Didjeridoo
Le didjeridoo[1], aussi orthographié didjéridoo[2], didjeridou[3] ou didgeridoo[3] (prononcé : /di.dʒe.ʁi.du/) est un instrument de musique à vent de la famille des cuivres, bien qu'il soit en bois. À l'origine, cet instrument est joué par les Aborigènes du Nord de l'Australie, son usage semble très ancien et pourrait remonter à l'âge de la pierre (20 000 ans), d'après une peinture rupestre représentant un joueur de didgeridoo, analysée au carbone 14. C'est une trompe en bois, lointaine cousine du cor des Alpes ou du tongqin tibétain.
Didjeridoo | |
A, B et C : trois didgeridoos montés et décorés traditionnellement par des fabricants traditionnels d'instruments. D : un didgeridoo aborigène typique non traditionnel fabriqué pour le commerce touristique avec des décorations non traditionnelles. E : un didgeridoo fabriqué par des non aborigènes en Australie, non décoré. | |
Famille | Instrument à vent de la famille des cuivres |
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Le mot est d'origine onomatopéique, inventé par les colons occidentaux à partir du son de cet instrument. Les Aborigènes le nomment différemment en fonction de leur ethnie. Parmi la cinquantaine de noms, les plus courants sont : yidaki, mooloo, djubini, ganbag, gamalag, mago, maluk, yirago, yiraki, didgeridoo, etc.
Description
Fabrication
Le didgeridoo est réalisé en eucalyptus dans les territoires du nord de l'Australie, et en d'autres matières (palmier, teck, bambou, etc.) dans le monde[4]. Les termites évident le tronc de l'arbre d'eucalyptus sur toute sa longueur en se nourrissant de la sève[5]. Sa longueur varie de 100 à 180 cm en moyenne, et son diamètre de 5 à 30 cm. L'embouchure est généralement fabriquée en cire d'abeille pour la ramener à un diamètre facilement jouable proche de 30 mm, la rendre plus lisse (le bois ou le bambou, bruts, font souvent très mal à cause des vibrations), mieux l'adapter à la forme de la bouche et la protéger de l'humidité. Les didgeridoos traditionnels peuvent présenter une embouchure recouverte de sugarbag, une cire d'abeilles sauvages, mais ont plus souvent une embouchure directement jouable. Traditionnellement, il peut être décoré par des peintures représentant des scènes de la mythologie aborigène ou des motifs claniques.
Il existe aujourd'hui des didgeridoos fabriqués par différentes méthodes :
- Sandwich : creusé manuellement, à partir d'une branche de n'importe quelle essence d'arbre coupée en deux dans le sens de la longueur, afin d'évider l'intérieur, puis recollée.
- Perçage : le didgeridoo est percé de part et d'autre à l'aide de longs forets.
- Tournage : le didgeridoo se décompose en plusieurs morceaux tournés, pour être collés les uns après les autres et ainsi former un nouveau didgeridoo.
- Accordable : Il existe des didgeridoos accordables. Le principe est de modifier la longueur de la perce par un système de coulisse.
- Naturelle : Il existe aussi des didgeridoos façonnés par les termites. Les termites creusent le cœur des eucalyptus vivants pour y installer leurs colonies. Avec des autorisations et permis gouvernementaux réglementés, on peut récupérer le bois encore debout et enlever les termites pour en faire le corps du didgeridoo. On peut aussi trouver des bois creux et morts.
Plusieurs sortes de didgeridoos ont été inventées afin de gagner en richesse de jeu ou de pratique. Ils peuvent être faits en différents matériaux, tels que le bois, le bambou ou encore en aluminium voire en PVC, en argile, en verre, en papier mâché, en plastique, en agave, etc. On peut compter trois variantes principales :
- les travel didgeridoos (travel didges, didgeridoos de voyage) sont démontables en plusieurs pièces de taille réduite, ce qui permet un transport plus aisé et de changer les notes. Ils utilisent principalement un système de pas de vis pour joindre les différents morceaux.
- les slide didgeridoos (slide didges ou didjeribones, terme qui tire son nom d'une marque) : ces didgeridoos peuvent changer de taille et donc de note de base (à noter que contrairement aux travel didgeridoo, ceux-ci peuvent changer de note pendant le jeu), grâce à un système de coulisse. Certains modèles possèdent d'ailleurs des vis afin de garder l'instrument à une note spécifique, pour d'autre il suffit de les tourner d'un quart de tour et ils sont fixés.
- les didgeboxes (nom du modèle) qui consistent en une « boîte » de petite taille (une quarantaine de centimètres) percée de deux trous, dans laquelle un système de chicanes permet de restituer le son de l'instrument original (mais de moindre qualité).
Jeu
Pour jouer du didgeridoo, le musicien fait vibrer ses lèvres comme pour un cor de chasse, cor des Alpes ou une trompette, avec cependant une tension moins forte des muscles labiaux. Une des particularités du didgeridoo réside dans le fait que la plupart des joueurs utilisent la technique dite du souffle continu ou respiration circulaire. Celle-ci permet de maintenir un souffle d'air constant permettant de jouer sans s'arrêter, même lors de l'inspiration.
Le son de base, le bourdon, est produit par une vibration monotone des lèvres sur l'embouchure. Les aborigènes prononcent, sur ce son fondamental des mots ou des onomatopées qui imitent le cri des animaux qui peuplent leur univers spirituel (chants d'oiseaux, coassement des grenouilles, chiens sauvages…) ou le son des objets usuels (boomerang)[5]. C'est une manière de s'approprier leur voix et leurs pouvoirs[5].
Pour créer des mélodies, il existe cinq sortes de variations à partir du bourdon :
- De légères variations du débit d'air qui abaissent ou augmentent la hauteur de la note du bourdon ;
- L'amplification d'harmoniques présentes dans le bourdon, à partir de mouvements des lèvres et surtout de la langue, utilisée aussi pour le chant diphonique ;
- La variation du volume d'air dans les joues ou des poussées du diaphragme, de la langue ou des cordes vocales, qui permet des accentuations rythmiques ;
- Les vocalises qui viennent se superposer au bourdon, et qui imitent souvent des cris d'animaux dans le jeu aborigène ; le joueur peut aussi chanter dans le didgeridoo ;
- Le quintoiement (appelé aussi survibration, overtone(en) ou toot(en)) qui s'obtient par un pincement des lèvres, de manière à souffler comme dans une trompette et qui produit un son de corne de brume proche de l'octave supérieure du bourdon de base. En augmentant encore la tension des lèvres, il est possible d'obtenir d'autres survibrations plus aiguës, comme pour un cor de chasse. La hauteur des survibrations dépend de la cônicité de l'instrument : pour un didgeridoo parfaitement cylindrique (comme un tuyau de PVC) on obtient par exemple un bourdon à 65 Hz (do 4), une première survibration à 196 Hz (sol 5) et une deuxième survibration à 328 Hz (mi 6), qui coïncident quasiment avec les harmoniques (impaires) composant le timbre du bourdon ; pour un didgeridoo de forme générale conique, on peut obtenir par exemple un bourdon à 65 Hz (do 4), une première survibration à 144 Hz (ré 5 : une octave + un ton au-dessus du bourdon) et une deuxième survibration à 237 Hz (la-dièse 6), alors même que les harmoniques de 130 Hz, 195 Hz, 260 Hz etc. sont bien celles qui composent le timbre du bourdon (calculé avec DIDGMO, vérifié par l'expérience). Il convient donc de ne pas confondre les deux notions d'harmoniques et de survibrations.
On peut retrouver le didgeridoo dans différents styles, en musique traditionnelle, world, en electro, rock, rap (notamment pour obtenir un jeu de basse), etc. De plus, avec l'arrivée des slide didgeridoos, de nouvelles techniques de jeu ont émergé.
Notes ou tessiture
Selon la longueur de l'instrument et la vitesse du souffle, les didgeridoos produisent des notes différentes. La note ou tessiture va forcement dépendre d'un rapport entre longueur de l'instrument et diamètre interne de la colonne d'air. On peut alors définir deux grandes catégories de formes qui existent dans la fabrication d'un instrument. La forme conique et la forme cylindrique, le tout ensuite est de choisir quelle forme sera plus adapté à votre style de jeu. Souvent un didgeridoo est un fin mélange entre ces deux types de formes. Dans les grandes lignes, plus un instrument est long, plus les notes qui peuvent être jouées sont graves. Un jeu lent avec des notes basses donne un caractère plus méditatif.
- La plupart des personnes qui jouent lentement et aiment un air méditatif, jouent sur des notes basses de A (La) à D (Ré).
- Les joueurs qui aiment la polyvalence et le rythme ont vite tendance à préférer les notes du milieu de D(Ré) à F(Fa)
- Les joueurs qui aiment les jeux speeds avec du volume vont souvent vers les notes de F(Fa) à G(Sol).
Usage
À l'origine, l'instrument est uniquement joué par les hommes aborigènes[7]. L'accompagnement est fait de bâtons de rythme ou de boomerangs entrechoqués joués par un ou plusieurs autres musiciens et est presque toujours associé à la danse et au chant[7]. Son usage est majoritairement celui des cérémonies non secrètes, des funérailles, des chansons de clan où sont expliqués les lignées, les territoires et les emblèmes. Mais également pour les chants de divertissement, le jeu des claves et les rituels de circoncision et chansons enfantines[7],[8].
Origine mythologique
Une légende aborigène raconte l'origine de cet instrument[9],[10] :
« Au commencement, tout était froid et sombre.
Bur Buk Boon était en train de préparer du bois pour le feu afin d’apporter protection, chaleur et lumière à sa famille.
Bur Buk Boon remarqua soudain qu’une bûche était creuse et qu’une famille de termites grignotait le bois tendre du centre de la bûche.
Ne voulant pas blesser les termites, Bur Buk Boon porta la bûche creuse à sa bouche et commença à souffler.
Les termites furent projetées dans le ciel nocturne, formèrent les étoiles et la Voie lactée, illuminant le paysage.
Et pour la première fois le son du didgeridoo bénit la Terre-Mère, la protégeant elle et tous les esprits du Temps du rêve, avec ce son vibrant pour l’éternité. »
Les « faux » didgeridoos
Il y a beaucoup de « faux » didgeridoos. Certains sont même fabriqués en Asie, percés à la foreuse, avec une main-d’œuvre bon marché. On les trouve dans la plupart des magasins de musique car leur prix est souvent attractif pour les néophytes. De couleurs beiges claires, en eucalyptus ou en teck, relativement droits (pour faciliter le passage de la vis), ces "didgeridoos" ne sont souvent pas vernis ce qui les exposent aux fissures.
Ils sont vendus dans certains magasins touristiques en Australie comme des instruments authentiques, ce qu´ils ne sont en aucun point.
En effet, leurs qualités acoustiques, leurs finitions, ainsi que leurs jouabilités, sont souvent de qualités médiocres.
Il convient donc de bien différencier un instrument de ce type d'un didgeridoo authentique.
L'authenticité culturelle
Le didgeridoo authentique fait traditionnellement par les Aborigènes est originaire du nord de l’Australie. Pour une raison simple, il n’y a que dans le Nord que vous trouverez des termitières qui mangent le cœur des arbres d'eucalyptus vivants. Avant toute acquisition, demandez au vendeur des précisions sur l’histoire du didgeridoo, comment et pourquoi il est utilisé, le nom de l'Aborigène ou de la tribu qui a réalisé l'instrument ou encore quelle est sa signification culturelle. Vous remarquerez vite si le vendeur s’y connaît ou non. Si on vous dit que l'instrument est fabriqué en Inde, malheureusement il s'agit d'une contrefaçon. Cela ne veut pas dire que le didgeridoo en question est forcement mauvais, juste que ce n'est pas un authentique didgeridoo d'Australie. Un bon vendeur n'aura aucun mal à vous donner toutes ces informations[6], car le circuit « légal » de vente est aujourd'hui bien en place.
Dans la musique occidentale
Quelques musiciens occidentaux utilisent occasionnellement l'instrument dans leurs œuvres :
- Public Image Limited, Ease, album ALBUM (1986)
- Virgin Prunes, Bau-Dachong, album If I die, I die (1982)
- Dead can dance, Song of the stars, album Spiritchaser (2008)
- Philip Glass, Voices, pour Didgeridoo et orgue (2001) ;
- Annea Lockwood :
- Thousand Year Dreaming, pour dix instruments, dont quatre Didgeridoo (1993) avec projection des œuvres de la Grotte de Lascaux.
- Sula (fondu) pour orchestre (1999)
- Sean O'Boyle, Concerto for Didgeridoo ;
- Peter Sculthorpe :
- Quatuors à cordes nos 12, 14, 16 et 18,
- Requiem (2004).
- Kate Moore, The Dam [« Le barrage »]
- Sophie Lacaze :
- And then there was the sun in the sky pour flûte, didgeridoo en mi bémol et orchestre de flûtes (2000)
- Dreaming, opéra de chambre pour 3 voix, didgeridoo, flûte, violoncelle et percussions (2004)
- Le Bécut pour didgeridoo, flûte et chœur d'enfants (1999)
- Bur Buk Boon pour didgeridoo et orchestre d'enfants (2019)
Notes et références
- « didjeridoo », dictionnaire Larousse.
- « didjéridoo », sur dictionnaire.lerobert.com, Éditions Le Robert (consulté le ).
- « didjeridou », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ).
- Maioli 1991, p. 116.
- Kersalé 2003, p. 124.
- « Comment choisir son Didgeridoo? » (consulté le )
- Kersalé 2003, p. 123.
- Types identifiés par Alice M. Moyle en 1974 (note de Kersalé 2003, p. 123).
- « L'histoire du Didgeridoo », sur didjaman.com (consulté le ).
- « L'art aborigène — La musique australienne et le didgeridoo », sur UniGe.ch (consulté le ).
- « Attention aux didgeridoos pas chers », sur https://www.wakademy.online/ (consulté le )
Bibliographie
- Dirk Schellberg (trad. de l'allemand par Marie Hooghe), Le didgeridoo : origine rituelle et techniques [« Didgeridoo, das faszinierende Instrument der australischen Ureinwohner »], Éditions Binley Kok, Diever, 1995 (OCLC 717479069)
- Walter Maioli (trad. de l'italien par Sabine Valici, préf. Geneviève Dournon, ill. Michela Rangoni Machiavelli), Son et musique : leurs origines, Paris, Flammarion, coll. « Bibliothèque des origines », , 157 p. (ISBN 2081630028, OCLC 54130596, BNF 35474243)
- Patrick Kersalé (avec deux disques), Musiques traditionnelles du monde : communiquer ici, là-bas et au-delà…, Lyon, Lugdivine, , 176 p. (ISBN 2914040261, OCLC 742841684, BNF 39183844), p. 123–124.
- Gauthier Aubé (avec un disque), Comment jouer vos premiers rythmes au didgeridoo : même si vous n'êtes pas musicien, Wakademy, , 134 p.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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