Dégagisme
Le « dégagisme » est un néologisme politique fondé à partir du verbe « dégager » et popularisé à partir de 2011 lors du Printemps arabe. Il a été introduit dans les commentaires de la politique française en 2017.
Il tire en réalité son origine du mouvement de protestation (né au sein de la diaspora congolaise en 2010[1] à partir de l’opposant Eric Mulalu[2]) visant à faire « dégager »[3] Joseph Kabila, ancien président en exercice. Il est utilisé en politique pour demander l'éviction, par la force ou non, de la ou des personnes détenant le pouvoir, sans volonté de le reprendre, conduisant ainsi à une vacance du pouvoir. Il vise dans certains cas à générer une réflexion autour de la notion de pouvoir pendant la période de vacance sans pour autant réclamer qu'une nouvelle personne ne prenne le pouvoir[4].
Définition
Laurent d'Ursel, membre du collectif belge Manifestement, définit le « dégagisme » comme « dire à celui qui a le pouvoir de partir sans dire qu’il y a mieux, sans vouloir être à sa place. Simplement dire « dégage » et assumer le risque du vide, contempler ce vide, voir ce qui se passe avec ce vide. » Il distingue aussi le concept de « dégagisme » de celui d'anarchisme : selon lui, « l’anarchie, c’est un truc petit bourgeois, on croit que l’on peut se passer de tout, que l’anarchie est viable, ce qui est un mythe. Ici, il n’y a pas rien, il y a le vide[5]. »
Utilisations
La notion de "dégagisme" apparaît en 2010 par Eric Mulalu, opposant à la politique du gouvernement congolais. A quelques mois des élections de 2011, en mars 2010, dans une vidéo[6] qu'Eric Mulalu adresse à Joseph Kabila, il invite ce dernier à ''dégager''. Le slogan ''Kabila Dégage'' devient alors populaire au sein de l'opposition congolaise qui le scande lors de diverses manifestations et marches.
Le néologisme est pour la première fois utilisé en Tunisie en 2011 au cours du Printemps arabe et fait référence aux injonctions « Dégage ! » lancée dans les manifestations hostiles au président Ben Ali[4],[7].
Le , le gouvernement Di Rupo met fin à 482 jours de vacance du pouvoir (un record dans le monde). C'est dans ce contexte politique particulier qu'est théorisé le « dégagisme »[8].
L'apparition du terme en France
En , le néologisme est utilisé par Jean-Luc Mélenchon et des cadres dirigeants du Front de gauche pour saluer le résultat des primaires de la gauche et la défaite de Manuel Valls[9],[10]. En 2017, M. Macron est élu le plus jeune Président de la Vème République: pour Damon Mayaffre, « le macronisme électoral est une version polie et républicaine du dégagisme ambiant qui marque la France sinon le monde contemporain »[11].
Critiques
La définition de Laurent d'Ursel et les commentaires de Jacques Attali ("Après le dégagisme soft, dont Emmanuel Macron a bénéficié en 2017, peut venir le dégagisme hard..."[12]) s'opposent notamment à l'approche de l'Homme providentiel et pourraient apparaître comme une variante plus imagée de l'analyse de l' alternance.
Notes et références
- MULALU, « CARTON ROUGE "KABILA DÉGAGE" du 15 MARS 2010 : MINUTE 5.33 à 6.06 », (consulté le )
- Click 4 Corp, « Parcours », sur RDC (consulté le )
- La Tribune Franco-Rwandaise, « RDC : Paris aux cris de "Kabila dégage !" (vidéo) », sur LA TRIBUNE FRANCO-RWANDAISE (consulté le )
- William Audureau, « Qu’est-ce que le « dégagisme » de Jean-Luc Mélenchon ? », sur lemonde.fr, (consulté le )
- Olivier Mouton, « Ces Belges qui ont inventé le « dégagisme » », sur lesoir.be, (consulté le )
- MULALU, « CARTON ROUGE "KABILA DÉGAGE" du 15 MARS 2010 : MINUTE 5.33 à 6.06 », (consulté le )
- Akram Belkaïd, « En Tunisie, les ravages du «dégagisme» », sur slateafrique.com, (consulté le )
- « MANIFESTE DU DÉGAGISME de Collectif MANIFESTEMENT - MaelstrÖm reEvolution (2011) », sur www.maelstromreevolution.org (consulté le )
- « Alexis Corbière: "il y a un mouvement dégagiste qui traverse puissamment la France" », sur bfmtv.com, (consulté le )
- « A quoi fait donc référence le "dégagisme", applaudi par Mélenchon et ses lieutenants après la défaite de Valls ? », sur lci.fr
- Damon Mayaffre, « Les mots des candidats, de « allons » à « vertu », dans Pascal Perrineau (dir.), Le Vote disruptif, Paris, Presses de Sciences Po, (lire en ligne), p. 141-142.
- Jacques Attali, « Présidentielle: Marine Le Pen peut gagner », Les Echos, , p. 12 (lire en ligne ).