolution, vol. 30, no 2, , p. 140-145 (PMID 2107329, DOI 10.1007/BF02099940, lire en ligne)
  20. (en) N.H. Lubsen, H.J.M. Aarts et J.G.G. Schoenmakers, « The evolution of lenticular proteins: The β- and γ-crystallin super gene family », Progress in Biophysics and Molecular Biology, vol. 51, no 1, , p. 47-76 (PMID 3064189, DOI 10.1016/0079-6107(88)90010-7, lire en ligne)
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