Défense des deux cavaliers
La défense des deux cavaliers est une ouverture du jeu d'échecs caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fc4 Cf6 (l'ordre des coups peut varier). Son code ECO s'étend de C55 à C59.
Cet article utilise la notation algébrique pour décrire des coups du jeu d'échecs.
a | b | c | d | e | f | g | h | ||
8 | 8 | ||||||||
7 | 7 | ||||||||
6 | 6 | ||||||||
5 | 5 | ||||||||
4 | 4 | ||||||||
3 | 3 | ||||||||
2 | 2 | ||||||||
1 | 1 | ||||||||
a | b | c | d | e | f | g | h |
Analyse
Contrairement à la partie italienne 1. e4 e5 2. Cf3 Cc6 3. Fc4 Fc5, où les Noirs cherchent juste à maintenir l'équilibre, les Noirs contre-attaquent ici dès le troisième coup. La défense des deux cavaliers fut étudiée par des maîtres de l'école italienne tels que Giulio Cesare Polerio (1548-1612), Giambattista Lolli (1698-1769) et Domenico Lorenzo Ponziani (1719-1796), mais le coup typique de l'école berlinoise 3...Cf6 fut surtout analysé en profondeur au XIXe siècle par Paul Rudolf von Bilguer (1815-1840).
a | b | c | d | e | f | g | h | ||
8 | 8 | ||||||||
7 | 7 | ||||||||
6 | 6 | ||||||||
5 | 5 | ||||||||
4 | 4 | ||||||||
3 | 3 | ||||||||
2 | 2 | ||||||||
1 | 1 | ||||||||
a | b | c | d | e | f | g | h |
La défense des deux cavaliers est une ouverture caractérisée par les coups : 1.e4 e5 2.♘f3 ♞c6 3.♗c4 ♞f6 (l'ordre des coups varie parfois, en jouant 2.♗c4 d'abord). Cette ouverture diffère du Giuoco Piano par le fait de développer le cavalier en f6 au lieu du fou en c5, ce qui ouvre aux Noirs des options plus ambitieuses et plus tactiques[1].
Le tranquille 4.d3
Le coup 4.d3 permet aux Blancs de jouer calmement et de minimiser les risques, mais cela ne crée pas non plus de menace immédiate chez l'adversaire. Les Noirs peuvent alors répondre usuellement 4...♝c5 5.♘c3 d6, avec une symétrie sur l'échiquier. Trois stratégies s'offrent alors aux Blancs :
- Les Blancs peuvent jouer 6.♘a4 pour échanger ce cavalier contre le fou de cases noires et conserver l'avantage de la paire de fous pour les Blancs. Les Noirs ont alors deux manières de procéder à cet échange : soit via 6...♝b6 7.♘xb6 axb6 afin d'ouvrir la colonne a, soit via 6...♛e7 7.♘xc5 dxc5 ce qui ouvre la colonne d, facilite le développement et interdit la poussée d4 pour les Blancs. La partie est alors équilibrée entre chaque côté.
- Les Blancs peuvent jouer 6.♗e3, avec l'habituelle suite 6...♝xe3 7.fxe3. Cela ouvre la colonne f pour les Blancs, interdit aux Noirs l'accès à la case d4, mais les pions doublés en colonne e rendent le centre de pions plus rigide. Les Blancs vont plutôt développer leur jeu sur l'aile-roi via la manœuvre ♘h4-f5 par exemple. La position est là aussi équilibrée, et l'issue dépendra en partie de l'avenir des pions doublés.
- Les Blancs peuvent jouer 6.a3, un coup de protection du fou pour lui donner une case de retraite, mais aussi un coup d'attente pour voir où le Roi noir pourrait roquer. Si les Noirs fautaient en jouant 6...0-0, alors 7.♗g5 serait fort et mettrait une forte pression sur les Noirs, les empêchant de chasser le fou blanc en g5-h4 sans mettre en danger le petit roque. L'introduction, par chaque camp, des coups h3 et h6 pour éviter les clouages de cavalier devant le petit roque, sont ainsi indispensables avant tout petit roque[2].
L'attaque du point f7 par 4.♘g5
Paradoxalement, le coup blanc 4.♘g5 est une des réponses principales à la défense des deux cavaliers, car les Blancs déplacent la même pièce une deuxième fois dans les tous premiers coups de l'ouverture. Dans ce cas précis, cela fonctionne car en g5, la Cavalier va attaquer le pion f7 qui n'est protégé que par le Roi, et la difficulté des Noirs à le protéger va compenser le retard de développement pris par les Blancs : les Noirs peuvent soit s'engager dans le nébuleux gambit Traxler via 4...♝c5, soit avancer leur pion sur d5 (4...d5) pour couper la liaison entre le fou blanc et f7 ainsi que libérer leur Fou c8. Cette seconde méthode est la plus commune[3].
Après la reprise du pion par les blancs via 5.exd5, les Noirs ont plusieurs manières de se défendre. Les réponses 5...b5 et 5...♞d4 amènent à des joutes chaotiques mais jouables. Les Noirs peuvent aussi tester les connaissances de leur adversaire sur l'attaque Fegatello avec la ligne 5...♞xd5 6.♘xf7 ♚xf7 7.♕f3+ ♚e6. Cette ligne n'est pas perdante pour les Noirs, mais leur demande un jeu très précis pour survivre. Chez les joueurs de haut niveau, la seule réponse à 5.exd5 jouée est 5...♞a5, qui attaque le Fou blanc en c4[3].
a | b | c | d | e | f | g | h | ||
8 | 8 | ||||||||
7 | 7 | ||||||||
6 | 6 | ||||||||
5 | 5 | ||||||||
4 | 4 | ||||||||
3 | 3 | ||||||||
2 | 2 | ||||||||
1 | 1 | ||||||||
a | b | c | d | e | f | g | h |
Dès lors, la ligne s'engage dans deux variantes principales :
- 6.♗b5+ c6 7.dxc6 bxc6 8.♗e2, qui amène les Noirs à sacrifier un pion en échange de l'initiative et d'une prise d'espace avec l'avancée d'un pion en e4. Le Cavalier en a5 reste aussi mal positionné. Le Fou blanc est obligé de faire retraite, et le Cavalier blanc en g5 sera lui aussi vite chassé dans les prochains coups, mais les Blancs vont chercher à éliminer le pion noir central, ou à le contourner via les manœuvres d4, ♗e3, ♘c3 voire ♕d2. La partie est alors dans un équilibre dynamique.
- 6.♗b5+ ♝d7 7.♕e2 permet aux Noirs de ne pas donner de pion supplémentaire, d'améliorer leur développement, et le pion blanc d5 est récupérable dans plusieurs variantes. Les Blancs n'ont quant à eux aucune faiblesse[3].
Jouer au centre avec 4.d4
Le coup 4.d4 permet aux Blancs de jouer directement au centre, et les Noirs n'ont pas de véritable autre choix que 4...exd4, car les autres réponses mènent à des positions stratégiquement inférieures : 4...♞xe4 est contré par 5.dxe5 suivi des menaces ♗xf7+ ou ♕d5 ; 4...♞xd4 est réfuté par ♘xe5 qui affaiblit le Cavalier noir au centre, et 4...♝d6 bloque le pion d des Noirs. Après 4...exd4, les Noirs ont un pion de plus, mais leurs cases e5 et f7 sont faibles, et le Cavalier en f6 peut être facilement cloué. Les Blancs ont alors à leur disposition plusieurs lignes pour mettre en valeur ces faiblesses, dont les deux principales sont 5.e5 et 5.0-0[4].
La variante 5.e5 est appelée la « ligne moderne de la défense des deux Cavaliers », et elle vise à prendre de l'espace au centre de l'échiquier, mais cela coûte un tempo aux Blancs. Les Noirs ont plusieurs façons d'envisager la suite de la partie, parmi lesquelles :
- 5...d5 est la poussée centrale classique dans les parties ouvertes, et amène ici les Blancs à perdre un tempo et à décaler leur fou loin du pion f7. Une suite possible est 6.♗b5 (6.exf6 dxc4 est favorable aux Noirs, avec un développement plus aisé, la paire de fous et un avantage d'espace) ♞e4 7.♘xd4 avec 7...♝d7 ou 4...♝c5 pour les Noirs.
- 5...♞e4 a pour but de redéployer le Cavalier attaqué sur de meilleures cases. Il peut suivre 6.♕e2 ♞c5 7.0-0 ♞e6 (qui bloque le pion e5) 8.♗xe6 fxe6 pour ouvrir la colonne f, y doubler les tours tout en développant le fou en b7, ou bien 6.0-0 d5 7.exd6 ♞xd6 8.♗d5 ♝e7 9.♗xc6+ bxc6 et la paire de Fous sera utile aux Noirs.
- 5...♞g4 amène les Noirs à l'égalité de façon pratique, via la variante 6.♕e2 ♛e7 7.♗f4 d6 8.exd6. L'échange des Dames à venir donne l'occasion aux Blancs de mettre la pression sur les pions noirs isolés en colonne d, mais les Noirs ont des variantes concrètes pour s'en sortir[4].
Autres options moins fréquentes pour les Blancs au quatrième coup
Le coup naturel 4.c3? est immédiatement puni par les Noirs qui prennent le pion e4 avec leur cavalier et la tentative de contre blanc via 5.♕e2 d5 6.♗b5 f6 7.d4 ♛d6 ou 7...♝g4 ne porte pas vraiment ses fruits. Les Blancs ont aussi la possibilité de jouer le gambit de Boden-Kiezeritsky, via la ligne 4.0-0 ♞xe4 5.♘c3!? qui offre un fort développement aux Blancs en échange d'un pion. La ligne principale continue par 5...♞xc3 6.dxc3 f6 7.♘h4 g6 8. f4 ♛e7 9.♔h1 d6, et le fort centre noir protège bien le Roi noir un peu exposé. Quant au coup 4.♘c3, il peut transposer dans une partie viennoise. Les Noirs pourraient répondre 4...♝c5 ce qui transpose à nouveau dans les lignes plus jouées décrites ci-avant, mais ils peuvent aussi s'engager dans la suite 5...♞xe4 5.♘xe4 5.d5 avec des variantes tactiques encore peu étudiées par la théorie[1].
Principales variantes
a | b | c | d | e | f | g | h | ||
8 | 8 | ||||||||
7 | 7 | ||||||||
6 | 6 | ||||||||
5 | 5 | ||||||||
4 | 4 | ||||||||
3 | 3 | ||||||||
2 | 2 | ||||||||
1 | 1 | ||||||||
a | b | c | d | e | f | g | h |
Dans cette position, les Blancs peuvent choisir entre plusieurs grandes lignes :
- 4.Cg5 est une ligne plutôt risquée, car elle donne du contre-jeu aux Noirs :
- 4.. Fc5 avec la contre-attaque Traxler (du nom de Karel Traxler) qui est une variante très animée ;
- 4.. d5 5. exd5. L'objectif de cette variante est de protéger la case f7 par l'interception de la diagonale a2-g8. Les bases de données donnent alors les possibilités suivantes :
- 5.. Cd4 : la variante Fritz, du nom d'Alexander Fritz (1857-1932) ;
- 5.. Cxd5 6.Cxf7 Rxf7 7.Df3+ Re6 (attaque Fegatello) ;
- 5.. b5 : la variante Ulvestad (voir la partie Jakov Estrine-Hans Berliner ci-dessous) ;
- 5.. Ca5
- 6.Fb5+ (ligne principale) c6 7.dxc6 bxc6 : la variante « Morphy-Polerio », considérée comme la variante principale (voir diagramme). Le coup 5...Ca5 fut étudié dès 1560 par Giulio Cesare Polerio; il sacrifie un pion (le pion d5 n'est pas récupéré) dans la plupart des variantes, mais les Noirs obtiennent l'initiative et des lignes ouvertes pour leurs pièces.
- 6. d3 variante Kieseritsky qui fut recommandée par Paul Morphy.
- 4.d4 conduit à des positions complexes :
- 4...exd4 5. 0-0 Cxe4 est appelé variante anti-Max Lange (voir la partie Evgueny Svechnikov-Guennadi Kouzmine ci-dessous)
- 4...exd4 5. 0-0 Fc5 6. e5 est appelé Attaque Max Lange
- 4...exd4 5. e5 est joué par transposition dans la partie Roman Dzindzichashvili-Gildardo Garcia ci-dessous.
- 4.d3, appelée ouverture moderne du fou, est une variante beaucoup plus tranquille que 4. Cg5 et plus sûre. Les Blancs vont poursuivre avec un plan incluant Cbd2, c3, b4, Te1,Cf1,Cg3 et h3, pour éviter de se faire clouer leur cavalier par le fou noir qui viendrait en g4. Après 4.d3, les Noirs peuvent transposer dans une partie italienne giucco pianissimo en jouant 4..Fc5, dans laquelle on appliquerait approximativement le même plan.
Exemples de parties
Jakov Estrine-Hans Berliner, 5e Championnat du monde par correspondance, 1965
- 1. e4 e5
- 2. Cf3 Cc6
- 3. Fc4 Cf6
- 4. Cg5 d5
- 5. exd5 b5
- 6. Ff1 Cd4
- 7. c3 Cxd5
- 8. Ce4 Dh4
- 9. Cg3 Fg4
- 10. f3 e4
- 11. cxd4 Fd6
- 12. Fxb5+ Rd8
- 13. o-o exf3
- 14. Txf3 Tb8
- 15. Fe2 Fxf3
- 16. Fxf3 Dxd4+
- 17. Rh1 Fxg3
- 18. hxg3 Tb6
- 19. d3 Ce3
- 20. Fxe3 Dxe3
- 21. Fg4 h5
- 22. Fh3 g5
- 23. Cd2 g4
- 24. Cc4 Dxg3
- 25. Cxb6 gxh3
- 26. Df3 hxg2+
- 27. Dxg2 Dxg2+
- 28. Rxg2 cxb6
- 29. Tf1 Re7
- 30. Te1+ Rd6
- 31. Tf1 Tc8
- 32. Txf7 Tc7
- 33. Tf2 Re5
- 34. a4 Rd4
- 35. a5 Rxd3
- 36. Tf3+ Rc2
- 37. b4 b5
- 38. a6 Tc4
- 39. Tf7 Txb4
- 40. Tb7 Tg4+
- 41. Rf3 b4
- 42. Txa7 b3 0-1.
Evgueny Svechnikov-Guennadi Kouzmine, Championnat d'URSS, Leningrad, 1977
- 1. e4 e5
- 2. Cf3 Cc6
- 3. Fc4 Cf6
- 4. d4 exd4
- 5. o-o Cxe4
- 6. Te1 d5
- 7. Fxd5 Dxd5
- 8. Cc3 Da5
- 9. Cxe4 Fe6
- 10. Fd2 Df5
- 11. Fg5 h6
- 12. Dd3 Dd5
- 13. Ff6 Rd7
- 14. Tad1 Te8
- 15. Cxd4 Cxd4
- 16. Fxd4 Rc8
- 17. Cc3 Dd7
- 18. De2 Dc6
- 19. Cb5 Fc5
- 20. Fxc5 Dxc5
- 21. Cd4 Fd7
- 22. Dd2 Fg4
- 23. Cb3 Dg5
- 24. Dxg5 hxg5
- 25. f3 Ff5
- 26. Cd4 Fg6
- 27. c3 c6
- 28. h3 Rc7
- 29. Rf2 Rb6
- 30. Cb3 1/2-1/2 (partie nulle par accord mutuel).
Roman Dzindzichashvili-Gildardo García, Tournoi open de New York, 1988
1. e4 e5 2. Cf3 Cc6 3. d4 exd4 4. Fc4 (la partie débute par une ouverture appelée Gambit écossais, qui est notamment recommandée pour les Blancs dans le livre-répertoire Chess Openings for White, Explained, dont l'un des auteurs n'est autre que Roman Dzindzichashvili) 4...Cf6 5. e5 (la partie a maintenant transposé dans la sous-variante 1. e4 e5 2. Cf3 Cc6 3. Fc4 Cf6 4. d4 exd4 5. e5 de la défense des deux cavaliers) 5...d5 6. Fb5 Ce4 7. Cxd4 Fc5 8. Fe3 Fd7 9. Fxc6 bxc6 10. Cd2 De7 11. Cxe4 dxe4 12. e6![5] fxe6 13. Cxc6! Fb4+ 14. Cxb4 Dxb4+ 15. Dd2 Dxb2 16. o-o Db5 17. Tfd1! a5 18. Tab1 Da4 19. Fc5 o-o-o 20. Fe7 Tde8 21. De2! Dc6 22. De3! Da8 23. Dc5 Fc6 24. Tb3 e3 25. fxe3 Fxg2 26. Tc3 Dc6 27. De5 Txe7 28. Txc6 Fxc6 29. Dxa5 Td7 30. Da6+ Fb7 31. Dxe6 Thd8 32. Txd7 Txd7 33. Dg8+ Td8 34. Dxh7 Fd5 35. a4 Rb7 36. Dd3 Td6 37. Db5+ Rc8 38. a5 Tg6+ 39. Rf1 Fg2+ 40. Rf2 Rd8 41. Dd3+ 1-0.
Notes et références
- Watson 2007, p. 133.
- Watson 2007, p. 134-37.
- Watson 2007, p. 137-144.
- Watson 2007, p. 145-148.
- Les annotations sont tirées de Chess Openings for White, Explained.
Bibliographie
- Encyclopédie des ouvertures d'échecs, volume C, 4e édition, Belgrade, 2000, (ISBN 86-7297-045-4)
- (es) Daniel Elguezabal Varela, Curso de aperturas : Sistemas abiertos, La Casa del Ajedrez, Madrid, 2005, (ISBN 84-932131-4-4)
- (en) Lev Alburt, Roman Dzindzichashvili et Eugene Perelshteyn (en), Chess Openings for White, Explained : Winning with 1. e4, Chess Information and Research Center, New York, 2006, (ISBN 978-1889-32311-4)
- (en) Jan Pinski, The two knights defence, Everyman Chess, 2004, (ISBN 1-857442-83-0)
- John Watson (trad. François-Xavier Priour), Maîtriser les ouvertures, vol. 1, Les Avirons, Olibris, , 426 p. (ISBN 978-2-916340-16-6).
- Portail des échecs