Diaconie (Rome)

Une diaconie est le nom donné à une paroisse romaine à la tête de laquelle on trouve un cardinal-diacre, un membre de l'un des trois ordres de hauts dignitaires cardinalices de l'Église catholique romaine chargés d'assister le pape.

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Saint-Théodore-au-Palatin

Elle trouve son origine dans l'Antiquité tardive, à la fois dans la fonction des diacres qui administraient les regio de la ville de Rome et dans l'institution d'assistance sociale appelée diaconia. Au nombre de sept à l'origine suivant la tradition du Liber Pontificalis, elles se sont multipliées au fil des siècles pour atteindre le nombre des soixante-neuf diaconies cardinalices en 2015.

Origines

Ces paroisses ont une double origine[1], puisée d'une part dans la fonction de diacres régionnaires établis au sein de la communauté paléo-chrétienne de Rome, chargés de l'administration ecclésiastique de sept quartiers de la ville, et d'autre part dans les diaconies proprement dites, des institutions charitables destinées aux nécessiteux apparues dans la ville vers la fin du VIIe siècle[2].

Suivant le Liber Pontificalis, la tradition fait remonter à l'évêque Fabien la division de Rome en sept entités dirigées par un « diacre », lui-même secondé par un sous-diacre, correspondant chacune à deux des quatorze regio de l'administration impériale romaine[3]. Ils ne sont alors désignés que par la regio dont ils ont la charge (diaconus regionis primae, secundae...)[1].

Des « diaconies » – sous forme de centres d'assistance confiés à des moines et connus sous le nom de monasteria diaconia[2] - sont mentionnées en Italie pour la première fois au VIe siècle par Grégoire le Grand[4] qui en signale à Pesaro, Naples et Ravenne, probablement importées dans la péninsule italienne par des moines orientaux dont il n'est pas impossible qu'ils visaient un rôle pastoral auprès des populations grecques émigrées[5]. Ce type d'institutions charitables sont en effet d'abord apparues vers le IVe siècle dans la chrétienté égyptienne où elles sont liées au développement du monachisme[5].

Implantation

Colonnes d'une ancienne statio annonae conservées à Sainte-Marie in Cosmedin

Les premières diaconies romaines sont apparues à une date indéterminée, probablement au tournant du VIIe siècle. La plus ancienne diaconie à avoir été en fonction semble être celle de Sainte-Marie-in-Cosmedin qui pourrait remonter à la fin du VIe siècle. L'Église de Sainte-Marie-in-Cosmedin était également appelée schola Graeca : le terme schola, à entendre ici comme « colonie », témoigne de l'importante implantation d'orientaux grecs dans ce quartier de Rome auxquels la ville doit probablement ces premières diaconies[6] pour répondre aux carence du pouvoir civil en organisant l'alimentation des citoyens indigents, suivant la tradition orientale[7]. Nombre d'entre elles sont d'ailleurs consacrées à des saints particulièrement vénérés dans la partie orientale de la chrétienté[8].

Il en va ainsi d'autres diaconies assez anciennes - Saint-Georges-en-Vélabre et Saint-Théodore - que l'on peut dater du tout début du VIIe siècle[9]. L'ancienneté de Saints-Serge-et-Bacchus est, elle, attestée par le Liber Pontificalis et doit peut-être remonter à la fin du VIIe siècle[9] car le pape Adrien Ier (772-795) la fait reconstruire et agrandir[10].

À l'époque du pape Léon III (795-816), on dénombre 22 diaconies dont neuf sont concentrées dans le centre de la ville, entre la rive est du Tibre et le Forum, probablement pour faciliter le transport de la nourriture et son accès. Elles occupent souvent des anciens sites de l'annone, le service public chargé de distribuer le blé du temps de l'Empire : Saint-Théodore-au-Palatin établie dans l’horrea Agrippiana du Grand Forum, Sainte-Marie in Cosmedin dans la statio annonae du Forum Boarium et Sainte-Marie le long de la Via Lata[11]. Cinq autres sont situées dans le Borgo, ce qui peut laisser penser que celles-là étaient plutôt destinées à nourrir les pèlerins[9].

Fonctionnement

La diaconie est alors conçue comme un centre d'assistance sociale qui peut pourvoir à la nourriture des nécessiteux mais parfois aussi à leur gîte, leur ameublement voire à leur attribuer un terrain ou un logement[12]. Chaque diaconie est dirigée soit par un pater diaconiae religieux ou un dispensator laïc, choisis par l'évêque de Rome, sous la direction desquels travaillent des moines, les diaconitae, qui sont assistés de servants ou esclaves des deux sexes[13]. Le pater ou le dispensator est chargé de l'administration et de l'entretien de la diaconie et de la gestion des bâtiments ainsi que de la rémunération des prêtres qui disent les messes dans les chapelles adjacentes ou assurent les prières aux benefactors de celles-ci[13]. Car ces institutions dépendent en effet largement - sinon totalement - des dons de ces « bienfaiteurs » riches et puissants qui prennent souvent la charge de dispensator et qui sont souvent de provenance orientale, à l'image d'un certain duc Eustathe, proche d'Étienne II ou encore du consul et duc Théodote, oncle du pape Adrien Ier et dispensator de plusieurs diaconies[14].

Ces personnages qui dirigent les institutions caritatives n'ont pas de fonctions ecclésiastiques et n'intègrent que progressivement le haut clergé romain - à partir du milieu du VIIIe voire au IVe siècle - où ils rejoignent les diacres régionnaires[5]. Ce n'est que vers le XIIe siècle qu'une synthèse s'opère entre les deux éléments qui n'avaient jusque-là rien de commun[1], pour intégrer les rangs des cardinaux-diacres et progressivement amener à la situation que nous connaissons de nos jours où les diaconies romaines ont totalement perdu leur vocation initiale à laquelle s'est substituée une fonction honorifique.

Diaconies anciennes

Voici la liste des plus anciennes diaconies, aux alentours du début du IXe siècle, dans la ville de Rome et son suburbium[15]. Beaucoup existent encore au XXIe siècle mais plusieurs ont fusionné, sont en suspens d'affectation cardinalice ou ont simplement disparu :

Notes et références

  1. Henri-Irénée Marrou, « L'origine orientale des diaconies romaines », Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. 57, , p. 95
  2. (en) Andrew J. Ekonomou, Byzantine Rome and the Greek Popes : Eastern Influences on Rome and the Papacy from Gregory the Great to Zacharias, A.D. 590-752, Lexington Books, , p. 207
  3. Paul Mattei, Le christianisme antique de Jésus à Constantin, Armand Colin, , p. 347
  4. Reg. Epist. V, 25 ; X, 8 ; XI, 17
  5. André Jacob et Jean-Marie Martin, « L'Église grecque en Italie (v.650-v.1150) », dans Luce Pietri, André Vauchez, Jean-Marie Mayeur et Marc Venard (dirs.), Histoire du christianisme, vol. IV : Évêques, moines et empereurs (610-1054), Desclée, , p. 354
  6. Reekmans Louis, « L'implantation monumentale chrétienne dans le paysage urbain de Rome de 300 à 850 », Actes du XIe congrès international d'archéologie chrétienne, 21-28 septembre 1986, Rome, École Française de Rome, vol. I et II, , p. 879
  7. (en) Andrew J. Ekonomou, Byzantine Rome and the Greek Popes : Eastern Influences on Rome and the Papacy from Gregory the Great to Zacharias, A.D. 590-752, Lexington Books, , p. 209
  8. voir à ce sujet Henri-Irénée Marrou, « L'origine orientale des diaconies romaines », Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. 57, , p. 95-142
  9. (en) Debra J. Birch, Pilgrimage to Rome in the Middle Ages : Continuity and Change, Boydell & Brewer, , p. 124
  10. Reekmans Louis, « L'implantation monumentale chrétienne dans le paysage urbain de Rome de 300 à 850 », Actes du XIe congrès international d'archéologie chrétienne, 21-28 septembre 1986, Rome, École Française de Rome, vol. I et II, , p. 878
  11. Jacques Biarne, « La christianisation de l'espace et du temps », dans Luce Pietri, André Vauchez, Jean-Marie Mayeur et Marc Venard (dirs.), Histoire du christianisme, vol. III : Les Églises d'Orient et d'Occident (432-610), Desclée, , p. 976
  12. (en) Debra J. Birch, Pilgrimage to Rome in the Middle Ages : Continuity and Change, Boydell & Brewer, , p. 123
  13. (en) Debra J. Birch, Pilgrimage to Rome in the Middle Ages : Continuity and Change, Boydell & Brewer, , p. 125
  14. (en) Andrew J. Ekonomou, Byzantine Rome and the Greek Popes : Eastern Influences on Rome and the Papacy from Gregory the Great to Zacharias, A.D. 590-752, Lexington Books, , p. 209-210
  15. d'après Reekmans Louis, « L'implantation monumentale chrétienne dans le paysage urbain de Rome de 300 à 850 », Actes du XIe congrès international d'archéologie chrétienne, 21-28 septembre 1986, Rome, École Française de Rome, vol. I et II, , p. 915 et suiv.
  16. à la fois église titulaire et diaconie
  17. Ces diaconies se trouvaient dans le Borgo

Bibliographie

  • (en) Andrew J. Ekonomou, Byzantine Rome and the Greek Popes : Eastern Influences on Rome and the Papacy from Gregory the Great to Zacharias, A.D. 590-752, Lexington Books, , p. 207
  • (it) Ottorino Bertolini, « Per la storia delle Diaconie Romane nell'Alto Medioevo sino alla fine del secolo VIII », Archivio della Società Romana di Storia Patria, no 70, , p. 1-145
  • Henri-Irénée Marrou, « L'origine orientale des diaconies romaines », Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. 57, , p. 95-142
  • Louis Duchesne, « Les régions de Rome au moyen-âge », Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. 10, , p. 126-149

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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