Dérivation lexicale

La dérivation lexicale, ou encore dérivation, est un des procédés de formation des mots, au même titre que le néologisme ou l'emprunt. Elle s'inscrit au sein de la morphologie dérivationnelle (ou lexicale).

Attention, bien que présentés dans cet article, les procédés de formation des mots suivants ne sont pas des dérivations[1] : la composition, la troncation, les mots-valise, les acronymes.

La conversion est une dérivation dite « impropre ».

  • La conversion[2] permet de changer la catégorie grammaticale d'un item lexical sans changer son sens.
  • La composition permet de créer des items lexicaux complexes formés de plusieurs autres items lexicaux sans pour autant faire intervenir d'affixes, dont l'utilisation est caractéristique de la construction.
  • La troncation est utilisée pour réduire la forme d'un mot, pour faire des diminutifs, hypocoristiques ou des abréviations.
  • Les mots-valises sont des contractions phonologiques à la frontière de deux items lexicaux. Le domaine de la morpho-phonologie est souvent transformé en morphonologie.
  • Les acronymes permettent de contracter un ensemble de plusieurs items lexicaux en un seul (Bibliothèque Universitaire > BU, Caisse des Allocations Familiales > CAF), pour plus de détail sur leur prononciation, voir Plénat (2007b)[3].
  • La dérivation est l'ajout d'un affixe à un radical.

Note. Les langues sémitiques, fonctionnant par gabarits, ne peuvent être expliquées par ces procédés, bien que certaines théories aient essayé de nommer les gabarits[4] tri-consonantiques C-C-C (schèmes) des bases et les gabarits pluri-vocaliques (V-V, V-V-V, V-V-V-V, etc.) des transfixes.

Conversion

La conversion est souvent considérée comme une suffixation nulle, également appelée dérivation impropre en français. Des exemples de conversion peuvent se trouver assez facilement :

  • orangeN (fruit) > orangeAj (couleur) ;
  • mangerV > le mangerN ;
  • giflerV > gifleN ;
  • grandAj > grandN mon grand »).

On peut également considérer les catachrèses (type de métonymie) comme des conversions. Ce procédé est très utilisé dans les argots et certains cryptolectes (technolectes et sociolectes). Prenons l'usage du terme « souris » :

  • souris : petit mammifère, rongeur, etc. ;
  • sourisInf. : périphérique de saisie manuelle créant un pointeur à l'écran ;
  • sourisArg. : femme légère, voleuse[5].

Composition

La composition[6] permet de jumeler deux items lexicaux pour en former un nouveau. Le sens de ce nouvel item peut porter sur l'un des items de sa fabrication (il est dit endogène[7]), ou sur l'ensemble des deux ou sur aucun (il est dit exogène)[8].

Exemples :

porterv + manteaun > portemanteaun : le sens est endogène

porterv + plumen > porte-plumen : le sens est exogène

tirerv + bouchonn > tire-bouchonn : le sens est endogène

tournerv + visn > tournevis : le sens est exogène.

La composition permet également de créer des termes en mélangeant deux langues différentes, on dénombre ainsi en français, des composés :

  • grec-latin
  • latin-grec
  • latin-latin/grec-grec
  • latin-français

Troncation

La troncation permet de raccourcir un item lexical. Les éléments tronqués peuvent être laissés de la sorte, être suffixés ou dupliqués (cas des hypocoristiques). Ce procédé est très utilisé dans les argots. Le terme dérivation régressive est utilisé en linguistique traditionnelle française pour exprimer les cas, souvent utilisés en ancien français et moyen français, de suppression d'un suffixe par analogie (démocrate et aristocrate à partir de démocratie et aristocratie).

Exemples :

Bibliographie > biblio

Bibliothèque > bibli

Florence > Flo > Floflo

Forum > fo > fofo

Directeur > dir > dirlo

Allumette > al > alouf

Frangin > frang- > frangibus

Nicolas Sarkozy > Sarkozy > Sarko

Dans l'ensemble, le français tend à apprécier les finales de mots tronqués en [o], l'anglais américain semble apprécier les finales en [a] (argots américains).

Mot-valise

Procédé qui consiste à coller le début d'un mot à la fin d'un autre pour créer un nouveau mot, souvent à but humoristique ou satirique[9].

franglais : français + anglais ;

transistor : transfer + resistor ;

alicament : aliment + médicament ;

adulescent : adulte + adolescent ;

Acronyme

Un acronyme est un sigle passé dans le langage courant : ovni, radar, sida, ...

Dérivation

La dérivation est l'ajout d'un affixe à un radical. On dénombre plusieurs types d'affixes, cependant, les découvertes et appellations de la linguistique moderne entrent parfois en conflits terminologiques avec ceux de la linguistique traditionnelle.

Le terme "affixe" regroupe un ensemble de cinq éléments :

  • Préfixes, placés avant leur base
  • Infixes, placés à l'intérieur d'une base, ou entre une base et un affixe d'un terme déjà lexicalisé
  • Suffixes, placés après la base

Préfixation

En français, la préfixation permet de changer le sens d'un élément lexical sans pour autant le changer de catégorie (nom, verbe, adjectif, adverbe). L'origine de ces préfixes est très souvent latine, mais il arrive parfois qu'elle soit germanique ou gauloise.

Préfixe re- + base donner → redonner

Infixation

L’infixation, procédé qui consiste à insérer un affixe à l’intérieur d’un mot, n'existe pas en français, mais est courante dans les langues austronésiennes :

Infixation en bontoc (Philippines):

fikas ‘fort’

f-um-ikas ‘être fort’

kilad ‘rouge’

k-um-ilad ‘être rouge’

Selon certains[réf. nécessaire], un mot comme ‘fuckin’ peut fonctionner comme un infixe en anglais (it’s un-fuckin-believable!).

Suffixation

Exemples :

Base sauter + ill → sautiller : ici, on remarque la formation de sautiller sur sauter. La forme -er à la fin d'un verbe n'est pas à considérer comme un suffixe, puisqu’il s'agit d'une forme de son paradigme flexionnel, et par conséquent, le verbe "sauter" est représenté par sautv. Sautiller est donc une suffixation, puisque le -ill /ij/ se fixe après la base simple sautv.

Base fin + suffixe -al → final

Parasynthèse

Préfixe et suffixe sont ajoutés simultanément.

Exemples :

  • Préfixe a- + base peur + suffixe → apeuré (ni "apeur", ni "peuré" n'existent, apeuré est donc formé par parasynthèse. Cependant, il y a aussi la possibilité de considérer que le -é d'apeuré est un participe passé, aussi, bien que la forme apeur n'existe pas, apeurer existe, et comme expliqué plus haut, -er n'est pas un suffixe puisqu'une marque de flexion. Apeuré peut donc être analysé comme :
  • sterbenAll. 'mourir' : participe passé → gestorben.

Articles connexes

Références

  1. Bernard Bouillon, « LA FORMATION DU VOCABULAIRE », sur bbouillon.free.fr (consulté le ).
  2. Kerleroux Françoise (1999). Identification d'un procédé morphologique : la conversion. In: Faits de langues no 14, octobre 1999 p. 89-100.
  3. Plénat, Marc (2007b).
  4. Jean Lowenstamm, « À propos des gabarits », Recherches linguistiques de Vincennes [En ligne], 32 | 2003.
  5. Esnault, Gaston (1965). Dictionnaire Historique des Argots du Français, Larousse, Paris. p. 585
  6. Villoing, Florence (2003). Les composés VN, Thèse de Doctorat.
  7. CNRTL : Endogène
  8. Claveau & L'Homme (2005)
  9. Site de Bernard Bouillon
  10. Référence impossible, notion trop basique.
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